jeudi 11 décembre 2014

Le Congo en photos

Un peu de photojournalisme avec l'exposition " Dancing ashes" 

La Chambre propose un aperçu du travail d'un jeune et talentueux photographe belge, journaliste de formation, Colin Delfosse.
Les photos exposées témoignent de ses voyages et reportages au Congo entre 2007 et 2014. Il a réalisé plusieurs séries de clichés sur des scènes de vie au Congo.

A voir notamment des photos extraites de sa série sur les catcheurs congolais, ces derniers posant fièrement avant leur combat, déguisés et mis en scène. Cela donne des photos étranges, anachroniques, avec quelque chose d’irréel et de très cinématographique.

© Colin Delfosse, Catcheurs Congolais, Kinshasa, République démocratique du Congo, 2011

© Colin Delfosse, Catcheurs Congolais, Kinshasa, République démocratique du Congo, 2011

D'autres photos témoignent du dénuement de la population, comme en témoignent ce cliché montrant une jeune fille dominant un camps de réfugiés dans la brume. La légende nous apprend que depuis 2012, les tensions ont provoqué le déplacement de plus de 2,2 millions de personnes à l'intérieur du pays. Ces photos à elles seules en disent plus qu'un long article à mes yeux. Elles sont à la fois belles et émouvantes.

© Colin Delfosse


Le photo-journaliste témoigne aussi de la présence importante de l'armée dans ce pays où subsistent de nombreux conflits interethniques.

© Colin Delfosse,

Par ailleurs, Colin Delfosse a immortalisé des scènes religieuses témoignant de la forte présence évangéliste au Congo, comme le montre cette photo de la célébration d'un culte dans un décors digne d'un goûter d'anniversaire d'une fillette de 10 ans !

© Colin Delfosse,

Enfin, on peut voir aussi de beaux paysages africains. Une de mes photos préférées est celle montrant des paysans marchant au bord d'un lac au coucher du soleil, une photo très poétique. Je n'ai pas trouvé cette photo sur Internet, mais c'est aussi un bon moyen pour vous inciter à voir cette petite exposition en passant par la place d'Austerlitz ! (à voir en 10 minutes environ, accès libre et gratuit)

Pour en savoir plus sur le photographe, on peut aller voir son portfolio en ligne.

Dancing Ashes / photographies de Colin Delfosse. Exposition temporaire (du 05 au 21 décembre 2014)  à La Chambre, 4 place d'Austerlitz. (ouvert du mercredi au dimanche après-midi)

dimanche 23 novembre 2014

Dieu me déteste : une écriture légère pour un ode à la vie

Dieu me déteste est un livre écrit sur un ton léger mais abordant un sujet grave : la maladie.
Richard a 17 ans, c'est un ado plein d'humour avec les hormones en ébullition.. Seul petit problème, atteint d'une maladie grave depuis plusieurs années, il vit à l'hôpital, au service des soins palliatif d'où personne ne ressort vivant. Il dit d'ailleurs qu'il est atteint du symptôme DMD : "Dieu me déteste". Ca pourrait être larmoyant et dramatique mais ce roman est un ode à la vie et au courage.


C'est bien difficile pour un ado de rester cloué à son lit, de respecter le règlement strict de l'hôpital, de se résigner en attendant la mort et de voir la désolation dans les yeux de ses proches. Alors Richard décide de profiter du temps qui lui reste. Il sympathise avec Sylvie, une jeune patiente qui, comme lui, est gravement malade. Tous deux décident de faire les 400 coups sous le regard à la fois compatissant du personnel médical. Les infirmier(e)s constituent presque une nouvelle famille pour Richard. Certains se montrent un peu plus permissifs, d'autres apparaissent autoritaires mais font preuve de grand coeur. Toutefois, il est quasiment impossible d'avoir un peu d'intimité dans un hôpital : les parents veillent constamment près de leur(s) enfant(s) malades, tout le monde peut rentrer dans la chambre à tout moment sans prévenir. C'est un peu compliqué quand on a les hormones en ébullition et qu'on souhaite simplement profiter du temps qu'il reste ! En voulant simplement passer du bon temps, il va lui arriver plein d'aventures et il va probablement vivre les journées les plus palpitantes de sa vie. 

L'écriture est fluide, le ton léger. Le narrateur, Richard, a beaucoup d'humour et décrit son environnement avec désinvolture et résignation. Il s'inquiète pour sa maman qui est tellement triste et seule... Sa sollicitude l’étouffe. Il renoue avec sa grand-mère et son oncle Phil qui sont des personnages hauts en couleur. Dans cette histoire, chaque proche gère sa peine et sa douleur d'une autre manière. La copine de Richard, Sylvie, a encore plus d'énergie que lui et remballe quiconque se met en travers de son chemin.
Le récit est souvent métaphorique, que ce soit par rapport au roi Richard, à l'histoire de Roméo et Juliet, et certaines scènes font penser à un duel de western.
Voici donc un récit plein de vie et d'humour pour une histoire sur la maladie et la fin de vie.

jeudi 20 novembre 2014

le pouvoir des mots face à l'oppression : "La voleuse de livres" un beau roman très émouvant

La voleuse de livres est le gros succès littéraire de l'année 2007. Avec sept années de retard, je viens donc de terminer ce beau livre de Markus Zusak. L'auteur est australien et a écrit ce roman à même pas 30 ans. Fils d'une mère allemande et d'un père autrichien, il a dû être particulièrement sensible à l'histoire de l'Allemagne sous le régime nazi. Son roman a rencontré un énorme succès mondial et a même été adapté en film l'année dernière.



En voici un livre original, puisque la narratrice est la Mort en personne. La "grande faucheuse" est très sollicitée pendant cette période de guerre. En effet, l'histoire se déroule en Allemagne, entre 1939 et 1943, à Molching, dans la région de Munich, à quelques kilomètres du tristement célèbre camps de Dachau.

Le récit commence comme une sorte de zoom sur une fillette pour laquelle la Mort s'est pris d'affection. Dans les premières pages, celle-ci présente d'ailleurs l'histoire à venir : "c'est l'histoire de quelqu'un qui fait partie de ces éternels survivants, quelqu'un qui sait ce qu'être abandonné veut dire. Une simple histoire, en fait, où il est question, notamment : 
-D'une fillette;
-De mots;
-D'un accordéoniste;
-D'Allemands fanatiques ; 
-D'un boxeur juif;
-Et d'un certain nombre de vols"
On suit alors l'histoire de Liesel, 13 ans, qui se voit placée dans une famille d'adoption par sa mère qui n'a plus les moyens de l'élever. Durant le trajet qui l'emmène à son nouveau foyer, son jeune frère décède. Cet événement la hantera pendant de nombreuses années. Lors du bref enterrement de celui-ci, Liesel trouve un livre par terre. Même si elle ne sait pas lire, elle est attirée par l'objet et l'emmène avec elle. Arrivée dans sa famille d'accueil, elle fait connaissance avec sa nouvelle maman, Rosa, une femme assez rustre mais qui cache en fait un grand coeur, et de son "papa" tendre et attentionné avec qui elle va très vite se lier. Ce dernier lui apprendra à lire chaque nuit quand elle se réveillera de ses cauchemars. Elle va découvrir alors que le livre qu'elle a "volé" est en fait "le Manuel du fossoyeur" ! Rien de très palpitant pour apprendre à lire, mais pourtant, Liesel le lira attentivement chaque nuit avec son papa.
Elle se lie aussi rapidement d'amitié avec un jeune garçon, Rudy, qui deviendra son compagnon des rues avec qui elle jouera au foot et chapardera quelques pommes.

Mais l'insouciance de l'enfance est bientôt rattrapée par la montée en puissance d'Hitler. Si, au début du roman, le nazisme est plutôt perçut avec légèreté par les enfants, avec les après-midis passées aux Jeunesses hitlériennes, les défilés, le culte du sport, les "Heil Hitler" à tout bout de champs, etc. , l'ambiance se fait de plus en plus grave au fur et à mesure que l'on tourne les pages. Et Liesel se sent vraiment concernée lorsqu'un jour un jeune homme prénommé Max, auquel est lié son papa, se présente à sa maison pour demander de l'aide...

Lorsqu'un autodafé a lieu sur la place du village, quelques livres vont résister aux flammes et ce sera l'occasion pour la jeune fille de "voler" (ou plutôt sauver ! ) un deuxième livre. Or, elle est effrayée lorsqu'elle s'aperçoit que la femme du maire l'a vu faire! Avant de se rendre compte que celle-ci lui ouvrira encore d'autres portes...
La voleuse de livres, c'est  l'histoire d'une fillette d'abord fascinée par l'objet livre qui finit par trouver un véritable refuge dans la lecture. Son talent de lectrice sera même "exploité" lors des attaques aériennes pour calmer les foules ainsi que par sa voisine, une femme taciturne. 

Ce roman témoigne de la guerre vue du coté des allemands qui l'ont subie, c'est un point de vue intéressant car assez méconnu. Car oui, les allemands ont aussi souffert de privations, des bombardements, des persécutions. Et il y a eu des allemands résistants, ou au moins réticents, à la folie du nazisme ainsi que des allemands persécutés.

L'écriture du roman est tantôt poétique, tantôt journalistique, mais toujours très sensible. L'auteur sème par-ci, par-là quelques mots allemands, notamment les "Saumensch" employés à tout bout de champs par Rosa. La forme de l'écriture est également particulière, puisqu'au début de chaque chapitre est présenté une sorte de "liste des grands points" qui vont être abordés ensuite, certains passages sont en gras, d'autres plus centrés etc. ce qui contribue à une certaine légèreté dans l'écriture pour en fait relater des faits assez dramatiques.
La force de ce roman tient également au fait que l'auteur parvint à faire ressortir pour chaque personnage sa part d'humanité, de courage et de tendresse.
Et la narratrice, la Mort, apparaît comme un spectre apaisant, qui prend toujours soin des âmes qu'elle emporte avec elle et pose un regard empli de tendresse et de pitié sur toutes ces pauvres victimes de la Guerre.

La voleuse de livres est un roman bien écrit qui se lit avec facilité, c'une une histoire captivante et intéressante de part le sujet traité et la manière dont c'est raconté. Enfin, c'est un livre très émouvant qu'on est ravi d'avoir lu mais qu'on regrette une fois la dernière page tournée.


Quelques citations :

"[...]Et comme souvent, au moment où j'ai entamé mon voyage, une ombre s'est de nouveau esquissée, un moment d'éclipse final - la reconnaissance du départ d'une autre âme. Car malgré toutes les couleurs qui s'attachent à ce que je vois dans ce monde, il m'arrive souvent de percevoir une éclipse au moment où meurt un humain. J'en ai vu des millions. J'ai vu plus d'éclipses que je ne pourrais m'en souvenir." (p 18)

"[...] Au moment où j'allais glisser mes mains à travers les couvertures, j'ai senti un renouveau, une force contraire qui repoussait mon poids. Je me suis retirée. Avec tout le travail qui m'attendait, c'était bon d'être combattue dans cette petite pièce obscure. Je me suis même offert un petit moment de sérénité, les yeux clos, avant de sortir." (p. 310)

"Combien parmi eux avaien-ils activement persécuté d'autre personnes, enivrés par le regard d'Hitler, répétant ses phrases, ses paragraphes, son oeuvre? [...] J'aimerai beaucoup connaître la réponse à chacune de ces questions, même si je ne peux me prêter à ce jeu. Ce que je sais, c'est que ce soir-là, tous ces gens ont senti ma présence, à l'exception des plus jeunes? [...] Les Allemands terrés dans ce sous-sol étaient dignes de pitié, sans aucun doute, mais au moins ils avaient une chance. Ce sous-sol n'avait rien d'une salle d'eau. On ne les envoyait pas sous la douche. Pour eux, l'existence pouvait encore se poursuivre. " (p. 367)

" Parfois, ça me tue, la façon dont les gens meurent." (p. 450)

"Les bombes arrivèrent. Bientôt, les nuages s'embraseraient et les gouttes de pluie froide se changeraient en cendres. Des flocons brûlants arroseraient le sol." (p. 480)


mardi 18 novembre 2014

Interstellar : impressionnant voyage dans l'espace aux dimensions philosophique et métaphysique

Encore un film catastrophe américain doublé d'un film sur la conquête spatiale ? Encore un film à gros budget? Du déjà vu, certes. Mais Christopher Nolan (Inception, The Dark Knight... ) réalise avec Interstellar un film assez novateur en la matière puisqu'il donne une véritable place à la Science et à la recherche. De plus, c'est un film où les relations humaines sont une force, un moteur, notamment l'amour et la filiation. L'émotion est sans cesse présente, sans toutefois devenir mélodramatique.


L'histoire :

Dans un futur pas si lointain, l'avenir de la Terre semble de plus en plus compromis : tempêtes de poussière, pollution, maladies respiratoires, problèmes d'agriculture (seul le maïs pousse encore)... Bref l'Humanité court à sa perte avec ces catastrophes écologiques.
Cooper (interprété par Matthew McConaughey), ancien ingénieur en aérospatial reconverti par défaut dans l'agriculture, tente de faire vivre sa ferme avec ses deux enfants Murph', 10 ans, Tom, 15 ans, et son beau père. Passionné de sciences et d'astrophysique, il interprète, accompagné de sa fille, les signes susceptibles d'envisager un avenir meilleur.  Un jour, Cooper et Murph' tombe sur un campement secret de la Nasa.

Cooper et sa fille devant leur ferme

Ils découvrent que des scientifiques continuent d'explorer l'univers à la recherche d'une planète viable. S'il n'y en a pas dans notre système solaire, ces derniers ont remarqué un "trou" qui permettrait d'explorer d'autres galaxies. Cooper est alors sollicité pour piloter la navette spatiale et découvrir de nouvelles galaxies. Il accepte l'aventure et doit quitter ses enfants sans savoir s'il va les revoir un jour, puisque le temps est différent dans l'espace : quelques jours de voyage dans une autre galaxies équivalent à plusieurs dizaines d'années sur la Terre.


Le film est bien construit, bluffant de réalisme. La première partie nous plonge dans l'Amérique agricole, le tout est très plausible et on sent vraiment l'ambiance "fin du monde" dans ces grandes étendues où les cultures subissent toutes sortes de maladies, où l'air devient irrespirable. La dimension catastrophe est appuyée par des témoignages de personnes âgées, dans un futur pas si lointain, racontant les difficultés de la vie "d'avant" qui correspond en fait au début de l'histoire.
Ensuite, certaines scènes sont très émouvantes, notamment la scène de séparation entre Cooper et sa fille, avec qui il est très proche. On s'attache très vite aux personnages principaux, notamment à la fillette.

Murphy à 11 ans

Murphy adulte

Interstellar dure 2h50, il est donc difficile de tout analyser tellement il s'y passe de choses.
Le périple dans l'espace est palpitant, on est souvent accroché à son siège presque comme dans Gravity (sans l'effet 3D toutefois). Cooper et ses acolytes, dont deux robots intelligents (qui peuvent participer à une conversation et ont un pourcentage d''humour!) en voient de toutes les couleurs. Au tumulte des décollages du vaisseau spatial, succède le calme pesant et angoissant de l'espace infini. D'ailleurs, l'Espace et ses mystères sont bien décrits, expliqués et superbement réalisés, on est vite happé par ces domaines inconnus.
le vaisseau spatial Endurance

Alors bien sûr, c'est un blockbuster, mais c'est aussi un film qui pose des questions sur notre responsabilité vis à vis de l'avenir de notre planète ainsi que sur l'espace, tout en abordant des aspects philosophiques. Interstellar est bien construit, le spectateur est tenu en haleine, il y a beaucoup de surprises, d'émotion, et surtout, contrairement à Gravity, un scénario élaboré et bien ficelé qui s'appuie sur des faits scientifiques. Nolan s'autorise toutefois à imaginer la constitution d'un trou noir et nous offre une  scène incroyable aux dimensions métaphysiques qui constitue quelque part le noyau du film. De plus, on ne peut qu'admirer la prouesse technique pour nous faire ainsi voyager dans l'espace, le tout est d'un grand esthétisme.

Cooper et son accolyte Brand découvrent une nouvelle planète

Je reconnais que des choses m'échappent pour comprendre comment on aboutit au dénouement, qui arrive d'ailleurs un peu trop rapidement par rapport au reste du film. Mais je pense que Christopher Nolan nous invite à imaginer une science encore plus complexe que celle qui existe aujourd'hui, à nous laisser porter, à rêver également un peu.
Et, ça marche, puisqu'après être sorti de la salle, on garde la tête dans les étoiles encore un bon moment.

mardi 28 octobre 2014

Un faux thriller mystérieux écrit dans un style journalistique : "Trois"


Voici un livre pour le moins original et surprenant mais qui m'a laissé partagée entre deux impressions. Ce livre est vendu comme un thriller plébiscité par Stephen King, mais attention, il ne s'agit pas vraiment d'un roman policier, le style est nouveau, difficile à définir, entre forme journalistique avec une pointe de fantastique et d'ésotérisme.

L'histoire : un jeudi de janvier 2012, quatre avions issus de quatre compagnies différentes se crachent aux quatre coins du monde faisant des centaines de morts. A chaque fois, les experts sont formels : il est impossible qu'il y ait des survivants. Or, pour trois des crachs, seul un enfant à survécut à chaque fois, on ne sait par quel miracle. Pour le vol d'Afrique du Sud, une rumeur fait aussi état d'un enfant ayant survécu sans que cela ait jamais été prouvé. Comment de jeunes enfants ont-ils pu survivre à de telles catastrophes aériennes? Les médias s'emparent de l'affaire et différentes théories sont lancées, allant des extraterrestres aux cavaliers de l'apocalypse. Les "gourous" religieux de l'Amérique conservatrice occupent une place très importante dans ce récit. Les enfants sont recueillis par des membres de leur famille mais semblent ne pas être traumatisés, ils montrent même un détachement particulièrement anormal. La survie de ces enfants va avoir des conséquences inattendues, faisant effet "boules de neige",entraînant catastrophe sur catastrophe, allant jusqu'à influer la politique des pays concernés ! 


Le roman commence sur les chapeaux de roues, comme un très bon thriller : on est tenu en haleine par une des passagères d'un avion qui vit le crasch. Mais au bout d'une cinquantaine de pages, on se rend compte qu'il ne s'agit pas vraiment d'un roman policier, mais plutôt d'un condensé de témoignages révélant, au compte-goutte, les éléments mystérieux suivant ces accidents. L'histoire nous entraîne dans les moeurs de l'Amérique ultra conservatrice, au Japon, pays des nouvelles technologies et des geeks, à Londres et fait un bref passage en Afrique du Sud. L'auteur dresse un portrait très sombre de la société d'aujourd'hui, avec ses travers, ses extrêmes, ses tensions politiques, ses luttes de pouvoirs...

La construction du livre est originale. Il s'agit en fait d'un recueil d'échanges entre la narratrice qui rédige un livre sur le "jeudi noir"et interroge ainsi les différents acteurs et témoins de la catastrophe : famille des enfants survivants, voisins, enquêteurs, journalistes, etc. Le style est très réaliste, on trouve des entretiens par skype, par mail, téléphone, etc. Tout au long du récit, des informations sont révélées sur les événements à venir, ce qui tient bien sûr le lecteur en haleine. 
La fin du roman se distingue du reste puisque cette dernière partie est centrée non plus sur les témoins des drames mais sur la narratrice qui, après la publication de son livre et quelques mésaventures, continue de cherche des réponses... Vers la fin du roman on retrouve d'ailleurs le même suspens qu'au début. Malheureusement j'ai été un peu déçue par la fin, toujours très mystérieuse, étrange, floue.

En fait, je suis assez partagée sur ce roman. Ce livre ne correspond pas à ce à quoi je m'attendais. D'un coté, je l'ai trouvé très prenant et l'ai lu rapidement : les chapitres sont courts, écrits dans un style journalistique, incisif, comme s'il s'agit de l'actualité du moment et c'est notamment ce qui rend le livre vraiment prenant. D'un autre coté, je m'attendais à un roman policier, or il n'y a pas vraiment d'enquête, pas de réponses aux questions que l'on se pose, simplement quelques supputations ésotériques.

Trois / Sarah Lotz . - Fleuve Noir, 2014

jeudi 23 octobre 2014

Gone Girl : un thriller haletant !

David Fincher (Fight ClubL'Etrange histoire de Benjamin Button, The Social Network...) a adapté avec Gone Girl le roman de Gillian Flyn "Les apparences". Je n'ai pas lu le livre, mais apparemment le film reste assez fidèle au roman et David Fincher parvient à en faire un thriller passionnant, mené d'une main de maître.

                                                                

 Nick et Amy forment un couple modèle : jeunes, beaux, issus d'un milieu aisé, populaires...  Leur rencontre semble être un coup de foudre, ils veulent être un couple "différent", créatif, pour qui la routine n'existe pas.
Mais au bout de 5 ans de mariage, tous deux sont aigris et une distance s'est installée entre eux. Le soir de leur anniversaire de mariage, alors que Nick rentre chez lui, il trouve l'appartement vide et en désordre : Amy a disparu. Il appelle de suite la police. Si, de prime abord, Nick semble être de bonne fois, la police ainsi que les médias finissent par en faire le suspect idéal puisqu'en grattant un peu sous la surface on découvre que leur couple battait de l'aile.

Bande-annonce :


De plus, Nick a du mal a entrer dans la peau de mari désespéré et montre peu ses émotions en public. Il n'en faut pas plus pour que les médias se déchaînent contre lui et en fassent leurs "Unes", leurs stars de talk shows. Mais il ne faut pas se fier aux apparences, c'est ce que démontre ce film en dénonçant les dessous de l'American Way of Life, le cynisme, la folie, les faux-semblants.

                                                      

Gone Girl dure 2h30 et se décompose en trois parties, chacune plus surprenantes les unes que les autres. La première partie fait état de la disparition d'Amy et se centre sur le personnage de Nick. Je ne peux pas dire sur qui ou quoi sont centrées les autres parties au risque de révéler toute l'intrigue !

                                                         

Il s'agit d'un thriller psychologique remarquablement construit, d' une histoire d'amour qui vire au cauchemar, d'un film de manipulation effrayant. Chaque plan est bien choisi, les personnages sont énigmatiques et interprétés par de bons acteurs : Ben Affleck est à la fois charismatique et énervant et Rosamund Pike est... une actrice prometteuse! De plus, le rôle de Margo, la soeur de Nick, apparaît comme la conscience morale de ce dernier et me fait penser à la soeur de Dexter.

Malgré quelques scènes "too much", un peu carricaturales (mais fidèles au livre semble t'il), Gone Girl est prenant de bout en bout et c'est un film effrayant et superbement réalisé.


mercredi 15 octobre 2014

Donnant Dolan ! Superbe "Mommy" du jeune réalisateur canadien.

Vous avez sûrement entendu parler de Mommy, le dernier film de Xavier Dolan, plébicité par les médias, considéré comme un chef d'oeuvre et récompensé à Cannes par le prix du Jury.
Ayant adoré Les Amours Imaginaires, sorti en 2010, j'étais impatiente de voir ce nouveau film du jeune réalisateur canadien ! Et effectivement, Xavier Dolan ne nous déçoit pas en réalisant ici un film riche et très émouvant sur les relations qu'entretient une mère avec son fils impulsif et violent, diagnostiqué "opposant-violent".


L'histoire se passe au Canada, dans un futur très proche (en 2015) où il existe une loi permettant aux parents d'enfants atteints de graves troubles du comportement de céder la tutelle de leur enfant à l'Etat.
On retrouve tout le folklore canadien, des "tabernacles" à toutes les sauces et un environnement propre à Dolan, une pointe d'humour et un optimisme qui subsistent malgré les situations dramatiques.

L'histoire : Diane, jolie quadra veuve et un peu déjantée doit reprendre la charge de son fils ado, Steve, lorsque celui-ci est expulsé de son centre d'hébergement après y avoir déclenché un incendie. Tous deux doivent réapprendre à vivre ensemble, mais, surtout, Diane doit essayer de faire face aux violentes crises de Steve, car ce dernier rentre facilement dans des rages folles s'en prenant à quiconque se trouvant sur son chemin, même sa propre mère.
Diane (Anne Dorval)

Exclut de toute part, Steve reste à la maison et Diane décide de lui faire l'école à domicile, tout en cherchant du travail à coté pour essayer de joindre les deux bouts. Malgré toutes les galères qui s'accumulent, tous deux restent plein d'espoir et d'optimisme et veulent croire à un avenir plus clément.

Steve (Antoine-Olivier Pilon)

Ils vont se lier d'amitié avec leur énigmatique voisine Kyla, issue d'un milieu plus aisé, elle est timide et bègue et semble elle aussi en proie à une profonde tristesse et lassitude. Ces trois êtres laissés sur le bord de la route du bonheur vont se serrer les coudes et tenter de profiter de la vie.

Kyla (Suzanne Clément)

Bande-annonce :


A partir d'un scénario assez simple, Xavier Dolan tire un petit bijou d'humanité, mélangeant avec brio moments de joie et de tristesse, d'espoir, de désillusions. Il filme avec justesse ses personnages, montrant la relation fusionnelle qu'entretiennent Diane et Steve, partagée entre amour et haine. D'ailleurs, la plupart du temps, Steve appelle sa mère "Diane" et non pas "maman", comme si c'était davantage une amie, voir plus.
On peut saluer la formidable interprétation des acteurs qui donnent vraiment de l'épaisseur à leurs personnages, loin des clichés qu'on pourrait attendre.
Mommy est très émouvant du début à la fin : on peut passer rapidement du rire aux larmes et on sent qu'à tout moment une catastrophe peut arriver.


Enfin, une autre particularité de Mommy, c'est la performance technique de la réalisation. Tournée en format carré 1:1 tout du long, avec l'emploi de ralentis, du flou, des jeux de caméras autour des personnages... Toutes ces techniques permettant de mettre l'accent sur un moment, de renforcer l'émotion d'une scène. Comme dans Les amours imaginaires, il y a une scène de "transe", un rêve que fait Diane où son fils aurait un avenir radieux, le tout est filmé de manière floue et accompagné d'une musique forte à nous faire tourner la tête. Du Dolan tout craché.
Par ailleurs, le jeune réalisateur a le sens des détails lourds de sens et des métaphores, par exemple l'attachement des deux mères pour un de leurs colliers, l'absence de quelqu'un qui pèse sur chacun, etc.
De plus, le film est supplanté par une BO populaire, très années 90 qui donne du peps à l'ensemble (quelques extraits ici ).

L'excellent accueil médiatique pour ce film est donc mérité et Xavier Dolan démontre qu'à tout juste 25 ans il est un grand réalisateur !

Xavier Dolan


mercredi 1 octobre 2014

Littérature et magie, le quotidien d'une jeune galloise sous forme de journal dans Morwenna

Morwenna est un roman écrit sous forme de journal intime d'une adolescente vivant dans les collines verdoyantes du Pays de Galles. Mais c'est un journal d'un genre particulier puisque cette jeune fille n'est pas comme les autres.


Morwenna, surnommée Mori, a 14 ans. Elle a fuit sa mère "maléfique" après la mort soudaine de sa soeur jumelle, cette mère qui semble la persécuter et lui envoie des photos brûlées... Blessée autant physiquement que moralement, elle fait alors la connaissance de Daniel, son père qu'elle n'a jamais vraiment connu. Tous deux partagent un goût pour la littérature et apprennent à se connaitre. Elle voit aussi régulièrement ses trois tantes un peu loufoques, les soeurs de Daniel, sortes de "magiciennes" à ces yeux, et d'un grand-père juif.
"Les lieux de mon enfance étaient reliés par des chemins magiques que presque aucun adulte ne suivait" (p 36)

Morwenna est une dévoreuse de livres de Science Fiction. Elle lit dès qu'elle a un moment, jusqu'à plusieurs livres par jour, connait Tolkien par coeur et a des références littéraires beaucoup plus étoffées que de nombreux adultes! Elle fréquente assidûment bibliothèques et librairies où elle fait ses plus belles rencontres. D'ailleurs, pour elles, les bibliothèques, c'est sacré! Elle réserve régulièrement de nouveaux ouvrages via le prêt entre bibliothèques qu'elle considère comme une invention révolutionnaire :
"Le prêt entre bibliothèques est une des merveilles du monde et une gloire de la civilisation" (p.64)
Elle est interne dans un pensionnat et cohabite avec des filles issues de riches familles qu'elle juge superficielles et très dures entre elles. Elle se sent marginalisée, exclue et se réfugie dans les livres. Elle fréquente quotidiennement la bibliothèque où elle va intégrer un Club de lecture de SF qui deviendra une véritable bouffée d'oxygène.
" Quand je regarde les autres, les autres filles de l'école, et que je vois ce qu'elles aiment, de quoi elles se contentent et ce qu'elles veulent, je n'ai pas l'impression d'appartenir à la même espèce. Et parfois - parfois je m'en fiche. Il y a si peu de personnes dont je me préoccupe vraiment. J'ai l'impression parfois qu'il n'y a que les livres qui rendent la vie supportable [...]" (p 129)

Enfin, Morwenna a la particularité de voir les fées, lorsqu'elle s'aventure seule dans les forêts mystérieuses du Pays De Galles et de leur parler en gallois, mais elle peine à comprendre les paroles mystérieuses de ces dernières.
"On ne peut les voir (les fées) que quand on y croit déjà, ce qui explique pourquoi les enfants sont plus susceptibles d'y arriver. Les gens comme moi ne cessent pas de les voir. Il serait idiot de ma part d’arrêter de croire en elles. Mais beaucoup d'enfants le font quand ils grandissent, même s'ils les ont vu jusque-là" p. 107

Ecrit sous forme de journal, Morwenna raconte sa passion pour la SF, ses coups de cœur littéraires, ses rencontres, son ennui à l'école, ses étranges relations avec sa famille, ses premiers déboires amoureux, sa perception du monde, etc.
"Je ne pense pas être comme les autres. Je veux dire fondamentalement. Ca ne tient pas uniquement à ce que je suis la moitié d'une paire de jumeaux, que je lis beaucoup et que je vois les fées. Ce n'est pas juste parce que je me tiens à l'extérieur alors qu'ils sont tous à l'intérieur. J'ai l'habitude d'être à l'intérieur. C'est une attitude nécessaire pour pratiquer la magie". p. 185

Ce roman a été récompensé par 2 grands prix de la Science Fiction, le prix Hugo et le prix Nebula et a reçu le British Fantasy Award. Toutefois, je reconnais avoir été un peu déçue, sans doute que je m'attendais à autre chose, de plus fantaisiste justement, de plus percutant, de plus intriguant.
En fait, l'histoire reste assez basique, bien ancrée dans la réalité et pendant longtemps on ne sait pas si Morwenna s'est inventée un monde imaginaire pour fuir le drame qu'elle a vécu, tout comme elle se réfugie dans les livres, ou si elle voit effectivement les fées. Il subsiste bien un mystère autour de cette mère un peu sorcière, dont elle a si peur et qu'elle fuit. Il n'y a pas vraiment d'intrigue, ni d'action, juste quelques fantaisies dans le quotidien de cette adolescente qui se cherche une place dans sa nouvelle famille, dans son école, dans sa vie.

Mais c'est sans doute pour ça que ce roman s'est démarqué et a plu. Le fantastique, la magie, n'y apparaissent que par petites pincées, comme pour égayer un quotidien trop sombre.

vendredi 19 septembre 2014

White God : un film poignant, entre drame et thriller, à la limite du fantastique, où le personnage principal est un chien.

Je ne suis pas particulièrement adepte des films fantastiques souvent synonymes de gore ou d'horreur, ou du moins d'étrange. Toutefois, certains films dit "fantastiques" restent assez grand public. Et dans le cadre du festival européen du film fantastique de Strasbourg (FEFF pour les intimes), il y en a pour tous les goûts !
J'ai donc accompagné une amie à la projection du film hongrois White God, qui fut récompensé cette année à Cannes dans la catégorie "Un certain regard". Le film sortira officiellement en salle au mois de décembre.


Le film s'ouvre sur un magnifique plan où on voit les rues de Budapest désertes, la ville comme abandonnée, seule une fille parcourt la ville en vélo à la recherche de son chien. Après cette scène d'ouverture post apocalyptique, on est ramené en arrière et on découvre l'histoire de Lili et de son chien, Hagen. 
"White God", c'est aussi l’anagramme de white dog, le chien blanc, (ou plutôt beige ici) qu'est Hagen, la star du film.


L'histoire se passe à Budapest. Lili et son chien Hagen sont inséparables et s'adorent. Lorsque sa mère part trois mois en Australie, Lili doit aller vivre chez son père. Or, ce dernier est assez réfractaire à l'idée de partager son petit appartement avec un chien et la cohabitation ne se passera pas bien du tout. De plus, le gouvernement demande à ce que les propriétaires de chiens bâtards paient une taxe afin de favoriser le développement des chiens de races. (Avant la projection, il nous a été expliqué que le réalisateur s'est basé sur une proposition de l'extrême droite hongroise qui allait en ce sens, à savoir, pénaliser tous les propriétaires de chiens bâtards. Mais la proposition n'a pas été retenue.) Hagen est directement concerné puisqu'il est un croisé entre un shar-pei et un labrador (magnifique chien je trouve d'ailleurs!) et le père de Lili refuse de payer pour ce chien qui n'est pas le sien. C'est ainsi que commencent les terribles aventures de ce pauvre chien. Abandonné, livré à lui même, il va aller de mauvaises rencontres en mauvaises rencontres et, naïf et avide de tendresse, il va malheureusement être victime de  la cruauté humaine.

Bande-annonce :

Le film est construit de manière à alterner le point de vue de Lili (on la suit chez elle, à son école de musique où elle joue de la trompette, avec ses camarades d'école, cherchant son chien dans les rues de Budapest...) et celui de Hagen livré à lui même, découvrant les dangers de la ville et des hommes qui se montrent impitoyables. A plusieurs reprises on tremble pour lui, on le suit partout et on espère qu'il va s'en sortir. Certaines scènes sont très dures, notamment lorsqu'il devient la victime d'un dresseur de chien de combat, puis s'en suit une scène de combat de chiens que j'ai eu vraiment du mal à regarder. (Bien entendu, il est précisé à la fin du film qu'aucun chien n'a été soumis à des violences.)
Toutes ces étapes vont métamorphoser Hagen, jusqu'à en faire une chien chef de meute avide de vengeance...


Ce film est plein de métaphores et de symboles. C'est une dénonciation des ségrégations raciales, des marginalisations et exclusions, de la violence et de la cruauté qui peuvent transformer un être pur en monstre sanguinaire.

Malgré cette histoire dramatique, il y a quand même quelques scènes où l'on sourit, et cela notamment grâce à l'attitude du chien et à sa démarche altière, lorsqu'il se fait un copain ou encore une scène où les chiens de la fourrière regardent très attentivement un dessin animé.

J'ai trouvé ce film très poignant, la force de celui-ci résidant essentiellement dans le jeu d'"acteur" du chien, j'imagine la qualité du dressage pour en arriver là ! C'est vraiment impressionnant, Hagen montre  toutes sortes d'expressions et souvent on est plongé dans le regard de ces chiens chargés d'émotion et qui semblent ne pas comprendre ce qui leur arrive. Au total, ce sont plus de 250 chiens qui ont été acteurs de ce film pour en constituer la meute ! (Après quelques recherches, j'ai pu lire que le chien Hagen a été interprété par deux animaux différents, car il était difficile de demander au même chien d’être à la fois doux et agressif)

Sans trop d'effets spéciaux, avec un scénario plutôt simple, c'est vraiment la manière de filmer et le rythme qui en font de White God un thriller haletant, passionnant et émouvant et le font rentrer dans la catégorie "film fantastique". Malgré quelques incohérences et longueurs (notamment une scène où Lili se rend à une fête qui m'a semblé excessivement longue et n'apporte rien de spécial au film ), ça reste un film très réussi, avec une forte charge émotionnelle (difficile de ne pas avoir les larmes aux yeux vers la fin du film !)

Petite anecdote sur le film : Suite à la présentation du film au Festival de Cannes, Buddy, le chien qui interprète Hagen, a reçu la Palm Dog. Un prix remis par des journalistes anglais depuis 2001, qui récompense le meilleur acteur canin des films de la sélection officielle (source AlloCiné). Et c'est amplement mérité !


Récompense : prix Un certain regard, Festival de Cannes, 2014

Film projeté dans le cadre du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, du 12 au 21 septembre 2014 dans diverses salles à Strasbourg.

mardi 2 septembre 2014

"Les combattants" : l'amour comme une force en milieu hostile. Un beau film entre comédie, romance et aventure

Les combattants est un film français réalisé par Thomas Cailley, un réalisateur méconnu, avec de jeunes acteurs pas très connus non plus mais très prometteurs.


L'histoire :

Arnaud a 20 ans, une gueule d'ange et est plutôt timide. Il vient de perdre son père et reprend l'entreprise familiale de menuiserie avec son grand frère. Ils ont tous deux beaucoup de travail. Mais Arnaud aime aussi traîner avec ses copains. Un jour, à la plage, ses amis l'inscrivent à son insu à une initiation de self défense. Il se retrouve face à Madeleine, une fille renfermée et musclée aux allures de garçon manqué qui n'hésitera pas à lui flanquer une raclée. Quelques jours plus tard, dans le cadre de son travail, il revoit la jeune femme. Celle-ci est toujours sur la défensive, ne sourit jamais et semble suivre un entrainement intensif pour apprendre à faire face à la fin du monde.

Bande-annonce :


Madeleine a un master en macro économie. Elle est super calée sur la politique agricole et économique et n'a plus d'espoir dans l'avenir. C'est sûr, selon elle, l'humanité est sur le déclin et la fin est proche. Elle souhaite donc se préparer au pire et intégrer l'armée pour faire un stage commando.
Arnaud et ses copains aussi sont plutôt pessimistes face au chômage et à la crise économique. Mais ils continuent à s'amuser. C'est le portrait d'une jeunesse un peu perdue qui tente de faire face à un avenir incertain.

Arnaud est de plus en plus intrigué par cette fille si différente au regard déterminé et aux yeux humides, qui semble en vouloir à la terre entière, ne rien apprécier et est toujours prête à se battre. Il devient tellement fasciné par cette fille que, lui qui raillait l'armée quelques jours plus tôt, finit par s'inscrire lui aussi au stage de survie en forêt auquel elle va participer ! C'est le début d'une aventure où ils vont apprendre à se connaitre et à s'ouvrir petit à petit l'un à l'autre.


Pourquoi ce film vaut le détour :

Les acteurs sont filmés de près, souvent par des longs plans, qui mettent en avant leurs émotions.
C'est un film d'une grande sensibilité sur la difficulté d'entrer dans le monde adulte, la peur d'affronter la vie et un avenir très incertain, la difficulté d'exprimer les sentiments amoureux. En effet, Arnaud a du mal à exprimer le fond de sa pensée, parle d'une voix chevrotante de "trucs" qu'il voit ou qu'il ressent alors que Madeleine est renfermée et semble constamment blasée, fataliste et à fleur de peau. C'est aussi un film qui aborde des sujets beaucoup plus sérieux comme la destruction de l'environnement, l'individualisme, le chômage, la crise, etc.

Souvent, on sourit des maladresses des deux jeunes gens ou de certaines scènes insolites filmées avec grande attention, comme les attitudes et expériences "extrêmes" de Madeleine. A mes yeux, c'est cet humour décalé, burlesque qui fait toute la force du film. S'ajoute à cela la superbe interprétation des deux personnages principaux. Tout au long du film, on sent une tension contenue entre eux, tension qui se transforme petit à petit en désir mais on ne sait jamais quand elle va exploser. S'ajoute à cela une belle et dynamique bande-originale réalisée par le groupe Hit'n Run qui accompagne en rythme un scénario superbement ficelé. (A écouter ici)


Par ailleurs, le film surprend car il ne prend pas vraiment la direction attendue. Je m'attendais à avoir quelques explications sur le caractère renfrogné et le tempérament extrême de Madeleine mais le mystère reste entier. On ne saura pas ce qui l'a rendue si dure. Le réalisateur s’attelle davantage à nous démontrer l'évolution des émotions et des relations entre les personnages.

Entre comédie, romance, film d'apprentissage, d'aventure et film catastrophe, Les combattants se distingue dans le paysage du cinéma français et a d'ailleurs été remarqué lors de la Quinzaine des réalisateurs, au festival de Cannes 2014.

Les Combattants. - film réalisé par Thomas Cailley, avec Adèle Haenel, Kevin Azaïs, William Lebghil... . - Distribué par Haut et Court et Nord Ouest production.

jeudi 28 août 2014

Entre fiction et documentaire, Mauvais genre, une BD remarquable

Mauvais genre est une bande-dessinée touchante, écrite par Chloé Cruchaudet, auteure de la trilogie Ida (qui raconte les aventures d'une "vieille fille" trentenaire à la fin des années 1880 qui se découvre une passion pour les voyages) et de Joséphine Baker. Dans son nouvel album Mauvais genre sorti en 2013, elle aborde là encore des faits historiques en s'inspirant d'histoire vraie qui s'est déroulée pendant la Première Guerre Mondiale.


L'album est très beau, les dessins sont pour la plupart en noir, blanc ou couleurs sombres avec juste quelques touches de  rouge qui font ressortir du sang et des vêtements.

Les premières planches de la BD relatent un procès. On se doute donc déjà que l'histoire s'est mal terminée. On est ensuite plongé dans l'histoire de deux jeunes gens, Paul et Louise. Ils sont très jeunes lorsqu'ils se marient, juste avant qu'éclate la Première Guerre mondiale. Paul part alors à l'armée et est envoyé au front. Naïf et insouciant, il voit la guerre comme une sorte d'étape, presque un jeu, et espère retrouver très vite sa bien aimée. Mais la guerre dure plus longtemps que prévu et il connaîtra  alors l'horreur des tranchées qui ne finit pas. Les premières planches illustrent très justement et durement toute l'atrocité de la guerre. Paul souhaite quitter cet enfer à tout prix et finira par déserter, retrouvera sa femme et devra vivre caché car les déserteurs sont menacés de mort. Mais difficile de rester planquer à ne rien faire ! Louise a alors une idée : si Paul se transforme en femme, il pourra de nouveau sortir. Ce dernier se prend vraiment au jeu, jusqu'à modifier sa façon d'être, sa personnalité, sa sexualité et à devenir une star du bois de Boulogne...

Mais les fantômes de la Grande Guerre reviendront hanter Paul, jusqu'à mettre en péril son couple, son équilibre mental, sa vie.

Exemple de planche avec beaucoup de rouge 

Mauvais Genre est une histoire triste tirée de faits réels. En effet, l'auteure s'est inspirée de l'histoire d'un couple qui a été relatée dans un essai intitulé La garçonne et l'assassin paru en 2011Toutefois, elle emploie un ton relativement léger, l'écriture est moderne, vivante, les personnages attachants, présentés avec leurs défauts leurs espoirs et leurs peurs.

Cet album aborde toute l'horreur de la guerre, en cette année de commémoration du centenaire du début de la Première Guerre Mondiale, et met en lumière le sort des déserteurs qui étaient considérés comme des lâches et menacés de mort pendant des années, même après la fin de la guerre. Mais c'est aussi un album sur le genre, sujet tellement d'actualité ces dernier mois! Y sont abordées les questions suivantes : qu'est-ce-que c'est être une femme, un homme?

Mauvais Genre est une bande-dessinée entre documentaire et fiction, touchante, intéressante, très bien illustrée et facile à lire. Elle a été récompensée par le prix du public Cultura  au festival d’Angoulême cette année.

Mauvais Genre / Chloé Cruchaudet . - Ed. Delcourt (Mirages), 2013

lundi 25 août 2014

Mystères au bord du barrage : Les Revenants, superbe et énigmatique série française

Les Revenants est une superbe série française à l'ambiance particulière où règne une tension permanente et réalisée sans effets spéciaux. La saison 1 a été diffusée sur Canal + en 2012.


Un village isolé dans la montagne quelque part en France, un énorme barrage, des familles brisées, endeuillées, une association d'aide aux personnes en détresse, une vie qui malgré tout semble suivre son cours.... Mais voilà qu'un jour, un étrange petit garçon surgit de nulle part et s'attache à une femme célibataire. Au même moment Camille, une ado de 15 ans morte il y a 4 ans revient chez elle comme si de rien n'était. Puis un homme saute du haut du barrage après avoir revu sa femme décédée il y a 30 ans. Et aussi Adèle, veuve très jeune a refait sa vie avec le capitaine de la gendarmerie, mais c'est alors que surgit son ex mari, Simon, qui n'a pas pris une ride. Et comme si ça ne suffisait pas, voilà qu'un assassin ressuscite également...

Léna et Camille, deux jumelles qui se retrouvent 4 ans après le décès de Camille

Victor, à mes yeux le personnage le plus flippant de la série !

Tous ces revenants ignorent que des années se sont écoulées depuis leurs disparitions. Ils ignorent même qu'ils sont morts et revenus. Ils veulent juste reprendre leur place d'avant auprès de leurs proches mais cela va entraîner forcément quelques bouleversements. De plus, après leur retour au village a lieu toute une série d’événements étranges : des pannes de courant, des blessures qui apparaissent sur leurs corps, des visions, des animaux noyés...

Trailer saison 1 :

Les Revenants est une série fantastique un peu particulière puisqu'elle est profondément ancrée dans le réel et qu'il n'y a pas d'effets spéciaux. Ici pas de zombies ou de fantômes. Les "revenants" sont tels qu''ils étaient lorsqu'ils sont partis. S'ils ont du mal à se réadapter à la vie qu'ils ont quitté quelques années plus tôt, on dirait qu'ils ont tout de même changé et gagné en maturité. De plus, ils semblent dès fois lire dans les pensées ou avoir des sortes de pouvoirs...
Simon

Chaque détail de la série est travaillé, rien n'est laissé au hasard, aussi bien dans le scénario que dans la construction des personnages. Aucune parole en trop, pas de mélo, rien n'y est superficiel. Le rythme est plutôt lent mais la tension permanente. Rien que le générique de la série est un petit bijou que je ne me lasse pas de regarder, entre étrangeté, poésie et fantastique. De plus, la musique de Mogwai contribue beaucoup à l'ambiance si mystérieuse de la série.

Le générique :


A la fin des 8 épisodes de cette première saison, il reste encore beaucoup de questions en suspens et de mystères à éclaircir. Que vont devenir ces revenants? Pourquoi sont-ils revenus? La suite dans la saison 2 prévue diffusée bientôt sur Canal Plus!

Bref, vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé cette série. Attention toutefois, Les Revenants peut déranger, car la série soulève des questions sur la mort et l'au-delà, le tout sans éléments fantastiques qui permettent habituellement de mettre une certaine distance.

samedi 23 août 2014

Le Chardonneret : émotion et réflexion dans ce roman fleuve lauréat du prix Pullizer

Il m'aura fallut du temps pour finir ce pavé de presque 800 pages écrit par l'auteur du Maître des Illusions, Donna Tartt ! Le Chardonneret est un roman fleuve dont une grande partie s'apparente à roman d'apprentissage à la J.D. Salinger, puis une partie, notamment vers la fin, tient du roman policier, avant de se termines par des réflexions philosophiques. L'ensemble est superbement écrit avec force de détails sur ces personnages et leurs épopées, il s'en dégage beaucoup d'émotion. Ce roman a suscité des critiques dithyrambiques dans toute la presse littéraire et des commentaires enjoués de nombreux lecteurs. L'auteure a été récompensée en recevant le prix Pullizer 2014 pour son Chardonneret.


L'histoire 

Théo a douze ans lorsqu'il visite une exposition au MOMA de New York avec sa maman passionnée d'art. C'est alors qu'a lieu une violente explosion. Dès lors, l'auteure nous bluffe par le réalisme de la description du chaos qui règne ensuite, les péripéties du garçon pour s'en sortir et la foule d'émotions qui le traversent. On pense alors que cette explosion est le début d'une enquête criminelle, on se demande qui en est à l'origine et pour quelle raison. Mais nous n'en saurons rien. Cette explosion est en fait le point de départ d'une nouvelle vie pour Théo, une vie sans sa maman, et d'une suite de péripéties.
Tout d'abords, lors de sa visite au musée, il est fasciné par une jeune fille accompagnant un vieil homme. Après l'explosion, il va rencontrer ce vieux monsieur mystérieux, dans de tristes circonstances. Ce dernier va lui transmettre une bague et l'inciter à cacher un précieux tableau intitulé Le Chardonneret. On pense que cela va conduire à un trésor caché, une enquête policière, des secrets enfuis... Mais en fait, pas du tout. C'est juste que cette explosion va être un énorme chamboulement pour Théo qui va l'amener à faire des rencontres déterminantes : Hobbie, un vieil antiquaire qui va le prendre sous son aile, Pippa, la jeune fille dont il va tomber amoureux, son ami Andy et sa famille d'accueil, etc.

C'est un roman d'apprentissage sur la vie, ses déceptions, ses douleurs, la difficulté de tisser des relations de confiance, la limite des fois floue entre le bien et le mal, les tentations...
Ce récit nous plonge aussi dans le monde de l'art et des antiquités, nous montre le pouvoir que peuvent avoir certains objets et oeuvres d'art et l'attachement qu'ils peuvent susciter. Et si le précieux tableau est au coeur du roman, c'est seulement dans les dernières pages qu'une magnifique description en est faite.

Un roman documenté qui fait référence à des faits réels

Après quelques recherches sur le net, j'ai constaté que le tableau intitulé "Le Chardonneret" existe effectivement, il a été peint par un élève de Rembrandt, Carel Fabritius, qui est d'ailleurs décédé dans l'explosion d'une poudrière en 1654!

Le Chardonneret, Carel Fabritius, 1654. (source Wikipédia)

Le travail de ce peintre a été redécouvert au 19ème siècle par Théophile Thoré-Burger. L'auteure semble donc s'être inspirée de la véritable histoire de ce tableau pour écrire son roman, dont le narrateur s'appelle justement Théo...

Mon avis

Je ne vais rien révéler de l'intrigue mais j'avoue avoir été surprise (et un peu déçue je l'avoue) à la fin. Pendant 800 pages on se demande quelle était la cause de cette explosion, mais finalement, on ne saura jamais, ce n'est pas ce qui importe à l'auteure. Cette catastrophe est en fait le déclencheur de multiples étapes dans la vie de Théo : le décès de sa mère, son passage dans la famille d'un de ces copains" Les Barbours, une famille bourgeoise quelque peu fantasque qui prendra malgré tout soin de lui. Ensuite, les retrouvailles avec son père qui l'avait abandonné quelques années plus tôt et sa copine excentrique, son déménagement à Las Vegas, sa rencontre avec son ami Boris, lui aussi enfant solitaire et téméraire livré à lui même. Puis la plongée dans l'alcool et les drogues à même pas 14 ans...

Pour résumé, c'est l'histoire d'un garçon qui quitte brutalement le monde de l'enfance pour basculer dans une vie d'adulte très sombre. L'auteure décrit toujours avec justesse et précision les émotions de Théo, cela m'a semblé dès fois un peu long, notamment la description de son séjour à Las Vegas. D'un autre coté, j'ai eu l'impression que certains passages étaient éclipsés, passés sous silence, comme si le narrateur (Théo) vivait les bouleversements de sa vie avec fatalisme, sans chercher à se battre, à se faire une place dans la société. Tout au long de son adolescence et de sa vie de jeune adulte, il garde le secret de ce tableau qu'il a planqué, sans savoir vraiment quoi en faire.
Ce secret finira par le rattraper bien des années après qu'il ait essayé de se ranger. Il ne sera jamais vraiment heureux, toujours nostalgique, amère, triste.

De manière générale, j'ai trouvé que Le Chardonneret est un beau roman, dense et émouvant, très bien écrit, avec précision, tendresse et justesse. Toutefois, j'ai été quelque peu surprise par le rythme d'écriture (certains passages longuets, d'autres passés trop rapidement) et un peu déçue par le déroulement de l'intrigue. Finalement, il ne faut pas voir ce roman comme un livre policier (il est souvent présenté comme tel) mais plutôt comme un roman d'apprentissage, d'introspection, de réflexion philosophiques.

Le Chardonneret / Donna Tartt .- Plon ; Feux Croisés : 2014

Quelques citations :

>> A propos de son ami Hobbie:
"J'ai senti à un niveau viscéral un profond changement d'allégeance, une conviction soudaine, humiliante à faire pleurer, que cet endroit était bon, cette personne était sûre, je pouvais lui faire confiance, personne ici ne me ferai du mal." p.163-164

>> A propos de sa mère :
"Sauf que parfois elle resurgissait brutalement à des moments inattendus, en éclats si rebelles que je m’arrêtais sur le trottoir, soufflé. En un sens, le présent avait rétraci pour devenir un endroit plus petit et bien moins intéressant." p 421-422

>> A propos de son mal être :
"Mon champs visuel s'était rétréci : j'étais dans un tunnel. Toutes ces années où j'avais erré, trop lisse et isolé pour qu'une quelconque réalité se fraie un chemin : un délire qui m'avait fait tourbillonner sur sa vague lente et douce depuis l'enfance, dévoncé et allongé sur la moquette à longues mèches de Vegas, riant à l'adresse du ventilateur du plafond, sauf que je ne riais plus, Belle au bois dormant grimaçant de douleur avec environ un siècle de retard." p 570-571

>> Extrait d'une longue description d'Amsterdam :
"[...] j'ai senti l'étrangeté de la ville m'assaillir, les odeurs de tabac, de malt et de muscade, les murs de café du même brun mélancolique qu'un vieux livre relié en cuir puis au-delà, des passages sombres et des clapotements de l'eau saumâtre, des cieux bas et de vieux bâtiments penchés les uns contre les autres avec un sentiment sombre et poétique teinté d'une vague sensation de destruction, la solitude pavée d'une ville qui donnait l'impression, à moi en tout cas, d'un endroit où l'on pourrait laisser l'eau se refermer sur ma tête." p. 661

>> Réflexion de Théo sur sa vie:
"Et tandis que des raies de lumières vacillante le zébraient, j'avais en parallèle le sentiment écœurant de ma propre vie, pareille à une explosion d'énergie non structurée et éphémère, un pétillement d'énergie biologique statique tout aussi aléatoire que les lampadaires que nous dépassions en un éclair." p.686

"Je voyais à peine comment j'arrivais encore à bouger, à ne pas tomber, comment j'avançais tout court, une sorte d'inconscience infondée et insaisissable qui me transportait bien au-dessus de moi même dans des hauteurs et des creux impersonnels où j'avais l'impression de me regarder d'en haut ...] p 728

>> Questionnement de Théo sur le bien fondé de ses actes:
"Le message de ce livre est très sombre. "Pourquoi être bon." Mais c'est ce qui m'a submergé la nuit dernière dans la voiture. Et si... et si c'était plus compliqué que ça? Et si peut-être contraire vrai aussi? Parce que, si le mal donne parfois des bonnes actions...? Où est-ce qu'il est dit, où que ce soit, que seul le mal résulte des mauvaises actions? Peut-être parfois, la mauvaise manière est la bonne? Tu peux prendre le mauvais chemin et aboutir quand même là où tu veux? Ou bien, vois-le sous un autre angle, parfois tu peux faire tout de travers et malgré tout ça se finit bien?" p. 760