lundi 10 septembre 2012

vent frais de Sardaigne, bis

La comtesse de Ricotta

Voici encore un roman de Miléna Agus où on retrouve son style tellement particulier, une écriture très rythmée, un ton poétique, une pointe d'humour, des personnages amochés par la vie, une Sardaigne brulante et tellement bien décrite qu'on s'y croirait. (voir avis pour ses précédents romans au billet du 1er août)


C'est ici l'histoire de trois soeurs qui vivent dans le même immeuble ancien dans le quartier du Castello à Cagliari. L’aînée est une femme sévère et rigoureuse qui passe son temps à compter l'argent pour restaurer la demeure familiale et racheter les appartements vendus ainsi qu'à entretenir sa vaisselle de collection. La seconde a pour obsession de devenir maman et se désespère de ne pas y arriver malgré la sexualité débridée qu'elle entretient avec son mari. La cadette enfin, appelée la "comtesse de Ricotta" car, selon son entourage, elle ne sait rien faire de ses dix doigts, tente tant bien que mal d'élever seul son fils de 5 ans, différent des autres enfants. Elle vient en aide à toutes les causes perdues, se fait discrète, tente de s'effacer du monde pour ne pas déranger, comme l'a fait sa mère avant elle, et a une très basse opinion d'elle-même.
Le personnage de la nounou, qu'elles hébergent 20 ans après son départ car celle-ci se retrouve sans maison, a également une grand place dans cette famille et fait presque figure de 4ème soeur. L'ombre de leur mère, femme très renfermée devenue riche par hasard et culpabilisant de sa situation, flâne également sur cette famille.

Toutes se sentent seules et attendent un changement, soit une rencontre amoureuse, soit l'arrivée d'un enfant, qui les feront enfin se sentir vivantes. Lorsque leur rêve semble se réaliser, cela s'avère n'être qu'une illusion et elles se retrouvent encore plus blessées qu'avant, elles se renferment sur elles-même, comme si le monde ne voulait pas d'elles. Toutes s'adorent et se détestent à la fois, se soutiennent à tour de rôle à leurs façons, rêvent d'une vie meilleure tout en restant soudées.

Ce roman est une histoire de femmes qui n'ont pas réussi à se faire une véritable place dans la société et qui cherchent l’apaisement. Les personnages masculins sont secondaires et importants à la fois car ils ont un rôle déterminant sur le comportements et l'évolution de ces soeurs.

On est loin ici de l'émotion dégagée par Mal de Pierre et Quand le requin dort, probablement en raison d'une intrigue moins élaborée. Milena Agus raconte simplement dans La comtesse de Ricotta le combat ordinaire de 3 soeurs un peu malmenées par la vie. Toutefois, on retrouve dans ce court roman toute l'atmosphère de l'écrivain qui décrit tellement bien les peines et déboires de ses personnages ainsi que sa Sardaigne natale.

Quelques citations :

"Mais la vie n'est qu'un mélange de bien et de mal, tantôt c'est l'un qui gagne, tantôt c'est l'autre, et ainsi jusqu'à l'infini."

"On a beau s'efforcer d'être bon, ce n'est jamais assez pour vous faire mériter d'être heureux."

" "J'ai escaladé ces murs sur les ailes légères de l'amour, car les limites de pierre ne sauraient arrêter l'amour, et ce que l'amour peut faire, il ose le tenter", a-t-il murmuré par la fente des volets fermés. L'amour un enfant délicat? Il est brutal, rude, violent, il écorche comme une épine."

"Et les collines aux roches basses, aux récifs argentés comme des cratères de lune où s'ouvrent des piscines naturelles débordant de sable, et la mer qui est toujours belle, menaçante quand les vagues rugissent et se gonflent pour s'abattre avec fracas, douce quand elle vous accueille en elle sans frémir, à quoi ça sert, quand on est triste? A rien."

La comtesse de Ricotta / Milena Agus . - Liana Levi, 2012.

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