dimanche 11 juin 2017

"La tristesse des éléphants" : un roman captivant relatant une quête familiale sur fond d'étude du comportement des éléphants

Après la lecture quelque peu fastidieuse du dernier pavé de Jonathan Franzen, c'est une lecture plus légère que j'aimerai partager ici. L'auteur, Jodi Picoult, est américaine également et signe avec La Tristesse des Elephants sont 23ème roman. C'est un récit tendre, émouvant et assez surprenant qui fait le parallèle entre les sentiments humains et le ressenti des éléphants.


Une ado en quête de ses origines

Jenna a 13 ans et vit avec sa grand-mère aux Etats-Unis. Sa mère, qui travaillait dans un refuge pour éléphants, a mystérieusement disparu quand elle avait 3 ans, le même soir où une autre soigneuse a été retrouvée morte. Son père Thomas, quant à lui est enfermé en hôpital psychiatrique depuis cette même époque. Une enfance bordée de mystères et de non-dits que Jenna, arrivée à l'adolescence, est bien déterminée à élucider. Persuadée que sa mère est toujours vivante, elle va prendre contact avec Serenity, une voyante déchue, et Virgil, un ancien flic qui a enquêté sur les mystères du refuge pour éléphants à l'époque des disparitions devenu depuis un détective privé alcoolique et solitaire.
Le livre commence comme une histoire de quête classique avec néanmoins une pointe de surnaturel et une bonne dose d'humour. Si à un moment donné j'ai trouvé que le livre prenait un coté "roman de gare", c'est sans compter la forte dimension psychologique, sociologique et éthologique qui prend finalement le dessus.

Entre enquête psychologique et étude éthologique

Les chapitres alternent différents points de vues narratifs : celui de Jenna, de la voyante Serenity et de l'enquêteur Virgile, mettant en avant leur failles, leurs travers psychologiques. Une partie des chapitres retracent aussi les pensées d'Alice, la maman de Jenna, avant sa disparition. On découvre alors progressivement l'histoire de cette femme passionnée par le comportement des éléphants et on apprend plein de choses très intéressantes sur les pachydermes. En parallèle, on suit le parcours de Jenna qui fait tout pour retrouver sa mère, la jeune fille étant dotée d'une (trop ?) grande maturité pour son âge. Ces deux parcours nous tiennent en haleine, on est curieux de connaitre les causes de la disparition d'Alice et de savoir si Jenna va élucider le mystère de son enfance. Les personnages secondaires ont tous leur importance dans l'évolution de l'histoire.

Alice raconte avec beaucoup de justesse et de précision les comportements des éléphants qu'elle étudie avec tendresse et passion, nous rendant ces pachydermes vraiment attachants. La narratrice décrit notamment les manifestations de tristesse et de deuil chez les pachydermes rendant compte de leur impressionnante mémoire et de leur capacité d'empathie. Elle met également en exergue leurs relations familiales et sociales. Tout cela est vraiment passionnant !
Un parallèle intéressant est d'ailleurs fait entre l'expression du chagrin chez les éléphants et chez les humains, ainsi que sur la relation mère-enfant chez les deux espèces.

La tristesse des éléphants est un roman sur la perte, la tristesse et la filiation. L'auteur porte un regard aiguisé sur le comportement de ses personnages, se faisant ainsi fine psychologue et nous initie à l'éthologie nous sensibilisant à la cause de la protection des éléphants.

C'est un roman à la fois simple et original. Certes, l'écriture n'a rien d'exceptionnel mais le récit est bien rythmé ce qui en fait une lecture facile et captivante, le dénouement étant d'ailleurs complètement inattendu !  Bref, voici une lecture idéale pour l'été !


Quelques citations :

JENNA "J'ai toujours été une solitaire, et je ne me sens jamais chez moi où que ce soit. Je suis comme ces filles qui dévorent les livres de Jane Austen et espèrent toujours que M. Darcy va venir frapper à leur porte. Ou l'un de ces nostalgiques de la Guerre civile qui courent en poussant des hurlements sur les champs de bataille semés de bancs publics et occupés par des terrains de baseball. Je suis telle la princesse dans sa tour d'ivoire, sauf que chaque pierre est une histoire et que j'ai construit moi même ma prison." p 22

SERENITY "La seule force surnaturelle à l'oeuvre là-dedans est la capacité de tout individu moyen à trouver du sens à des détails rencontrés par hasard. Nous appartenons à une espèce qui voit la Sainte Vierge dans une souche d'arbre abattu, qui aperçoit Dieu dans un arc-en-ciel, entend Paul est mort en passant une chanson des Beatles à l'envers. L'esprit humain complexe qui invente du sens là où il n'y en a pas est ce même esprit capable de croire un faux voyant." p. 59

ALICE "Quiconque a vu un jour des éléphants en présence d'ossements de l'un des leurs reconnait les signes du chagrin : le parfait silence, la trompe et les oreilles qui retombent, les caresses hésitantes, la tristesse qui semble s'abattre comme un voile de deuil sur le troupeau tout entier chaque fois qu'il tombe sur les restes de l'un des siens." p.82

" Je soutiens que les éléphants éprouvent une forme d'empathie particulières pour les mères et les petits-de leur propre espèce ou d'autres. La relation mère-enfant semble empreinte d'une signification précieuse et d'une conscience douce-amère : une éléphante a l'air de comprendre que lorsqu'on perd un bébé, on souffre." p 154.

"Il y a quelque chose dans la mémoire, quelque chose dont Thomas n'avait pas fait mention. La mémoire n'est pas un enregistrement vidéo. Elle est subjective. C'est un compte rendu culturellement pertinent de ce qui est arrivé. Peu importe l'exactitude ; cela compte si c'est, d'une façon ou d'une autre, important pour vous. Si cela vous apprend quelque chose que vous avez besoin de savoir." p 311

THOMAS "Je crois que le chagrin est comme un canapé hideux. On ne s'en débarrasse jamais tout-à-fait. On peut faire de la décoration autour ; jeter un plaid par dessus ; le pousser dans un coin de la pièce - mais finalement on apprend à vivre avec." p 197