dimanche 25 janvier 2015

Plongée dans les ténèbres de la Louisiane avec "True Detective"

Après avoir entendu tellement d'éloges au sujet de cette série, j'ai enfin vu la saison 1 de True Detective. 

Alors, au risque de subir les foudres de certaines personnes, je dois quand même avouer que j'ai été un peu déçue... Sans doute, à force d'en avoir entendu tellement de bien, je m'attendais à une série vraiment exceptionnelle et, du coup, forcément, le résultat reste en deçà de mes attentes. Mais attention ! Je ne dis pas que je n'ai pas aimé! Il faut aussi que je reconnaisse ne pas être parvenue à finir un des cinq premiers épisodes sans m'endormir... En effet, dans True Detective, le rythme est (très) lent, les dialogues certes intelligents mais souvent longs et, justement, un peu trop "intellectualisés" pour être "true". Cependant, au bout de quelques épisodes, j'ai fini par être happée par l'histoire, le suspens vient progressivement et cette enquête angoissante nous plonge dans les recoins nauséabonds de l'humanité. Donc, après un démarrage laborieux, les deux derniers épisodes sont vraiment prenants et captivants.

Trailer :

L'histoire : Il s'agit d'une série policière se déroulant en Louisiane. Le récit se fait en partie sous forme de flash back : deux anciens flics témoignent aujourd'hui devant leurs "successeurs" de faits remontant  à l'époque où ils étaient coéquipiers et où ils enquêtaient sur une affaire, dans le milieu des années 1990. Une enquête qui semble les avoir beaucoup affectés : la traque d'un malade qui enlevait, séquestrait et torturait des jeunes filles sous couvert de pratiques vaudoues.


La série se joue sur deux époques : De nos jours, où ces deux ex policiers sont interrogés sur les dessous de l'affaire sordide. Et à chaque épisode, on est plongé dans le passé où on en apprend plus sur eux, on découvre la profondeur et la complexité de leur personnalité et de leurs relations. 
Entre leurs difficultés personnelles et une enquête compliquée et malsaine, tout semble avoir mal tourné pour ses deux ex-enquêteurs. L'un est devenu alcoolique après avoir démissionné de la police et l'autre a perdu sa famille. Mais les vieux démons sont toujours présents. De plus, cette affaire est-elle vraiment close?


True Detective est une série très esthétique qui tire toute sa force du superbe jeu d'acteur entre Matthew MacConaughey et Woody Harrelson. De plus, l'ambiance semie mystique, le rythme lent, les dialogues réfléchis et les beaux paysages de la Louisiane contribuent pour beaucoup à l'esthétisme de la série. Par ailleurs, le générique est remarquable, la musique Far From Any Road du groupe The Handsome Family est fabuleuse, à la fois mystérieuse et empreinte de mélancolie, à l'image de la série.


La réalisation est soignée, nous offrant de longs plans sur les grandes étendues de la Louisiane, une lumière magique, une scénographie réfléchie. Toutefois, je ne peux m'empêcher d'avoir un goût d'inachevé à la fin du dernier épisode. Beaucoup de questions sont soulevées tout au long de ces (longs) dialogues durant les 7 précédents épisodes et on obtient que très peu de réponses. Je comprend cette volonté de laisser planer le mystère, mais je trouve qu'il manque quand même des explications, la fin me parait presque trop simple. Peut-être aura t'on des explications dans la saison 2 ? Bien sûr, le final est magnifique, des plans très esthétiques, à l'image de toute la série, mais cela ne fait pas tout.

Pour résumer, c'est une série bien construite, joliment réalisée, superbement interprétée dont l'esthétisme et la mise en scène se rapproche de la superbe série Top of the Lake mais qui ne m'a pas autant transportée que cette dernière.
La saison 2 devrait sortir cet été mais d'autres acteurs interpréteront les rôles principaux, notamment Colin Farrel.

vendredi 16 janvier 2015

La musique comme un combat : impressionnant "Whiplash"

Voici un film étonnant, au scénario simple mais aux performances remarquables, réalisé par un jeune réalisateur américain mélomane, Damien Chazelle.


Whiplash c'est l'histoire d'Andrew, 19 ans, joueur de batterie qui rêve de devenir un musicien de jazz talentueux et reconnu. Il intègre une école de musique prestigieuse de New York où il va rencontrer le célèbre et respecté professeur Fletcher, grand chef d'orchestre. Ce dernier est un être ambigu : caractériel, colérique, perfectionniste, blasé et passionné à la fois, Fletcher est aussi fascinant qu'effrayant. Manipulateur, il souffle le chaud et le froid sur ses élèves, leur affligeant brimades, humiliations, violences verbales voire physiques.

Bande-annonce :

Lorsque Andrew se voit finalement proposer la place de batteur dans l'ensemble de jazz dirigé par Fletcher, il est bien sûr ravi, flatté et motivé. Le jeune homme déborde d'ambition, d'orgueil et de volonté mais il va rapidement se heurter aux méthodes d'enseignement très particulières de cet homme impitoyable. Il va devoir travailler encore et encore pour mériter sa place dans cet ensemble jusqu'à mettre sa vie personnelle de coté et s'éloigner de ses proches.

Andrew

A un moment du film, Fletcher, sous un masque un peu plus humain (mais n'est-ce là qu'une apparence?) avoue à Andrew que c'est dans la violence et la souffrance que sont révélés les véritables génies, que c'est pour cette raison qu'il fait régner la terreur dans ses cours et martyrise ainsi ses élèves. Selon lui, il faut être poussé dans ses retranchements pour sortir le meilleur de soi même. C'est sa pédagogie, très particulière qui fait de lui un professeur émérite...

Fletcher hurlant sur un élève

Whiplash est un film puissant, dur et intense où la tension est permanente. On a sans cesse peur de ce qui va arriver à Andrew et on est bluffé par les superbes performances d'acteur, notamment les efforts physiques qu'a dû fournir Miles Telle, l'acteur jouant Andrew pour jouer de la batterie tel un forcené. L'intrigue du film est construite sur l'opposition entre deux personnalités complexes  : le jeune musicien ambitieux face au professeur sadique, névrosé et manipulateur.

le professeur T. Fletcher

La musique apparaît ici comme un sport de compétition, un univers impitoyable où les musiciens doivent se dépasser pour donner le meilleur d'eux même, cela se faisant dans la sueur, les larmes et le sang.
Sans en révéler davantage, on peut juste dire que le film se clôt sur un concert incroyable où on reste bouche bée.

De manière générale, j'ai apprécié ce Whiplash (le titre vient du nom du morceau de jazz que doit sans cesse répéter Andrew). C'est un film bien construit autour d'un scénario pourtant très simple, mais qui doit tout à l'interprétation des personnages et à la tension que le réalisateur a su maintenir tout au long du film. Toutefois, j'avoue avoir été par moment mal à l'aise face aux bassesses sadiques qu'inflige ce professeur à ses élèves. De plus, le message délivré par le film, à savoir que la douleur est nécessaire à la révélation des talents, peut aussi gêner.
Quoi qu'il en soit, c'est un film qui, à mon sens, ne laisse pas indifférent.

Whiplash / film américain réalisé par Damien Chazelle, avec Miles Teller, J.K. Simmons, Paul Reiser, etc. Sortie en France le 24 décembre 2014.

jeudi 8 janvier 2015

une émouvante famille Bélier

Dès fois, ça fait du bien de voir un film sans violence, sans drame, sans tension. Un film français simple, sans artifice, sans effets spéciaux. Dès fois ça fait du bien de voir une comédie qui s'éloigne un peu des clichés habituels et qui parvint à nous faire rire avec un sujet pas vraiment drôle, le handicap. Mais pas n'importe quel handicap puisque celui-ci est invisible, il s'agit de la surdité.

Bande annonce :

La famille Bélier, c'est l'histoire de Paula, 16 ans, seule entendante dans une famille de sourds-muets. C'est aussi l'histoire de sa famille, de ses parents agriculteurs qui tiennent un élevage de vaches laitières et se montrent très protecteurs envers leurs enfants. La mère, jouée par Karin Viard est très classe en femme d'agriculteur, et François Damien joue un père à la fois rustre et attachant, courageux, qui n'hésite pas à s'opposer au maire de la commune pour faire valoir ses droits.


Paula est très dégourdie pour son âge : elle est le lien entre ses parents et le monde extérieur : elle sert d'intermédiaire avec la banque, les fournisseurs, le vétérinaire, le médecin... Elle est un pilier dans cette famille très unie, aimante qui communique par signes. Malgré toutes ces responsabilités, Paula n'en reste pas moins une adolescente qui veut s'émanciper, qui craque pour le nouveau venu de sa classe ce qui va l'amener à s'inscrire, un peu par hasard, au cours de chants. C'est là qu'entre en scène l’irrésistible Eric Elmosisno qui joue le rôle d'un prof blasé, aigri, fan de Michel Sardou, Monsieur Thomasson, qui va aider Paula à découvrir sa magnifique voix et même la préparer à passer un concours de la maîtrise de Radio France.

Paula

C'est un film sur l'adolescence, la famille, sur les choix de vie. Paula se retrouve face à un dilemme : suivre la voie qui lui est toute tracée à la ferme et aider les siens ou suivre sa voix nouvellement découverte et aller au bout de ses rêves, au risque de se mettre sa famille à dos.

Monsieur Thomasson

Ce film est souvent drôle grâce à la superbe interprétation des acteurs. Il est aussi très émouvant dans sa présentation des relations entre Paula et ses parents. A aucun moment, ces derniers sont présentés comme des personnes handicapées. Jamais Paula ne parle de ses parents pour dire qu'ils sont sourds et muets. Pour eux c'est juste un détail, qui peut certes être discriminant, mais ne les empêche nullement d'avancer dans la vie.

la famille Bélier

En effet, les Bélier ne se considèrent pas comme des personnes handicapées, et à juste titre : ils ont une vie normale, se sont créés une bulle où les intrus, justement, ce sont les "entendants". Ils ont leur propre langage, la langue des signes, et semblent très bien s'intégrer au monde des entendants. Mais les apparences sont souvent trompeuses, et le film met en évidence les efforts mis en place pour dissimuler leurs difficultés, comme cette scène très émouvante, lorsqu'ils assistent à un spectacle de chant de Paula, où tout le monde semble ému par la musique tandis qu'eux font semblant d'être ravis avant de commenter : "la lumière et les costumes étaient très beaux..." Pendant cette scène le son est coupé et on se met vraiment à la place des parents pendant 2 minutes.


Ce n'est pas une comédie bien pensante sur le handicap mais le film met en lumière les qualités et les défauts de cette famille particulière, leur immense amour pour leurs enfants, presque étouffant, l'adolescence et l'affirmation de Paula qui font voler cette bulle en éclat.

Alors bien sûr la fin n'a rien de surprenant, elle est très grand public et télévisuelle, naïve et sympathique. Cependant, j'ai été émue par le portrait qu'est fait de cette famille et reconnaissante qu'enfin un film présente un "handicap" comme une particularité, le tout avec beaucoup d'humour et d'émotion.

La famille Bélier / film français réalisé par Eric Lartigau, avec Louane Emera, Karin Viard, Karin Viard, François Damiens... - 2014

jeudi 1 janvier 2015

"La Tête en l'air" : une belle BD sur le temps qui passe et les souvenirs qui s'en vont

La Tête en l'air est une jolie bande-dessinée abordant avec sensibilité la vieillesse et la maladie d’Alzheimer écrite et dessinée par un espagnol, Paco Roca. 


Ernest a 72 ans. Il vit chez son fils avec sa famille. Mais dès fois il les confond avec des clients de la banque où il travaillait avant. Ernest a la maladie d’Alzheimer et a de plus en plus de mal à être autonome. Aussi, sa famille décide de l'amener dans une maison de retraite.
Ernest se retrouve alors entouré uniquement de personnes âgées, l'analogie avec son entrée à l'école primaire est touchante. Parmi tous ces vieilles personnes, certaines ne savent plus comment elles s'appellent, d'autres tentent de s'occuper comme elles peuvent entre deux repas, en attendant éventuellement des nouvelles de leurs familles...

L'auteur dépeint avec émotion et tristesse la vie en maison de retraite rythmée par les repas et les siestes. Ce n'est pas seulement l'histoire d'Ernest qu'il nous raconte, mais celle de toute une génération. Ainsi, on est ému en voyant ce vieux couple ensemble depuis 60 ans où le mari semble avoir perdu toute notion d'une vie passée, sa femme ne le quittant pas d'une semelle. Ou cette vieille femme qui se croit dans le train de l'Orient Express, cette autre grand-mère qui veut sans cesse téléphoner à sa famille, ce vieillard qui ne fait que répéter inlassablement les paroles des autres, tel un perroquet... Toutes ces situations sont illustrées en montrant les situations dans lesquelles s'imaginent les personnes malades. Cela renforce l'émotion qui se dégagent de ces planches.

Ernest rencontre Emile, un vieil homme mesquin et aigri avec qui il va partager sa chambre. Lorsque ses souvenirs s'envoleront, Emile fera preuve de sollicitude et fera tout pour retarder la perte de mémoire. Il va même organiser une petite escapade, afin d'oublier leurs maux de vieilles personnes, tel des adolescents fugueurs !


Ernest est désemparé lorsqu'il prend conscience par moment que son état se détériore. Mais Emile est là pour lui remonter le moral, retarder les effets de la maladie.


La Tête en l'air est une BD éducative qui nous sensibilise à la maladie d’Alzheimer, à la solitude que peuvent ressentir les personnes âgées. C'est un album empreint de mélancolie et très émouvant.

Cette bande-dessinée a même été adaptée en film d'animation en 2011 (version espagnole) et en 2013 pour la version française.

La tête en l'air / Paco Roca . - Ed. Delcourt, 2013