samedi 25 février 2017

"Repose-toi sur moi" : de l'histoire d'amour improbable au thriller psychologique, ce roman passe du conventionnel à inattendu.

Je continue la lecture des nouveautés de la rentrée littéraire 2016. Serge Joncour, l'auteur de L'Amour sans le faire et L'écrivain National a publié en septembre dernier Repose-toi sur moi, un roman certes très parisien mais captivant dans lequel il dresse le portrait psychologique de deux êtres que tout oppose.


Des corbeaux à l'origine d'une rencontre improbable

Ludovic est une armoire à glace de 46 ans, un doux géant solitaire de nature toujours sereine et positive. Mais derrière son apparente tranquillité se cachent bien des blessures. Arrivé à Paris depuis peu, il exerce le triste métier de recouvreur de dettes, boulot dont il n'est pas très fier mais qu'il essaie de faire avec le plus de tact et de justice possible. Sa vie est faite de sacrifices, par rapport à sa famille, à la ferme de ses parents, à son village d'origine, à sa femme... Il vit dorénavant avec ses souvenirs, ses regrets et ses frustrations, seul dans un petit deux-pièces parisien.

De l'autre coté de sa cour, se trouvent des appartements bourgeois. C'est là que vit Aurore, avec son riche mari américain et ses deux enfants. C'est une femme distinguée, gracieuse, intelligente bien qu'un peu snob. Styliste de métier, elle a lancé sa propre marque de vêtements il y a quelques années mais fait fasse à de gros problèmes financiers. Elle a de plus en plus de mal à jongler entre sa caquette de mère de famille, celle de femme moderne et celle de patronne. Jusqu'à présent, elle trouvait refuge dans la quiétude de sa cour d'immeuble mais voilà que des corbeaux y ont pris leurs aises ! Incomprise par son mari,  démunie face aux difficultés financières, elle fait face à beaucoup de pression et se sent de plus en plus dépassée. S'ajoute à cela ces deux oiseaux noirs qui l'effraient et lui semblent de mauvais augure...

Dans la première partie du roman, les chapitres alternent successivement la description du quotidien de Ludovic et de celui d'Aurore, nous dévoilant leurs pensées, décrivant leur environnement professionnel et familial. Certains passages m'ont lassé, notamment ceux évoquant le milieu la mode dans lequel travaille Aurore, ou ses tracas de bobo parisienne. En fait, durant les 50 premières pages j'ai trouvé cette histoire trop conventionnelle et sans grand intérêt. Mais l'auteur parvient à éveiller progressivement notre curiosité en évoquant quelques étranges réactions des personnages, dévoilant tout doucement des profils psychologiques intéressants.

Une histoire d'amour impossible

Ludovic et Aurore sont deux citadins presque ordinaires, bloqués dans leur routine parisienne. L'un fait parti de la classe populaire, l'autre de la petite bourgeoisie. Ils n'ont en commun que la cour de leur immeuble.
Tout les oppose et, d'ailleurs, lors de leurs premiers échanges, ils s'exaspèrent mutuellement. Lui méprise les airs bourgeois et condescendants d'Aurore et elle ne comprend pas cette quiétude permanente, sa simplicité. Elle est à la fois énervée et intriguée par cet homme que "rien ne gêne" (c'est lui qui le dit).
Puis, petit à petit, à cause de cette histoire de corbeaux notamment, ils vont se rapprocher. Ils commencent par se guetter, se chercher. L'énervement mutuel fait place à une drôle d'attirance. Car, comme le dit un diction populaire, "les contraires s'attirent"... Et, inéluctablement, ils vont entamer une ardente liaison.
Mais quel est l'avenir de cette relation entre cet homme de la campagne renfermé et cette citadine élégante mariée mère de deux enfants?

Leur relation est passionnée, ils vivent chaque rencontre comme si c'était la dernière. Mais tandis qu'Aurore se livre à Ludovic, ce dernier reste plus secret, voulant conserver son rôle d'homme inébranlable. L'un comme l'autre, ils veulent se protéger, combler leurs manques respectifs, parer à leurs difficultés. Si bien que Ludovic finit par s'embarquer dans des histoires qui ne le concernent pas et qu'Aurore s'agrippe à lui comme à une bouée de sauvetage : il est sa bulle d'oxygène, son confident, sa béquille. Progressivement, on constate que derrière l'apparente tranquillité de Ludovic se cache un caractère impulsif et fougueux. Un surplus de tristesse, de solitude et de frustration en ont fait une cocotte-minute prête à exploser.

Une tension psychologique montante

La dernière partie du roman tient plus du thriller psychologique que de l'histoire d'amour. On découvre les failles des personnages, des fêlures qui étaient dissimulées derrière des apparences et qui resurgissent face au stress, à la pression, à l'attente de l'autre et à l'amour passionné. On sent qu'ils perdent pieds, qu'ils ne maîtrisent plus rien et que ça peut déraper à tout moment. Et c'est cette tension qui nous tient en haleine durant la deuxième partie du roman, avec notamment plusieurs rebondissements. Un parallèle intéressant est fait avec leur état de santé physique également...
La fin est inattendue, surprenante et le titre prend enfin tout son sens dans les dernières pages !

Repose-toi sur moi est l'histoire d'une rencontre entre deux personnes antagonistes qui va faire exploser leur quotidien. C'est un récit sur les maux urbains, notamment la solitude des citadins et certaines phobies sociales. C'est un roman très mélancolique qui fait référence au poids du passé, de la famille, des souvenirs. Et, surtout, c'est un récit sur les faux-semblants, sur les apparences qu'on veut donner de soi, sur le rôle qu'on se donne à soi-même comme aux autres.

Avec un rythme soutenu, une écrite rapide et efficace faite de phrases dès fois très longues, hachées par de nombreuses virgules, l'auteur nous pousse dans ce récit à en perdre haleine. J'ai trouvé cette histoire très cinématographique, en partie notamment grâce aux nombreuses descriptions qui sont faites de l'environnement des personnages ainsi que de la personnalité même de Ludovic et d'Aurore.

Repose-toi sur moi / Serge Joncour . - Flammarion, 2016
Prix Interallié 2016

Quelques citations :

"Ces deux corbeaux sont à l'image de toutes ces peurs qui l'encerclent en ce moment, ces choses qui se détraquent, ces dettes qui s'accumulent, et son associé qui ne lui parle plus, depuis septembre tout concours à l'affoler." p 22

"En ville on passe sa vie à produire une première impression, à longueur de journée on croise des milliers de regards, autant d'être frôlés de trop près, certains en les remarquant à peine, d'autres en ne les voyant même pas." p 23

"Quand on parait fort, il faut en plus se résoudre à l'être. Depuis quarante-six ans on le voit comme un gars solide, celui que rien n'atteint. Alors qu'en réalité il se sent complètement écrasé par cette ville." p 25

"Parfois, à des petits carrefours inattendus de la vie, on découvre que depuis un bon bout de temps déjà on avance sur un fil, depuis des années on est pari sur sa lancée, sans l'assurance qu'il y ait vraiment quelque chose de solide en dessous, ni quelqu'un, pas uniquement du vide, et alors on réalise qu'on en fait plus pour les autres qu'ils n'en font pour nous, que ce sont eux qui attendent tout de nous, dans ce domaine les enfants son voraces,avides, toujours en demande et sans la moindre reconnaissance, les enfant après tout c'est normal de les porter, mais elle pensa aussi à tous les autres, tous ceux face auxquels elle ne devait jamais montrer ses failles, parce qu'ils s'y seraient engouffrés, ils ne lui auraient pas fait de cadeaux." p 72

"Il devait sans cesse dominer cette envie de taper dedans, que ce soit avec l'alcool, un volant, une moto, tout ce qui grise, il fallait su'il gère. [...] même à quarante-six ans le problème pour lui c'était de toujours gérer l'influx, de déjouer l'agressivité et surtout d'éviter tout ce qui aurait servi à compenser, que ce soit l'alcool ou la bouffe, la tentation de défier."p 193

"Il sentait bien qu'aimer cette femme était une suite de risques à prendre, non seulement elle était mariée, mariée à un homme indiscutable, à l'aise, brillant, sur tous les plans elle était très éloignée de lui, mais en plus elle était en traint de perdre pied." p 295

"Elle était tout l'inverse de lui. En fin de compte il l'enviait, il enviait sa jeunesse, sa grâce, c'était un moment volé à une vie qu'il n'avait pas, un fragment de couple" p 373

"Elle le croyait fiable, inébranlable. Ce serait terrible pour elle de découvrir qu'il n'était pas aussi fort que ça. Il ferait tout pour lui épargner cette désillusion, même s'il voyait bien que les événements se mettaient à le dépasser" p 373

mardi 21 février 2017

"WestWorld" aborde le développement de la conscience chez les intelligences artificielles : une série de SF soignée à forte dimension philosophique

Westworld c'est la série phare du moment. Produite par J.J. Abrams (Star Wars, Lost les disparus...), la série est réalisée par Jonathan Nolan et sa femme Lisa Joly qui ont brassé pour cette première saison un budget complètement pharaonique de 100 millions de dollars ! Une grosse production américaine dotée d'un sacré casting et qui s'annonce être une série de science-fiction spectaculaire. L'histoire s'inspire du film Mondwest (1973) de Michael Crichton, l'auteur du livre inspirateur de Jurrasic Park.


Un far-west peuplé d'intelligences artificielles pour divertir de riches clients

On retrouve d'ailleurs l'histoire d'un parc démesuré et dangereux, mais ici, pas de dinosaures, ce sont des cow-boys que les aventuriers viennent voir. WestWorld  c'est la reconstitution la plus fidèle l'ouest américain du dix-neuvième siècle, avec son climat, ses paysages et ses habitants. L'ambiance est aux classiques du western : bandits de grands chemins, cow-boy, pistolets, bagarres, saloon, prostituées... Ca sent la poudre et la sueur.  Et oui, il y a des scènes de violences et de sexe mais jamais exagérées.

Les habitants sont appelés les "hôtes" et sont en fait des androïdes très élaborés qui ressemblent à s'y méprendre aux humains, d'autant plus qu'ils sont pourvus d'une conscience et ressentent des émotions. Leur créateur est en effet à la pointe de la recherche sur le développement de la conscience chez les intelligences artificielles.
Seule différence avec le monde "réel", le quotidien de ces habitants est le résultat d'une programmation, ils font partis de scénarios prédéfinis et sont remis à jour à la fin de chaque histoire par les techniciens du "parc". En quelques sorte, malgré leur troublante ressemblance avec l'homme, ils restent des pantins manipulés par des forces "supérieures".


Les clients de ce parc or norme ? Essentiellement des hommes de pouvoir et d'argent en quête d'aventure et de sensations fortes. Dans WestWorld il est possible de s'envoyer en l'air quand on veut, de tuer impunément et de faire à peu près ce qu'on veut que ce soit moral ou non... Aussi, certains y vont pour tester leurs limites, faire des choses qu'ils n'oseraient jamais faire dans notre société, faisant ainsi resurgir leur vraie nature...

La maintenance de ce lieu gigantesque est effectuée par toute une flopée de techniciens au sein d'un immense centre high-tech où tout est aseptisé gris et froid, terne et sans émotion. S'y côtoient également la direction, les scénaristes, le service qualité, etc.


Ces hommes se prennent pour Dieu exploitant leur pouvoir sur les hôtes, ne leur témoignant aucun respect puisque pour eux ce ne sont que des machines.... Seuls quelques techniciens semblent troublés par les émotions que manifestent de plus en plus d'androïdes. Finalement ce sont ces techniciens, ces dirigeants qui ressemblent plus à des robots, obéissants à des ordres, faisant partis d'un système ultra moderne, ne montrant aucune émotion, oubliant de vivre pleinement leur vie. Alors que dans WestWorld, chacun  parmi les hôtes ou les visiteurs s'adonne au plaisir à outrance, que ce soit celui de la chair, de l'alcool, du jeu, ou plus pervers celui de la violence, laissant libre court à leurs émotions sachant que chaque jour peut être le dernier.

Les androïdes sujets à des "rêveries" émancipatrices

Mais voilà qu'un curieux phénomène apparaît, bouleversant ce système de dominants - dominés : quelques hôtes commencent à avoir des bribes de souvenirs, et leur niveau de conscience évolue. Le centre constate une altération de leur code, qu'ils appellent joliment "les rêveries". Qui est à l'origine de cette évolution et pourquoi ? Le fantôme d'un des créateurs du parc, un certain Arnold, refait surface. Qui était-il et qu'est-il devenu?


A la tête de ce parc, un chercheur effrayant de cynisme et de malice, le Docteur Robert Ford, interprété par Anthony Hopckins à qui ce rôle va d'ailleurs comme un gant. C'est lui qui a développé les intelligences artificielles et créé ce parc il y a plus de 30 ans. On retrouve également l'héroïne de la série Borgen, Sisde Babett Knudsen, en cheffe de projet déterminée à préserver l'image du parc.

Parmi les visiteurs, William (Jimmi Simpson, House of Cards) est un jeune homme timide et bienveillant qui se retrouve entraîné dans ce monde par son collègue décomplexé et cynique. Sa rencontre avec une des hôtes va le troubler.


Ed Harris interprète lui avec brio l'homme en noir, un psychopathe qui vient chaque année depuis 30 ans pour repousser ses limites et trouver le centre d'un mystérieux labyrinthe... C'est un personnage mystérieux et effrayant qui semble connaitre tout le monde parmi les hôtes comme parmi les dirigeants du parc, on le retrouve à de nombreuses reprises sans vraiment comprendre quel est son véritable rôle dans  cette histoire. Jusqu'à la fin...

 

Parmi les hôtes, on suit l'évolution de Maeve, la séduisante "mère maquerelle" qui se voit de plus en plus assaillie par des bribes de souvenirs, ce qui la pousse à vouloir trouver les réponses à de nombreuses questions et à s'émanciper davantage.


Enfin, Dolores, (troublante Evan Rachel Wood) est une jeune femme douce et inoffensive qui sort progressivement du rôle qu'on lui a attribué pour prendre une place de plus en plus importante au cours des épisodes. C'est à mon avis un des personnages les plus intéressants de la série.


De manière générale, la personnalité de ces androïdes évoluent, ils se mettent eux aussi en quête de quelque chose même s'ils ignorent encore quoi.  En fin de compte, les hôtes semblent avoir plus d'humanité et d'empathie que les hommes qui les manipulent. Il devient de plus en plus difficile de distinguer les androïdes des humains et on s'identifie davantage aux habitants de WestWord qu'à ceux du monde "réel".

Un début de saison qui prend le temps de poser l'intrigue

Durant les quatre premiers épisodes, on découvre ces deux univers, celui de la "salle des machines" et celui du far-west, celui des  manipulateurs et celui des manipulés et on fait la connaissance des différents personnages dont les psychologies respectives se dessinent progressivement. Des rencontres ont lieu, quelques intrigues se soulèvent, mais sans vraiment me fasciner. Ce WestWorld respecte bien les clichés du western avec la belle blonde timide effarouchée, le cow-boy solitaire, la prostituée courageuse et déterminée et les visiteurs sadiques ou un peu perdus. Après je reconnais que je ne suis pas fan des westerns et que j'ai eu un peu de mal à rentrer dans cet univers. Et du coté du centre technique, on retrouve l'ambiance classique de la SF, c'est froid, confiné, déshumanisé. Bien sûr on songe à la série Reals Humans où là aussi des androïdes se voyaient doté d'un début de conscience. Mais ici, l'intelligence artificielle est encore plus développée, les limites de l'éthiques sont clairement repoussées.

Pendant les 4 premiers épisodes, je trouve l'idée originale et les décors spectaculaires mais ça manque d'entrain. On se doute que la rencontre des visiteurs avec ces être faits de chair, d'os et d'acier, qui plus est doté de conscience, va aboutir à des situations rocambolesques, mais personnellement ce n'est qu'à partir de l'épisode  5 que ma curiosité a vraiment était éveillée. A compter de cet épisode de mi saison, on ne cesse d'être surpris, et ce jusqu'au dernier épisode (10). Les rebondissements se succèdent et le voile se lève peu à peu sur les mystères de la création de ce parc, de ces intelligences artificielles, sur la psychologie des personnages... Le dernier épisode de la saison ne cesse de nous surprendre durant 1h30. Mais là je ne peux pas en dire plus sous peine de spoiler !


Une réalisation soignée, une construction très aboutie et des personnages consistants

WestWorld,  c'est une série superbement réalisée (avec 100 millions de dollars de budget c'est un peu normal en même temps) les deux univers sont bluffants de réalisme, notamment ces androïdes qui ressemblent à s'y méprendre aux véritables humains. La photo est soignée et de nombreux plans sont baignés de la lumière de l'ouest américain rendant les scènes du parc d'autant plus réalistes. Les personnages sont étonnants car ils cachent tous, que ce soient les hôtes ou les visiteurs, un secret, une part d'ombre. Il faut patienter quelques épisodes pour se laisser vraiment transporter et attendre la suite avec impatience. Les scénaristes prennent le temps de distiller subtilement les informations au gré des épisodes.

Le scénario d'ailleurs qui peut sembler simple au début s'annonce finalement bien plus alambiqué que prévu. Grâce à la psychologie complexe des personnages, l'intrigue se construit progressivement, ou plutôt les intrigues pour finir par se croiser. D'ailleurs, j'avoue que vers la fin j'ai eu du mal à tout comprendre d'autant plus que la narration mélange souvent le passé et présent, surtout à partir du milieu de la saison. A plusieurs reprises la phrase "tous ces plaisirs violents auront une fin violente" annonce comme un mauvais présage.
Le dernier épisode, plein de surprises, m'a laissé songeuse... J'aurai beaucoup de choses à dire sur la fin mais je vais éviter de spoiler...


Enfin, WestWorld c'est l'invitation à de nombreuses réflexions philosophiques et métaphysiques, sur la quête de soi, l'éveil de la conscience, l'intelligence artificielle, le besoin de contrôle, la soif de pouvoir de l'homme, sur l'antagonisme des dominés / dominants... Cette série offre  une projection glaçante d'un futur déshumanisé, à la morale et à l'éthique fort contestable. Westworld c'est aussi le parallèle entre deux époques que plusieurs siècles séparent, une nostalgie du passé dans lequel certains cherchent une sorte de réconfort, de plénitude ou au contraire un regain de vitalité. D'ailleurs, un des visiteurs constate par lui même : "cet endroit a l'air plus réel que le monde réel" et de souligner que "ce monde est à l'image du mien, un jeu. Un jeu fait de combat". Ces deux mondes se reflètent et se confrontent tel un jeu de miroir temporel mais aussi sociologique et psychologique.
Les dialogues sont riches, intelligents mais sans être trop intellectualisés ou prétentieux comme dans True Detective


Et finalement, c'est ce qui m'a plu dans la série, ces réflexions universelles sur le sens de la vie, sur la quête de chacun, sur le rapport au monde. C'est une série intéressante et intelligente et à mon avis, une fois finie, il peut être intéressant de la revoir pour en faire une autre lecture, interprétant sûrement certaines scènes différemment. 
Après, de là à en faire tout un battage médiatique et à brasser 100 millions de dollars par saison, ça me laisse songeuse... Le dernier épisode laisse envisager une deuxième saison captivante mais pour cela il faudra patienter 2018. Le temps de rassembler quelques millions de dollars pour la suite...

vendredi 10 février 2017

"La succession", un roman mélancolique teinté d'humour noir sur le poids de l'héritage familial

L'écrivain Jean-Paul Dubois est connu pour son regard cynique et désabusé qu'il porte sur la société et les rapports humains. Son dernier roman, La succession, n'échappe pas à la règle : c'est un roman à la fois ironique, sombre et mélancolique sur les déboires d'un homme en quête de sens, écrasé par une histoire familiale dramatique. Une autre découverte de la rentrée littéraire 2016 !



Un homme en quête de sérénité trouve refuge dans la compétition de pelote basque aux USA

"Ce fut des années merveilleuses. Quatre années prodigieuses durant lesquelles je fus soumis à un apprentissage fulgurant et une pratique intense du bonheur" C'est en faisant le point sur sa vie que s'ouvre le roman. Ces quatre années auxquelles le narrateur fait référence ce sont celles qu'il passa à Miami dans les années 80 en tant que joueur professionnel de "Cesta Punta", la belote basque. Originaire de Toulouse, Paul a fuit une histoire familiale difficile et une voie de médecin toute tracée par son paternel pour trouver un avenir plus serein aux Etats-Unis. Un jour, alors qu'il fait un tour en bateau, il sauve un petit chien de la noyade. Celui-ci deviendra son compagnon pendant les dix années à venir. Le seul d'ailleurs, car, malgré quelques amis de son club, Paul se sent assez seul. "Je ne dirai jamais assez combien la compagnie et la présence de ce chien me furent précieuses durant cette période où la mémoire des morts allait et venait au gré des flux et des marées de la mémoire."(p 85)

Une histoire familiale tragique refait brutalement surface

Il évoque avec cynisme et détachement son enfance terne et solitaire dans une famille peu démonstrative où chacun s'est progressivement donné la mort. Un grand-père qui fut un des médecins de Staline et avait à ce sujet des histoires incroyables à raconter. Une mère inséparable de son propre frère au point de vivre toute sa vie à ses cotés. Un père médecin qui ne vivait que pour son travail. Des parents qui ne manifestaient jamais d'émotion ni entre eux ni envers lui. Le narrateur raconte avec humour noir comment les membres de sa famille se sont tour à tour suicidés et comment cela ne semble pas les avoir bouleversés plus que ça, du moins en apparence. Selon lui, c'est probablement le mélange de sang slave et grec de sa famille qui justifie le penchant de sa famille pour le drame et la tragédie, comme une sorte de fatalisme généalogique.

Bien qu'il ne se soit jamais vraiment senti proche des membres de sa famille, Paul a préféré mettre de la distance avec l'histoire tragique de sa famille. Mais voilà qu'il reçoit un courrier de son père qu'il n'a pas vu depuis plusieurs années. L'enveloppe contient juste la photo de la voiture familiale dans laquelle s'est tué sa mère et cela suffit pour faire remonter des souvenirs. Et Paul est à peine surpris quand, quelques jours plus tard, il apprend le suicide de son paternel... Il revient alors en France s'occuper des funérailles et le voilà replongé dans le passé, d'autant plus qu'il loge dans la sombre demeure de son enfance. Lorsqu'un collègue de son père vient à sa rencontre, c'est pour lui dresser un portrait de cet homme, bien différent de celui qu'il croyait connaitre. Un voile s'ouvre alors sur la personnalité ambiguë et méconnue de son père...

Une longue parenthèse américaine

La première partie du roman raconte cette étrange histoire de famille qui pourrait constituer le scénario d'une tragédie grecque. Or, le ton est plutôt ici à la comédie burlesque. Ensuite, lorsque Paul repart aux Etats-Unis après les funérailles de son père, une longue digression de près de cent pages relate sa vie de joueur professionnel, revient sur sa découverte de la pelote basque, son repérage par un entraîneur et son envol pour jouer en pro aux USA. S'en suit l'ambiance de l'équipe, le management compétitif, les complications du club, etc. Il revient aussi longuement sur sa rencontre avec une femme plus âgée dont il tombe amoureux. Toute cette partie m'a semblé trop longue et comme détachée du reste de l'histoire. C'est sans doute voulu, comme pour montrer le besoin de couper les ponts, de s'évader du narrateur, mais on ne voit pas trop le rapport avec le début de l'histoire. Je me suis un peu lassée ne comprenant pas où voulait en venir l'auteur.
C'est une période durant laquelle Paul se pose pas mal de questions, s'interrogeant notamment sur son avenir professionnel, sa situation amoureuse, le sens de sa vie. La mort de son père semble avoir fait éclater la bulle de confort qu'il s'était construit en Amérique.  

Un dénouement intriguant et inattendu

Paul revient plus tard en France s'installer dans la sombre demeure familiale et, en fouillant un peu, va découvrir progressivement un des secrets de son père... Je ne peux pas en dire plus au risque de révéler l'intrigue mais le dénouement est surprenant et plutôt inattendu. Au fur et à mesure qu'on avance dans le récit, l'histoire prend une autre tournure, le ton devenant plus mélancolique, plus grave.
Ce livre invite à une réflexion sur le sens de la vie, le poids de l'héritage familial, les secrets de familles. Peut-on échapper à son destin? La succession est un roman assez sombre qui dresse le portrait psychologique d'un homme torturé, un récit qui aborde tant la succession matérielle que la succession morale.

Les lecteurs habitués de Jean-Paul Dubois retrouveront dans ce roman plusieurs éléments récurrents de l'oeuvre de l'écrivain : le narrateur se prénommant Paul, la présence du petit chien, la place qu'occupe les voitures, l'océan, le sport...

L'écriture est rythmée et acérée alternant des phrases courtes et percutantes avec d'autres plus longues, souvent très imagées, relatant les réflexions philosophiques ou psychologiques du narrateur. Le ton est original, alliant humour noir, amertume, fatalisme, introspection psychologique et réflexions sur le monde.
Dans l'ensemble, j'ai plutôt bien aimé ce roman malgré les longueurs du milieu : le ton est original,c'est bien écrit et l'histoire incite à la réflexion. De plus le dénouement est surprenant !

Quelques citations :

"Sans doute Jules était-il un homme translucide, traversé par la lumière sans jamais la capter, mais il fut le seul membre de ma famille à tenter de m'ouvrir au monde et aux autres, à me sortir de l'enclos katrakilien, à m'extraire de ce bain amniotique dans lequel nous marinions tous à longueur d'années." p 78

"Les moteurs humains démarrent parfois au moment où on ne les attend pas et il serait vain de se montrer trop regardant sur la nature du carburant qui alors les anime." p 112

"Depuis que le monde était monde, il y avait toujours eu deux façons de le considérer. La première consistait à le voir comme un espace-temps de lumière rare, précieuse et  bénie, rayonnant dans un univers enténébré, la seconde, à la tenir pour la porte d'entrée d'un motel mal éclairé, un trou noir vertigineux qui depuis sa création avait avalé 108 milliards d'humains espérants et vaniteux au point de se croire pourvu d'une âme" p 224

samedi 4 février 2017

La la land, un beau film romantique au charme rétro qui rend hommage aux comédies musicales

"La La land", ça sonne comme le nom d'un pays imaginaire gentillet ou celui d'une mélodie simpliste mais c'est aussi le surnom donné à Los Angeles et plus particulièrement à Hollywood. C'est aussi le titre du dernier film de Damien Chazelle qui regroupe finalement un peu de ces trois aspects :-)
Cette histoire romantique version comédie musicale est encensée par la critique et a déjà reçu 7 prix aux Golden Globes en attendant son passage aux Oscars (14 nominations). Autant dire que j'avais hâte de me faire ma propre opinion.


Le film est réalisé par le jeune trentenaire Damien Chazelle, découvert en 2014 avec Whiplash qui relatait les déboires d'un jeune homme déterminé à devenir un batteur de jazz émérite et subissait les brimades de son professeur (relisez mon avis ici). Un film assez sombre qui présentait la musique comme une performance, voir un combat. Dans La La Land, la musique est là aussi au coeur du film mais est présentée plutôt comme quelque chose de gai, de passionnant, d'épanouissant. Et, contrairement à Whiplash, La La Land est un film frais, coloré et stylisé.

bande -annonce :

Une histoire d'amour classique avec un casting glamour

Le scénario n'a rien d'original, c'est une histoire d'amour classique à la sauce hollywoodienne. C'est voulu et assumé comme un hommage aux comédies romantiques "traditionnelles".
A Los Angeles, Mia (Emma Stone) est une jolie et pétillante jeune femme qui rêve de devenir actrice. En attendant, elle sert des cafés aux studios d' Hollywood tout en enchaînant les castings. Sebastian (Ryan Gosling) est un beau brun à l'allure de dandy, passionné de jazz, qui rêve d'ouvrir son propre club (de jazz). Mais, comme en attendant il faut bien payer les factures, il assure l'ambiance sonore d'un restaurant. Bien sûr, ces deux là finissent par se croiser. Et vous devinez la suite. Mais leurs rêves respectifs seront-ils compatibles avec leur amour?


Le réalisateur filme avec justesse et émotion ces premiers regards, ces premiers gestes qui font naître une histoire d'amour, ces moments de bonheur et de plénitude dont on se souvient avec émotion plus tard. De nombreuses scènes se jouent entre la tombée de la nuit et le levé du jour, ce qui contribue à l'ambiance romantique du film et donne lieu à des plans magnifiques.


Emma Stone est toute mimi et glamour dans ses jolies robes colorées avec ses grands yeux et son beau sourire et Ryan Gosling est très classe également. Tous deux dégagent un certain charme rétro qui fait tout le romantisme du film. Rien de surprenant : c'est un film de Hollywood sur Hollywood, tout est beau et policé.

Un hommage à la comédie musicale et à l'ambiance 50'

La comédie musicale s'impose dès le début du film quand des automobilistes coincés dans un énorme bouchon aux abords de Los Angeles transforment leur ennui en un show chorégraphique époustouflant. Après quelques instants de surprise, le temps de s'habituer au genre de la comédie musicale, j'ai plutôt bien aimé cette scène d'ouverture gaie, esthétique et entraînante.


Par la suite, le film offre d'autres jolies scènes musicales comme lorsque Mia et Sebastian se rencontrent sur les hauteurs de L.A. pour effectuer un numéro de claquettes au lever du soleil tel une parade amoureuse insolite et romantique ou encore lors d'une très belle scène, là encore nocturne, au planétarium...
On note des clins d'oeil aux Demoiselles de Rochefort de Demy, notamment quand Mia et ses copines s'apprêtent à sortir pour une soirée mondaine, ou encore à Chantons sous la pluie.


Cependant, il y a davantage de scènes musicales au début qu'à la fin du film. Associées aux rêves, à l'espoir, elles diminuent au fur et à mesure que les personnages perdent un peu de leur insouciance... Du moins, c'est l'interprétation que j'en ai fait.
Les paroles des chansons sont touchantes et chantées avec émotion car toujours pleine de sens, comme lorsque Mia chante pour son audition : "Crois en tes rêves, aime tes fêlures, aime tes ratures".

La musique, on la retrouve aussi dans la passion de Sebastian qui joue à plusieurs reprises de beaux morceaux de jazz. Et puis, il y a cette petite musique récurrente tout au long du film, ces quelques simples notes de piano qui restent dans la tête et qui constituent le fil conducteur du cette histoire d'amour et du film en général. Cette petite mélodie "City of stars, are you shining just for me ?" résume à elle seule toute l'histoire : Mia et Sebastian vont-ils réussir à percer dans leurs domaines respectifs dans ce milieu tant convoité?

Outre cet hommage aux classiques de la comédie musicale, Chazelle reprend les codes des années 50 : robes colorées, attitude glamour et élégante des personnages qui semblent eux-même avoir été projetés dans les années 2010 par erreur... Il y a aussi beaucoup de scènes avec des voitures, comme dans les vieux films.


Un soin particulier à été apporté aux décors, à la manière de filmer les acteurs. Certains plans sont vraiment magnifiques, plein de poésie et de romantisme. Il y a beaucoup d'effets de style aussi. Certains sont réussis comme lorsque les deux amants sont filmés en train de danser sous forme d'ombres chinoises, d'autres m'ont par contre un peu lassée.

Une réflexion sur la musique, l'amour et l'ambition

Derrière cette réalisation soignée et cette belle façade hollywoodienne se cachent toutefois quelques questionnements.
Une réflexion autour de la musique tout d'abord, avec cette place qu'occupe le jazz dans les films de Chazelle, un genre devenu méconnu du grand public aujourd'hui. Il nous interpelle ici sur l'opposition entre les "puristes", amateurs d'un jazz traditionnel comme Sebastian, et les musiciens de jazz qui s'adaptent à la musique contemporaine. Le musicien et acteur John Legend interprète ici le rôle de l'ami musicien qui renouvelle son genre. Tout comme dans Wihplash, les notions d'effort et de sacrifice apparaissent comme gage de réussite, mais de manière plus soft ici.


C'est aussi une histoire qui aborde la question du doute, comme lorsque Mia s'interroge, après tous ses échecs d'auditions, sur son éventuel talent. Faut-il persister ou abandonner, passer à autre chose ? Faut-il absolument aller au bout de ses rêves ?

Enfin, au delà du romantisme et du film musical frais et coloré, La La Land est un film assez mélancolique, questionnant sur l'importance des choix que nous faisons, des chemins que nous pouvons prendre volontairement ou non, au gré des rencontres que nous faisons. Il y a beaucoup de nostalgie dans ce film, que ce soit par rapport à la musique, au cinéma, à l'amour..

La La Land est un beau film romantique et mélancolique, bien filmé, soigné, joliment interprété. C'est donc plutôt une réussite d'un point de vue esthétique. J'ai passé un bon moment durant ces deux heures, mis à part quelques scènes où la musique m'a semblé trop envahissante. Cependant, je trouve que les éloges de la presse sont quelques peu exagérés ou alors, à trop lire de bonnes critiques, on place la barre trop haut ?
Quoi qu'il en soit, la petite mélodie de City of Star vous restera dans la tête un moment après avoir quitté la salle !
Les musiques du film sont disponibles sur Deezer :

La la land / film américain réalisé par Damien Chazelle avec Ryan Gosling, Emma Stone, John Legend. Sortie en France le 25 janvier 2017

mercredi 1 février 2017

"Manchester by the sea" : un beau film sobre et bouleversant sur le désespoir et le deuil

J'ai enfin vu ce film dont j'entend parlé depuis plus d'un mois et pour lequel la critique ne tarie pas d'éloges. Réalisé par Kenneth Lonergan (Margaret), Manchester by the Sea est un drame familial subtil et émouvant avec Casey Affleck dans le rôle du personnage principal, un homme torturé hanté par un passé douloureux.
Manchester n'est pas ici la ville ouvrière anglaise mais une petite ville portuaire au nord de Boston aux Etats-Unis, un coin paisible en bord de mer, loin de l'agitation des grandes villes.


Un homme solitaire et mutique revient dans la ville de son passé

Lee est un quadragénaire taciturne et solitaire. Concierge à Boston, il tente de régler les problèmes de tuyauteries et autres tracas des locataires des trois immeubles dont il a la charge. Homme à tout faire mal considéré, il mène une vie simple, en retrait. Quand, un jour, un coup de fil vient bouleverser sa morne routine. Son frère, Joe, à qui on avait détecté une anomalie cardiaque il y a quelques années, vient de succomber. Lee quitte alors Boston pour Manchester durant quelques temps afin de s'occuper des démarches funéraires et de Patrick, son neveu adolescent, qui se retrouve désormais seul. Mais, lorsqu'il apprend que son frère l'a désigné comme tuteur de Patrick, il est vraiment déboussolé et ne semble pas prêt pour ce rôle.

Bande-annonce :

Au fur et à mesure qu'on avance dans l'histoire, on sent que, derrière l'attitude détachée et introvertie de Lee se cachent de profondes blessures. Ce dernier a lui aussi vécu dans cette petite ville, il y a quelques années et tout le monde semble aujourd'hui le regarder d'un drôle d'air... Lee va croiser de vieilles connaissances et revoir son ex femme. Et, surtout, il va devoir à affronter de vieux démons.

Le deuil, la tristesse, la souffrance... beaucoup d'émotions retranscrites avec pudeur et délicatesse

Le décès de Joe suscite des réactions différentes. Son frère, Lee adopte une attitude détachée, ne laissant que rarement transparaître ses émotions, se renfermant dans son mutisme et sa solitude habituelle. Patrick quant à lui, continue à dévorer la vie à pleine dents, entouré de ses copains et copines et tentant de gérer ses hormones en ébullition, comme si de rien n'était ou presque. Tous deux masquent finalement leurs émotions d'une manière différente. Mais ces carapaces montrent des fissures. Leur cohabitation forcée à quelque chose d'insolite et de rédempteur pour chacun, bien qu'aucun ne manifeste beaucoup d'émotion.


Le scénario m'a fait pensé à un film vu il y a quelques mois sur Netflix, The Fundamental for Carring où un homme taciturne et détaché est amené à prendre en charge un adolescent handicapé et turbulent. Un beau film qui mélangeait davantage les genres de la comédie et du drame. Alors que, dans Manchester by the Sea, on est dans le registre du drame pur et dur. Préparez vos mouchoirs.

Une réalisation sobre, délicate, toute en retenue

Ici, ce n'est pas le scénario, plutôt simple, qui fait la force du film. C'est sa réalisation, sobre, toute en finesse. La narration mélange subtilement les temps, des souvenirs de Lee s'insinuent dans le récit et nous permettent de mieux comprendre la relation qu'il avait avec son frère, d'en apprendre plus sur sa vie d'avant, de comprendre pourquoi il est devenu cet homme étrange, qui erre, seul, tel un zombie...

La réussite de ce film tient aussi énormément à la juste interprétation des acteurs. Le jeune Lucas Hedges qui interprète Patrick est très prometteur. Et Casey Affleck est bouleversant en homme brisé sans cesse à coté de ses pompes. Il n'y a pas de grands discours ni d'effusion de sentiments dans Manchester by the Sea mais c'est peut-être ce qui rend certaines scènes d'autant plus émouvantes. Tout est en retenue, la peine et la tristesse se lisent dans les regards, dans les silences, les bégaiements, les maladresses et c'est ce qui rend ce film profondément humain et émouvant.

Le réalisateur parvint à dresser avec beaucoup de finesse les portraits psychologiques de ses personnages. Et, là aussi, il y aurait beaucoup à dire dans l'attitude de chacun. Entre Lee qui cherche la bagarre dans les bars comme une forme d'autoflagellation, Patrick  qui cache toute sensibilité par une attitude détachée et cynique et des personnages féminins qui masquent leur désespoir chacune à leur façon... (mais là je ne peux vraiment pas en dire plus)...
C'est un film à la fois fort et subtil sur la souffrance, le deuil, la difficulté de surmonter certains drames de la vie, le poids de la culpabilité.


Enfin, l'ambiance dramatique et mélancolique de ce film est renforcée par les belles images du port, de la nature, de la ville enneigée.. Cela semble figer encore plus les sentiments de tristesse et de désespoir qui émanent des personnages.

Pour conclure, je dirai que Manchester by the Sea est un très beau film, triste et délicat, réalisé avec pudeur, qui bouleverse forcément. Cependant, à titre personnel, j'ai trouvé quelques longueurs durant ces 2h20. Et ce film m'a laissé une drôle d'impression, comme un goût d'inachevé, comme si j'avais attendu autre chose à la fin, après tout ce cheminement...

Manchester by the Sea / film américain réalisé par Kenneth Lonergan, avec Casey Affleck, Lucas Hedges, Michelle Williams, etc. Sortie française le 14 décembre 2016.