vendredi 20 novembre 2015

Kalachnikov vs musique. Billet d'humeur face à la terreur

Voici un billet un peu particulier puisqu'il ne s'agit pas d'un coup de coeur mais plutôt d'un coup de gueule. Il m'a fallu un peu de temps pour réagir aux tragiques événements survenus à Paris. Le temps de réaliser, de prendre un peu de distance, de réfléchir. Comme tout le monde j'ai été profondément attristée et choquée par ce qui s'est passé : tirer sur des gens paisiblement attablés ou qui écoutent joyeusement un concert, c'est vraiment inhumain. Toutes ces victimes innocentes, qui étaient juste sorties boire un verre, manger au resto, écouter de la musique, bref profiter de la vie. On pense très fort à leurs familles. Mais je pense aussi à tous ces blessés qui vont devoir se remettre tant physiquement que moralement de s'être pris une balle de kalash' alors qu'ils étaient juste à un concert... Je pense à toutes les personnes qui s'en sont sorties saines et sauves et qui ont été témoins de ces horreurs mais qui devront vivre avec ce traumatisme.


Ces attentats nous ont tous beaucoup bouleversés. Déjà parce que c'est la jeunesse qui a été touchée. Des gens qui sortent boire un verre, manger au resto, voir un match de foot ou vont à un concert. Des gens qui aiment le sport, la culture, la vie tout simplement. Ca aurait pu être n'importe qui : mes potes, mon frère, ou moi. Ca nous touche profondément. Bravo connards de terroristes, vous avez réussis votre coup, la France a peur... Ca nous touche aussi car c'est la culture, la vie nocturne, la fête, en gros, nos libertés qui étaient ciblées. Et ça, même si on ne s'en rendait pas compte jusqu'alors, on y est fortement attaché. 
La France est touchée mais ne sombre pas, comme le dit la devise latine si bien reprise ces derniers jours "Fluctuat nec mergitur". Cette tragédie nous a fait prendre conscience de la chance d'avoir autant de libertés, une culture si riche, une vie si dense... On a dorénavant encore plus envie d'en profiter. Désormais, on en savoure chaque moment. Encore plus qu'en janvier, on se sent solidaires, unis et déterminés. Parait qu'on est en guerre. Alors battons nous. Mais avec nos armes : notre liberté, nos droits. Allons voter. Lisons des livres. Ecoutons de la musique. Continuons d'aller à des concerts, à des événements sportifs, à boire des coups en terrasse. Mais aussi à s'informer et à s'ouvrir au monde. Car ce qu'on a vécu la semaine dernière se passe aussi dans d'autres pays en Afrique, au Moyen Orient mais n'a pas forcément le même écho tragique dans nos journaux d'actualité. Oui on a peur. Mais on se bat. On ne se couchera pas face à la bétise, l'obscurantisme, la terreur. Je continuerai d'aller voir des expos, des films au cinéma, de la musique en live et d'aller boire des coups avec mes amis. Parce que ça nous ouvre sur le monde. Parce que ça nous fait réfléchir. Parce que ça nous détend. Parce que ça nous rassemble.

Alors, pour finir, montons le son et levons le poing sur I love Rock n Roll.


Prenez soin de vous. Et à bientôt pour de nouvelles découvertes !

mardi 17 novembre 2015

Nous trois ou rien : un beau film émouvant sur l'immigration

Nous trois ou rien est le premier film plutôt réussi de l'humoriste Kheiron, découvert en 2006 dans le Jamel Comedy Club et surtout dans la mini-série Bref.


C'est un film tout particulier pour le jeune réalisateur puisqu'il retrace l'histoire de ses parents qui ont fuit l'oppression iranienne dans les années 1980. Kheiron a même la chance / l'audace / le mérite (au choix) de jouer le rôle de son père, ce qui a dû être particulièrement émouvant pour lui.

Bande-annonce :

L'histoire (vraie) : Dans les années 1970, durant la dictature du Sha, Hibat est un étudiant épris de liberté et plein d'idéaux qui fait parti d'un mouvement de contestation du régime. Malheureusement, comme beaucoup d'autres à cette époque, ces actes pourtant anodins à nos yeux finissent par le faire arrêter. Il sera alors condamné à 10 ans de prison ! Résistant jusqu'au bout, il connaîtra les geôles iraniennes, les menaces, la torture, l'isolement jusqu'à sa libération au bout de sept années.
A sa sortie, s'il est acclamé comme un héros par ses proches et les opposants au régime pour ses actes de résistance, il est toujours surveillé par le pouvoir et doit mener une vie de fugitif.


Il  rencontre alors celle qui deviendra sa femme, Fereshteh (superbement interprétée par Leila Bekhti) et tous deux ont un enfant ensemble (Kheiron petit). Lorsque la rue parvint à faire tomber le Sha, l'espoir revient, mais pour une courte durée seulement. En effet, le successeur du Sha s'avère être un fanatique religieux qui donne le pouvoir aux Mollah.  C'est pourquoi, en 1984, ils prennent la décision de fuir le pays dans des conditions évidement épiques. La deuxième partie du film raconte leur arrivée en France, leur intégration dans une banlieue parisienne décrépie, l'énorme place du milieu associatif dans lequel ils s'investissent beaucoup tous les deux, l'importance des rencontres, la volonté d'aller toujours de l'avant, de rester positif coûte que coûte, les liens avec les mouvements de résistance en Iran, etc.


Malgré une histoire plutôt triste et éprouvante, c'est un film assez positif, où on trouve beaucoup d'humour, comme pour mettre de la distance avec l'horreur de certaines situations. Ainsi le Sha est présenté comme un personnage burlesque, une sorte de Calife tout droit sorti de la bande-dessinée!


Tout au long du récit, on sent beaucoup de tendresse et d'humanité, c'est ce qui a donné probablement le courage et la force à ce couple de s'intégrer dans un pays qui leur était à l'origine totalement étranger.

C'est une histoire d'immigration émouvante qui a un écho vraiment pertinent avec l'actualité du moment. Un film plein de bonté et d'espoir que beaucoup devraient voir en ce moment.

Nous trois ou rien / film français réalisé par Kheiron, avec Kheiron, Leila Bekhti, Zabou Breitmann, Gérard Dermond etc. Sorti le 4 novembre 2015.

jeudi 5 novembre 2015

"Narcos" : une série remarquable retraçant l'histoire incroyable du trafiquant de drogue Pablo Escobar et de la lutte antidrogue

Article mis à jour le 9 septembre 2016. Critique de la saison 2 en bas de page.

Depuis fin août, Netflix propose de découvrir la série Narcos créée par Chris Brancato, Eric Newman et Carlo Bernard qui retrace la lutte des agents américains de la DEA face au trafic de cocaïne en Colombie.


Inspirée de l'histoire vraie de Pablo Escobar, filmée avec un grand sens du réalisme et beaucoup de suspense, cette série dramatique est aussi palpitante qu'effrayante, surtout quand on sait qu'elle est inspirée de faits réels.

Teaser :

Au début de sa carrière à la DEA (le service de lutte anti-drogues aux Etats-Unis), Steve Murphy pourchassait les fumeurs de cannabis sur le port de Miami. Mais ça c'était avant. Avant que la cocaïne devienne la drogue préférée des américains dans les années 80, avant qu'on découvre que cette drogue provenait de Colombie et qu'il soit affecté à Bogota pour lutter contre le fléau à la source. C'est cet agent de la DEA qui est le narrateur de l'histoire. La série s'ouvre par une scène de fusillade se passant en 1989 puis Steve nous raconte ce qui s'est passé pour en arriver là et nous renvoie au début des années 1980, jusqu'à la fin de la saison.

Steve et sa femme Connie

Lorsqu'il arrive en Colombie, officieusement en tant que responsable de l'entretien de l'ambassade, il s'associe avec son homologue Javier Pena ainsi qu'avec un autre policier déjà habitué à traquer les narco-trafiquants. Il va vite constater qu'il est difficile de trouver des personnes de confiance en Colombie tant l'emprise des magnats de la drogue et la corruption sont importantes à tous les niveaux de la société.

le policier et les 2 agents de la DEA 

En parallèle, un premier épisode raconte sur un ton badin et ironique comment la cocaïne est arrivée en Colombie par un cultivateur de coke chilien qui a fuit in-extremis la dictature de Pinochet. C'est lui qui propose à l'époque ses services au jeune mafieux de l'époque, un certain Pablo Escobar, en lui proposant d'être son "cuisinier" pendant qu' Escobar s'occupe d'écouler ensuite la marchandise. C'est d'abord en planquant la cocaïne sous les voitures qu' Escobar écoulera les stocks, puis, la demande ne cessant de croire, il utilisera des dizaines de camions pour passer les frontières, avant de recruter le pilote d'un petit avion lui assurant ainsi des liaisons régulières vers Miami !


Et là, la demande américaine ne cessa d'augmenter. C'est ainsi que commença un trafic de drogue énorme, où des millions puis des milliards de dollars sont brassés. De plus, Escobar fait alliance avec d'autres trafiquants colombiens pour créer ainsi le cartel de Medelin.

une partie du carte le de Medelin

Si ce trafic a pu se développer de manière si exponentielle, c'est en raison notamment de l'immense pouvoir d'intimidation qu'a Pablo Escobar sur la police, les politiques, les médias, dont il connait parfaitement les noms et habitudes. Il dispose de centaines d'hommes sous ses ordres et  n'hésite pas à menacer et punir ceux qui ne respectent pas ses volontés.

Pablo Escobar entouré d'un stock de Cocaïne

Narcos est une série sur le trafic de cocaïne mais aussi sur la personnalité ambiguë de Pablo Escobar. Avide de pouvoir et de reconnaissance, ce dernier aime à se faire voir comme un "Robin des bois" des temps modernes distribuant des liasses de billets aux pauvres qui l'adorent. Cependant, il n'hésite pas à tuer quiconque se dresse au travers de son chemin. Tendre avec sa famille, il est intransigeant et dur en affaires, terrorisant tout le monde, n'hésitant pas à manipuler et tuer des centaines d'innocents pour gagner toujours plus d'argent, avoir plus de pouvoir et sauver son honneur. N'ayant peur de rien ni de personne, il intimide ou élimine ses adversaires les uns après les autres. Il rêve d'avoir encore plus de pouvoir et de gloire et pour cela il se présente même aux élections présidentielles ! Trafiquant ambitieux et manipulateur, criminel psychopathe, terroriste : il devint le criminel le  plus redouté mais aussi le plus riche de l'histoire avec une fortune de 30 milliards de dollars à sa mort !!


Rares sont ceux qui persévèrent à le traquer malgré les intimidations. Les trois policiers doivent redoubler d'efforts et employer des moyens pas toujours très légaux pour retrouver la trace des narcotrafiquants.
Plus largement, la série raconte les débuts de la lutte anti-drogue aux Etats-Unis et en Colombie, avec notamment le développement des écoutes.

Tout cela est superbement raconté dans cette série et, d'après ce que j'ai lu, l'histoire est assez proche de la réalité. C'est d'ailleurs ce qui est le plus sidérant dans cette histoire, qu'elle est issue de faits réels. Pour le rappeler, le réalisateur insère souvent des images d'actualité de l'époque pour faire le parallèle ou appuyer certains des aspects les plus fous de l'histoire, lorsqu'on a du mal à y croire.
La réalisation est soignée, le rythme soutenu, alliant suspense et intérêt historique, ce qui nous tient en haleine tout du long. Les acteurs sont remarquables, mention spéciale à l'acteur brésilien Wagner Moura qui interprète avec brio Pablo Escobar

Enfin, le générique a lui seul est une petite pépite. Constitué d'images d'archives illustrant la lutte anti-drogue des années 80, défilant  sur la musique latine douce et envoûtante de Rodrigo Amarante.




Bref, si vous aimez les histoires de mafia, les films policiers, les biopics et histoires vraies, les moustachus et les années 80, vous devriez aimez Narcos.

Saison 2 :

Un an après avoir dévoilé la première saison de Narcos, Netflix diffuse la saison 2 depuis fin août 2016. On retrouve la voix off sobre du narrateur (l'agent de la DEA Steve Murphy) qui raconte, à posteriori, le récit de la traque du plus grand criminel de l’histoire de la Colombie. Le célèbre narcotrafiquant est toujours plein de ressources pour échapper à la police quitte à menacer les hommes politiques, les médias, ses rivaux et à terroriser la population par le biais de terribles attentats. En parallèle, la cellule chargée de le traquer connait quelques bouleversements et de nombreuses pressions, notamment de la part du gouvernement américain.
Cependant, malgré la terreur qu'il continue d'inspirer, Pablo Escobar n’est  plus le roi de la coke qu’il était auparavant. En effet, le cartel de Cali avec qui il avait une alliance a désormais des souhaits de grandeur et les deux clans vont se disputer des territoires pour le trafic de drogue. S'en suivra une guerre sanglante entre les deux gangs.

Le rythme est ici plus lent que dans la saison 1, le récit se centrant davantage sur le cercle privé de Pablo Escobar : ses bras droits et son équipe qui tend à se restreindre, ses rapports avec sa famille qu'il adore... Le tout visant à dresser un portrait intéressant et ambigu de Pablo Escobar : un mégalo sans scrupules qui avait un besoin constant de reconnaissance, d’admiration et de gloire, que ce soit par rapport à ses proches, au gouvernement, à ses rivaux. Un homme amoureux aussi, un père attentionné, un homme loyal mais aussi impulsif et colérique, capricieux, intransigeant. Jusqu'au bout, alors qu'il n'est plus qu'une bête traquée, il se plait à croire à un avenir où il serait homme de pouvoir admiré et respecté... osant même la comparaison avec Nelson Mandela ! Pablo Escobar, un bandit à la fois admiré et détesté qui suscita les passions et fait désormais parti de l'histoire de la Colombie
Les images d’archives judicieusement  insérées dans chaque épisode nous rappellent que tout ceci fut réel, que ce fut l'actualité de la Colombie dans les années 80 et 90 et cela parait assez fou avec le recul.

les deux agents de la DEA qui traquent Pablo Escobar

Alternant les points de vue avec, d'un coté Pablo Escobar et de sa famille, sans cesse traqués et se positionnant en victimes persécutées par le gouvernement, et, de l'autre, la police et le gouvernement qui redoublent d'efforts et d'ingéniosité pour resserrer l'étau autour de l’homme le plus recherché du monde, le récit monte en puissance, augmente le suspense et  évite ainsi le parti pris du spectateur.

la femme et la mère de Pablo Escobar

Comme je l'avais déjà souligné pour la saison 1, cette série est remarquable en tout point de vue : que ce soit par le jeu subtil des acteurs, un bon sens du récit, le ton légèrement ironique de la narration, un scénario judicieusement écrit et réalisé avec l’insertion d’images d’archives et la réalité des faits retranscrits.

Narcos / série américaine créée par Chris Brancato, Eric Newman, Carlo Bernard, réalisée par José Padilha avec Wagner Moura, Pedro Pascal, Boyd Holbrook, etc. Diffusée sur Netflix depuis août 2015.
Saison 2 diffusée sur Netflix depuis août 2016.