vendredi 15 novembre 2013

Un drôle de roman au style particulier : La première chose qu'on regarde

La première chose qu'on regarde / Grégoire Delacourt

Ecrit par l'auteur de la Liste de mes envies (édition JC Lattlès en 2012), ce nouveau roman de Grégoire Delacourt paru en 2013 raconte l'histoire d'une jeune femme, Jeanine, que l'on confond systématiquement avec Scarlett Johannson au point que cela gâche sa vie. Elle débarque un jour chez un jeune garagiste de 20 ans, Arthur, qui vit à Long, petite ville de la Somme. Ce dernier n'en revient pas, lui qui n'a jamais eu vraiment de copine et pour qui les femmes semblent encore inaccessibles.
A partir d'un quiproquo, tous deux vont apprendre à se connaitre, à s'aimer, à faire des projets ensemble. Mais Arthur est-il amoureux de Jeanine ou de Scarlett Johannson ?


Ce livre est un peu étrange, il est écrit comme un conte de fée moderne, avec sa part de clichés (le prénom Jeanine, le jeune garagiste fauché et un peu plouc, d'autres personnages assez caricaturaux), mais contrairement aux contes de fée, n'a pas de happy end, et ceci est annoncé dès les premières pages du livre. C'est ce qui entretient l'intrigue également, on se demande ce qui va bien pouvoir se passer.

J'avoue avoir hésité à continuer après les premières pages. Le livre commence d'ailleurs avec cette phrase : "Arthur Dreyfus aimait les gros seins" et s'en suit tout un chapitre sur les fantasmes liées aux poitrines féminines qu'a eut Arthur dans son adolescence... Le ton se veut décalé, comme si l'auteur racontait ici une fable. Même les évènements dramatiques sont racontés sur un ton léger, comme lorsqu'il évoque le décès tragique de la petite soeur d'Arthur... C'est assez déroutant.
Mais au fur et à mesure que l'on avance dans le récit, lorsque Scarlett devient Jeanine aux yeux d'Arthur, on sent que celui-ci grandit et prend conscience des drames de sa vie. C'est l'histoire de deux jeunes gens qui peinent à grandir, à se faire une place dans la société, à réaliser leurs rêves, pourtant simples. Tous deux ont des blessures qui ont du mal à cicatriser, et c'est ce qui va les rapprocher. C'est un livre sur les apparences, souvent trompeuses, mais qui ont une place déterminante dans notre société moderne. C'est une belle histoire d'amour aussi.

L'écriture est fluide, les phrases par moment très courtes, percutantes et d'autres très longues, descriptives. Les dialogues des deux protagonistes se mêlent à la narration, sans distinction de forme. Le ton est par moment léger mais beaucoup plus grave vers la fin. L'auteur se permet régulièrement des digressions documentaires nous livrant des informations précises sur la vie de Scarlett Johansson ou sur la petite ville de Long, dans la Somme, et nous décrit avec grande précision certaines scènes ! C'est d'ailleurs dès fois un peu lourd...

C'est donc un roman à prendre au second (voir au troisième) degré. L'auteur en fait un peu trop avec son style d'écriture qui se veut original, mais qui est souvent pesant. J'ai tout de même bien aimé le petit coté poétique et la grande sensibilité qui  ressort des deux personnages principaux.
Quelques citations:

"C'était un marivaudage adolescent, charmant, patient ; ce moment d'avant où tout est possible ; ces mots posés là, dans le désordre, avant l'écriture" p. 107

"En ce dernier jour de leur vie ensemble, qui fut aussi véritablement le premier, Arthur Dreyfuss découvrit l'une des formes les plus simples et les plus pures du bonheur : être profondément et sans explication heureux en compagnie de quelqu'un d'autre." p.184

"L'amour est le seul moyen de ne pas devenir assassin". p192


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