mercredi 26 octobre 2016

Willy 1er : un beau film d'apprentissage tendre et burlesque à la fois triste et optimiste

Voici un petit film français intelligent et plein d'humanité. Willy 1er  se distingue par deux aspects :
1/ C'est le premier long métrage réalisé par une bande de quatre copains issus de l'école de cinéma de Luc Besson et c'est donc une réalisation à 8 mains, ce qui est peu commun.
2/ C'est un film inspiré de la vie de Daniel Vannet qui interprète ici son propre rôle ! Cet homme de 50 ans a perdu son travail il y a quelques années et n'en retrouvait pas, notamment faute de savoir lire et écrire. Il décida alors de faire cet apprentissage à 50 ans pour retrouver du travail et une vie sociale. Touchés par sa démarche, les quatre réalisateurs l'avaient déjà sollicité pour jouer dans un court-métrage et avaient été bluffés par son interprétation. Aussi, ils ont tout de suite penser à lui pour l'interprétation de Willy dans une histoire qui diffère quand même pas mal de la sienne. (plus d'infos ici)


L'histoire :

Willy est un gros bonhomme de 50 ans qui vit toujours chez ses parents dans une ferme de Normandie. Ses journées se déroulent entre son travail d'employé communal saisonnier souffleur de feuilles et le temps qu'il passe avec son jumeau Michel à la maison. Une routine qui lui convient parfaitement. Mais un jour, son frère adoré est retrouvé mort. Ses parents, âgés, souhaitent alors placer Willy dans un centre spécialisé. En effet, Willy est ce qu'on appelle un "inadapté". Pourtant, il est plutôt intelligent et débrouillard mais il a cette naïveté, cette crédulité qu'ont les enfants. De plus, il n'a jamais été autonome. Willy refuse catégoriquement d'être placé en institution. En colère, blessé et triste, il part seul pour la ville voisine, Caudebec en disant à ses parents : “À Caudebec, j’irai. Un appartement, j’en aurai un. Des copains, j’en aurai. Et j’vous emmerde !”


Bien décidé à gagner son autonomie, Willy entreprend ce périple avec l'aide de sa curatrice (interprétée ici par Noémie Lvovsky, seule tête connue du film).

Bande-annonce :


Dès la bande-annonce, ce film m'a fait penser à l'émouvant petit film islandais L'histoire du géant timide, vu en février. Là aussi c'était l'histoire d'un gros bonhomme vieux garçon un peu pataud qui partait à la découverte de la vie. D'ailleurs, on retrouve pas mal de thèmes communs aux deux films : une certaine naïveté, la routine rassurante, la solitude...

Dans Willy 1er s'alternent des scènes tantôt drôles par leur incongruité et leur naïveté, tantôt poignantes par leur douceur et leur humanité. J'ai été touchée aussi par quelques passages émouvants et poétiques, comme cette superbe scène où Willy s'assoie en caleçon sur son lit et fait marcher sa berceuse lumineuse d'enfant, les dauphins défilant ensuite sur son visage.


Les réalisateurs évitent le malaise en filmant leur personnage principal avec beaucoup d’empathie. Certaines scènes, cocasses, restent drôles sans se moquer vraiment. Ils font également ressortir avec justesse ce petit coté kitch des campagnes, tellement réaliste, qui nous semble à la fois drôle et touchant !

Cependant, sous ses airs naïfs et bon enfant, Willy 1er est un film assez nostalgique et triste qui aborde des sujets difficiles comme la mort, le souvenir très fort des disparus, leur présence tacite à nos cotés. Le film parle aussi de solitude, des différences et des moqueries et discriminations que celles-ci peuvent susciter. Enfin c'est un film qui aborde la misère rurale et sociale.


Willy 1er est également un film plein d'espoir, qui montre qu'avoir des rêves et faire preuve de pugnacité font avancer dans la vie. Pour Willy, son rêve c'est de vivre en autonomie à Caudebec. Pour son collègue de travail, c'est partir vivre en Allemagne. Willy a cette volonté tenace de s’intégrer malgré les brimades et les humiliations, quitte à marcher 9 km à pied pour se rendre à son travail et à se faire des amis à n'importe quel prix. Raison de plus pour être admiratif de son courage et de sa détermination pour parvenir à son autonomie malgré les embûches.


Sans rentrer dans la case de la comédie naïve, ce film est fort car il porte un regard lucide et intelligent sur Willy et sur la société en général. On sent tout au long du film la fragilité du personnage, Willy pouvant déraper à tout moment, sous mauvaise influence ou sous tension. Pour résumer, je dirai que Willy 1er est un film d'apprentissage, à la fois triste et optimiste.

Willy 1er est un film réussi grâce, bien sûr, à la qualité de ses acteurs mais également à une réalisation soignée, à un bon rythme, ni trop lent ni trop rapide, qui fait qu'on ne s'ennuie pas un instant. De plus, j'ai bien aimé les musiques qui collent vraiment bien avec l'histoire. Il y a pas mal de titres populaires, de belles chansons qui datent un peu mais qui trouvent du sens dans ce film (Serge Reggiani, Carole Arnaud, Michael Raitner).

Willy 1er a été récompensé au festival de Deauville 2016 (1er prix), au festival international du film culte de Trouville (1er prix) et a été nommé au festival de Cannes 2016.

Willy 1er / film français réalisé par Hugo P. Thomas, Marielle Gautier, Ludovic & Zoran Boukherma, avec Daniel Vannet, Noémie Lvovsky, Romain Léger, etc. Sortie en salle le 19 octobre 2016

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