mercredi 16 décembre 2015

"Toute la lumière..." : magnifique roman qui relate le destin de deux adolescents pendant la guerre. Superbement écrit !

Cela faisait longtemps que je n'avais pas été à ce point plongé dans un roman ! "Toute la lumière que nous ne pouvons voir" est un livre d'une grande puissance qui nous transporte pendant la seconde guerre mondiale. Mais, contrairement à la plupart des romans abordant ce sujet, ce roman a le mérite d'épouser le point de vue français et allemand à travers deux personnages attachants, deux adolescents plongés dans la guerre malgré eux. 


Coté allemand, le jeune Werner, 16 ans, vit dans un orphelinat avec sa petite soeur Juta. Il passe son temps à se poser des questions scientifiques et à réaliser des expériences techniques. Avec sa soeur, ils aiment écouter des émissions à la radio, notamment une émission de vulgarisation scientifique diffusée le soir.
Il devient un véritable petit génie de l'électronique et éveille la curiosité d'un officier allemand qui l'incite à s'inscrire dans une célèbre école. Mais les grands rêves de découvertes et d'études supérieurs de Werner se voient vite confrontés aux limites de cette école, véritable fabrique de nazillons où il n'y a pas de place pour les sentiments et le libre arbitre et où obéissance et brutalité semblent être les leitmotivs. Ainsi, Werner va se faire entraîner malgré lui dans la triste aventure de la guerre et il aura bien du mal à conserver ses rêves d'enfant.

Coté français, la jeune aveugle Marie-Laure vit à Paris avec son père, serrurier au musée d'histoire naturelle. Ce dernier lui a fabriqué une maquette du quartier où ils vivent afin qu'elle puisse plus facilement se repérer. Il aime passer du temps avec sa fille. Marie-Laure apprécie les promenades dans le jardin des plantes et passe beaucoup de temps à parcourir des doigts les gros volumes en braille relatant les aventures de Jules Verne. Lorsque la guerre éclate, alors que les allemands pillent les richesses de la France, son père ainsi que 3 autres employés du musée se voit confier une pierre précieuse et ses trois répliques, chacun ignorant s'il a la véritable pierre ou non. Les quatre employés doivent se disperser sur le territoire. Cette pierre, d'après la légende, à le pouvoir de rendre immortel et de protéger la personne qui la détient mais au détriment de ses proches. Forcément, elle risque de susciter quelques convoitises...
Lorsque Paris est attaqué, il décide de fuir la capitale avec Marie-Laure. Leur périple les mènera jusqu'à Saint-Malo où ils trouveront refuge dans la demeure d'un grand-oncle qui vit reclus dans sa maison depuis qu'il est revenu traumatisé de la Grande Guerre. C'est madame Manec, sa gouvernante qui les accueillera chaleureusement et prendra soin d'eux durant leur séjour. Progressivement, le vieil oncle taciturne va sortir de son antre pour se rapprocher tout doucement de Marie-Laure. Et lorsque les allemands réquisitionnent tous les postes de radios, ce sont une dizaine de postes dont doivent se séparer les habitants de la maison ! Cependant, un vieux poste de radio subsiste et sera caché dans le grenier. A partir de ce moment, les occupants de la maison peuvent à tout moment être arrêtes comme terroristes par les allemands.


Toute la lumière que vous ne pouvez voir n'est pas seulement un roman sur la guerre. C'est aussi un roman historique et géopolitique, un roman d'apprentissage décrivant la perte des illusions de deux enfants français et allemand, une peinture sociale pleine d'humanité, un roman d'aventure, le tout écrit avec une touche de poésie et de mystère. Toutes ces caractéristiques en font un roman passionnant, superbement écrit, qui se dévore rapidement.
On oublie presque que l'auteur est américain tant il décrit si bien le vécu coté français et coté allemand tout au long de la guerre. L'auteur dépeint ses personnages avec beaucoup de tendresse. Par ailleurs, on sent un véritable attachement aux villes de Paris et de Saint Malo qui apparaissent presque comme des personnages à part entière. A ce titre là, le roman me fait penser à  L'Ombre du Vent de C.L. Zafon où est décrit avec beaucoup d'affection les aventures d'un garçon dans le Barcelone des années 30.

Enfin, ce roman est captivant grâce à son rythme d'écriture : des phrases courtes, percutantes, des chapitres courts alternant le récit des aventures de Marie-Laure et de Werner, de superbes passages descriptifs à la fois réalistes et poétiques... tout cela fait que le livre de plus de 600 pages se lit quasiment d'une traite.
Bref, c'est un livre magnifique qui mérite amplement le prix Pulitzer 2015 qui lui a été attribué !


Quelques citations : 

"Des portes sont soufflées de leurs chambranles. Des briques, pulvérisées. De gros nuages joufflus de craie, de terre et de granit jaillissent vers le ciel. Les douze forteresses volantes ont déjà fait demi-tour, repris de l'altitude et retrouvé leur alignement au dessus de la Manche, que les ardoises des toits n'ont pas fini de pleuvoir dans les rues." p 121

"Le monde semble tanguer délicatement, comme si la ville partait légèrement à la dérive. Comme si, sur le rivage, le reste des Français n'avait plus qu'à se ronger les ongles, à s'enfuir, trébucher, pleurer et se réveiller dans une aube grise et engourdie, incapable de comprendre ce qui se passe. A qui appartiennent les routes à présent? Et les champs? Et les arbres?" p 147

"Pour sa part, les doutes reviennent régulièrement. Pureté raciale, pureté politique - Bastian exprime son horreur de toute corruption, mais la vie n'est-elle pas corruption? se demande-t-il au coeur de la nuit. Dès qu'un enfant est né, le monde se jette sur lui. Pour lui prendre des choses, lui en imposer d'autres. Chaque bouchée de nourriture, chaque particule de lumière qui entre dans son oeil- le corps ne peut jamais être pur." p 329-330

"On est très loin de comprendre ce que c'est d'être aveugle, quand on ferme les yeux. Sous notre monde des cieux, des visages et des édifices, il en existe un autre, plus brut et plus ancestral, un espace où les surfaces planes se désintègrent et où les sons forment une multitude de rubans dans les airs" p 452

"Difficile d'avoir grandit dans les années quarante en France sans que la guerre soit le centre à partir duquel le reste de votre existence gravitera toujours." p 589



vendredi 20 novembre 2015

Kalachnikov vs musique. Billet d'humeur face à la terreur

Voici un billet un peu particulier puisqu'il ne s'agit pas d'un coup de coeur mais plutôt d'un coup de gueule. Il m'a fallu un peu de temps pour réagir aux tragiques événements survenus à Paris. Le temps de réaliser, de prendre un peu de distance, de réfléchir. Comme tout le monde j'ai été profondément attristée et choquée par ce qui s'est passé : tirer sur des gens paisiblement attablés ou qui écoutent joyeusement un concert, c'est vraiment inhumain. Toutes ces victimes innocentes, qui étaient juste sorties boire un verre, manger au resto, écouter de la musique, bref profiter de la vie. On pense très fort à leurs familles. Mais je pense aussi à tous ces blessés qui vont devoir se remettre tant physiquement que moralement de s'être pris une balle de kalash' alors qu'ils étaient juste à un concert... Je pense à toutes les personnes qui s'en sont sorties saines et sauves et qui ont été témoins de ces horreurs mais qui devront vivre avec ce traumatisme.


Ces attentats nous ont tous beaucoup bouleversés. Déjà parce que c'est la jeunesse qui a été touchée. Des gens qui sortent boire un verre, manger au resto, voir un match de foot ou vont à un concert. Des gens qui aiment le sport, la culture, la vie tout simplement. Ca aurait pu être n'importe qui : mes potes, mon frère, ou moi. Ca nous touche profondément. Bravo connards de terroristes, vous avez réussis votre coup, la France a peur... Ca nous touche aussi car c'est la culture, la vie nocturne, la fête, en gros, nos libertés qui étaient ciblées. Et ça, même si on ne s'en rendait pas compte jusqu'alors, on y est fortement attaché. 
La France est touchée mais ne sombre pas, comme le dit la devise latine si bien reprise ces derniers jours "Fluctuat nec mergitur". Cette tragédie nous a fait prendre conscience de la chance d'avoir autant de libertés, une culture si riche, une vie si dense... On a dorénavant encore plus envie d'en profiter. Désormais, on en savoure chaque moment. Encore plus qu'en janvier, on se sent solidaires, unis et déterminés. Parait qu'on est en guerre. Alors battons nous. Mais avec nos armes : notre liberté, nos droits. Allons voter. Lisons des livres. Ecoutons de la musique. Continuons d'aller à des concerts, à des événements sportifs, à boire des coups en terrasse. Mais aussi à s'informer et à s'ouvrir au monde. Car ce qu'on a vécu la semaine dernière se passe aussi dans d'autres pays en Afrique, au Moyen Orient mais n'a pas forcément le même écho tragique dans nos journaux d'actualité. Oui on a peur. Mais on se bat. On ne se couchera pas face à la bétise, l'obscurantisme, la terreur. Je continuerai d'aller voir des expos, des films au cinéma, de la musique en live et d'aller boire des coups avec mes amis. Parce que ça nous ouvre sur le monde. Parce que ça nous fait réfléchir. Parce que ça nous détend. Parce que ça nous rassemble.

Alors, pour finir, montons le son et levons le poing sur I love Rock n Roll.


Prenez soin de vous. Et à bientôt pour de nouvelles découvertes !

mardi 17 novembre 2015

Nous trois ou rien : un beau film émouvant sur l'immigration

Nous trois ou rien est le premier film plutôt réussi de l'humoriste Kheiron, découvert en 2006 dans le Jamel Comedy Club et surtout dans la mini-série Bref.


C'est un film tout particulier pour le jeune réalisateur puisqu'il retrace l'histoire de ses parents qui ont fuit l'oppression iranienne dans les années 1980. Kheiron a même la chance / l'audace / le mérite (au choix) de jouer le rôle de son père, ce qui a dû être particulièrement émouvant pour lui.

Bande-annonce :

L'histoire (vraie) : Dans les années 1970, durant la dictature du Sha, Hibat est un étudiant épris de liberté et plein d'idéaux qui fait parti d'un mouvement de contestation du régime. Malheureusement, comme beaucoup d'autres à cette époque, ces actes pourtant anodins à nos yeux finissent par le faire arrêter. Il sera alors condamné à 10 ans de prison ! Résistant jusqu'au bout, il connaîtra les geôles iraniennes, les menaces, la torture, l'isolement jusqu'à sa libération au bout de sept années.
A sa sortie, s'il est acclamé comme un héros par ses proches et les opposants au régime pour ses actes de résistance, il est toujours surveillé par le pouvoir et doit mener une vie de fugitif.


Il  rencontre alors celle qui deviendra sa femme, Fereshteh (superbement interprétée par Leila Bekhti) et tous deux ont un enfant ensemble (Kheiron petit). Lorsque la rue parvint à faire tomber le Sha, l'espoir revient, mais pour une courte durée seulement. En effet, le successeur du Sha s'avère être un fanatique religieux qui donne le pouvoir aux Mollah.  C'est pourquoi, en 1984, ils prennent la décision de fuir le pays dans des conditions évidement épiques. La deuxième partie du film raconte leur arrivée en France, leur intégration dans une banlieue parisienne décrépie, l'énorme place du milieu associatif dans lequel ils s'investissent beaucoup tous les deux, l'importance des rencontres, la volonté d'aller toujours de l'avant, de rester positif coûte que coûte, les liens avec les mouvements de résistance en Iran, etc.


Malgré une histoire plutôt triste et éprouvante, c'est un film assez positif, où on trouve beaucoup d'humour, comme pour mettre de la distance avec l'horreur de certaines situations. Ainsi le Sha est présenté comme un personnage burlesque, une sorte de Calife tout droit sorti de la bande-dessinée!


Tout au long du récit, on sent beaucoup de tendresse et d'humanité, c'est ce qui a donné probablement le courage et la force à ce couple de s'intégrer dans un pays qui leur était à l'origine totalement étranger.

C'est une histoire d'immigration émouvante qui a un écho vraiment pertinent avec l'actualité du moment. Un film plein de bonté et d'espoir que beaucoup devraient voir en ce moment.

Nous trois ou rien / film français réalisé par Kheiron, avec Kheiron, Leila Bekhti, Zabou Breitmann, Gérard Dermond etc. Sorti le 4 novembre 2015.

jeudi 5 novembre 2015

"Narcos" : une série remarquable retraçant l'histoire incroyable du trafiquant de drogue Pablo Escobar et de la lutte antidrogue

Article mis à jour le 9 septembre 2016. Critique de la saison 2 en bas de page.

Depuis fin août, Netflix propose de découvrir la série Narcos créée par Chris Brancato, Eric Newman et Carlo Bernard qui retrace la lutte des agents américains de la DEA face au trafic de cocaïne en Colombie.


Inspirée de l'histoire vraie de Pablo Escobar, filmée avec un grand sens du réalisme et beaucoup de suspense, cette série dramatique est aussi palpitante qu'effrayante, surtout quand on sait qu'elle est inspirée de faits réels.

Teaser :

Au début de sa carrière à la DEA (le service de lutte anti-drogues aux Etats-Unis), Steve Murphy pourchassait les fumeurs de cannabis sur le port de Miami. Mais ça c'était avant. Avant que la cocaïne devienne la drogue préférée des américains dans les années 80, avant qu'on découvre que cette drogue provenait de Colombie et qu'il soit affecté à Bogota pour lutter contre le fléau à la source. C'est cet agent de la DEA qui est le narrateur de l'histoire. La série s'ouvre par une scène de fusillade se passant en 1989 puis Steve nous raconte ce qui s'est passé pour en arriver là et nous renvoie au début des années 1980, jusqu'à la fin de la saison.

Steve et sa femme Connie

Lorsqu'il arrive en Colombie, officieusement en tant que responsable de l'entretien de l'ambassade, il s'associe avec son homologue Javier Pena ainsi qu'avec un autre policier déjà habitué à traquer les narco-trafiquants. Il va vite constater qu'il est difficile de trouver des personnes de confiance en Colombie tant l'emprise des magnats de la drogue et la corruption sont importantes à tous les niveaux de la société.

le policier et les 2 agents de la DEA 

En parallèle, un premier épisode raconte sur un ton badin et ironique comment la cocaïne est arrivée en Colombie par un cultivateur de coke chilien qui a fuit in-extremis la dictature de Pinochet. C'est lui qui propose à l'époque ses services au jeune mafieux de l'époque, un certain Pablo Escobar, en lui proposant d'être son "cuisinier" pendant qu' Escobar s'occupe d'écouler ensuite la marchandise. C'est d'abord en planquant la cocaïne sous les voitures qu' Escobar écoulera les stocks, puis, la demande ne cessant de croire, il utilisera des dizaines de camions pour passer les frontières, avant de recruter le pilote d'un petit avion lui assurant ainsi des liaisons régulières vers Miami !


Et là, la demande américaine ne cessa d'augmenter. C'est ainsi que commença un trafic de drogue énorme, où des millions puis des milliards de dollars sont brassés. De plus, Escobar fait alliance avec d'autres trafiquants colombiens pour créer ainsi le cartel de Medelin.

une partie du carte le de Medelin

Si ce trafic a pu se développer de manière si exponentielle, c'est en raison notamment de l'immense pouvoir d'intimidation qu'a Pablo Escobar sur la police, les politiques, les médias, dont il connait parfaitement les noms et habitudes. Il dispose de centaines d'hommes sous ses ordres et  n'hésite pas à menacer et punir ceux qui ne respectent pas ses volontés.

Pablo Escobar entouré d'un stock de Cocaïne

Narcos est une série sur le trafic de cocaïne mais aussi sur la personnalité ambiguë de Pablo Escobar. Avide de pouvoir et de reconnaissance, ce dernier aime à se faire voir comme un "Robin des bois" des temps modernes distribuant des liasses de billets aux pauvres qui l'adorent. Cependant, il n'hésite pas à tuer quiconque se dresse au travers de son chemin. Tendre avec sa famille, il est intransigeant et dur en affaires, terrorisant tout le monde, n'hésitant pas à manipuler et tuer des centaines d'innocents pour gagner toujours plus d'argent, avoir plus de pouvoir et sauver son honneur. N'ayant peur de rien ni de personne, il intimide ou élimine ses adversaires les uns après les autres. Il rêve d'avoir encore plus de pouvoir et de gloire et pour cela il se présente même aux élections présidentielles ! Trafiquant ambitieux et manipulateur, criminel psychopathe, terroriste : il devint le criminel le  plus redouté mais aussi le plus riche de l'histoire avec une fortune de 30 milliards de dollars à sa mort !!


Rares sont ceux qui persévèrent à le traquer malgré les intimidations. Les trois policiers doivent redoubler d'efforts et employer des moyens pas toujours très légaux pour retrouver la trace des narcotrafiquants.
Plus largement, la série raconte les débuts de la lutte anti-drogue aux Etats-Unis et en Colombie, avec notamment le développement des écoutes.

Tout cela est superbement raconté dans cette série et, d'après ce que j'ai lu, l'histoire est assez proche de la réalité. C'est d'ailleurs ce qui est le plus sidérant dans cette histoire, qu'elle est issue de faits réels. Pour le rappeler, le réalisateur insère souvent des images d'actualité de l'époque pour faire le parallèle ou appuyer certains des aspects les plus fous de l'histoire, lorsqu'on a du mal à y croire.
La réalisation est soignée, le rythme soutenu, alliant suspense et intérêt historique, ce qui nous tient en haleine tout du long. Les acteurs sont remarquables, mention spéciale à l'acteur brésilien Wagner Moura qui interprète avec brio Pablo Escobar

Enfin, le générique a lui seul est une petite pépite. Constitué d'images d'archives illustrant la lutte anti-drogue des années 80, défilant  sur la musique latine douce et envoûtante de Rodrigo Amarante.




Bref, si vous aimez les histoires de mafia, les films policiers, les biopics et histoires vraies, les moustachus et les années 80, vous devriez aimez Narcos.

Saison 2 :

Un an après avoir dévoilé la première saison de Narcos, Netflix diffuse la saison 2 depuis fin août 2016. On retrouve la voix off sobre du narrateur (l'agent de la DEA Steve Murphy) qui raconte, à posteriori, le récit de la traque du plus grand criminel de l’histoire de la Colombie. Le célèbre narcotrafiquant est toujours plein de ressources pour échapper à la police quitte à menacer les hommes politiques, les médias, ses rivaux et à terroriser la population par le biais de terribles attentats. En parallèle, la cellule chargée de le traquer connait quelques bouleversements et de nombreuses pressions, notamment de la part du gouvernement américain.
Cependant, malgré la terreur qu'il continue d'inspirer, Pablo Escobar n’est  plus le roi de la coke qu’il était auparavant. En effet, le cartel de Cali avec qui il avait une alliance a désormais des souhaits de grandeur et les deux clans vont se disputer des territoires pour le trafic de drogue. S'en suivra une guerre sanglante entre les deux gangs.

Le rythme est ici plus lent que dans la saison 1, le récit se centrant davantage sur le cercle privé de Pablo Escobar : ses bras droits et son équipe qui tend à se restreindre, ses rapports avec sa famille qu'il adore... Le tout visant à dresser un portrait intéressant et ambigu de Pablo Escobar : un mégalo sans scrupules qui avait un besoin constant de reconnaissance, d’admiration et de gloire, que ce soit par rapport à ses proches, au gouvernement, à ses rivaux. Un homme amoureux aussi, un père attentionné, un homme loyal mais aussi impulsif et colérique, capricieux, intransigeant. Jusqu'au bout, alors qu'il n'est plus qu'une bête traquée, il se plait à croire à un avenir où il serait homme de pouvoir admiré et respecté... osant même la comparaison avec Nelson Mandela ! Pablo Escobar, un bandit à la fois admiré et détesté qui suscita les passions et fait désormais parti de l'histoire de la Colombie
Les images d’archives judicieusement  insérées dans chaque épisode nous rappellent que tout ceci fut réel, que ce fut l'actualité de la Colombie dans les années 80 et 90 et cela parait assez fou avec le recul.

les deux agents de la DEA qui traquent Pablo Escobar

Alternant les points de vue avec, d'un coté Pablo Escobar et de sa famille, sans cesse traqués et se positionnant en victimes persécutées par le gouvernement, et, de l'autre, la police et le gouvernement qui redoublent d'efforts et d'ingéniosité pour resserrer l'étau autour de l’homme le plus recherché du monde, le récit monte en puissance, augmente le suspense et  évite ainsi le parti pris du spectateur.

la femme et la mère de Pablo Escobar

Comme je l'avais déjà souligné pour la saison 1, cette série est remarquable en tout point de vue : que ce soit par le jeu subtil des acteurs, un bon sens du récit, le ton légèrement ironique de la narration, un scénario judicieusement écrit et réalisé avec l’insertion d’images d’archives et la réalité des faits retranscrits.

Narcos / série américaine créée par Chris Brancato, Eric Newman, Carlo Bernard, réalisée par José Padilha avec Wagner Moura, Pedro Pascal, Boyd Holbrook, etc. Diffusée sur Netflix depuis août 2015.
Saison 2 diffusée sur Netflix depuis août 2016.



jeudi 29 octobre 2015

Wahrol Underground

Voici, avec beaucoup de retard, un petit topo sur une exposition vue en début de mois au centre Pompidou de Metz : il s'agit de la rétrospective Andy Warhol Underground qui permet de (re)découvrir l'oeuvre méconnue du maître du Pop Art, en mettant en lumière l’influence de la scène musicale et de l’avant-garde chorégraphique new-yorkaises dans l’oeuvre de l'artiste. C'est également l’occasion de célébrer les cinquante ans de la rencontre de Warhol avec le groupe de rock new-yorkais The Velvet Underground, dont il fut le producteur.
On connait tous Andy Warhol pour sa série d’icônes de la célébrité comme celui de Marylin Monroe ou ses sérigraphies détournant des objets publicitaire.


Mais pour ma part, j’ignorais que Warhol s'était créé tout un univers appelé la Silver Factory. La "Fabrique", c'était un atelier immense où il créait à la chaîne ses oeuvres, exposait des photos, faisait des performances et servait aussi de scène au groupe de musique le Velvet Underground. Ca deviendra aussi un lieu à la mode fréquenté par de nombreuses stars. En témoigne tout une série de photos souvent décalées, dès fois ahurissantes, de stars de l'époque exposées dans la première salle. L'esprit de la Silver Factory est bien représenté ici, avec les murs tapissés de papier alu comme c'était le cas à l'époque, le célèbre canapé rouge, la diffusion de chansons du Velvet Underground... (cf  photo ci-dessous)


Un organigramme (photo ci-dessous) montre ce qu'était la Silver Factory avec ses nombreuses ramifications : une branche "Cinéma Underground", une branche "Musique" avec le Velvet Underground et la chanteuse Nico, une branche "Mode", une branche "Harvard" (là je ne sais pas à quoi ça correspond), une branche "Poésie", une branche "Théâtre"... Et dans chaque "branche", une floppée d'artistes travaillant avec Warhol. C'est donc toute une nébuleuse que chapeaute Andy Warhol !


On peut visionner ainsi des extraits de films underground sur des petites télés ou carrément dans une salle de cinéma installée pour l'occasion. Est-ce utile de préciser que ces films sont très contemplatifs voir bizarres ?
Par exemple, cet extrait de film où Warhol se filme le nombril. Ne craignant pas la critique, il affirmait lui même être attiré par la beauté et la célébrité d'où ce nombrilisme au sens propre comme au sens figuré.

Voici un extrait des explications concernant le cinéma underground recopié lors de ma visite :
"Underground à New-York désigne un ensemble de publications engagées, notamment contre la guerre du Vietnam avant de définir le cinéma indépendant porté par Jonas Mekas dans son "appel pour une nouvelle génération de cinéastes" en 1959. [...] Warhol se lance dans la réalisation, développe des rapports obliques à la peinture et traite des sujets interdits et des scènes de la vie moderne. Jusqu'en 1972, la fabrication et la diffusion de plus de 500 films transforment la Factory en un studio de cinéma permanent et participatif avec les superstars."
La Silver Factory, c'était donc un véritable studio de cinéma !

En poursuivant l'exposition, on arrive dans une salle où sont exposés quelques célèbres séries de portraits. Andy Warhol a en effet réalisé dans les années 60 toute une série de portraits de célébrités. Concernant la série consacrée à Liz Taylor, voici quelques explications données lors de cette exposition :
"Les stars qu'il (Andy Warhol) choisit de représenter ont toutes un rapport explicite ou implicite avec les thèmes de l'exploitation visuelle massive et de la mort. Liz Taylor, l'un des plus grands symboles du glamour hollywoodien est représentée par l'artiste alors qu'elle est gravement malade et que les médias guettent sa mort éventuelle. La sérialité des images est une réponse à la surreprésentation médiatique sordide qui accompagna ce moment charnière, entre gloire, beauté et chute supposée."

sérigraphie Ten Lizes. - encre sérigraphique et peinture à la bombe sur toile / Andy Warhol, 1963

Est exposée aussi quelques éléments de la série Electric Chair qu'il a débutée en 1963 alors que le débat sur la peine de mort battait son plein (désolée, on ne voit pas grand chose sur la photo ci-dessous). Cette oeuvre entre dans le corpus intitulé Death and Disaster, "qui reflète la juxtaposition d'images mortifères dans les médias de masse. L'image source est répétée, édulcorée, aux couleurs pop, conditionnée pour la consommation. La frivolité est ici moins un signe d'indifférence que le reflet pop détaché d'une réalité sociale." 

Electric Chair. - encre sérigraphique sur papier / Andy Warhol,1971

Andy Warhol en tant que grand amateur de musique pop et de producteur du Velvet Undergound fut sollicité par plusieurs groupes pour réaliser des pochettes de disques. On apprend qu'il a ainsi réalisé 46 pochettes de disques pendant sa carrière, aussi bien pour de l'opéra, que pour des joueurs de jazz et bien sûr, pour le Velvet Underground avec la célèbre banane.

 Velvet Underground / Andy Warhol

ou pour les Rolling Stones, la pochette avec le jeans :

Rolling Stones / Andy Warhol

En tant qu'ancien illustrateur publicitaire, Warhol reste fasciné par les représentations de la société de consommation. Il décide donc d'élever la culture de masse au rang d'art. En atteste plusieurs sérigraphies avec des objets de consommation.

Les boites de soupe Campbells :

L'exposition se poursuit avec une présentation toujours très pop, dynamique, colorée, très représentative de l'esprit Warhol comme le montre cette présentation de photos en noir et blanc sur une sérigraphie de vaches.


On peut voir aussi quelques auto-portraits de l'artiste :


Ensuite, j'apprend encore une autre facette du maître du Pop Art. Il avait lancé une revue culturelle novatrice intitulée Inter/View. Le principe était que des artistes interrogent d'autres artistes. Initialement consacré au cinéma underground, ce mensuel s'ouvre ensuite à la poésie puis à la mode et aux célébrités. La revue devient alors un outil permettant à Andy Warhol d'asseoir sa notoriété. 
Enfin, la dernière salle est consacrée à la musique avec diffusion de clips dans une scénographie toujours très pop.


Enfin, pour terminer, l'exposition montre les forts liens entre Andy Warhol et le groupe Velvet Underground dont il deviendra le producteur. Ce groupe emblématique des années 70 sera précurseur de la nouvelle scène rock et punck américaine.
On entre dans une grande salle où sont projetés sur les trois murs des images de scène du Velvet Underground avec choré déjantées, danses sado-masochiste, extraits de clips et diffusion de morceaux du Velvet à fond la caisse! De quoi être totalement  immergé dans l'ambiance Warhol / Velvet Underground à en avoir le tournis !


Dans l'ensemble, j'ai trouvé que c'est une exposition très dynamique, interactive et  fidèle à l'esprit pop de Warhol. Elle permet de découvrir les nombreuses facettes de cet artiste qui fut et est toujours très controversé. En ressortant, on se dit qu'Andy Warhol aurait été vraiment étonné de savoir qu'il a droit à une expo dans un musée !
Vous pouvez visiter l'exposition jusqu'au 23 novembre.


Pour info, une autre exposition consacrée à Andy Warhol est à voir au musée d'art moderne Paris jusqu'en février 2016. Elle s'intitule "Warhol Unlimited"


mardi 6 octobre 2015

Lamb : magnifique chronique initiatique au coeur de l'Afrique

Le film aurait pu s'appeler "L'enfant au mouton", à l'image d'une fable ou d'un conte moderne. Lamb (agneau en anglais) est un beau très film initiatique sur l’Afrique qui retrace la vie d'un petit éthiopien et de son mouton adoré. Dès les premières images, on est captivé par les superbes prises de vues de magnifiques paysages éthiopiens, très lumineux et verdoyants.


L'histoire : Ephraïm est un garçon de 9 ans qui vit dans petit village pauvre d'Ethiopie avec son père. Cette famille d’agriculteurs a vu ses conditions de vie se durcir en raison de la sécheresse. On comprend vite que la mère est décédée récemment des suites d’une famine. Ephraïm se console en passant tout son temps avec sa brebis Chuni, un animal de compagnie avec lequel il entretient un lien très fort, qui lui rappelle sa maman. Mais l'animal étant stérile, elle est menacée de finir en boulettes bien qu’ Ephraïm s’y refuse corps et âmes. Afin de subvenir à leurs besoins son père décide de partir à la capitale chercher du travail et de déposer Ephraïm chez des cousins dans une petite maison isolée au milieu des champs, en attendant son retour. 

Bande annonce :

Seul au milieu de cette famille éloignée qu'il ne connait pas, Ephraïm se sent encore plus abandonné, d'autant plus que son oncle est loin d'être sympathique à son égard... Heureusement les femmes de la maison lui montrent un peu plus de respect et d'affection. Ephraïm aime faire la cuisine. Mais dans la société africaine, un garçon, ça ne cuisine pas. Cela est un travail de femme. Aussi Ephraïm devra exercer son art en cachette. Il va se rapprocher tout doucement de Tsion, ado rebelle de la maison, qui se refuse au mariage et à la vie toute tracée de femme d'intérieur qu'on lui destine.Tous deux rêvent de liberté et d'émancipation.


Tsion

A l'approche des fêtes, Chuni le mouton risque chaque jour un peu plus d'être sacrifié. Aussi Ephraïm élabore divers stratagèmes et fait preuve d'ingéniosité pour trouver un moyen de s'enfuir avec son mouton et retourner dans son village natal. Mais il n'est pas au bout de ses peines ... 

Ephraim et Chuni la brebis

Le réalisateur éthiopien signe là un film doté d'une grande sensibilité, où l'on se prend d'affection dès les premières minutes pour ce garçon mélancolique et courageux. De plus, on est subjugué par la beauté de ces paysages qui confèrent au film une forte dimension poétique et spirituelle.


A travers cette belle histoire, c'est une peinture de la vie quotidienne en Ethiopie, des modes de vies, des traditions bien ancrées où les rôles des hommes et des femmes semblent immuables, où la religion et les croyances ont une place énorme. Mais c'est aussi une vision un peu plus gaie de l'Afrique que ce que l'on a l'habitude de voir dans les médias : des gens souriants, chaleureux, généreux, qui ont le sens de la famille, qui respectent les traditions mais savent aussi s'amuser lors des fêtes. Des gens qui se débrouillent pour survivre et ne se plaignent presque pas de leurs conditions de vie difficiles.



J'ai trouvé que Lamb est un magnifique film, émouvant et lumineux. De plus, les films africains sont encore bien trop rares aussi il est important de mettre ce cinéma en valeur. C'est donc un premier film réussi pour ce jeune réalisateur éthiopien ! D'autant plus que film a été présenté dans la catégorie "Un certain Regard" au festival de Cannes cette année et a reçu 9 récompenses notamment le prix du jury, prix le Premier Regard et le prix de la mise en scène.

mercredi 30 septembre 2015

Fargo, une belle série sombre et prenante qui va vous faire frissonner !

Fargo est une belle série sombre et esthétique en 10 épisodes, adaptée du film des frères Coen du même nom (que je n'ai pas vu, soit dit en passant). Bien qu'au début de chaque épisode, la mention "Cette histoire est inspirée de faits réels" apparaît, il n'en est rien, comme l'explique cet article. Et heureusement d'ailleurs car ce serait vraiment tordu! En tout cas, c'est sûrement un moyen d'attirer davantage l'attention du téléspectateur. Les frères Coen sont producteurs exécutifs pour cette série réalisée par Noah Hawley.


L'histoire se passe en 2006 dans le Minnesota. Un tueur à gage d'apparence sympathique, calme et solitaire qui se fait appelé Lorne Malvo croise par hasard un certain Lester lors d'un passage à l’hôpital. Ce dernier est un timide employé d'assurance mal dans sa peau, victime de harcèlement et de violence gratuite. A l'issue d'une brève conversation avec Malvo, sa vie va complètement changer.

Lester et Lorne Malvo

Le tueur poursuit ensuite sa route semant des cadavres sur son passage. Se cachant à peine, rusé, discret, manipulateur, il est déterminé et n'a peur de rien ni de personne. Au fur et à mesure des épisode,  il devient de plus en plus un psychopathe que rien ne semble pouvoir arrêter !

Trailer saison 1 en français :


Fargo, saison 1 :

La shérif adjointe Molly de la police de Duluth enquête sur ces morts violentes qui ont lieu soudainement dans sa petite ville habituellement calme et tout l'amène à s'interroger sur le discret Lester que tout le monde considère comme inoffensif. Face aux réticences de son nouveau supérieur, elle devra se montrer persuasive et déterminée pour faire valoir ses opinions. Dans le cadre de son enquête, elle va se rapprocher d'un jeune officier de police d'une ville voisine, qui détient lui aussi des informations sur le fameux tueur psychopathe. Quel est le lien entre ce tueur sans scrupule et le discret agent d'assurance? Quelles sont les motivations du tueur? Obéit-il a des ordres ou a des pulsions?

le shérif adjoint Molly

C'est l'hiver, il neige, il fait froid à l'image de l'ambiance générale de la série et de la personnalité du tueur Lorne Malvo. La série est très bien réalisée et on observe souvent de magnifiques plans larges sur la ville ou la nature ou serrés sur les personnages. Le réalisateur s'est aussi essayé à quelques "fondus" et autres effets cinématographiques pour un rendu très esthétique. A noter étalement une petite touche de poésie, d'humour noir, quelques ellipses et une part d'imaginaire. (Par exemple, on aperçoit à quelques reprises un loup qui surgit subitement comme annonciateur d'un événement important. D'où vient t'il ? que signifie t'il ? au spectateur de s'en faire sa propre idée.)


La série a un bon rythme, les scènes se succèdent plutôt rapidement et de manière équilibrée, mettant les différents personnages de façon équitable, nous éloignant quelques fois du coeur de l'intrigue pour mieux y revenir ensuite. Chaque épisode est prenant, les dialogues sont intelligents sans être pompeux comme c'était le cas trop souvent dans True Détective à mon goût.
En suivant la route du tueur, on découvre plusieurs personnages secondaires, généralement ses victimes. A un moment il va être amené à croiser la route de la mafia locale, appelée Fargo... ce qui donne finalement le nom à la série !

Lorne Malvo

Seul bémol concernant un épisode qui fait un saut dans le temps en présentant les personnages "un an après" mais où l'on a plutôt l'impression que 5 à 10 années se sont passées... Malgré ces quelques incohérences et ce saut dans le futur rapide et mal maîtrisé, on est vite captivé par les nouveaux rebondissements.

Mais Fargo ne serait pas ce qu'elle est sans le formidable jeu des acteurs. Martin Freeman (déjà connu pour son rôle de Bilbot le Hobbit) joue ici un employé soumis et réservé qui, après avoir accompli un acte dramatique, va changer progressivement de personnalité au point de devenir une autre personne. Comme si le mal qui sommeillait en lui avait besoin d'être réveillé...

Lester

Superbe interprétation aussi de Billy Bob Thornston qui joue parfaitement le psychopathe Lorne Malvo, calme, froid, déterminé, non dénué d'un certain humour noir.
Ensuite Colin Hanks (le fils de Tom Hanks!) déjà repéré dans Mad Men et Dexter interprète ici un flic de province un peu paumé mais très consciencieux et Fargo permet surtout de découvrir les talents de l'actrice Allison Tolman qui interprète la policière héroïne du film avec beaucoup de justesse et de sobriété.

Il parait qu'un épisode présentant un flash back se passant en 1987 fait clairement référence à la fin du film Fargo des frères Coen, présentant ainsi la série comme une sorte de suite au film culte.

Dans l'ensemble je trouve que c'est vraiment une bonne série,  captivante, bien réalisée et superbement interprétée.

Fargo / série américaine créée par Noah Hawley, produite par Ethan et Joel Coen, avec Billy Bob Thornston, Martin Freeman, Colin Hanks, Allison Tolman, etc.
(10 épisodes de 52 min.), 2014


Fargo, saison 2

Dans la saison 2, même décor : l'action se passe entre le Minnesota et le nord Dakota, région dans laquelle il fait toujours aussi froid. Par contre, on est 30 ans avant les événements de la saison 1, en 1979 plus précisément, au moment où le gouverneur Reagan est en pleine campagne pour les élections présidentielles. On retrouve ainsi d'autres personnages,  puisqu'on suit les aventures du père de Molly (l'inspectrice de la saison 1) alors qu'il est un jeune père de famille avec une épouse malade et une petite fille de 6 ans  (Molly). Il travaille avec son beau père, lui aussi shérif.



L'histoire :

Tout commence par une tuerie qui a lieu dans un diner isolé, meurtres perpétrés par un bandit un peu benêt. Ce dernier va croiser la route d'un jeune couple de la ville d'à coté, Peggy, une jolie coiffeuse peu épanouie dans son couple qui rêve de s'accomplir personnellement et professionnellement (interprétée majestueusement par Kristen Dunst) et son mari, Ed, le boucher du village qui lui espère mener une vie de famille paisible. Et c'est de là que part toute l'histoire. Car le jeune couple, au lieu de prévenir la police, va réagir de manière totalement inattendue.

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Peggy et Ed

Or, ils ignorent que ce criminel fait partie de la famille Gerardt, un célèbre clan qui vit de magouilles et petits crimes dans la région, prêt à tout pour sauver l'honneur de la famille. Et lorsque les Gerardt se mettent à la recherche du jeune frère disparu, en envoyant notamment leu fidèle homme de main, un indien, ils sèmeront pagaille et cadavres sur leur route.

Les Gerardt (la mère et un fils) 

En parallèle, une mafia concurrente souhaite racheter les affaires des Gerardt et une guerre des gangs se prépare... S'ajoute à cela les luttes de pouvoirs internes à chaque clan... C'est au milieu de ce chaos que les deux inspecteurs de la police tenteront d'arrêter les tueurs et de sauver des vies innocentes.

trailer :

J'ai trouvé cette saison 2 encore plus réussie que la première. La réalisation est parfaitement soignée, les acteurs impeccables, l'ambiance glaçante à souhait, les rebondissements multiples...
On y trouve de longs plans sur de magnifiques paysages enneigés, des prises de vue d'"en haut" comme pour donner une autre dimension à ce qui se passe, la juxtaposition de plans sur le même écran, montrant ainsi l'action des différents personnages au même moment, une narration aux allures de contes...


Alors oui, il y a beaucoup de fusillades et de sang dans cette saison, à l'image d'un chaos grandissant. Mais on y trouve aussi pas mal de discussions philosophiques, notamment par l'intermédiaire de Peggy qui veut "être la meilleure Peggy possible" et se pose de nombreuses questions sur "comment exister vraiment".
Vers la fin, plusieurs épisodes abordent la même scène mais vue selon différents angles, différents points de vue. Et, lors des dernières scènes d'action, les réalisateurs se sont fait plaisir avec quelques effets de style, comme des arrêts sur image. Mais sans en faire trop, juste suffisamment pour que l'ensemble reste parfaitement esthétique.
Les épisodes sont aussi truffés de références, que ce soit à la politique de Reagan ou à d'autres films.
Par contre, j'ai été assez perplexe par un passage d'un épisode vers la fin qui parait totalement surréaliste ! (mais je n'en dit pas plus!)

Hanzee l'homme de main de Gerardt

Bref, cette saison 2 est superbe, pleine de rebondissements, de surprises avec des personnages hauts en couleur. La musique a également une place de choix dans cette saison 2 puisqu'elle est alternativement sombre, comique, entêtante voire planante et colle parfaitement à la réalisation et contribue beaucoup à l'ambiance sombre de cette série.

Fargo, saison 2 (10 épisodes) / Série américaine créée par Noah Hawley, produite par Joe et Ethan Coen, avec Patrick Wilson, Ted Danson, Kristen Dunts, Jessy Plemons, Rachel Keller, etc. 
Série disponible sur Netflix.






vendredi 11 septembre 2015

Dans les décombres d'Haiti, reste l'espoir... Encore un très beau roman de Laurent Gaudé

Danser les ombres

Je vous avais déjà parlé ici d'un auteur français que j'aime beaucoup qui s'appelle Laurent Gaudé. J'avais adoré ses romans Le soleil des Scorta et Ouragan, récit très touchant sur les survivants de l'ouragan Katrina. Cet auteur aime décrire des pays et peuples méconnus et dépeint avec beaucoup de pudeur et d'humanité les déboires d'une population victime d'un drame ou d'une catastrophe.
Dans son nouveau roman Danser les ombres, c'est Haïti qui est à l'honneur. Comme dans Ouragan, l'auteur rend un vibrant hommage aux victimes de cette catastrophe naturelle dans un roman profondément touchant et humaniste.


Est raconté ici le quotidien de plusieurs personnages qui vont se croiser dans la capitale d'Haiti. Il y a Lucine, jeune fille partie pour Jacmel il y a quelques années pour protéger sa soeur fragile et les deux jeunes enfants de celle-ci, qui revient à la capitale pour annoncer le décès de sa soeur adorée au père d'un des enfants. Elle redécouvre l'effervescence de la capitale, les lieux de son enfance, la vie qu'elle a dû fuir.
Il y a Lily, une fillette blanche de bonne famille originaire de Miami, qui,  gravement malade, a voulu revoir Haiti avant de mourir.
Et Saul, le fils "bâtard" d'une riche propriétaire, Dame Viviane, femme rigide au coeur tendre, dont la jeune soeur Emeline, étudiante et militante du droit des femmes a été cruellement assassinée. Il y a la calme et discrète Dame Petite, la gouvernante de Viviane, toute dévouée à cette famille.
On suit aussi le quotidien de Firmin, chauffeur de taxi solitaire la journée, amateur de combats de coq le soir. Mais qui cache aussi un terrible passé.
De vieux amis qui se retrouvent régulièrement "chez Fessou", un ancien bordel (appelé auparavant Fessou Verte !) devenu maintenant café, pour parler de leur souvenirs, jouer aux cartes, parler de politique. En ce lieu atypique se croisent le vieux Tess, maître des lieux, le facteur Sénèque, Jasmin, Domitien, et de jeunes élèves infirmières Ti Sourire et Lagrace....
Tous rêvent de rencontres, d'échanges, de projets à concrétiser. Bref, d'un avenir meilleur. Leur vie semble à la fois simple et paisible, mais voilà qu'un jour, la terre tremble. Deux fois et très fort. Et la vie de tous bascule.
"Hommes, ce qui est sous vos pieds vit, se réveille, se tord, souffre peut-être ou s'ébroue. La terre tremble d'un long silence retenu, d'un cri jamais poussé."( p 129)

C'est alors que commence la vie dans le chaos. Les premiers secours qui s'organisent un peu à la va-vite, l'entre-aide, la survie, la recherche de survivants. L'espoir, l'attente...

"Demain n'a pas de visage. Demain dont on ne sait pas comment faire pour qu'il ne vous affame pas, demain méchant, violent, qui vous tient éveillé la nuit est là [...]" (p. 185)

Laurent Gaudé raconte Haïti à travers le vaudou, qui occupe une part très importante dans la culture haïtienne, en faisant par exemple allusion à l'esprit Ravage annonciateur de catastrophe. Ainsi, au début du roman, un esprit revenu de l'au-delà vient terroriser les habitants de Jacmel. C'est comme un signe annonciateur d'une catastrophe à venir. 

"Lucine vit ses deux yeux noirs comme des éclats de quartz et elle sut qu'elle avait devant elle l'esprit Ravage, celui qui renverse la vie des hommes, écroule les existences, celui qui casse les vies et fait pleurer les femmes."( p 15)

Tout au long du roman, et surtout vers la fin, les esprits des morts sont très présents, tellement présents qu'à la fin on ne sait plus qui est mort et qui est vivant. Après la catastrophe, au cours d'une longue procession, les vivants vont tenter de semer les morts, les ombres, pour qu'ils retournent dans les entrailles de la terre qui viennent de s'ouvrir.

"Adieu les ombres, il faut laisser partir tout ce qui est mort, tout ce qui a été éventré, retourné, ces vies englouties que l'on a aimées" [...] (p 241)

Laurent Gaudé raconte Haiti à travers les souvenirs d'une histoire dramatique, avec notamment la dictature des Duvalier père et fils, encore très présente dans les esprits.

"Toutes ces années de combats, des Duvalier père et fils à Aristide, jusqu'à l'opération Bagdad, toutes ces années où il a fallut s'arc-bouter contre la tyrannie et l'ignorance et tout cela pour quoi?.. Pour arriver à ce jour? ... Les efforts lents d'un peuple vers la liberté, un peuple qui se secoue le dos pour faire tomber les sangsues du pouvoir, qui se bat pour que ses fils fassent des études et vivent mieux que ses aînés [...]" (p 167-168)

C'est un magnifique roman, beau, émouvant, à la fois triste et plein d'espoir, qui montre que la force d'un peuple se trouve dans la bonté humaine, dans la capacité à se relever après chaque traumatisme, à vouloir reconstruire, aller de l'avant.

Vous l'aurez compris, c'est un très beau roman et Laurent Gaudé me passionne toujours autant par son écriture à la fois simple, fluide mais tellement belle et poétique et pleine d'humanité.

Quelques citations supplémentaires :

"Dans une société de la survie permanente et de l'exploitation éhontée, la recherche du bonheur est un acte politique" (Emeline) p. 63

Il la regarde, Lucine, et sur son visage à elle aussi, il y a la profondeur de la défaite, mais des yeux joyeux encore. Elle porte la tête droite. Les épreuves de la vie l'ont forcée, l'ont enlevée à l'existence qu'elle avait espérée, mais elles ne lui on pas fait baisser les yeux. p 73

Saul à Lucine : "Et toi, te lasseras-tu de mes jours boiteux, des insultes que je me lance à moi-même? Non je les traverserai avec toi." p 113


dimanche 30 août 2015

Une enfance, un beau film social, triste et lumineux qui sortira fin septembre

Cela fait bien longtemps que je n'ai pas écrit sur un film qui m'a plu. Et pour cause, l'été je vais toujours moins au cinéma, la faute au beau temps, aux apéros, aux vacances... et je préfère me plonger dans un bon bouquin au fonds d'un transat plutôt que de m'enfermer dans une salle sombre :-)
Mais j'ai eu la chance de gagner des places pour découvrir en avant-première le dernier film de Philippe Claudel qui sortira le 23 septembre prochain.

J'ai d'abord découvert Philippe Claudel en tant qu'écrivain en 2003 avec le superbe roman Les âmes grises (qui lui a d'ailleurs valu un prix Renaudot) puis en lisant la Petite fille de monsieur Linh, un roman très touchant que j'avais adoré. Bien plus tard, en 2008, j'ai découvert son travail de réalisateur avec le film Il y a longtemps que je t'aime mais qui ne m'avait pas particulièrement marqué.
Une enfance est son septième film et probablement un des plus aboutit.


L'histoire : Jimmy, 12 ans, vit dans un pavillon de la banlieue de Nancy. Il passe la plupart de son temps à s'occuper de son petit frère pendant que sa mère, une junkie un peu perdue, récemment libérée de prison, et son beau père, un imbécile désabusé et violent, passent leur temps à se prélasser, faire la fête, boire et se droguer. Jimmy a dû rapidement apprendre à se débrouiller tout seul, sans l'aide de ses parents. Par exemple, c'est lui qui réveille son petit frère le matin, le lave, lui fait son petit déjeuner, et l'emmène à l'école pendant que sa mère et son compagnon récupèrent de leur nuit agitée. C'est lui qui fait les courses et prépare à manger pour son frère au retour de l'école. C'est aussi Jimmy que ses parents envoie chercher des bières pour poursuivre une soirée déjà bien arrosée, à qui on demande de mentir sur la situation familiale et même qu'on envoie récupérer de la drogue à l'autre bout de la ville ! 

Bande-annonce  :

Le soir ou la nuit, il supporte les disputes souvent violentes de sa mère et de son beau père ou leurs fêtes de débauches. Et du coup, pendant la classe, il dort...
Il est témoin de scènes vraiment très dures qu'aucun enfant ne devrait être amené à connaitre. Des scènes qui brisent une enfance. C'est pourquoi Jimmy est aussi renfermé, ne sourit jamais, n'a pas d'amis. Il y a bien cette jolie fille dans sa classe qui est gentille avec lui, mais issue d'un milieu tellement différent du sien.
Finalement, dans cette famille décomposée, déglinguée, c'est Jimmy le plus responsable. C'est lui qui prend soin de sa maman quand ses excès la pousse au bord du gouffre.


Mais dès fois, lorsque la soupape est pleine, Jimmy et son frère vont dans un entrepôt désaffecté et sortent tout ce désespoir et cette violence qu'ils gardent en eux.
Et quand l'été arrive, alors que tous les enfants se réjouissent des grandes vacances, Jimmy les appréhendent presque. Encore plus livré à lui même que d'habitude, il ère dans les rues de sa petite ville, seul. D'autant plus que Kévin, son petit frère est parti avec la grand-mère.


Heureusement, il y a quelques figures bienveillantes dans la vie du garçon, comme son instituteur ou sa grand-mère, chez qui il aimerait bien retourner vivre d'ailleurs.

Philippe Claudel signe là un beau film social même s'il n'a rien inventé (bien évidemment l'anglais Ken Loach a tracé un tel sillon dans ce domaine qu'il est difficile de faire mieux). De manière plutôt subtile, sans forcir le trait, il filme sans parti pris cette famille à la dérive en montrant le décalage d'une classe sociale avec le reste de la société.


De plus, Une enfance est un film très lumineux, avec de beaux plans sur la nature, la ville, les gens. Malgré un sujet triste et difficile, le film est aussi porteur d'espoir, grâce à des présences bienveillantes, et toujours, cette lumière. La narration du film est particulière, il s'agit d'une succession de scènes du quotidien de Jimmy, une sorte de chronique de la vie non ordinaire d'un garçon de 12 ans. Ce film  m'a fait pensé aussi à Billy Eliott...
Enfin, j'ai été bluffée par les performances d'acteur des deux enfants qui jouent admirablement bien.