mardi 6 février 2018

La Tresse : 3 destins de femmes noués avec subtilité pour un magnifique premier roman

Après des mois d'attente sur la liste des réservations à la médiathèque, j'ai enfin pu lire ce best-seller de Laetitia Colombani. Souvent déçue par les livres trop mis en avant ou trop médiatisés, j'avoue avoir vraiment adoré ce roman. La Tresse est un très beau livre, j'ai eu un vrai coup de coeur pour cette belle histoire qui raconte le destin de trois femmes que tout oppose, issues de trois continents différents .


La tresse, c'est celle que Smita, une indienne Intouchable fait chaque matin à sa fille, en lui souhaitant une vie meilleure pour elle.
J'ai été particulièrement émue par l'histoire de cette jeune mère "Intouchable", c'est à dire issue de la plus basse caste indienne, dont le rôle sur terre est de ramasser les excréments des autres à main nues. Elle vit dans des conditions horribles avec son mari chasseur de rats et sa fille qui est censée suivre la même destiné qu'elle. Mais Smita rêve d'un avenir meilleur pour cette dernière, en souhaitant notamment l'envoyer à l'école. Or, quand on est "Intouchable, certains rêves pourtant abordables pour la majorité du gens sont inaccessibles. A travers l'histoire de Smita et de sa fille c'est une cruelle description des conditions de vie des Intouchables qui est faite et qui m'a vraiment bouleversée.

La tresse, c'est les cheveux que traitent précautionneusement les ouvriers de l'entreprise de la famille de Guilia en Sicile pour en faire des perruques.
Guilia est une jeune femme de vingt ans qui travaille dans l'atelier de traitement de cheveux ce son père. Sa vie suit une routine plutôt monotone jusqu'au jour où elle rencontre un mystérieux indien et celui où son père adoré est victime d'un accident. Son destin bascule alors et elle va devoir prendre des décisions qui vont la faire rentrer dans l'âge adulte.

La tresse, c'est aussi une coiffure à laquelle Sarah, une "wonderwoman" canadienne, avocate émérite, mère célibataire et férue de travail, va devoir renoncer quand elle apprend une mauvaise nouvelle.
Sarah est une avocate reconnue, rigoureuse, travailleuse, entièrement dévouée à son travail au point d'en négliger ses enfants. Affichant un masque professionnel à toute épreuve de peur que ses émotions ou sa vie de famille lui fasse défaut au sein de son cabinet, elle est toutefois tiraillée entre son travail et ses trois enfants. Pourtant, un jour, son corps qui lui fera comprendre qu'il faut lever le pied son professionnalisme sera mis en question. Ce sera le moment pour Sarah de prendre son destin en main.

Enfin, la Tresse, ce sont ces trois destins de femmes issues de trois continents différents, trois femmes que tout oppose qui vont se battre pour leur liberté et leur dignité et finiront par être liées d'une belle façon. Trois destinés dont le point commun est le cheveu.

Le roman alterne les histoires de Smita, Guilia et Sarah avec une écriture percutante et pleine d'émotion qui rend vite la lecture addictive. On pourrait dire de La tresse que c'est un livre féministe, mais c'est avant tout un roman touchant, plein de vérité sur les disparités de notre époque, empreint de mélancolie et par moment de poésie. Enfin, c'est un livre plein d'espoir.
C'est un premier roman réussi pour la scénariste Laetitia Colombani.

Quelques citations :

[Sarah]
"Elle la connaissait bien cette culpabilité des mères qui travaillent [...] Elle avait vite compris qu'il n'y aurait pas de place, dans le milieu où elle évoluait, pour les atermoiements d'une mère éplorée. [...] Elle se sentait déchirée, écartelée, mais ne pouvait se confier à personne." p. 36

"Lorsqu'elle se voyait dans le miroir, Sarah voyait une femme de quarante ans à qui tout avait réussi : elle avait trois beaux enfants, une maison bien tenue dans un quartier huppé, une carrière que beaucoup lui enviaient. Elle était à l'image de ses femmes que l'on voit dans les magazines, souriante et accomplie. Sa blessure ne se voyait pas, elle était invisible, quasi indécelable sous son maquillage parfait et ses tailleurs de grands couturiers." p.40

Ensemble, ils sont en train de la dépecer, alors qu'elle est à terre. [...] Les brigands sont bien habillés, la chose ne se voit pas, elle a même des allures de respectabilité. C'est une violence chic, une violence parfumée,une violence en costume trois-pièces. p. 164

[Smita]
"Elle sait qu'ici, dans son pays, les victimes de viol sont considérées comme les coupables. Il n'y a pas de respect pour les femmes, encore moins si elles sont Intouchables. Ces êtres qu'on ne doit pas toucher, pas même regarder, on les viole pourtant sans vergogne. On punit l'homme qui a des dettes en violant sa femme. On punit celui qui fraye avec une femme mariée en violant ses soeurs. le viol est une arme puissante, une arme de destruction massive." p.91

"Avec amertume Lackshmama évoque le sort funeste des veuves ici. Maudites, elles sont considérées comme coupables de n'avoir su retenir l'âme de leur défunts mari. Elles sont parfois même accusées d'avoir provoqué, par sorcellerie, la maladie ou la mort de leur époux." p. 146

[Guilia]
Elle refuse de se soumettre, de s'enfermer dans une cage aux barreaux bien lustrés. Elle ne veut pas d'une vie de convenanes et d'apparences. p. 150

Sa soeur appartient au cercle des sceptiques, de ceux qui voient le monde en noir, en gris, ceux qui répondent non avant de penser oui. Ceux qui remarquent toujours le détail qui fâche au milieu du paysage, la tache minuscule sur la nappe, ceux qui explorent la surface de la vie à la recherche d'une aspérité à gratter, comme s'ils se réjouissaient de ces fausses notes du monde, qu'ils en faisaient leur raison d'être. Elle est une image inversée de Giulia, une vesrion d'elle en négatif, au sens photographique du terme : sa luminance est inversement proportionnelle à la sienne. p. 196

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