jeudi 20 décembre 2012

la machine vous épie!

Et si une machine épiait tout vos faits et gestes? Et si on vous surveillait en permanence?

Parmi toutes les séries visionnées ces derniers temps, peu sont celles qui m'ont marquées. Je souhaite toutefois parler de la série Person Of Interest que j'ai regardé récemment.


Réalisée par J.J. Abrams (le créateur des séries Lost, Star Trek, Alias et de Fringe et du film Mission Impossible 3) et Jonathan Nolan (le frère de Christopher Nolan, réalisateur notamment de The Dark NightPerson Of Interest est une série dans laquelle on se laisse entraîner.

Voici l'histoire : Un ancien agent de la CIA présumé mort, John Reese, erre dans les couloirs du métro sous l'apparence d'un clochard. Repéré par Finch un millionnaire (interprété par Michael Emerson un ancien de Lost!) ,  il est "embauché" pour aider celui ci à sauver des gens. 


En effet, ce riche bon saint-maritain est l'auteur d'une "machine" qui espionne tous les citoyens par l'intermédiaire des caméras, des téléphones et divers moyens de télécommunication. Chaque jour la Machine lui donne le numéro de sécurité sociale d'une personne en danger.. Il s'est donné pour mission de sauver ces personnes mais a besoin pour cela d'un acolyte sur le terrain. Tous deux vont prévenir le crime avant qu'il ne se produise, en utilisant des méthodes borderline, en tentant également d’échapper à la police qui poursuit ces deux agitateurs qui agissent avec leurs propres méthodes.  Une sorte de Batman et Robin 3.0 qui se faufile entre les gangsters, les flics ripoux, les anciens chefs de la CIA qui veulent la peau de John Reese... 


Tous deux trouveront deux acolytes dans la police mais ils devront faire attention à ne pas se faire prendre par les collègues ripoux. Jusque là, rien de folichon je vous l'accorde. D'ailleurs, le début est un peu ennuyeux : un clochard doué en karaté devient du jour au lendemain une sorte de play-boy super héros ... Le scénario de chaque épisode est répétitif : Finch reçoit le numéro de sécurité social d'une personne en danger puis il demande à Reese de protéger cette personne en le guidant à distance grâce à une oreillette... L'homme de l'ombre et l'homme de terrain. 
Mais en toile de fond, les sujets traités sont intéressants.
Comme dans Homeland, c'est une série sur la paranoïa américaine post 11 septembre, la volonté de traquer le terroriste qui sommeille en chacun de nous. Et les déviances qu’entraîne ce genre d'espionnage, une critique de la société moderne qui épie ses concitoyens à leur insu.


Les épisodes sont assez bien construits, comme des mini-James Bond dans lesquels les scènes d'action font toutefois sourire car ce John Reese arrive toujours au bon moment pour pulvériser les méchants! (d'ailleurs dans un des premiers épisodes, alors que Reese surgit de nulle part avec ses flingues, un gamin lui dit "eh mais t'es qui toi ? James Bond?). Si chaque épisode est une aventure en soit, l'histoire de fond, le fil conducteur de la série est bien construit et le scénario tient la route. Et la série répond progressivement aux questions qu'on se pose dès le début : Pourquoi cet ex agent de la CIA s'est il retrouvé à la rue? Qui est réellement Finch l'auteur de la Machine? Qu'est-ce-que réellement la Machine?


On adore également le rôle énigmatique de Finch, ce marginal à la fois attendrissant, mystérieux et un peu effrayant. 
La fin de la première saison est inattendue et ouvre de belles perspectives pour la saison 2!

Person of Interest / J.J Abrams et Jonathan Nolan, avec Jim Caviezel et Michael Emerson 

mardi 11 décembre 2012

Un film bien populaire

Populaire c'est le genre et le titre du dernier film que je suis allée voir. Réalisé par un inconnu, Régis Roinsard (son premier film apparemment), je préfère prévenir en disant que ce n'est pas un grand film d'auteur, c'est même assez nunuche par moments et dès le début on sent arriver la fin tellement prévisible et romantique!


Mais bon, peu de films sont susceptibles de m’intéresser en ce moment, et comme j'adore l'ambiance rétro des années 50, je me suis laissée tenter par une comédie romantique française...
Pour commencer, le générique de début est très esthétique et coloré et nous plonge d'emblée dans les années 50.

Bande annonce :

L'histoire c'est celle de Rose Pamphile, fille du gérant du bazard d'un petit village de Normandie, jolie blonde, la petite vingtaine, qui rêve d'intégrer le monde des "dames de la ville". Le film commence par un entretien d'embauche pour un poste de secrétaire chez un assureur (interprété par Romain Duris). La file est longue pour ce poste car, comme l'affirme Rose, dans les années 50, secrétaire est le métier dont toutes les femmes rêvent! D'ailleurs, une secrétaire se doit d'avoir des lunettes même si elle a une bonne vue. Ses concurrentes ne manqueront pas de lui faire remarquer et de lui donner des conseils vestimentaires.

Malgré ses maladresses et son ignorance du métier, elle se démarque en tapant rapidement à la machine avec juste deux doigts. Son patron, l'assureur Louis Echard, l'embauche donc à l'essai et voit en elle sa pouliche qu'il pourra entraîner en vue de la faire participer aux concours de dactylo qui font alors fureur. Romain Duris interprète l’archétype du patron dans les années 50 : en costume, gros fumeur, macho, misogyne, appelant les filles "mon chou" et ne voyant en Rose qu'un moyen de se mettre en valeur...Toutefois, au fur et à mesure de l'avancée dans l'histoire, on verra des fêlures dans sa carapace et le machiste s'éclipsera pour faire face au sentimental. La transition est d'ailleurs un peu rapide et surtout très clichée.

Déborah François interprète quant à elle une Rose Pamphile plus subtile, une jeune fille sage mais qui s'émancipe rapidement, une femme à l'étroit dans sa vie, dans son époque, qui rêve de se démarquer et se lamente d'être "une fille banale qui ne sait rien faire". Quand son amie (l'ex de Louis Bejard, interprétée par la pulpeuse Bérénice Béjo) lui demande quel homme elle aimerait rencontrer, elle répond "un homme qui considère la femme comme son égale", un gros silence s'installe en face!
Lorsque son patron lui propose de s'installer chez lui afin de la coacher pour la faire participer aux concours de dactylo, elle y verra un moyen de sortir de l'ordinaire, voir de se rapprocher de lui. Or, celui-ci prendra la chose très sérieusement et, comme il le dit à son ami au début du film, une relation est inenvisageable entre un sportif et son entraîneur!


C'est également un film sur l'histoire de la dactylographie. Afin d'assister le plus rapidement possible leurs patrons qui croulent de plus en plus sous la paperasse, les secrétaires se doivent d'écrire le plus vite possible sur leur machine à écrire. Comme le film le souligne, "la vitesse c'est le progrès" et les machines à écrire visent à améliorer la technique de frappe.Une véritable compétition s'instaure entre secrétaires. 
Louis Echard entraîne Rose Pamphile comme si c'était une sportive de haut niveau en lui apprenant à taper avec tous ses doigts, en lui instaurant un code couleur (qui l'amènera à se vernir les doigts de différentes couleurs ce qui entraînera ensuite une mode!), en lui faisant suivre des cours de piano afin d'assouplir ses doigts puis enfin en l'incitant à taper sans regarder les touches.


Elle est ensuite fin prête pour remporter le tournoi de dactylographie de Normandie, puis pour participer au championnat de France et viser le concours mondial qui a lieu aux Etats-Unis. Devenue star publicitaire, Rose affirmera d'ailleurs : "l'avenir, c'est le clavier!" Tout au long du film on voit défiler toutes les marques de machines à écrire de l'époque, dont les commerciaux voient dans ces concours un excellent moyen de promotion et sont prêts à exploiter le filon jusqu'au bout. Les représentants de la marque Jipa, le père et le fils du même nom, excellent dans leurs rôles cyniques et hypocrites!
A la fin du film, Louis Echard dessine d'ailleurs le prototype de la machine à bulle, qui sera réellement commercialisé en 1961 par IBM.
Populaire, Rose le deviendra notamment grâce aux médias (télévision, radio, cinéma) qui en font une icône féminine. Populaire, c'est également le nom de la dernière machine à écrire à la mode que toutes les ménagères rêveront d'avoir, grâce ou à cause des publicitaires.

Comme je l'ai dit plus haut, l'histoire d'amour qui se trame est un peu niaise et beaucoup de personnages sont des stéréotypes (la copine de village rondouillette, simple et enthousiaste, le papa ronchon, la gouvernante d'internat vieille fille fourbe et hypocrite...). Par ailleurs, certaines scènes semblent surjouées, notamment au début du film.
Toutefois, j'ai apprécié l'ambiance rétro mais assez bien retransmise des années 50 : quantité d'objets de l'époque y sont représentés, on admire un défilé de vieilles voitures, les vêtements rappellent une époque où rares étaient les filles qui portaient des pantalons... Les mentalités sont également bien retransmises, entre tradition et modernité, avec l'apparition de nouveaux appareils électro-ménagers et le développement des médias, cette comédie retrace aussi le début de l'émancipation féminine. De plus, on apprend beaucoup de choses sur la dactylographie. La dactylo, un art ou un sport? En tout cas un moyen de pouvoir travailler et donc de s'émanciper pour les femmes des années 50.

Dans l'ensemble, Populaire est donc une comédie douce et plaisante,  une bluette sympathique mais sur laquelle il y a quand même pas mal de choses à dire!

lundi 3 décembre 2012

Un song writer plein de douceur

Neil Halstead

Un peu de douceur à écouter en regardant tomber la neige...
Voici un chanteur britannique folk que je viens de découvrir. Des ballades calmes et jolies, pour se détendre au coin du feu en hiver ou dans un bon bain, à écouter en faisant sa séance de yoga ou simplement pour se reposer après une journée fatigante. Et si vous avez des insomnies, quelques musiques de Neil Halstead devraient être assez efficaces pour vous aider à rejoindre les beaux rêves!


Dans Palindrome Hunches, sorti en septembre 2012, qui est déjà son troisième album, Neil Halstead nous offre une musique aérienne, de belles guitares, quelques fois un piano, le tout supplanté de sa douce voix feutrée, comme s'il nous murmurait à l'oreille. Certaines chansons font penser à du Simon & Garfunkel, mais Neil chante seul et tant mieux. Il parvient à créer avec succès une ambiance féerique et chaleureuse.



Le plus étonnant c'est que ce chanteur faisait parti avant d'un groupe de rock bruyant nommé Slowdive, que je ne connais pas. Il fit également parti du groupe pop - rock  Mojave 3, que je découvre aussi.
Il semble que ce soit dans sa carrière solo, la quarantaine passée, qu'il trouve finalement une plus grande reconnaissance.

Quelques extraits :

Tied to you

Full Moon Rising

Digging Shelter

Découvrez les autres chansons ici

Discographie:
Sleeping on Roads / Neil Halstead (2002, 4AD)
Oh! Mighty Engine / Neil Halstead  (2008, Brushfire)
Palindrome Hunches / Neil Halstead (2012, Brushfire)

jeudi 22 novembre 2012

Rengaine : du cinéma très indépendant


Rengaine est un film coup de poing, insolite et remarquable car réalisé en 9 ans sans aucun moyen par un novice : Rachid Djaidani. 


Interviewé dans Première du mois de novembre, cet ancien boxeur passionné de cinéma raconte que le film a été construit sans scénario mais pas sans but et que le matin il partait en "mode tortue ninja" dans Paris, caméra sur l'épaule, à la rencontre des gens. "C'est un film hors la loi filmé sans aucun soutien des institutions" dit il, fini au bout de neuf ans, grâce à l'amour du cinéma du réalisateur et de ses amis comédiens amateurs.

Et cela se ressent tout au long de ce film. Déjà celui-ci est filmé en caméra à l'épaule, donc ça bouge, ça saccade, les visages sont filmés en gros plans, les scènes s’enchaînent et ne se ressemblent pas. J'ai trouvé cela assez perturbant au début, mais c'est également ce qui donne le dynamisme du film. Le tout donne un long-métrage brut, sans artifice mais très réaliste, qui s'approche beaucoup du documentaire dans la manière d'être filmé.


L'histoire c'est celle de Dorcy, noir chrétien, et de Sabrina, algérienne musulmane, qui s'aiment et souhaitent se marier. Lorsque les frères de Sabrina apprennent que leur unique soeur s’apprête à épouser un noir, la plupart ont la même réaction : un noir et une rebeu ça ne se fait pas. Les réactions seront similaires du coté de Dorcy : aucune chance pour que cela soit accepté par la famille. Et sans l'aval des frères et des parents, pas de mariage d'après les traditions. Il faudra donc une détermination sans faille aux deux amoureux pour essayer de convaincre leurs proches qu'au delà de la couleur de peau, de la religion et des traditions, l'amour est plus fort.

Bande-annonce :


C'est une fable moderne. Après Ali Baba et les 40 voleurs, voici Sabrina et ses 40 frères... Le grand frère fera de l'annulation de ce mariage son idée fixe, son obsession.  Il ira tour à tour voir tous ces frangins (39!) (mais heureusement on ne les voit pas tous!) du plus jeune et prêt à la bagarre au plus âgé -et surement le plus sage- pour essayer d'avoir des informations sur Dorcy et les convaincre que leur soeur doit annuler son union. Si certains lui demandent de laisser leur soeur vivre sa vie, la plupart auront la même réaction : pas moyen que leur soeur épouse un renoi. Ça ne se fait pas. Ils invoquent les traditions, le respect de la famille, de la religion. A cela, Sabrina, fière, la tête haute répondra "Dans cette famille je suis certainement celle qui les respecte le plus les traditions" en faisant allusion à l'hypocrisie et au machisme de ses frères qui se permettent des entorses à la religion quand ça les arrange et  lui font ensuite la morale car cela touche leur orgueil.


Le grand frère est d'ailleurs fortement tourmenté par le poids que pèse ses origines, ses traditions et sa religion dans sa vie personnelle. Tout cela sera dévoilé au fur et à mesure du film, on découvrira toute l’ambiguïté du personnage.

C'est un film sur le choc des cultures et des traditions dans une société "melting pot" mais où, si la mixité est accepté entre copains, elle est encore impensable lorsqu'il s'agit union.


Un film sur le cinéma également : le jeune Dorcy veut devenir comédien et se démène pour trouver des rôles, rappel sans doute des galères rencontrées par le réalisateur et beau clin d'oeil au 7ème art, notamment avec une scène mémorable au milieu du film qui prête vraiment à confusion! 

Dans l'ensemble, un bel hommage au cinéma indépendant, un message d'espoir également, que ce soit dans la réalisation du film ("quand on veut aller au bout de ses rêves, il faut se donner les moyens et être patient". Ici le réalisateur aura attendu 9 ans) ou dans le message délivré : l'amour peut briser des chaines. Attention toutefois aux amateurs de happy end, vous risquez d'être déçus, le film se finit de manière assez abrupte, à nous d'imaginer la fin que nous aimerions!

vendredi 16 novembre 2012

Les affligés

Les Affligés de Chris Womersley

Voici un roman que j'ai dévoré et donc adoré, de part son ambiance sombre et mystérieuse et son écriture magnifique, à la fois dure et poétique.


On est en 1919, le jeune Quinn revient dans le comté de Flint en Australie, dix ans après avoir fuit son pays étant adolescent suite à des accusations terribles portées contre lui. Il a, durant tout ce temps, erré à travers le monde et combattu au front pendant la grande guerre en France d'où il revient profondément marqué et partiellement sourd.
Il revient pour faire face à son passé, aux accusations monstrueuses dont il est victime. Il vit en fugitif, son père et son oncle ayant juré de lui faire la peau s'ils le revoyaient. Il se cache donc à proximité de la maison familiale où il épie ses proches et rend visite en cachette à sa mère gravement malade de la grippe espagnole. 
Il fait la rencontre d'une étrange fillette de 12 ans, orpheline et pourchassée elle aussi, qui vit de menus larcins. Tous deux apprendront à faire face ensemble, en se cachant dans les collines, la fillette le poussant à se venger de l'homme à l'origine de leurs persécutions. Il se prendra d'affection pour cette fillette espiègle et débrouillarde qui lui rappelle tant sa jeune soeur disparue  et la jeune Sadie verra en lui la figure du grand frère parti à la guerre dont elle attend désespérément le retour.  

Les références à l'Histoire sont nombreuses, l'auteur décrit avec justesse les atrocités de la Grande guerre qui hantent les nuits de ce jeune soldat, et les désastres sur toute une population : enfants orphelins, soldats mutilés, familles détruites. S'ajoute à cela une épidémie de grippe espagnole qui fait des ravages. La peur et la mort sont omniprésentes.

Chris Womersley alterne passages décrivant le retour difficile de ce soldat dans sa contrée d'origine avec des ellipses sur ce qu'il a vécu durant la guerre et d'autres sur le terrible évènement qui l'a amené à fuir dix ans plus tôt.
En mettant bout à bout ces trois époques de narration avec brio, l'auteur construit un roman majestueux qui se transforme vite en véritable polar,  créant une ambiance digne des romans de RJ Ellory : sombre et mélancolique.
Un roman beau, dur, émouvant.

Quelques citations :

"La guerre, avait-il découvert, gâchait vos cinq sens : s'il fermait les yeux pour ne plus voir les cadavres ensanglantés et les arbres déchiquetés, il entendait encore les armes et les hurlements ; s'il se bouchait les oreilles, il sentait encore la terre trembler ; l'odeur du gaz imprégnait ses narines ; tout ce qu'il touchait était humide ou sanglant. Même dans son sommeil, il rêvait d'éclairs, de vêtements déchirés, de grommellements. Cela n'en finissait pas."

"Survivre à une tragédie, c'est apprendre qu'on ne pourra pas toujours s'en tirer, et savoir cela était à la fois une délivrance et une tristesse"

"Et en effet, telle une rivière dont les eaux montent, Quinn sourit. Mystérieusement, et il valait sans doute mieux ne pas savoir comment, ils s’étaient mutuellement fait surgir du néant. Il en ressentit un étrange frisson de plaisir"

Les affligés / Christ Womersley . - Ed. Albin Michel, 2012

jeudi 8 novembre 2012

Frankenweenie

Tim Burton ressort les vieux dossiers mais c'est pour notre plus grand plaisir. Frankenweenie est un court métrage de 29 min qu'il a réalisé en 1984 pour les studios Disney mais qui n'a pas rencontré le succès escompté car considéré comme trop noir pour des enfants à l'époque. C'est l'histoire du chien de la famille Frankenstein, et plus précisément du petit Victor, à qui il arrive d'incroyables aventures. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de découvrir ce court-métrage lors de ma visite de l'exposition Tim Burton à la cinémathèque française l'été dernier.

La version de 2012, elle, dure 1h30 et a gardé tout le caractère des vieux Tim Burton. Le réalisateur a conservé le style de l'époque et la version noir et blanc.


Victor Frankenstein est un garçon solitaire passionné de sciences qui a pour seul ami son chien Sparky qui le suit partout. Le jour où son chien se fait écraser par une voiture et meurt soudainement, il est effondré et va mettre à profit ses connaissances scientifiques pour tenter de le ramener à la vie par tous les moyens. Son expérience attisera la jalousie de ses camarades de classe et aura des conséquences incroyables... (Sans en dévoiler davantage, je peux juste dire qu'on retrouve ici de nombreux clins d'oeil à des films fantastiques ou à d'autres films de Burton, comme Mars Attacs par exemple!)

Bande-annonce:

Le film s'ouvre sur une scène où Victor montre à ses parents un court-métrage qu'il a réalisé avec ses jouets et son chien Sparky : une belle introduction et un véritable hommage à la création !

On retrouve ici les personnages propres à Burton, des enfants aux traits exagérés, aux yeux en forme de balles de golf, aux airs machiavéliques ou aux allures de Casimodo (notamment le personnage de la fille qui fixe et son chat hilarant!). La critique de la société américaine bien pensante est également présente, ici la ville de New Holland, "une ville moyenne pour la classe moyenne" et ses habitants emplis de préjugés. Autres thèmes présents : la naïveté des enfants, la dureté du monde adulte et, plus difficile, la première expérience de la mort, difficile à admettre par les enfants.

Victor et Sparky :


Le chat délirant, Mr Whiskers :
La fille qui fixe : 
Edgar : 

Les personnages sont attachants, on se laisse vraiment porter par cette histoire où fourmillent les références cinématographiques. Comme dans tous les films de Burton, l'ambiance est noire, la plupart des scènes se déroulent la nuit ou par temps orageux, on passe par un cimetière - ici consacré exclusivement aux animaux!- on croise des créatures étonnantes, le tout sur une musique énigmatique typique des films de Burton.

Dans l'ensemble je n'ai donc pas été déçue par ce nouveau Frankenweenie.

samedi 27 octobre 2012

Une pop ensorcellée

Sympathique concert des BeWiTcHeD hAnDs vendredi soir dans un cadre intimiste (la petite salle de la Laiterie), un public peu nombreux mais chaleureux et un groupe au top de sa forme au dynamisme communicatif qui nous a offert un joyeux concert d' 1h15.


Les BeWiTcHeD hAnDs, s'ils chantent en anglais sont pourtant originaires de Reims. Le groupe est composé de 6 trentenaires (5 gars qui ont l'air de sortir du lit et une fille) et sur scène on sent une véritable complicité entre les membres du groupes. Eux même disent que the BH est avant tout un délire de copains.

Leur musique pop rock n'est pas sans faire penser à Arcade Fire, les mélodies et les percus sont entraînantes, les bruitages et chants chorals enthousiastes, certains titres sont de joyeuses fanfares qui, à l'écoute de l'album me semblent un peu trop cacophoniques (par exemple la chanson So cool, Kings Crown  ou Cold),  mais rendent vraiment bien en concert !


En 2010 sort leur album Birds and Drums  dont voici quelques extraits :

Un de mes titres préférés :
Hard to cry

Les musiques les plus connues:
Out of Myself 

Birds & Drums


Le 21 septembre dernier est sorti leur nouvel album Vampiry Way, les musiques sont ici plus posées, les mélodies font moins "fanfares" et chorales que sur le premier album, les influences sont plus rock, comme dans Westiminster ou 50 s are good, et il y a de superbes balades comme Words can let you down ou Modern Dance.

Extrait:
Westminster

Vraiment une belle surprise en concert, de quoi redonner la pêche en ce début d'hiver...

ThE BeWiTcHeD hAnDs
Birds & Drums . - label Jive Epic, 2010
Vampiry Way . - label Jive Epic, 2012

lundi 22 octobre 2012

des ours plein de douceur


Je viens de découvrir Grizzly Bear, véritable bijou qui oscille entre pop, folk et rock indépendant.  En écoutant Grizzly Bear on se sent comme enveloppé d'une couche de coton. Voici une musique à écouter bien au chaud durant les longues soirées d'hiver.


Ce groupe américain composé de 4 garçons n'en est pas a son coup d'essai puisqu'ils viennent de sortir leur quatrième album et ont apparemment déjà acquis une certaine notoriété après avoir fait les premières parties de Feist, de TV on The Radio et de Radiohead ! De plus, vous avez peut être déjà entendu leurs voix si vous avez regardé la série Skins ou How I met your mother.


J'aime les superbes mélodies mélancoliques, les voix aériennes, les rythmes variables aux influences pop et folk (surtout présentes dans les deux premiers albums) et davantage rock dans les deux derniers. On pense  à The XX en écoutant certains morceaux très épurés ou a Sufjan Stevens sur certains titres plus folk.
Leur tube Two weeks issu de l'album Veckatimest est entré au top 10 américain en 2009.


Leur nouvel album Shields sorti en septembre est sans doute le plus accompli. Le groupe lui même affirme que c'est son meilleur disque. Il est d'ailleurs difficile d'effectuer quelque comparaison avec d'autres groupes sur ce dernier album tellement il semble unique.
Grizzly Bear est devenu une référence en matière de rock inde, un groupe à suivre!

Voici quelques extraits:

Knife, issu de l'album Yellow House sorti en 2006


Ready, able, issu de l'album Veckatimest sorti en 2009


Yet again, issu de l'album Shields sorti en 2012


Grizzly Bear, label Warp
Horn of Plenty (2004)
Yellow House (2006)
Veckatimest (2009)
Shields (2012)



vendredi 12 octobre 2012

Paranoïa aux USA

Homeland

J'ai regardé pas mal de séries ces derniers mois sans qu'aucune ne m'ait particulièrement marquée.  Mais actuellement je suis en train de regarder Homeland, l'adaptation d'une série israélienne dont tous les médias parlent, et j'avoue ne pas avoir été déçue.


Un marine américain, Nicholas Brody (superbe interprétation par Damian Lewis) est retrouvé au fin fond de l'Irak lors d'un assaut américain après y avoir passé 8 ans en tant que prisonnier. Lui et son compagnon d'armes avaient été déclarés morts il y a plusieurs années déjà.  Il est rapatrié aux Etats-Unis et devient vite un héros national. Il réapprend à vivre aux cotés de sa famille, de ses proches, tout en devenant le centre de l'attention de tout un pays.
Au même moment Carrie Mathison, agent secret à la CIA apprend par un de ses indic' juste avant que celui-ci ne soit fusillé, qu'un agent américain prisonnier a été retourné par Al Quaida en vue de préparer un attentat sur le sol américain. Aussitôt ses soupçons se posent sur le nouveau héros américain et il deviendra vite son obsession.

Trailer :

Loin des scènes d'action et des rebondissements multiples de 24h chrono (Même si le producteur est un ancien de 24h chrono), Homeland est une série plus réfléchie où la tension est maintenue grâce à la manière de filmer, de tourner autour des personnages, de saisir leurs ambiguïtés et des retournements de situation. La série a l'intelligence de ne pas être un feuilleton patriotique mais de présenter les différents enjeux politiques et motivations des deux camps.
En toile de fond, le sujet grave de la guerre en Irak, l'engagement politique, la religion, le terrorisme, la paranoïa ambiante des agents américains.


Les soupçons ne cessent de passer d'un personnage à l'autre, personne n'est épargné : agent de la CIA, ancien prisonnier ou diplomate. Les épisodes sont ponctués de nombreux flach-back sur le passé de Nic Brody, sur ce qu'il a enduré durant ses 8 années de captivité, pour essayer de comprendre dans quel camps il est vraiment. Et on ne cesse de se demander si c'est simplement un homme brisé qui tente de reprendre une vie normale ou un terroriste manipulateur...
Carrie, interprétée magnifiquement par Claire Danes, est une héroïne entière, passionnée, impulsive,à la fois froide et sensible, souvent au bord de la crise de nerf et qui prend en cachette des médicaments contre les troubles de l'humeur. Elle est à la fois fascinée, méfiante et attirée par son suspect, et entretiendra avec lui des relations de plus en plus ambiguës.


La série a été récompensée en septembre et a reçu trois Emmy Awards : Emmy de la meilleure série 2012, le Britannique Damian Lewis a été désigné meilleur acteur dans une série dramatique et Claire Danes a reçu la statuette de la meilleure actrice dans cette catégorie.

Homeland, saison 1 Créée par Alex Gansa, Gideon Raff, Howard Gordon en 2011
Avec : Claire Danes, Damian Lewis, Mandy Patinkin 

jeudi 4 octobre 2012

Des chaussures italiennes en Suède

Les chaussures italiennes /Henning Mankell

Henning Mankell est un de mes auteurs de polar préférés et j’ai quasiment lu tous ces romans policiers (La Cinquième Femme, Les morts de la Saint Jean, Meurtriers sans visage, Le retour du professeur de danse, chiens sans visage…). Tous se passent en Suède, souvent en Scannie, cette région du grand froid ou tout semble calme et paisible et où, malgré tout, la brutalité humaine parvient à s’échouer. Les descriptifs sont superbes, on a aucun mal à imaginer les paysages gris et froids, et on est imprégné par l'ambiance mélancolique qui règne dans ses romans. Ses intrigues sont toujours très bien ficelées et le dénouement à chaque fois surprenant. Dans ses romans, Mankel décrit les tréfonds de l’âme humaine, ce qu’il y a de plus noir dans l’humanité. Et on suit avec plaisir l’inspecteur Wallander, le personnage récurrent de tous ses romans policiers, dans ses enquêtes.

Or, Mankell n’a pas écrit que des polars. En 2009 est sorti Les chaussures italiennes, un roman très intimiste.

Un vieil homme, ancien chirurgien, vit reclus sur une petite île suédoise depuis 12 ans, à la suite d’une erreur médicale qui lui a coûté sa carrière il a décidé de tout quitter pour vivre isolé. Sa seule occupation est de prendre des bains matinaux dans l’eau glacée, de s’occuper de sa chienne et de sa chatte et de soigner les maladies imaginaires de son facteur qui ne lui amène jamais de courrier.
Or, un jour, il voit débarquer sur son île la femme qu’il a abandonné 37 ans plus tôt au profit de sa carrière.. Cette dernière, gravement malade, lui demande de tenir une promesse qu'il lui a faite il y a près de 40 ans.
Le quotidien de cet homme sera entièrement bousculée par cette venue, il va reprendre peu à peu contact avec le monde extérieur, et sera amené à prendre enfin ses responsabilités après les avoir fuies pendant tant d’années. Il va rencontrer plusieurs femmes dont le destin a été brisé d’une manière ou d’une autre et essayera de se racheter ou de les aider. Ces femmes vont l'inciter à prendre conscience de ses erreurs, du mal qu’il a pu faire autour de lui, il va devoir apprendre à vivre avec ses regrets et faire de nouveaux projets, lui qui pensait que sa vie était derrière lui.

On retrouve ici le style propre à Mankell, ses phrases courtes et percutantes, ses descriptions magnifiques des paysages de Suède, -on a froid rien qu’en feuilletant ces pages !- ses personnages ont toujours de fortes personnalités, l’ambiance est pleine de mélancolie. Mais, malgré la grande tristesse évoquée dans ce livre (les thèmes de la maladie, de la mort, les regrets, de l’hiver, de la solitude…) Mankell démontre qu’il n’est jamais trop tard pour se racheter et pour reprendre le cours de sa vie. 
Un roman magnifique, d’une grande sensibilité.

Quelques citations :

"Des promesses, a-t-elle dit, on en reçoit tant. On s’en fait à soit même. Les autres nous en font. On a les politiciens qui nous parlent d’une vie meilleure pour les vieux, d’un hôpital où personne n’aura plus d’escarres ; on a les banquiers qui nous promettent des intérêts plus élevés, les produits qui nous promettent qu’on va perdre du poids, les crèmes qui nous promettent une vieillesse avec moins de rides. Vivre au fait, ce n’est jamais qu’avancer dans son petit bateau au milieu d’un flot de promesses variées à l’infini."

"Les promesses trahies sont comme des ombres qui dansent autour de toi au crépuscule"

"Je ne crois pas aux miracles , et toi non plus . S'ils se produisent , parfait . Mais y croire , les attendre , c'est juste une façon de gaspiller le temps qu'il nous reste "

"Je ne crois pas en Dieu. Mais il faut pouvoir en créer un quand c'est nécessaire."

"Il est aussi facile de se perdre à l'intérieur de soi que sur les chemins des bois ou dans les rues des villes."

Les chaussures italiennes / Henning Mankell . Le Seuil, 2009

lundi 1 octobre 2012

The We and the I


Michel Gondry a plus d'une corde à son arc. Avec The we and the I on est loin de la fiction délurée de The Eternal Sunshine of the Spotless Mind, film que j'avais adoré ou de ces précédentes fictions. Dans ce film, il décrypte de manière quasi documentaire les comportements d'un groupe d'adolescents du Bronx. Toute l'action du film se déroule dans un bus scolaire, à la sortie du dernier jour de classe avant les grandes vacances.


Ces ados sont agités, grossiers, bruyants, tyrans, moqueurs. D'un coté les bizuteurs, de l'autre les victimes, ceux qui se fondent dans la masse, les amoureux... La caméra s’arrête sur ces différentes personnalités pour en saisir toute la complexité, sans jugement, avec une objectivité remarquable. Ces ados, ce sont les enfants de la culture YouTube, accro aux sms, aux vidéos en ligne, aux réseaux sociaux : des moyens de communiquer entre eux, de créer un sentiment d'appartenance en s'envoyant notamment tour à tour des vidéos de petits bizutages. Leurs relations apparaissent vite superficielles, tous sont à la recherche de relations amoureuses tout en faisant passer le sexe pour une chose légère et anodine, tous cherchent à se faire apprécier tout en ayant peur de ce que les autres peuvent penser, tous ont déjà morflé dans leur courte vie et tentent de masquer leurs blessures par des simagrées.

Bande annonce:

Le film se divise en trois parties, dans un premier temps, "the bullies", le nécessaire sentiment d'appartenance de ces ados qui se sentent plus forts en groupe, ensuite "the chaos", les fissures du groupe, les divergences et les disputes, puis enfin la révélation du "I", qui laisse entrevoir la personnalité de chacun au fur et à mesure que le bus se vide et que la nuit arrive.
Ainsi nous suivons l'avancée du bus, sur fond de musique hip-hop. Après chaque arrêt, pendant que le bus se vide, on en apprend plus sur cette fille qui a mystérieusement disparu pendant plusieurs semaines durant l'année scolaire et revient attifée d'une perruque blonde, ou sur ce jeune caïd meneur de bande qui laisse entrevoir ses peines de coeur, ou encore sur cette fille obsédée par l'organisation de sa soirée au point de se gratter jusqu'au sang. Tous les comportements sont filmés avec beaucoup de justesse, on est par exemple touché par la dispute pleine de maturité d'un couple gay. Des éléments de flash back filmés à la sauce Youtube nous en apprennent plus sur le passé de certains protagonistes et sur une tragédie qui se déroule en parallèle de ce trajet en bus...

Un film très bien construit, plutôt réussi, des jeunes acteurs prodigieux. Toutefois, pendant la première partie du film, on subit vraiment d'être dans ce bus, d'en supporter la cohue, le bruit, l'ambiance pipi - caca, on a envie d'en sortir, on attend que l'histoire commence enfin. Mais petit à petit on se laisse prendre dans le jeu des relations entre les personnages, on a envie de savoir quels sont leurs secrets. Et on ne peut qu'admettre la justesse de Gondry qui démontre très bien que les comportements adolescents ne sont que démonstrations et simulations et qu'ils s'efforcent de cacher toute forme de sensibilité, qu'ils essaient juste de se faire une place dans le monde et qu'ils se blindent pour devenir adultes.

Prix de la critique international au festival du cinéma américain de Deauville (2012)

mardi 25 septembre 2012

Entrez au Slow Club

Encore un groupe pop découvert tout récemment et qui m'a frappé par son originalité: un mélange de sonorités pop, country, rock et folk. Il s'agit de Slow Club avec leur album Yeah, so? sorti en 2009, suivi de l'album Paradise sorti en 2011, clairement plus pop.
Voici un duo britannique composé de la jolie Rebecca Taylor et de Charles Watson. 


Dans Yeah, so? Tous les deux chantent et jouent de la guitare, certains morceaux en acoustique sont magnifiques, d'autres donnent envie de danser. En fait, ce duo fait un peu le grand écart entre les différents styles, comme s'il essayait encore de chercher le sien.

Quelques morceaux vraiment plaisants :

When I go : deux belles voix sur deux guitares acoustiques, aux accents folk et country : superbe.


Giving Up On love, musique très pop qui est devenu leur tube


D'autres titres méritent d'être écoutés :
- I Was Unconscious, It Was a Dream renoue avec un style plus folk
- There Is No Good Way to Say I’m Leaving You est une musique plus grave, au piano.
- I doesn't Have to be beautiful, unless it's beautiful : un morceau beaucoup plus country et pop au rythme endiablé.

Dans leur second album Paradise, Slow Club affirme désormais un style clairement pop aux influences folk et on retrouve les doux timbres de voix  de ce duo.

Two cousins, musique entêtante qui ouvre l'album:


Ce titre, comme d'autres dans cet album, me font penser à Arcade Fire ou the Bewitched Hands de part leur voix et leur rythme, bien qu'ici il s'agit d'un duo et non d'une chorale !
On peut remarquer le magnifique Never Look Back ainsi que Beginners


S'en suivent de superbes ballades bluesy et folk comme You, Earth or ash, Horses Jumping, etc.

Là aussi le mieux est sans doute d'écouter l'album Paradise.

Yeah, so? / Slow Club. - Moshi Moshi Records, 2009
Paradise / Slow Club . - Moshi Moshi Records, 2011

vendredi 21 septembre 2012

La fonction publique en ligne de mire


Je viens de finir le dernier livre de Zoé Shepard, cette haute fonctionnaire territoriale qui a si bien décrit l'absurdité du système de la fonction publique dans son premier roman "Absolument débordée" il y a deux ans.


Malgré son procès pour non respect du devoir de réserve, un des devoirs sacrés du fonctionnaire (Bien qu'il s'agisse d'un roman, qu'elle ait utilisé un pseudonyme, qu'il n'y ait retranscrit ni de nom de collectivité ni de vrais noms de personnes - uniquement des surnoms-, certains de ses collègues se seraient reconnus).
Son roman ayant été décrié par un grand nombre de fonctionnaires qui y voient une atteinte à leur légitimité, à leur travail, elle fut suspendue pendant un an avant de reprendre un autre poste toujours dans la même collectivité courant 2011.

Le 6 septembre 2012 est sorti son dernier livre " Ta carrière est finie !" ou elle décrit cette fois-ci une "placardisation" de la part de sa hiérarchie et de ses collègues, toujours sous la forme d'un roman ou plutôt d'un journal dans lequel elle retranscrit la vie quotidienne d'une administratrice territoriale franchement titulaire qui débute dans une collectivité (ici une mairie en région parisienne). Le tout avec un ton très drôle mais également très acide.

Tous les personnages sont affublés de surnoms les caractérisant : Fred-les-mains-baladeuses, l'élu pantouflard obsédé par la reconnaissance et arriviste au possible, Coconne, la secrétaire naïve qui ne pense qu'à utiliser le maximum d'arrêts maladie et quitter son bureau à 16h pile, Alix, la wonder-woman qui est toujours "absolument-débordée" d'après ses dires mais qui se contente d'aboyer des ordres pour que le travail soit fait à sa place avant de s'en attribuer le mérite, le Don, ce maire je-m'en-foutiste et désabusé... Ces élus qui ont des projets surréalistes par rapport à la taille de leur administration et qui n'ont que faire du bien commun, ne souhaitent qu'impressionner en vue des prochaines élections, paraître dans la gazette locale, ou serrer la main d'un ministre...Ces élus et hauts-fonctionnaires qui partent en "voyage d'affaire" à des milliers de kilomètres dans des hôtels de luxe aux frais du contribuable mais refusent d'augmenter de plus de 12 € par mois le personnel de catégorie B et C alors qu'eux même s'octroient des primes de plus de 600 € par mois! Ces élus et ces directeurs qui sont prêts à frauder pour recruter un de leurs proches ou faire marcher l'entreprise des copains quitte à fausser les lois des marchés publics et de la concurrence et les règles de recrutement de la fonction publique.

Certes, il s'agit là encore d'une caricature de l'administration française, on espère profondément pour l'humanité que tous ces personnages n'existent pas vraiment et surtout qu'ils n'exercent pas de hautes responsabilités dans une collectivité territoriale... Eh bien sûr il ne s'agit pas d'entretenir le fameux préjugé "ah ces fonctionnaires ils ne travaillent jamais." Loin de là. D'ailleurs Zoé Shepard l'explique elle même à la page 186 de son livre :  "Mais à la mairie, les catégories B et C n'abritent qu'une minorité de glandeurs. Souvent en contact direct avec le citoyen, ils n'ont tout simplement pas la possibilité de rester les yeux dans le vague devant Facebook comme une trop grande partie de nos cadres." Merci Zoé. Eh oui les fonctionnaires travaillent, mais certains plus que d'autres.

Malheureusement, il y a également beaucoup de vrai dans tout ce qu'elle raconte. Et quiconque travaille ou a travaillé dans la fonction publique ne pourra nier le fait que les dysfonctionnements sont nombreux. Certains passages m'ont fait sourire car j'ai déjà vécu ces situations, et tellement d'autres du même acabit! (il y aurait de quoi écrire un livre également, je vous assure! )

Bref, un roman jubilatoire qui se lit très facilement.

Quelques extraits du livre pour se faire une idée :

" Les doublons dans l'organigramme sont une spécialité maison. Bizarrement quand un copain du Don l'appelle pour caser son rejeton [...] il est rare que ledit rejeton se retrouve en bas de la grille indiciaire. En règle générale, comme touché par la grâce administrative, il se pose directement au grade de chargé de mission.[...]
"Le problème est que la plupart des tâches administratives, pour être accomplies, recquièrent malgré tout une certaine compétence. Il faut donc embaucher une autre personne. Sa mission? S'acquitter du boulot que la première est incapable de faire. Par conséquent, notre organigramme ressemble à s'y méprendre à une armée mexicaine décadente, sorte de pyramide inversée sur la tête." (p. 52-53)

" Le jour où je veux vraiment voir la vie du bon côté, je me dis que placer deux agents pour un unique poste permet de réduire significativement le chômage. Le reste du temps, voir un tel gâchis des deniers publics me navre." (p 53)

" Les agents de la mairie n'étant pas capables de faire grand chose par eux-mêmes, ils ont pris l'habitude de transmettre à des organismes extérieurs, qu'ils arrosent de subventions, leurs maigres tâches." (p 56)

"Dans quel monde tordu notre direction aurait elle besoin de communiquer sur son inaction? " (p 56)

"Une campagne politique, c'est surtout une campagne de pub. Au même titre qu'une télé à écran plat ou qu'un dentifrice spécial dents blanches, le politicien est un produit dont les consommateurs potentiels sont les électeurs" (p.85)

"Vous connaissez le principe de Peter? - Tout employé tend à s'élever à son niveau d'incompétence? - Exactement. Et de toute évidence, mon boss a mis la barre très haut!" (p 87)

" La frontière entre l'illégalité et l'imbécilité intégrale est souvent mince. A la mairie, elle est gommée, c'est une zone de libre-échange" (p 88)

"Nos élus pinaillent sur chaque phrase lorsqu'il s'agit d'attribuer une subvention de 1000 € à une association plutôt dynamique mais dont le président n'est pas une connaissance particulière du Don. En revanche, ils valident sans hésitation une délibération accordant plusieurs centaines de milliers d'euros à une structure dont les comptes indiquent clairement qu'elle va déposer le bilan avant la fin de l'année, mais dont le PDG déjeune 
avec le maire régulièrement." (p 91)

"Mais tu m'emmerdes avec ton cahier des charges! tu n'es pas là pour réfléchir mais pour exécuter!" (p 124)

"Se sentir mal au travail n'est pas l'apanage des catégories C ni des salariés du Burn-out. Trimer comme un âne pour décrocher un concours puis arriver dans un no work's land et se faire mettre plus bas que terre toute la journée par une bande de nullités ravies d'exercer leur pouvoir démolit tout autant." (p.145)

"J'aurai du vous soutenir, mais je n'étais pas préparé à débarquer en pleine guerre civile. Dans mon précédent poste, les gens étaient normaux." (p. 146)

" Un fonctionnaire ça exécute les ordres et ça ferme sa gueule! éructe Alix." (p. 54)

" Je veux l'inaugurer!" - "mais inaugurer quoi exactement?" - "On verra plus tard mais je veux que mon oeuvre soit exemplaire. Elle devra être internationalement reconnue comme ce qui se fait en matière d'écologie solidaire, c'est tout!" (p 170)

"[...] Alix qui met un point d'honneur à n'envoyer des mails qu'à partir de 18h30 en précisant qu'elle sort à peine de réunion et que la soirée va être encore longue."(p 178)

" Nous avons conclu un marché public très avantageux : outre le fait de pourrir la vie du service qui l'a rédigé et de nous obliger à prendre toujours la même compagnie aérienne, il a l'avantage de doubler le prix des billets." (p 195)

"Mais je ne peux pas modifier les procédures sans l'accord de ma hiérarchie! et elle même doit se réunir en groupe de travail pour en discuter préalablement." (p 204)

"Restez zen: le secret de la survie en milieu hostile" (p 217)

"Moi non plus je ne suis pas contente! Je me fais traiter comme la dernière des incapables à longueur de journée dans une indifférence totale. Donc qu'il trépigne parce-que son énième projet bidon ne voit pas le jour, honnêtement je m'en tamponne le nombril du pinceau de l'indifférence." (p 252)

"Il n'a pas intégré le fait que, lorqu'il part en mission à l'étranger, s'envoyer en l'air avec une fille du cru ne participe pas directement à l'action de la ville..." (p 260)

" Ne t'inquiète pas, la rassure immédiatement Simplet en exhibant son atout : Nous allons demander aux stagiaires de nous donner un coup de main. Ils sont là pour ça." (p 265)

"Dans un open space, quatre agents cultivent avec passion leur ferme virtuelle sur Facebook et accessoirement font les photocopies couleurs que nous leur demandons. Pour une raison qui dépasse l'entendement, Grand Chef Sioux a décidé qu'il était plus efficient d'embaucher quatre personne à temps plein, plutôt que d'acheter des photocopieurs couleur." (p 271)

Ta carrière est fin-nie! / Zoé Shepard. - Albin Michel, 2012

mardi 18 septembre 2012

Rien ne s'oppose à la nuit

Rien ne s'oppose à la nuit c'est un extrait d'une chanson de Bashung (Osez Joséphine) c'est aussi le titre du dernier livre de Delphine de Vigan.
D'habitude je déteste les bouquins où l'auteur raconte sa vie et s'essaie à la psychologie de comptoir dans le but d'émouvoir facilement, de vendre davantage d'exemplaires de son livre sous prétexte que c'est une "histoire vraie"... Habituellement, j'aime les romans qui nous transportent dans d'autres époques, d'autres contrées... Mais j'ai tellement entendu parler du dernier ouvrage de Delphine de Vigan que j'ai voulu me laisser entraîner, par curiosité, pour voir ce qu'il avait d'exceptionnel. Et j'ai finalement été surprise, touchée  par ce récit et ai lu ce livre assez rapidement.


Les premières pages m'ont un peu lassé : l'auteure parle de l'histoire de sa famille, elle explique sa démarche et pose le contexte. Mais petit à petit on se laisse vraiment entrainer par son écriture délicate et magnifique, on sent peser le mystère sur cette famille et on appréhende l'arrivée de drames. Il s'instaure donc une sorte de suspens, ce qui est assez rare dans un roman autobiographique. Car Delphine De Vigan livre ici sa propre histoire, ou plutôt l'histoire de sa mère, Lucile, issue d'une grande fratrie et qui, à l'âge adulte souffrit de graves troubles bi-polaires. L'auteure mène une sorte d'enquête sur l'entourage de sa mère pour essayer de comprendre ce qui a pu la pousser à la folie. Elle fouille dans son passé, au risque de rouvrir de vieilles blessures, sur sa propre enfance notamment.

Loin d'être impudique, ce roman présente avec tendresse les différents membres de sa famille, montre les failles de cette tribu apparemment unie et heureuse où pourtant subsistent les non-dits au risque d'influer sur le mental des enfants. L'auteure aborde de nombreux sujets douloureux : la mort de proches, l'inceste, la solitude, la détresse psychologique, les relations familiales, l'hérédité, le handicap, etc.
Par contre, certains personnages qui ont pourtant eu un rôle déterminant dans l'évolution de Lucile sont abordés de manière assez superficielle, comme le père de Lucile, cet homme imposant au passé trouble, qui peut être tendre et drôle mais aussi oppressant et dur envers ses enfants, ou encore cette mère qui tient à garder sa famille de neuf enfants la tête hors de l'eau, malgré les catastrophes qui se succéderont... On peut regretter ce manque de profondeur mais on peut également l'expliquer par le fait que l'auteure décrit son histoire de son point de vue, sans détenir toute la vérité sur sa famille, ignorant tous les détails.

De ce livre ressort une grande force, un combat pour la vie, pour l'amour. L'auteure alterne les chapitres où elle retrace le passé de sa mère et ceux où elle raconte son travail d'écrivain, les difficultés qu'elle a rencontré pour écrire cet ouvrage, l'aide qu'elle a reçu de ses proches. Entre roman, biographie et documentaire, Rien ne s'oppose à la nuit est un livre original que j'ai finalement lu d'une traite.

Quelques citations :  

"L'écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle de poser des questions et d'interroger la mémoire."

"Le noir de Lucile est comme celui du peintre Pierre Soulages. Le noir de Lucile est un Outrenoir, dont la réverbération, les reflets intenses, la lumière mystérieuse, désignent un ailleurs. 
Lucile est morte comme elle souhaitait: vivante. Aujourd'hui, je suis capable d'admirer son courage."

"Lucile avait édifié les murs d'un territoire retiré qui n'appartenait qu'à elle, un territoire où le bruit et le regard des autres n'existaient pas"

lundi 10 septembre 2012

vent frais de Sardaigne, bis

La comtesse de Ricotta

Voici encore un roman de Miléna Agus où on retrouve son style tellement particulier, une écriture très rythmée, un ton poétique, une pointe d'humour, des personnages amochés par la vie, une Sardaigne brulante et tellement bien décrite qu'on s'y croirait. (voir avis pour ses précédents romans au billet du 1er août)


C'est ici l'histoire de trois soeurs qui vivent dans le même immeuble ancien dans le quartier du Castello à Cagliari. L’aînée est une femme sévère et rigoureuse qui passe son temps à compter l'argent pour restaurer la demeure familiale et racheter les appartements vendus ainsi qu'à entretenir sa vaisselle de collection. La seconde a pour obsession de devenir maman et se désespère de ne pas y arriver malgré la sexualité débridée qu'elle entretient avec son mari. La cadette enfin, appelée la "comtesse de Ricotta" car, selon son entourage, elle ne sait rien faire de ses dix doigts, tente tant bien que mal d'élever seul son fils de 5 ans, différent des autres enfants. Elle vient en aide à toutes les causes perdues, se fait discrète, tente de s'effacer du monde pour ne pas déranger, comme l'a fait sa mère avant elle, et a une très basse opinion d'elle-même.
Le personnage de la nounou, qu'elles hébergent 20 ans après son départ car celle-ci se retrouve sans maison, a également une grand place dans cette famille et fait presque figure de 4ème soeur. L'ombre de leur mère, femme très renfermée devenue riche par hasard et culpabilisant de sa situation, flâne également sur cette famille.

Toutes se sentent seules et attendent un changement, soit une rencontre amoureuse, soit l'arrivée d'un enfant, qui les feront enfin se sentir vivantes. Lorsque leur rêve semble se réaliser, cela s'avère n'être qu'une illusion et elles se retrouvent encore plus blessées qu'avant, elles se renferment sur elles-même, comme si le monde ne voulait pas d'elles. Toutes s'adorent et se détestent à la fois, se soutiennent à tour de rôle à leurs façons, rêvent d'une vie meilleure tout en restant soudées.

Ce roman est une histoire de femmes qui n'ont pas réussi à se faire une véritable place dans la société et qui cherchent l’apaisement. Les personnages masculins sont secondaires et importants à la fois car ils ont un rôle déterminant sur le comportements et l'évolution de ces soeurs.

On est loin ici de l'émotion dégagée par Mal de Pierre et Quand le requin dort, probablement en raison d'une intrigue moins élaborée. Milena Agus raconte simplement dans La comtesse de Ricotta le combat ordinaire de 3 soeurs un peu malmenées par la vie. Toutefois, on retrouve dans ce court roman toute l'atmosphère de l'écrivain qui décrit tellement bien les peines et déboires de ses personnages ainsi que sa Sardaigne natale.

Quelques citations :

"Mais la vie n'est qu'un mélange de bien et de mal, tantôt c'est l'un qui gagne, tantôt c'est l'autre, et ainsi jusqu'à l'infini."

"On a beau s'efforcer d'être bon, ce n'est jamais assez pour vous faire mériter d'être heureux."

" "J'ai escaladé ces murs sur les ailes légères de l'amour, car les limites de pierre ne sauraient arrêter l'amour, et ce que l'amour peut faire, il ose le tenter", a-t-il murmuré par la fente des volets fermés. L'amour un enfant délicat? Il est brutal, rude, violent, il écorche comme une épine."

"Et les collines aux roches basses, aux récifs argentés comme des cratères de lune où s'ouvrent des piscines naturelles débordant de sable, et la mer qui est toujours belle, menaçante quand les vagues rugissent et se gonflent pour s'abattre avec fracas, douce quand elle vous accueille en elle sans frémir, à quoi ça sert, quand on est triste? A rien."

La comtesse de Ricotta / Milena Agus . - Liana Levi, 2012.