mercredi 21 septembre 2016

"Divines", un film bluffant de réalisme qui raconte les tribulations d'une ado de banlieue en quête d'argent et de reconnaissance

Divines est je pense le film choc de cette rentrée. Vous en avez peut-être entendu parler, c'est un film sur des ados se démenant dans leur banlieue. Alors certes, des films sur la vie dans la cité, ce n'est pas ce qui manque, mais Divines se démarque par un casting amateur bluffant, un bon rythme, un sens du réalisme étonnant et des clichés contournés. La réalisatrice, Houda Benyamina, elle aussi inconnue du grand public jusqu'à présent, a d'ailleurs été récompensée pour ce film en recevant la Caméra d'Or lors du dernier festival de Cannes, prix attribué au meilleur premier film. C'est plus que mérité car ce film est saisissant.

L'histoire : 

Dounia est une ado rebelle qui cache sa féminité derrière des sweats à capuches. Celle qu'on appelle "la bâtarde" a sans cesse besoin de se faire remarquer. Mais c'est également une fille courageuse qui n'a pas froid aux yeux et qui sait ce qu'elle veut. Quand sa professeur de BEP lui demande ce qu'elle veut faire plus tard, elle répond "Ben, comme tout le monde : money, money, money" reprise en cœur par tous ses camarades.
Elle habite dans un camps rom avec sa mère alcoolique et irresponsable dont elle doit s'occuper. Pour fuir ce quotidien désolant, Dounia passe la plupart de son temps libre avec sa copine Maimouna avec qui elle fait les quatre-cent coups au milieu des tours de leur cité. Les deux inséparables copines volent dans les grandes surfaces pour revendre ensuite leur butin dans la cité et se faire un peu d'argent.


Depuis leur planque où elles cachent leur argent, située au dessus d'une salle de spectacle, elles observent un groupe de danseurs s'entraîner. Parmi eux, un beau jeune homme musclé et tatoué dont le charisme ne laisse pas Dounia indifférente. Ces petites pauses "spectacles" sont comme une bouffée d’oxygène dans la vie de la jeune femme, une échappatoire, un rêve vers un avenir meilleur où la violence cède la place à l'art et la beauté.


Mais les trafics de friandises ne suffisent plus à Dounia. On constate rapidement que derrière sa mine juvénile se cache déjà beaucoup de colère et de frustration. Elle veut plus d'argent et décide pour cela de se rapprocher de la caïd du quartier, une certaine Rebecca, chef de gang et dealeuse aux allures de garçon manqué, afin de lui demander de travailler pour elle. Impressionnée par le culot de Dounia, (elle lui répond d'ailleurs "j't'aime bien toi, t'as du clitoris" phrase qui deviendra la réplique culte du film !) celle-ci lui confie d'abord de petites missions avant de l'envoyer régler de vrais deals. Une fois qu'elle a mis le pied dans l'univers des trafics, l'engrenage est lancé pour Dounia...


Le film s'ouvre par de courtes vidéos où les deux ados se filment en train de faire les folles, à en donner le tournis. Ces images sont comme des témoignages de l'innocence et de la joie de vivre des deux filles, qui vont s’étioler tout au long du film. Les téléphones et les réseaux sociaux sont omniprésents du début à la fin, reflet d'une génération qui a besoin d'exister à travers les écrans et de témoigner de leur quotidien souvent morose.

Bande- annonce :


La bande-annonce laisse penser à un film plein de vie, de débrouille, empreint de quelques touches d'humour. C'est le cas certes, mais c'est aussi un film très violent, ce à quoi je ne m'attendais pas forcément. Cette violence est d'ailleurs omniprésente, qu'elle soit verbale, physique mais aussi sociale.

Divines, un film féministe? Peut-être. En tout cas ici les hommes sont relégués au second plan ou alors aux rôles de mannequins ou de crapules. Ce sont les femmes qui prennent le pouvoir de la rue. Elles sont pleine de vie, d'énergie et non dénuées d'humour, notamment Maimouna. Les jeunes comédiennes sont incroyables tant leur jeu est fluide et troublant, les personnages semblant plus vrais que nature. Effectivement, ces jeunes des quartiers ne nous sont pas inconnus, ils ressemblent à ceux que l'on côtoie dans les transports, dans les centres commerciaux... On connait leur style, leur tchatche. Ils sont à la fois débordants de vie, sur la défensive, impulsifs, férus de nouvelles technologies et prêts à tout pour se faire de l'argent. Le portrait à la fois dur et sensible qui est fait de cette jeunesse est tellement juste que s'en est troublant.


Le personnage de Dounia a plusieurs facettes : une gamine innocente qui aime s'amuser, une jeune femme déterminée prête à tout pour se faire du blé, une fille qui découvre sa féminité, ou encore une ado très courageuse qui ne perd pas son sang froid. La jeune actrice semble parfaitement à l'aise avec toutes ces facettes de son personnage et c'est elle qui fait  la force de ce film, tellement elle crève l'écran !

En faisant quelques recherches, j'ai lu que pour beaucoup, ces jeunes acteurs / actrices sont eux même issus des quartiers ce qui explique probablement la justesse de leur jeu. Et la jeune actrice qui interprète Dounia n'est autre que la petite soeur de la réalisatrice ! 


A la fois film social, drame, chronique initiatique sur l'adolescence, polar, Divines est un mélange de genres, un film choc qui ne laisse pas indifférent. Ce film interpelle aussi car il se fait le triste reflet de notre société, plusieurs éléments de l'histoire rappelant de récents faits divers. La réalisatrice avoue d'ailleurs dans une interview que c'est suite aux émeutes dans les banlieues en 2005 qu'est née l'idée de ce film. On se prend en pleine face la violence des banlieues dont l'origine semble être un condensé de frustration, de pertes de repères et de violence sociale. Divines interroge sur ses jeunes livrés à eux mêmes et nous fait réfléchir sur la société d'aujourd'hui où l'argent est roi.

Tout du long, le film est rythmé, bien ficelé, avec des répliques époustouflantes pleines de vérités ou d'humour, un film tellement contemporain que s'en est troublant.
Je ne peux pas parler de la fin du film, mais disons que je suis restée scotchée à mon siège un petit moment durant le générique de fin...


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