dimanche 31 mars 2013

Pom pom pidou

Visite du Centre Pompidou Metz

Après en avoir beaucoup entendu parlé, j'ai pu visiter dernièrement le centre Pompidou de Metz qui a ouvert en mai 2010. Situé à coté de la gare, le bâtiment est visible de loin et se démarque par une architecture originale.

Le bâtiment :

Les architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines ont dessiné un toit en toile blanche sur une charpente en bois et l'ensemble constitue un bâtiment lumineux. Ce premier exemple de musée décentralisé ressemble ainsi a une sorte de temple de la culture moderne.



A l'intérieur, l'ossature en bois clair donne un coté chaleureux. Toutefois, j'ai été frappée par le grand nombre d'espaces vides à l'intérieur, déjà un immense hall d'accueil où la température frôle celle de l'extérieur (et où le personnel travaille avec pulls et écharpes !) et seule la moitié de l'espace d'exposition semble utilisée.


Par contre, si architecturalement l'ensemble est sympa, cela n'a pas l'air hyper solide puisque le toit en toile blanche s'est en partie écroulé sous un amas de neige ! 


Les expos : 

L'exposition s'intitule "Une brève histoire des lignes". "Élargissant la définition stricte du dessin, elle (l'exposition) explore la manière dont les lignes s’inscrivent dans notre quotidien et notre environnement. Qu’elles soient pérennes ou éphémères, physiques ou métaphoriques, elles sont omniprésentes : dans le geste de l’écriture, les sillons du paysage ou encore le sillage laissé par nos gestes et trajectoires." C'est en partie le minimalisme qui est à l'honneur, mais pas seulement. Cette exposition regroupe 220 œuvres et beaucoup de pointures comme Kandinsky, Marcel Duchamp, Man Ray  pour les plus connus, les autres artistes m'étant inconnus. L'omniprésence de lignes, de traits, qui définissent une bonne partie de la création contemporaine, c'est ce qui est démontré ici.

Si certains tableaux me laissent perplexe (J'avoue ne pas être béate d'admiration face à une toile blanche traversée de quelques lignes noires...), certaines oeuvres ont quand même retenu mon attention.

Léon Ferrari et ses héliographies "architectures de la folie". Cette toile représente des petits personnages vus d'en haut dont la ligne semble toute tracée.


Olafur Eliasson et ses tableaux noirs avec des lignes blanches qui font penser à des oscillogrammes ; des tableaux qui ressemblent plus à des photos :


Kisho Kirukawa est un architecte japonais qui s'inspire du fonctionnement du corps humain pour ses oeuvres où les lignes ressemblent à des artères. D'où ces esquisses dignes d'une école de médecine :


L'étonnante oeuvre gigantesque de Christo et Jeanne-Claude, artistes célèbres pour leurs empaquetages géants. Ils ont réalisé une ligne de voile haute de 5,5 mètres qui s'étale sur 40 km dans les collines californiennes!



Ou encore les 51 photos de bottes de l'américaine Ellanor Antin. Elle a photographié une centaine de bottes  formant des lignes dans des lieux divers et insolites en 1973. Toutes les photos (plus originales les unes que les autres !) sont visibles sur ce site.


Bruce Conner et ses tableaux sombres constitués de milliers de points et de lignes recourbés. Sans trouver cela beau, on peut quand même être étonné par le temps qu'il a dû passer à faire ces fresques géantes...


Cette fresque murale géante constituée de milliers de lignes fait penser à la sève d'un arbre.


Expo Sol LeWitt

La seconde exposition est consacrée à l'artiste américain conceptuel et minimaliste Sol LeWitt (1928-2007) et présente ses oeuvres murales constituées de lignes. De prime abord on est un peu surpris de voir que ces oeuvres sont en fait une série de lignes et de formes géométriques en tous genres.


Un mur contenant des dizaines de carrés constitués eux même de carrés tous différents...


De grands murs de lignes circulaires ou droites noires et blanches produisant un effet hypnotisant :





A la fin de l'exposition, un film explique comment a été réalisée cette exposition par les élèves des écoles d'art de la région. Ceux-ci ont suivi fidèlement les conseils du chargé d'exposition qui s'appuie sur le travail et les mesures ultra-précises qu'a prises l'artiste pour réaliser ces grandes fresques. Celles-ci ont été reproduites à l'identique sur les murs du centre Pompidou - Metz. Cette vidéo est vraiment intéressante mais je trouve qu'il serait plus judicieux de la voir au début de l'exposition pour mieux comprendre les œuvres ensuite !

Ces deux expositions sont visibles jusqu'au 1er avril.
Les prochaines expositions :
- à partir du 17 mai "Vues d'en haut" une exposition consacrée aux images aériennes ;
- à partir du 31 mai, une exposition numérique consacrée à la Beat Generation.

Centre Pompidou Metz
1, parvis des Droits-de-l’Homme
CS 90490
57020 Metz Cedex 1
Tél : +33 (0)3 87 15 39 39

mercredi 27 mars 2013

La généalogie au service de la police

Code 1879

Dan Waddel est un journaliste anglais, fils d'un célèbre animateur de TV. Lors de la naissance de son fils il y a 10 ans, il s'est lancé dans des recherches généalogiques sur ces origines et a découvert un secret de famille.  Il s'est intéressé de plus près à la généalogie et en particulier à la psycho-généalogie, c'est à dire à l'influence que peut avoir le passé sur la construction de soi et la personnalité. Il s'est ensuite lancé dans l'écriture et a publié ce premier roman policier, plutôt réussi, en  2010.

Cette brève présentation de l'auteur explique le sujet de son premier ouvrage, Code 1879. C'est un roman policier qui nous plonge dans les abîmes de Londres. Un roman noir, très bien documenté, qui fourmille de références historiques sur la capitale britannique. 


L'inspecteur Foster, bougon et solitaire, doit faire face à des meurtres étranges : des victimes sont retrouvées poignardées et mutilées et sur leurs corps figurent d'étranges inscriptions... Ne parvenant pas à résoudre ce mystère seul, l'inspecteur fait appel à un généalogiste, Nigel Barnes, sur les conseils de sa collègue Heather. Celui-ci va les aider à éclaircir ce mystère et sera vite passionné et emporté par tout ce qu'il va découvrir. Ensemble, ils remarqueront alors qu'un série de meurtres a frappé Londres en 1879 et que le passé semble se reproduire aujourd'hui.

Dan Waddel nous plonge dans l'Angleterre victorienne, à la fin du 19ème siècle. Le roman est truffé de références à l'histoire et aux moeurs de l'époque. C'est un livre original puisqu'ici l'enquête avance principalement grâce aux recherches généalogiques. Loin des scènes d'action de nombreux romans policiers, ici c'est l'étude de coupures de journaux, d'actes de naissances, de mariages ou de décès dans des salles d'archives ou des bibliothèques qui permettront de résoudre le mystère.

En plus d'une enquête passionnante, ce roman brosse un portrait de deux hommes influencés par leur passé : l'inspecteur  Foster hanté par la mort de son père mais ne s’intéressant pas du tout à la généalogie et ignorant tout de ses origines et Nigel Barnes le généalogiste, adopté, il ne connait rien de ses origines et se passionne donc pour le passé des autres... Tous deux seront touchés de prêt par cette affaire.

Finalement, ce n'est pas une, mais deux intrigues policières qui seront résolues grâce à la généalogie. Tout au long du roman, on a hâte de savoir quel est le lien entre ces deux affaires que 150 ans séparent ! Un roman  vraiment bien construit et une fin surprenante !
L'auteur parvient à maintenir le suspens tout au long de l'histoire. Sans être non plus exceptionnel, c'est un bon roman policier qui donne une place royale à la généalogie!

lundi 25 mars 2013

Quand l'espionnage frôle l'introspection.

Voici encore une série d'espionnage dans la société américaine post 11 septembre. Mais celle-ci date de 2009 et donc bien avant Homeland
Rubicon, c'est une seule saison comprenant 13 épisodes de 45 minutes environ. Faute d'audience, elle n'a malheureusement pas eu de suite...
Une série originale qui se distingue par un style sobre, des personnages tourmentés et authentiques, un rythme lent mais qui parvient à maintenir un suspense permanent.



On est plongé au coeur de l'API, une agence privée qui fournit des renseignements au gouvernement dans le domaine de la lutte anti terroriste. On suit le travail minutieux d'une équipe d'analystes qui  fouillent des milliers de données pour trouver l'information leur permettant de déjouer un prochain attentat. Mais ici le travail c'est de la réflexion, de l'analyse, leur outil de travail c'est leur cerveau et non les derniers gadgets technologiques. Le temps n'est pas à la précipitation mais à l'introspection. Rubicon est avant tout une série cérébrale.

La série s'ouvre sur le suicide d'un vieil homme qui laisse un trèfle à quatre feuilles sur son bureau... Une énigme pour sa femme qui cherchera à comprendre ce qui l'a poussé à un tel geste.
Quelques jours plus tard c'est le chef d'équipe de l'API et mentor de Will Travers qui meurt dans un accident dramatique. Will découvre des indices laissés par ce dernier avant sa mort qui lui laisse penser que cet accident n'en était peut être pas un. Comme par exemple d'étranges mots croisés parus dans les journaux... Il décide d'enquêter secrètement sur la mort soudaine de son ami. Cependant, il va vite se rendre compte qu'il ne doit faire confiance à personne, tout le monde devient suspect dans ce qui semble être une terrible machination... En parallèle, Will prend la place de son ami défunt en tant que chef d'équipe d'analystes de l'API et poursuit sa quête officielle qui est la traque de terroristes. 

Trailer :

Dans cette série, on est plongé dans le quotidien de ces agents secrets névrosés, débraillés et en manque de sommeil, bien loin de l'image du James Bond en costar-cravate ou d'un Jack Bauer sautant dans tous les sens. Un patron de l'API complètement cynique et désabusé, de multiples énigmes, des personnages ambigus, une paranoïa permanente...


Les protagonistes sont présentés avec leurs doutes et leurs faiblesses. On s'attache par exemple à cette nouvelle analyste qui a du mal à assumer les conséquences qu'implique son travail. Un passage mémorable de cette série est lorsque l'équipe de 4 analystes doit, d'après les faits, confirmer si oui ou non un terroriste se trouve dans un village au Proche-Orient, leurs conclusions impliquant la frappe d'un drone piloté à des milliers de km de là qui anéantira le village, causant alors la mort de nombreux civils (nommés avec froideur  "dommages collatéraux"). Un dilemme entre rigueur professionnelle et morale. Ou comment le sort de dizaines de civils au Proche-Orient dépend de quelques analystes new-yorkais.

Une série toute en retenue, une réalisation sobre mais oppressante, un scénario rigoureux mais qui fait réfléchir car les silences en révèlent autant que les dialogues. On se laisse vite prendre au jeu de cette double intrigue (l'enquête officielle sur les terroristes et  la recherche du complot) profondément ancrée dans le monde réel.

Autant prévenir qu'on ne ressort pas vraiment optimiste à la fin de cette série : tout y est noir, cynique, joué d'avance... 

Et pour la petite histoire, la série porte ce nom en référence à un petit fleuve au nord de l'Italie nommé Rubicon. Jules César fit traverser ce fleuve à son armée en - 49 avant J-C malgré l'interdiction du Sénat Romain de le traverser. Par cet acte il déclara la guerre au Sénat. Au moment de traverser le Rubicon, il s'exclame : "Anerrifthô Kubos" ce qui signifie "le sort en est jeté". Désormais, plus rien ne peut arrêter Jules César : il entrera dans Rome, évincera Pompée et, au terme d'une longue guerre civile, soumettra l'ensemble de l'Empire romain en devenant dictateur à vie.

Une métaphore bien trouvée que l'on comprend d'autant plus à la fin de la saison.

Rubicon / série américaine réalisée par Jason Horwitch (2010). - Avec James Badge Dale, Jessica Collins, Lauren Hodges...

jeudi 21 mars 2013

Osez un voyage au pays d'Oz

Parce qu'on est tous de grands enfants, parce que des fois c'est plaisant de se laisser porter vers des mondes fantastiques et que c'est d'autant plus appréciable quand c'est réussi, voici une présentation du dernier film de Disney, Le monde fantastique d'Oz.
Sam Raimi a réalisé ce prélude au célèbre conte adapté en film, Le magicien d'oz, et raconte ici l’arrivée du magicien au merveilleux pays d’oz. Ce film se démarque par son grand écart technologique : un hommage au cinéma d'antan avec une introduction en noir et blanc très esthétique, et l'utilisation de la 3D, à bon escient pour une fois, sans être superflue et trop tape à l'oeil.


Dès le générique au début, on est frappé par le coté artistique et harmonieux du film : un décor de théâtre en carton qui s'ouvre puis se referme à l'infini, mélangeant habillement la 3D et le noir et blanc.

Bande-annonce:

La première partie du film qui introduit l'histoire est en noir et blanc et on découvre ce magicien (superbement interprété par James Franco) bonimenteur, dragueur et égoïste, qui joue des tours aussi bien dans sa vie privée que dans ses spectacles jusqu'à ce qu'il soit obligé de fuir ses mensonges et se retrouve dans une montgolfière prise dans une tornade... 
C'est lorsqu'il arrive au pays d'Oz qu'arrive la couleur, comme le début d’une nouvelle vie pour ce vrai faux magicien. Des couleurs multiples et étonnantes, on est ébloui par les somptueuses fleurs qui s'ouvrent sur le passage du magicien, les créatures fantastiques, la végétation luxuriante...


Le magicien fait alors la rencontre d'une jolie sorcière (Mila Kunis) qui lui annonce qu’il est l'élu tant attendu pour vaincre la méchante sorcière et sauver le peuple d'Oz. Elle l'amène au château pour lui présenter sa sœur la reine et toutes deux lui demandent de vaincre une "méchante sorcière" (la jolie Michelle Williams) s'il veut être roi et avoir droit au trésor du royaume! Il y voit l'opportunité d'obtenir gloire et richesse, quitte à mentir et laisser croire tout un peuple en ses supers pouvoirs...


Le monde fantastique d'Oz est un véritable conte qui se distingue toutefois par le fait que rien n'est tout noir ou tout blanc, tous les personnages ont quelque chose de profondément humain. De plus, on se joue ici beaucoup des apparences. En effet, la "méchante sorcière"ou les "gentilles" ne sont pas forcément celles qu'on croit, le magicien tant attendu ne pense pas être à la hauteur des espérances du peuple d'Oz... Or, comme il est dit à de nombreuses reprises tout au long de l'histoire : il faut croire en soi pour être ce que l'on souhaite, on devient ce que l'on veut, l'essentiel c'est d'y croire... Un beau message d'espoir en tout cas.

De superbes paysages et décors, trois sorcières sexy, (puis une laide) un magicien pas mal non plus, un singe ailé hilarant, une poupée de porcelaine espiègle, des personnages magiques et fantastiques...


Dans l'ensemble, c'est un bon divertissement pour petits et grands, malgré quelques longueurs et quelques scènes nunuches à prendre au second degré !



mardi 19 mars 2013

Wadjda

Un film saoudien réalisé par une femme, voilà qui a déjà de quoi éveiller l'attention et changer un peu des films français ou américains. La réalisatrice de 39 ans, Haifaa al-Mansoura, a du faire avec les contraintes de son pays pour tourner le film : si elle a eu l'autorisation de tourner, elle ne devait pas se montrer dans la rue et tourner à distance (cachée dans une camionnette!). De plus, l'exploitation de son film dans son pays est quasi nulle puisqu'il n'y a pas de salle de cinéma...


On a forcément pas mal de préjugés sur la vie dans un régime islamique. Wadjda dresse un portrait juste et tendre d'une famille ordinaire en Arabie Saoudite.

Bande annonce :

Wadjda est une fillette d'une dizaine d'années qui rêve de s'habiller à l'occidentale, de mettre du vernis à ongle, d'écouter du rock et surtout, surtout de faire du vélo librement dans la rue comme son ami Abdalah. Mais en Arabie-Saoudite, la vie n'est pas simple pour les femmes. Dès leur plus jeune âge, les filles doivent apprendre leur rôle : tenir un foyer, se faire le plus discrète possible, ne pas rire en public, ne pas sortir sans foulard puis, plus tard sans nihbab, ne pas conduire de voiture et bien sûr ne pas faire de vélo... Autant de contraintes qui ne rendent pas la vie simple à la jeune Wadja.
Mais cette petite fille intrépide et déterminée fera tout pour obtenir un vélo et apprendre à en faire, même si tout le monde s'évertue à lui dire que c'est peine perdue pour une saoudienne! 

A travers des scènes de la vie quotidienne de la famille et de l'école, la réalisatrice nous montre ce qu'est la société saoudienne aujourd'hui.

La mère de Wadjda est une femme encore jeune et très belle, décontractée et bien habillée à la maison mais qui devient une simple silhouette noire parmi tant d'autres dès qu'elle sort, puisque obligée de porter le nibhab comme toutes les autres femmes. Elle a un travail dans une école mais ne peut s'y rendre qu'en s'y faisant conduire par un homme. C'est une femme fidèle à la religion musulmane, qui connait des passages du Coran par coeur et tente d'élever sa fille dans ces traditions, tout en entretenant des relations vraiment affectueuses avec elle.
Son père lui, est absent la plupart du temps, même s'il est proche de sa femme et de sa fille, il envisage d'épouser une autre femme, comme le permet les traditions saoudiennes. 
La directrice de l'école coranique de filles est une femme à la fois dure et tendre avec ses élèves, elle prépare ces fillettes à l'entrée dans leur vie de femme en étant intransigeante sur les règles de la religion musulmane. C'est aussi une femme d'une grande sensualité.


Chaque femme ou fille de ce film se soumet à la loi coranique. Mais un coin de voile se lève pour chacune d'elle à un moment donné, que ce soit en fumant des cigarettes sur le toit pour la mère de Wadja, en allant travailler dans un hôpital où le nibhab n'est pas obligatoire pour une amie de la famille, en se maquillant discrètement, en ayant un amant pour la directrice d'école... A l'école coranique, les jeunes filles se vernissent  les ongles des pieds en cachette, Wadja vend des bracelets brésiliens aux couleurs des équipes de foot et dessine des vélos dans ses cahiers... Autant de messages d'espoir et de liberté.


Ce film n'est ni une comédie, ni un drame, encore moins un film d'action, simplement un beau film sur la société saoudienne d'aujourd'hui, le portrait d'une famille entre tradition et modernité.
Un film à la fois émouvant et drôle par moment, plein de tendresse et d'espoir, une immersion réussie dans la société saoudienne.

Wadjda / Réalisé par Haifaa Al Mansour ; avec Waad Mohammed, Reem Abdullah, Abdullrahman Al Gohani. Sortie le 6 février 2013

mercredi 13 mars 2013

Le prix Goncourt

Le Sermon sur la chute de Rome

Le dernier livre dont j'avais parlé ici était Balco Atlantico de Jérome Ferrari, et j'avais dit que je lirai et donnerai mon impression sur son dernier ouvrage qui a remporté le prix Goncourt en 2012. J'ai donc terminé de lire Le sermon sur la chute de Rome. Et j'avoue avoir été quelque peu déçue.


Si dans Balco Atlantico, l'histoire était prenante et les personnages attachants, je n'ai pas retrouvé la même dynamique dans ce roman.
L'auteur fait quand même un petit clin d'oeil à Balco Atlantico avec les personnages de Hayet, présente  au début de l'histoire, ainsi qu'avec celui de la jeune Virginie, fille naïve et dévergondée de la patronne du bar Marie-Angèle. Mais elles ne font que de brèves apparitions dans ce roman.

Ici, c'est l'histoire d'une famille d'origine corse, exilée à Paris. D'abord l'histoire du grand-père, Marcel. Né dans une famille modeste, il n'y a jamais trouvé sa place et a vu ses rêves s'effondrer. Il a traversé des guerres, perdu ses proches, travaillé pour l'empire colonial qu'il vit tomber et sa vie personnelle fut un désastre. Il est à la fois cynique et déçu et a l'impression de ne pas avoir vécu. 
En parallèle à son histoire, c'est le récit de la vie de son petit-fils, Mathieu, qui lui aussi tente de se faire une place dans le monde, entre idéalisme et nombrilisme. Il décide d’arrêter ses études de Lettres et de reprendre un bar de village en Corse avec son ami d'enfance Libéro, qui lui fait une thèse sur Augustin, afin de redonner vie au village et retrouver une vie plus authentique, une sorte de retour aux sources en quelque sorte. Or, là aussi, l'espoir du jeune homme sera vite entaché par les désillusions. Il y a aussi l'histoire d'Aurélie, sa soeur, qui ne parvient pas à vivre son histoire d'amour... 
Bon, autant le dire tout de suite, cette histoire de famille déçue ne m'a pas emballé.

Mais tout au long de ce roman, c'est vraiment la qualité de l'écriture qui prime. Jérôme Ferrari manie les mots avec brio, il est le roi des phrases-fleuves qui peuvent facilement faire une page. De plus, ce livre est écrit dans un style à la fois poétique et réaliste. Il multiplie également les références à l'antiquité, créant ainsi un parallèle entre l'histoire de cette famille au bord du gouffre et semble aller vers sa "chute" et l'histoire de la chute de Rome... D'ailleurs, c'est justement par le très moralisateur "Sermon sur la chute de Rome" prononcé par Augustin en 410 que se clôt le livre. J'ai toutefois trouvé cette comparaison vraiment exagérée et un peu prétentieuse, même si l'exercice de style est intéressant. 

Quelques citations pour se faire une idée du style de l'auteur

"[...]comme si après avoir payé le prix de la chair et du sang, il fallait maintenant offrir à un monde disparu le tribut de symboles qu'il réclamait pour s'effacer définitivement et laisser enfin sa place au monde nouveau." p.17

"Non, rien ne s'était passé, les années coulaient comme du sable, et rien ne se passait encore et ce rien étendait sur toute chose la puissance de son règne aveugle, un règne mortel et sans partage dont nul ne pouvait plus dire quand il avait commencé" p.19.

" Il ne voyait plus en lui qu'un barbare inculte, qui se réjouissait de la fin de l'Empire parce qu'elle marquait l'avènement du monde des médiocres et des esclaves triomphants dont il faisait partie, ses sermons suintaient d'une délectation revancharde et pervèrse, le monde ancien des dieux et des poètes disparaissait sous ses eux, submergé par le christianisme avec sa cohorte répugna,te d'ascètes et de martyrs, et Augustin dissimulait sa jubilation sous des accents hypocrites de sagesse et de compassion, comme il est de mise avec les curés." p.61

" Sans elle, l'amertume de sa réussite sociale lui aurait été intolérable et il aurait mille fois préféré être le dixième ou le vingtième à Rome plutôt que de gouverner ainsi  un royaume de désolation barbare des confins de l'Empire, mais personne ne lui offrirait jamais une telle alternative, Rome n'existait plus, elle avait été détruite depuis bien longtemps, ne demeuraient plus que des royaumes plus barbares les uns que les autres, auxquels il était impossible d'échapper,et celui qui fuyait sa misère ne pouvait rien esperer d'autre que d'exercer son pouvoir inutile sur des hommes plus misérables que lui, comme le faisait maintenant Marc [...]" p.136

" Mais il lui était devenu impossible de se sentir supérieur et invincible, les fondations du monde étaient ébranlées, les fissures devenaient des failles [...]" p.172

"Nous ne savons pas, en vérité, ce que sont les mondes. Mais nous pouvons guetter les signes de leur fin. Le déclenchement d'un obturateur dans la lumière de l'été, la main fine d'une jeune femme fatiguée, posée sur celle de son grand-père, ou la voile carrée d'un navire qui entre dans le port d'Hippone portant avec lui, depuis l'Italie, la nouvelle inconcevable que Rome est tombée"

lundi 11 mars 2013

Asaf Avidan

A la première écoute, on pense tout de suite que cette voix puissante et déchirante appartient à une femme. On se trompe. Asaf Avidan est bien un chanteur Israélien de 33 ans.



Initialement passionné par le cinéma (Il a étudié le cinéma d'animation à Jérusalem et un de ses courts-métrages a d'ailleurs été récompensé dans un festival.) Asaf s'est mis plus tard à la chanson avec son groupe The Mojos et a sorti son premier album en 2006. Ce sont une rupture amoureuse, une maladie grave et des soucis personnels qui seront sa source d'inspiration. Après son premier album il a alors déjà une belle renommée en Israël et aux Etats-Unis. Il continue ensuite sa carrière en solo et forme un label avec son frère qui est aussi son manager. En 2008, sort l'album Reckoning qui raflera un disque d'Or et un disque de Platine et sera élu album de l'année par plusieurs magazine dont Time. Un second album sort en 2009, là aussi l'album remporte un vrai succès et plusieurs récompenses. S'en suivent des tournées en Europe et en Israël.
En 2012, il prépare son nouvel album, Different Pulses, qui est sorti fin janvier 2013 et a suscité des critiques enjouées en France.


Sa musique oscille entre soul et folk et rock, un style difficilement définissable, mais dès la première écoute c'est sa voix qui nous surprend et fait écho à des textes sombres et tristes, comme en témoigne un extrait de  la chanson Cyclamen : "I, I know I'm dying, Still I gonna go trying, I'll make it better".

Pourtant, si les paroles sont souvent tristes, ses musiques dégagent un certain entrain, une envie d'aller toujours vers l'avant. Comme pour son premier album, l'inspiration lui vient de ses blessures, notamment d'un cancer auquel il a survécu il y a 10 ans.

Quelques extraits:


Different Pulses, une chanson empreinte d'émotion où Asaf monte dans les aigus, sur fonds d'orchestre avec claviers et trompette, une instru toujours impeccable:


Setting Scalpels Free, ma chanson préférée, qui débute comme le début d'une histoire, une jolie balade et s'en suit d'un refrain entraînant " Is it going to last?" n'étant pas sans rappeler par moments Portishead.


 613 shades of sade au rythme électro et décousu, sans doute une des chansons les plus rock de l'album avec Turn, où le refrain me fait penser à une chanson de Sinead O Connor.


D'autres chansons sont toutes aussi poignantes comme Is This It ou Conspiratory visions of Gomorrah où sa voix semble sur le point de se briser. 12 titres sont à découvrir sur cet album. Et les précédents à écouter également!

Asaf Avidan est en tournée en France dans les mois qui viennent, il sera à Strasbourg le 12 avril, malheureusement le concert est déjà complet, comme la plupart des dates prévues !

http://www.asafavidanmusic.com/


vendredi 1 mars 2013

Un policier suisse qui aimait tirait le portrait


Plus que quelques jours pour voir les photos d'Arnold Odermatt exposées à Strasbourg ! Bon j'avoue que je n'avais jamais entendu parler de ce monsieur avant de me rendre à La Chambre.

Arnold Odermatt est né en Suisse en 1925 et s'est passionné pour la photo dès l'âge de 10 ans lorsqu'il gagna son premier appareil suite à un concours. Dès lors, c'est en autodidacte qu'il photographie ses proches, les paysages de sa région (le canton de Nidwald en Suisse) et plus tard ses collègues policiers. (Il entre dans la police en 1948 après avoir abandonné sa formation de pâtissier suite à des allergies). 
Il s'adonne alors à la photographie mais sans se prendre pour un grand photographe. Pendant 50 ans, il a photographié des scènes plus ou moins insolites dans le cadre de son travail de policier mais aussi de ses loisirs. C'est son fils, Urs, réalisateur et metteur en scène, qui, en 1990 alors que son père venait juste de partir à la retraite, découvrit une boîte au grenier contenant ses photos, toutes bien classées et archivées. Il décide alors de les montrer à des professionnels et Arnold Odermatt, après une première exposition à Frankfort, sera ensuite reconnu et exposé à la Biénnale de Venise en 2001 et gagnera ainsi une reconnaissance internationale!

Voici donc pour l'histoire de ce papi photographe qui n'avait pourtant aucune ambition d'exceller dans cet art. Et c'est probablement ce qui rend ces photos intéressantes 30 ou 40 ans après leurs prises de vue. Ce sont des instants figés, des scènes un peu insolites immortalisées dans un quotidien ordinaire.

Ses photos se divisent en deux séries : des images d'accidents de la route photographiées souvent en noir et blanc, prises dans le cadre de son travail et des photos couleurs qui témoignent des scènes de vie des policiers et de l'administration en suisse dans les années 50 à 70.

Jusqu'au 3 mars on peut voir quelques unes de ces photos en couleurs les plus connues à galerie photo La Chambre à Strasbourg. Un tour sur le web permet de voir la grande diversité de photos d'Arnold Odermatt et la poésie qui ressort de certaines photos en noir et blanc, qui pourtant retracent souvent des faits tragiques (des accidents de la circulation).

Dès l'entrée dans la salle d'exposition, on est surpris par une étrange série de photos de phares fondus, des photos très colorées, un peu absurdes prises par Arnold Odermatt lors d'une intervention après un incendie dans un garage qui a fait fondre les voitures. Des photos à la limite du surréalisme!


Suivent quelques photos illustrant des accidents de la route, comme celle de ce policier qui, depuis le toit de la camionnette volks wagen de la police, prend en photo la scène de l'accident entre une moto et une traban. Ou comment le photographe professionnel est pris en photo à son tour...


Autre photo insolite : celle d'un avion se faisant remorquer sur une route, juste à coté d'une église suisse. Et une autre où l'on voit un avion atterrir sur une route au milieu des montagnes enneigées.


De nombreuses photos témoignent du travail des policiers dans les années 60. Par exemple, des policiers s'entraînant au tir.

Ou ce policier sur un étrange vélo à moteur complètement disproportionné, qu'on dirait tout droit sorti d'un film de Charlie Chaplin !


A voir encore une photo montrant des policiers moustachus posant en maillots de corps blancs avec la lettre P dessus, marquant leur appartenance à la police, devant un ballon de foot. Des sortes de "super héros" au repos.

Une des photos les plus connues est celle de ces deux policiers conduisant un bateau sur un lac au milieu des montagnes et semblant plongés dans une discussion animée. Dans le rétroviseur du bateau, on aperçoit le visage des deux policiers mais aussi celui du photographe situé à l'arrière du bateau.


D'autres photos illustrent l'administration des années 50 - 60, avant l'ère de l'informatique. Une époque rétro, comme le montre la photo de cette secrétaire au look surprenant et tellement sixties!


On peut voir d'autres photos de fonctionnaires à leur bureau, entourés de vieilles machines à écrire, d'anciens  téléphones et cherchant des fiches dans un grand tiroir, avant l'ère des fichiers informatiques!

A voir aussi toute une série de portrait du même homme mais dans différentes situations (en cuisinier, en skieur, dans son salon, etc). 

Arnold Odermatt n'a pas fait du photojournalisme ni vraiment de l'art mais des photos-témoignages où l'on retrouve toujours une petite touche d'incongru. 

Il était moins une pour aller voir cette expo qui se termine dimanche soir!
Seul petit bémol, j'ai trouvé dommage qu'il n'y ait pas de légende expliquant le contexte dans lequel ont été prises les photos. Par exemple, pour les phares fondus, je n'aurai jamais compris si je n'avais pas fait quelques recherches sur Internet. Et pour la série de portraits, on ignore qui est l'homme pris si souvent en photo... Seuls le lieu et l'année sont mentionnés sous les photos. Mais bon, c'est probablement pour laisser aller son imagination!

Pour avoir plus d'infos sur Arnold Odermatt, vous pouvez consulter ce dossier que lui a consacré la célèbre revue Etudes Photographique en 2011.

Exposition jusqu'au 3 mars à La Chambre, 4 place d'Austerlitz. Entrée gratuite du mercredi au dimanche de 14h à 19h