lundi 30 mars 2015

"Le peigne de cléopatre": un roman prenant où alternent humour noir, suspens et psychologie

Le peigne de Cléopatre est un roman qui raconte les retrouvailles entre trois amis de longue date, Anna, Marie et Frédéric, à Stockholm. Tous trois ont eu des parcours chaotiques et se retrouvent à un moment de leur vie où ils se demandent quel sens lui donner, que ce soit après une rupture ou la perte d'un travail. Lors d'une soirée bien arrosée, ils décident de travailler ensemble et de créer une petite entreprise qui aurait pour objectif de résoudre les problèmes des gens. Car tout le monde à des besoins ou des problèmes. Que ce soit un évier bouché, une pelouse à tondre, des courses à faire, des démarches administratives à effectuer... Mais les trois amis ne s'attendaient sûrement pas à ce qu'une vieille femme martyrisée leur demande de supprimer son horrible mari contre une importante somme d'argent. Et lorsque ce vieux monsieur décède, le doute s'installe : l'un des trois serait il vraiment passé à l'acte ?


Ce qui débute comme une histoire plutôt légère (à l'image aussi de la couverture, très "girly") se transforme petit à petit en récit à énigme, à suspens. Puis, c'est  la dimension psychologique qui prend le dessus pour nous dévoiler avec parcimonie les failles et les secrets bien gardés de ces trois personnages : la dynamique et tumultueuse Anna, la discrète et fragile Marie et le mystérieux Frédéric. En effet, la demande incongrue de la vielle femme va secouer la conscience des trois amis, les interroger sur leurs valeurs et faire resurgir les démons du passé. Finalement, il s'avère qu'ils ne se connaissent pas si bien que ça. Ce récit est prenant car, bien que ce ne soit pas un roman policier, on est tenu en haleine jusqu'aux dernières pages.

L'écriture est fluide, simple mais rythmée. Ce roman de 315 pages se lit finalement très rapidement et nous réserve bien des surprises.
L'auteure, Maria Ernestam est une journaliste et écrivain suédoise. Comme c'est le cas de nombreux auteurs nordiques, il ressort de son roman un ton bien particulier empreint d'humour noir et de légèreté. Or, les thèmes abordés sont tous sombres et graves, que ce soit la mort, la solitude, la tristesse, les méandres de l'âme humaine, etc. C'est ce contraste qui fait la richesse de ce roman, qui apparaît comme une sorte de conte moderne.


samedi 21 mars 2015

Quand Tim Burton fait autre chose que du Tim Burton, ça donne un bioptic plutôt réussi.

On connait et apprécie (ou pas, c'est selon) Tim Burton pour ses films à l'ambiance sombre et fantastique (Beetlejuice, Batman, Edward aux mains d'argent, L'étrange Noël de Monsieur Jack, Sleepy Hollow, Sweenie Tod, etc), son ambiance magique, son humour noir, ses films en stop-motion (Frankenweenie), ses acteurs fétiches (Johnny Deep) et... ses personnages aux grands yeux.




Par contre, vous ignoriez peut-être  d'où lui vient cette manie de créer ces personnages aux grands yeux!
Avec Big Eyes, Tim Burton a voulu rendre hommage à une femme peintre dont il s'est inspiré pour créer ses personnages : Margaret Keane. Il prouve ici qu'il peut faire autre chose que du "Tim Burton" avec ce bioptic romancé qui retrace l'histoire d'une peintre américaine. 


Début des années 50, Margaret quitte son mari avec sa fille et part démarrer une nouvelle vie à Los Angeles où elle retrouve une amie de longue date. Mais ce n'est pas évident d'être une jeune mère célibataire à cette époque, de trouver du travail et un logement sans "mari". Peindre des enfants aux grands yeux est son passe-temps favori, et c'est en exposant ses tableaux dans le quartier des artistes qu'elle rencontre l'élégant Walter Keane. Beau parleur, séduisant, fortuné, Margaret tombe sous le charme de cet inconnu. Et, alors que son ex mari menace de lui prendre sa fille au vue de sa nouvelle situation précaire, une demande en mariage rapide et inattendue de la part de Walter semble lui assurer un avenir garantit.

Margaret (Amy Adams)

Les deux amoureux et peintres amateurs essaient de percer dans une ville qui ne jure que part l'art moderne à ce moment là. Et, lorsque certains s’intéressent de plus près aux toiles de Margaret, qui signe dorénavant Keane tout comme son mari, ce dernier s'attribue progressivement son travail. Tout cela se fait très progressivement, presque sans faire exprès. Et lorsque les "Big Eyes" de Margaret rencontrent un succès fou, ses personnages étant dérivés à toutes les sauces, Walter s'attribue le succès et la fortune de sa femme.

M et Mss Kean

une des peintures de Margaret

Pendant une bonne partie du film on se dit que ce nouveau mari n'est pas si mal, que ce n'est pas de sa faute.
Mais, au fur à mesure que l'on avance dans l'histoire, c'est comme lorsqu'on gratte sous le vernis de certaines peintures, on découvre les vices cachés, les mensonges, les malversations... Et à un moment donné, la vie de Margaret se transforme en enfer. Je ne vais pas en dire davantage si ce n'est qu'on se laisse prendre par cette histoire. 

Bande annonce :



Après vérification dans Wikipédia, il s'avère que Tim Burton s'est autorisé quelques libertés avec les dates et a ainsi réduit la chronologie des événements sur une dizaine d'année.

Alors, bien sûr, ce n'est pas un film mémorable, il est au contraire plutôt banal. Cependant, j'ai trouvé intéressant l'hommage rendu à cette femme peintre, qu'on aime ou non son travail. Ça reste une histoire touchante, un portrait des années 50, époque où il était difficile pour une femme de se faire une place, de gagner en indépendance. 
Certes, les traits des personnages sont forcés : Margaret semble bien trop douce et trop naïve par moment et Walter (interprété par Christoph Waltz) ressemble davantage à un clown arrogant qu'à un prince charmant (charmeur) avec toutes ses simagrées, mais je vois ça comme une petite touche comique à la Tim Burton qui aime toujours caricaturer ses personnages. 


C'est aussi un film sur le milieu de l'art, notamment l'apparition d'une nouvelle forme d'art populaire dans les années 60, suivi du développement d'une culture de masse, des produits dérivés, etc.

Enfin, on peut souligner le soin apporté aux images qui sont très lumineuses et nous offrent de belles vues de Los Angeles. Les décors ainsi que les personnages sont très stylisés. L'ensemble créé un sympathique charme vintage. De plus, la musique est bien choisie (musique composée par Dany Elfman et quelques morceaux de Lana Del Rey.) 



Et voici comment était la véritable Margaret Keane dans les années 60 :

source : Getty image

Et voici un photo de la vraie madame Keane et son interprète aujourd'hui:



lundi 16 mars 2015

Les prémices de la sexologie dans l'Amérique puritaine des fifties : Masters of Sex

Je viens de terminer les deux saisons de la série Masters of Sex qui raconte de manière romancée l'histoire vraie des pionniers de la sexologie dans les années 50, le professeur William Masters et son assistante Virginia Johnson (cette dernière est d'ailleurs décédée en 2013, l'année où est sortie la série aux Etats-Unis).


Bill Masters est un gynécologue de renom aux allures de dandy un peu coincé, spécialiste de la stérilité. Il effectue en parallèle de son activité une étude sur les mystères de la sexologie. D'abord en cachette chez une prostituée, il finit par avoir ensuite le consentement de son ami le doyen de l'université pour développer son étude au sein même de l’hôpital universitaire. Mais il lui manque un regard féminin pour comprendre et analyser tous ces comportements sexuels. C'est alors qu'il rencontre la sulfureuse Virginia Jonhnson, femme divorcée, indépendante, mère de deux enfants, curieuse et décidée à apporter sa pierre à l'édifice de la découverte de la sexologie. D'abord embauchée en tant que secrétaire de Bill Masters, elle deviendra son assistante, son associée, un soutien à toute épreuve et bien plus encore... Tous deux vont faire face à l'ignorance et aux nombreux préjugés et tabous qui entourent le domaine de la sexualité aux USA à cette période. Mais cela ne se fera pas sans heurts.

Virginia Johnson (Lizzy Caplan)

Bill Master est fasciné par la personnalité de Virginia, son optimisme à toute épreuve, sa vie de femme émancipée (ce qui est très rare dans les années 50). Elle enchaîne les relations et semble n'avoir aucun tabou concernant sa vie sexuelle. Mais derrière son apparente confiance en soi, on découvrira par la suite quelques fragilités. Tout le contraire de Bill Master qui est un homme ambigu, ambitieux, secret, autoritaire, renfermé, même avec sa femme qui joue pourtant le rôle de l'épouse parfaite des années 50 ! Tous deux essaient d'avoir un enfant, mais il se montre très froid et distant avec elle. De plus, il n'hésite pas à  mentir à son entourage pour préserver sa fierté.

Trailer saison 1 :

Le travail de Bill Master et de Virginia consiste à regarder des couples pendant l'acte et à étudier les différentes phases d'un rapport sexuel. En gros, ils accueillent des volontaires, seul(e)s ou accompagnés et étudient leurs comportements afin de voir quelles sont leurs réactions et comment fonctionne le plaisir. Jusqu'au jour où Bill suggère à Virginia de se mettre eux aussi aux travaux pratiques afin d'étudier au plus près les manifestations du plaisir. Mais tout cela d'un point de vue purement professionnel bien sûr... S'en suit une relation très confuse entre les deux protagonistes, qui restent toujours très détachés, très professionnels, fuyant toute démonstration sentimentale.

Bill Masters (Michael Sheen) et Virginia Johnson (Lizzy Caplan)

Toute cette histoire pourrait sembler facilement vulgaire ou racoleuse, mais c'est sans compter le talent de la réalisatrice Michelle Ashford. Certes, on voit souvent des corps nus et des scènes d'ébats mais tout cela est filmé avec distance et de manière scientifique. Ce sont les personnalités complexes des protagonistes qui font finalement tout l'intérêt de la série, et ce, notamment, grâce à la superbe interprétation des acteurs.

On retrouve des décors à la Mad Men, un portrait de l'Amérique puritaine des fifties où l'homosexualité est considérée comme une maladie, où les Noirs sont discriminés, où les femmes restent au foyer et où le machisme est permanent, même chez les professeurs soit-disant avant-gardiste. Par ailleurs, la série gagne en épaisseur grâce à une foule de personnages secondaires : Libby, la femme de Masters, petite femme blonde douce, discrète, vivant dans l'ombre de son mari, "le" professeur DePaul, femme médecin courageuse et déterminée tentant de rendre public son étude pour la prévention du cancer de l'utérus, avec qui se liera d'amitié Virginia, ou encore Betty, cette prostituée au fort caractère mais au grand coeur qui, après avoir aidé Masters à ses débuts, va devenir sa secrétaire.

Betty (Annaleigh Ashford)

Libby (Caitleen Fitzgerald)

Si la première saison était centrée sur le travail de Bill Masters et de Virginia ainsi que sur leur relation, au point que par moment cela m'ait semblé un peu lassant, cette deuxième saison va beaucoup plus au fond des choses. Elle s'attarde davantage à nous faire connaitre des personnages "secondaires" tout en nous plongeant dans cette Amérique des années 50. De plus, on entre un peu plus dans la psychologie complexe de Bill Masters, un homme tellement fier, hautain et cassant, qui ne s'ouvre jamais.

Bref, l'ensemble de la série est bien ficelée, avec de bons acteurs, un bon rythme. C'est tout à l'honneur de la réalisatrice car ce n'était pas évident de réaliser une série sur la sexualité sans tomber dans le voyeurisme ou la vulgarité.
Je ne vais rien révéler de plus sur cette saison 2. Si ce n'est qu'on a envie de voir la 3 rapidement ! (diffusion prévue aux Etats-Unis été 2015)

Masters of Sex / série américaine réalisée par Michelle Ashford, d'après le roman de Thomas Maier inspirée de l'histoire vraie de Masters et Johnson . - avec Michael Sheen, Lizzy Caplan, Caitlin Fitzgerald, etc. . - Saison 1 : 2013, saison 2 : 2014, saison 3 : prévue courant 2015.

Aller, et en bonus, une photo du vrai William Masters et de la vraie Virginia Johnson :


Moins glamour que dans la série, n'est-ce pas ?

jeudi 5 mars 2015

Citizenfour : espionnage, scandale politique, mensonges, poursuites : l'affaire Snowden "pour les nuls" dans un très bon documentaire !

Vous rappelez-vous l'affaire Snowden, ce scandale des écoutes, qui a éclaté en 2013? Vous n'y avez pas compris grand chose ou n'avez pas tout suivi ? Je vous rassure, moi non plus. Heureusement que la réalisatrice Laura Poitras a réalisé un très bon film documentaire retraçant cette affaire d'écoute pour tout nous expliquer !


Réalisatrice de deux premiers films documentaires visant à révéler les dérives de l'Amérique post 11/09/2001, My country, my country (2006) et The Oath (2011), Laura Poitras est alors placée sous surveillance et arrêtée plus de 40 fois à la frontière américaine ! Elle parvient quand même à s'envoler pour Berlin où elle poursuit ses recherches sur les programmes de surveillance de masse aux USA, en vue de réaliser un nouveau reportage. C'est alors qu'elle est contactée par un certain "Citizenfour" qui a des révélations à lui faire concernant la surveillance, à leur insu, de millions d'américains.

bande-annonce :

La réalisatrice part alors à Hong Kong rejoindre ce mystérieux correspondant. Elle fait ainsi la connaissance d'un jeune homme timide de 29 ans, Edward Snowden, technicien réseaux pour la NSA. Ce dernier, souhaite révéler que les services secrets américains ont un plein accès aux données personnelles de milliers de citoyens américains via leurs mails, comptes de réseaux sociaux, historiques de recherche Internet, etc. et peuvent également espionner des entreprises, voir des Etats, au prétexte d'une surveillance antiterroriste, mais dont le but véritable est économique. Il dénonce l'existence et l'usage abusif de programmes de surveillance de masse par les services de renseignement américain mais aussi britannique.
Il souhaite dénoncer ce qu'il considère comme une grave atteinte aux libertés individuelles et un abus de pouvoir d'une démocratie moderne. Les entretiens dureront une semaine, dans sa chambre d’hôtel.

Edward Snowden

A partir de cette rencontre, Laura Poitras va filmer en temps réel tout le déroulement de cette affaire. Grâce à l'enquête minutieuse et à la ténacité d'un journaliste de l'édition américaine du quotidien The Guardian, Glenn Greenwald, lui aussi contacté par Edward Snowden, ainsi que de quelques personnes dévouées à leur cause, ils finiront par rendre publique cette affaire d'espionnage qui va devenir une véritable affaire d'Etat.

Ed. Snowden et Glenn Greewald (The Guardian)

Après le montage, il en résulte un documentaire très bien construit, alternant de longs plans d'Edward Snowden, pensif, anxieux, coincé dans sa chambre d’hôtel de Hong Kong, de vues sur les sites d'écoute, d'extraits de discours de hauts fonctionnaires, d'experts, d'informaticiens et même du président Obama. On voit notamment les responsables de la CIA et de la NSA nier devant la Cour n'avoir jamais eu accès à des données personnelles de citoyens américains... avant que le contraire ne soit révélé.

On se croirait dans un film ou une série policière (Person of Interest) ou un roman d'espionnage de John Le Carré, comme le dit d'ailleurs le journaliste du Guardian. Mais c'est bien la vérité. Ça se passe aujourd'hui, aux Etats-Unis et en Europe. Et c'est toujours d'actualité (cf article du Monde du 05/03/2015 à propos des écoutes dans les îles Pacifiques).

Ce reportage met également l'accent sur le rôle important des médias dans ce genre d'affaire, la manière dont est traitée l'information et, surtout, comment elle est révélé. Car il y a des précautions à prendre. Par exemple, Edward Snowden n'a jamais souhaité rester anonyme et se dit dès le début prêt à assumer la responsabilité de ses révélations. Accusé de divulguer des informations classées "secret-défense", voir de trahison, il risque la prison à coup sûr. Mais révéler son identité trop tôt éclipserait le scandale en lui-même pour se concentrer sur sa personnalité. Par ailleurs, le film souligne les pressions faites par le pouvoir politique sur les médias pour détruire les documents de Snowden et pour étouffer l'affaire.

La dernière partie du reportage nous tient en haleine car dès que l'identité d' E. Snowden est révélée, celui-ci est menacé et doit se cacher. La parano s'installe. On suit alors les péripéties de sa fuite, organisée par les journalistes et Julian Assange de Wikileaks. L'affaire n'est pas terminée pour autant, puisque la fin du reportage ouvre la porte sur un autre scandale ! A suivre...


Citizenfour est avant-tout un film citoyen, que tout le monde devrait voir. Il s'agit d'un de ces reportages qui résulte d'un véritable travail journalistique servant une grande cause qui est celle des libertés individuelles, plus particulièrement de la liberté d'expression, et qui interroge sur le devenir de nos démocraties. C'est un film sur l'importance des "lanceurs d'alertes", ces personnes qui dénoncent les dérives d'un système et deviennent de ce fait des "parias".

Le film a remporté l'oscar du meilleur documentaire lors de la cérémonie de février 2015. Un comble pour une affaire qu'on a voulu étouffer !

La réalisatrice Laura Poitras entourée de son équipe lors de la remise 
de l'Oscar du meilleur film documentaire 2015


Merci à Rue89Strasbourg pour les invitations pour ce film que je ne serai peut-être pas allée voir naturellement.

Après la projection avait lieu un débat très intéressant avec des "lanceurs d'alertes" alsaciens, eux aussi victimes de pressions suite à leurs révélations. Il s'agissait de Serge Humpich, qui a dénoncé l’absence de cryptage des données des cartes bancaires, de Viviane Schaller, qui a dénoncé les déficiences d’un test sur la maladie de Lyme ainsi que d'un pharmacien dénonçant les pressions exercées par l'industrie pharmaceutique. Le professeur Christian Marescaux, qui a dénoncé l’utilisation des IRM par les pratiques privées dans les hôpitaux, a quant à lui été excusé.

Pour conclure : Restons informés, mobilisés et soyons vigilants!

Citizenfour / film documentaire réalisé par Laura Poitras avec la participation d'Edward Snowdenn, Glenn Greenwald, Kevin Bankson, William Bourdon, etc. Sortie nationale le 4 mars 2015.



mercredi 4 mars 2015

Birdman : un film remarquable sur la forme, mais décevant sur le fond

Film étrange et pour le moins original que ce Birdman, récompensé récemment par trois oscars. Le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu dépeint ce qu'est le métier d'acteur, les nuances entre comédien au théâtre et acteur de cinéma et amène à une réflexion sur le besoin de reconnaissance, l'égocentrisme et le narcissisme.


L'histoire : Riggan Thomson (Michael Keaon) était l'acteur principal d'un blockbuster des années 1990 dans lequel il incarnait un super-héros, the "Birdman", ce qui l'a rendu célèbre. Or, 20 ans après, il a perdu de sa renommée et regrette ces années où il était adulé. La voix grave de "Birdman" sonne toujours dans sa tête comme un alter-égo pour lui rappeler sa popularité de jadis, jusqu'à le rendre schizophrène. Aujourd'hui metteur en scène à Broadway, il monte une pièce dans laquelle il joue également et avec laquelle il cherche à regagner en prestige. Il aimerait ainsi redorer son image, montrer que l'acteur de blockbuster peut être aussi un talentueux et respecté metteur en scène de Broadway. Aidé de sa fille, incarnée par une Emma Stone aux yeux de biche, à la fois désinvolte et fragile, et de son ami producteur et avocat, il embauche un acteur populaire (interprété superbement par Edward Norton) à forte personnalité pour incarner un rôle important dans sa pièce.

Bande-annonce :

La réalisation est parfaite de bout en bout, à la fois réfléchie, harmonieuse et poétique. Un soin particulier est apporté à la lumière, au cadrage, à la scénographie avec, par exemple, la juxtaposition d'images insolites et métaphoriques au début et à la fin du film.

Riggan Thomson et son alter-égo the Birdman

Par ailleurs, on peut souligner la juste interprétation des acteurs, Michael Keaton, Edward Norton, Emma Stone et Naomi Watts jouent à merveille leur double jeu. Pour un film sur le théâtre, le texte a été particulièrement travaillé. Les dialogues sont riches, littéraires, alignant une suite de brillantes citations.
De plus, le film est sans cesse rythmé par des percussions souvent entêtantes et l'on aperçoit d'ailleurs à plusieurs reprises les musiciens : un spectacle en pleine rue, un batteur isolé dans le studio, etc.

Birdman, c'est une critique du métier d'acteur, de la "critique" justement et du microcosme culturel qui est y est lié, de la célébrité. Le film montre un milieu où l’orgueil et l'ambition sont des moteurs mais peuvent également être des handicaps. Mais c'est aussi un film sur le besoin d'amour et d'admiration. La femme de Riggan lui dit d'ailleurs à un moment : " Tu as toujours confondu amour et admiration".

Riggan Thomson et Mike Shiner se battant

Malgré quelques difficultés le premier quart d'heure pour entrer dans l'histoire, on se laisse finalement prendre au jeu de cette histoire un brin loufoque où on ne sait jamais si les personnages sont eux-même ou jouent leur rôle, la limite étant de plus en plus floue au fur et à mesure que l'on avance dans le film. Mike, un des acteurs vedettes de la pièce, dira d'ailleurs qu'il n'est vraiment lui même que lorsqu'il joue dans une pièce, il interprète le personnage à fond alors que dans sa vie il est superficiel.

Sam la fille de Riggan Thomson

Rien à redire donc sur la réalisation et la scénographie. Cependant, j'ai trouvé ce film trop intellectualisé, exagérément métaphorique, notamment la fin qui se veut sûrement poétique mais m'a semblé tirée par les cheveux.

Dans l'ensemble, je trouve donc que la performance technique et le jeu d'acteur sont certes remarquables, mais que l'histoire reste assez banale, en tout cas elle ne m'a pas emballée. C'est un film sur le théâtre, le cinéma, l'égo, le besoin de reconnaissance, de célébrité, bref, des choses qui ont probablement touchées les membres du jury de cette cérémonie des oscars 2015 ! Le film a effectivement reçu l'oscar du meilleur réalisateur, celui de meilleur film et celui de meilleur scénario.