dimanche 30 août 2015

Une enfance, un beau film social, triste et lumineux qui sortira fin septembre

Cela fait bien longtemps que je n'ai pas écrit sur un film qui m'a plu. Et pour cause, l'été je vais toujours moins au cinéma, la faute au beau temps, aux apéros, aux vacances... et je préfère me plonger dans un bon bouquin au fonds d'un transat plutôt que de m'enfermer dans une salle sombre :-)
Mais j'ai eu la chance de gagner des places pour découvrir en avant-première le dernier film de Philippe Claudel qui sortira le 23 septembre prochain.

J'ai d'abord découvert Philippe Claudel en tant qu'écrivain en 2003 avec le superbe roman Les âmes grises (qui lui a d'ailleurs valu un prix Renaudot) puis en lisant la Petite fille de monsieur Linh, un roman très touchant que j'avais adoré. Bien plus tard, en 2008, j'ai découvert son travail de réalisateur avec le film Il y a longtemps que je t'aime mais qui ne m'avait pas particulièrement marqué.
Une enfance est son septième film et probablement un des plus aboutit.


L'histoire : Jimmy, 12 ans, vit dans un pavillon de la banlieue de Nancy. Il passe la plupart de son temps à s'occuper de son petit frère pendant que sa mère, une junkie un peu perdue, récemment libérée de prison, et son beau père, un imbécile désabusé et violent, passent leur temps à se prélasser, faire la fête, boire et se droguer. Jimmy a dû rapidement apprendre à se débrouiller tout seul, sans l'aide de ses parents. Par exemple, c'est lui qui réveille son petit frère le matin, le lave, lui fait son petit déjeuner, et l'emmène à l'école pendant que sa mère et son compagnon récupèrent de leur nuit agitée. C'est lui qui fait les courses et prépare à manger pour son frère au retour de l'école. C'est aussi Jimmy que ses parents envoie chercher des bières pour poursuivre une soirée déjà bien arrosée, à qui on demande de mentir sur la situation familiale et même qu'on envoie récupérer de la drogue à l'autre bout de la ville ! 

Bande-annonce  :

Le soir ou la nuit, il supporte les disputes souvent violentes de sa mère et de son beau père ou leurs fêtes de débauches. Et du coup, pendant la classe, il dort...
Il est témoin de scènes vraiment très dures qu'aucun enfant ne devrait être amené à connaitre. Des scènes qui brisent une enfance. C'est pourquoi Jimmy est aussi renfermé, ne sourit jamais, n'a pas d'amis. Il y a bien cette jolie fille dans sa classe qui est gentille avec lui, mais issue d'un milieu tellement différent du sien.
Finalement, dans cette famille décomposée, déglinguée, c'est Jimmy le plus responsable. C'est lui qui prend soin de sa maman quand ses excès la pousse au bord du gouffre.


Mais dès fois, lorsque la soupape est pleine, Jimmy et son frère vont dans un entrepôt désaffecté et sortent tout ce désespoir et cette violence qu'ils gardent en eux.
Et quand l'été arrive, alors que tous les enfants se réjouissent des grandes vacances, Jimmy les appréhendent presque. Encore plus livré à lui même que d'habitude, il ère dans les rues de sa petite ville, seul. D'autant plus que Kévin, son petit frère est parti avec la grand-mère.


Heureusement, il y a quelques figures bienveillantes dans la vie du garçon, comme son instituteur ou sa grand-mère, chez qui il aimerait bien retourner vivre d'ailleurs.

Philippe Claudel signe là un beau film social même s'il n'a rien inventé (bien évidemment l'anglais Ken Loach a tracé un tel sillon dans ce domaine qu'il est difficile de faire mieux). De manière plutôt subtile, sans forcir le trait, il filme sans parti pris cette famille à la dérive en montrant le décalage d'une classe sociale avec le reste de la société.


De plus, Une enfance est un film très lumineux, avec de beaux plans sur la nature, la ville, les gens. Malgré un sujet triste et difficile, le film est aussi porteur d'espoir, grâce à des présences bienveillantes, et toujours, cette lumière. La narration du film est particulière, il s'agit d'une succession de scènes du quotidien de Jimmy, une sorte de chronique de la vie non ordinaire d'un garçon de 12 ans. Ce film  m'a fait pensé aussi à Billy Eliott...
Enfin, j'ai été bluffée par les performances d'acteur des deux enfants qui jouent admirablement bien. 

mardi 25 août 2015

"Temps Glaciaires", un polar à forte dimension historique avec une petite touche de surréalisme

Si vous avez déjà lu des romans de Fred Vargas, vous connaissez son goût pour les histoires alambiquées, qui, de prime abord peuvent sembler absurdes mais débouchent généralement sur une enquête bien compliquée. Ainsi, j'avais été marquée il a plusieurs années par son roman Un peu plus loin sur la droite qui commence par une simple crotte de chien ! Pour la dixième fois ici, nous retrouvons le commissaire Adamsberg et son lieutenant Danglard ainsi que les autres membres de la brigade parisienne.

Ici, c'est une vielle dame, qui, en allant poster une lettre à la Poste, fait un malaise avant de parvenir à la boite aux lettres. Elle n'y survivra pas, mais une jeune femme venue la secourir se chargera alors de poster le courrier. Lorsque la destinataire de la lettre mystère meurt soudainement, les policiers s'interrogent sur le contenu de ce courrier et la personnalité des deux victimes, que pourtant tout semble opposer. D'autant plus qu'un signe mystérieux a été dessiné à coté du corps de la victime. Ce qui pousse la police locale à contacter le commissaire Adamsberg et le commandant Danglard, réputés pour leur capacité à résoudre des affaires bien compliquées. 

Avec Temps Glaciaires, Fred Vargas nous dévoile des secrets de famille, nous entraîne sur la piste d'un drame islandais et nous emmène sur les traces de Robespierre et de la Révolution Française. Des pistes aussi éclectiques que passionnantes puisque toutes ces recherches sont alimentées par des faits véridiques.


J'avoue avoir été un peu perdue et avoir failli décrocher lorsque l'enquête se concentre sur un groupe de passionnés de Robespierre, qui se prennent littéralement pour les personnages de l'époque, au point de nous plonger complètement dans les mystères de la Révolution Française. Mais c'est sans doute le but de l'auteur. Nous perdre pour mieux nous retrouver ensuite. En parallèle, elle nous emmène dans l'Islande, terre de légende, où il s'est déroulé un drame il y a quelques années de cela.
Ainsi, Temps Glaciaires fait aussi bien référence à la froideur de Robespierre qu'au climat de l'Islande !

Ce qui fait la force de ce roman, c'est cette écriture pleine de poésie et d'humour, un peu décalée, propre à Fred Vargas. Par exemple, quand le commissaire cherche la résolution d'une énigme, il dit que "ça le gratte", en référence à son voisin Lucio qui a perdu un bras alors qu'il n'avait pas finit de se gratter. Résoudre son enquête c'est pour lui parvenir à démêler une"pelote d'algues", etc.

De plus, l'auteur porte sur ses personnages un regard plein d'empathie et de bienveillance. On y rencontre par exemple Céleste, forte tête pleine de douceur qui a pour animal de compagnie un sanglier protecteur nommé Marc, la lieutenant Retancourt, femme à la forte carapace mais au coeur tendre, Amédée, un être blessé dès sa plus tendre enfance, etc.

L'auteur sème aussi dans son roman une petite touche de surréalisme et de fantastique, que ce soit dans les légendes d'Islande ou les secrets de la Révolution Française. Elle aime brouiller les pistes avec des cheminements d'abord improbables, qui finissent pourtant par se recouper.
Bref, malgré la parenthèse "robespierriste" un peu longue à mon goût, Temps Glaciaires reste un très bon roman, original et bien écrit !

Temps Glaciaires / Fred Vargas . - Flammarion, 2015