mercredi 13 mars 2013

Le prix Goncourt

Le Sermon sur la chute de Rome

Le dernier livre dont j'avais parlé ici était Balco Atlantico de Jérome Ferrari, et j'avais dit que je lirai et donnerai mon impression sur son dernier ouvrage qui a remporté le prix Goncourt en 2012. J'ai donc terminé de lire Le sermon sur la chute de Rome. Et j'avoue avoir été quelque peu déçue.


Si dans Balco Atlantico, l'histoire était prenante et les personnages attachants, je n'ai pas retrouvé la même dynamique dans ce roman.
L'auteur fait quand même un petit clin d'oeil à Balco Atlantico avec les personnages de Hayet, présente  au début de l'histoire, ainsi qu'avec celui de la jeune Virginie, fille naïve et dévergondée de la patronne du bar Marie-Angèle. Mais elles ne font que de brèves apparitions dans ce roman.

Ici, c'est l'histoire d'une famille d'origine corse, exilée à Paris. D'abord l'histoire du grand-père, Marcel. Né dans une famille modeste, il n'y a jamais trouvé sa place et a vu ses rêves s'effondrer. Il a traversé des guerres, perdu ses proches, travaillé pour l'empire colonial qu'il vit tomber et sa vie personnelle fut un désastre. Il est à la fois cynique et déçu et a l'impression de ne pas avoir vécu. 
En parallèle à son histoire, c'est le récit de la vie de son petit-fils, Mathieu, qui lui aussi tente de se faire une place dans le monde, entre idéalisme et nombrilisme. Il décide d’arrêter ses études de Lettres et de reprendre un bar de village en Corse avec son ami d'enfance Libéro, qui lui fait une thèse sur Augustin, afin de redonner vie au village et retrouver une vie plus authentique, une sorte de retour aux sources en quelque sorte. Or, là aussi, l'espoir du jeune homme sera vite entaché par les désillusions. Il y a aussi l'histoire d'Aurélie, sa soeur, qui ne parvient pas à vivre son histoire d'amour... 
Bon, autant le dire tout de suite, cette histoire de famille déçue ne m'a pas emballé.

Mais tout au long de ce roman, c'est vraiment la qualité de l'écriture qui prime. Jérôme Ferrari manie les mots avec brio, il est le roi des phrases-fleuves qui peuvent facilement faire une page. De plus, ce livre est écrit dans un style à la fois poétique et réaliste. Il multiplie également les références à l'antiquité, créant ainsi un parallèle entre l'histoire de cette famille au bord du gouffre et semble aller vers sa "chute" et l'histoire de la chute de Rome... D'ailleurs, c'est justement par le très moralisateur "Sermon sur la chute de Rome" prononcé par Augustin en 410 que se clôt le livre. J'ai toutefois trouvé cette comparaison vraiment exagérée et un peu prétentieuse, même si l'exercice de style est intéressant. 

Quelques citations pour se faire une idée du style de l'auteur

"[...]comme si après avoir payé le prix de la chair et du sang, il fallait maintenant offrir à un monde disparu le tribut de symboles qu'il réclamait pour s'effacer définitivement et laisser enfin sa place au monde nouveau." p.17

"Non, rien ne s'était passé, les années coulaient comme du sable, et rien ne se passait encore et ce rien étendait sur toute chose la puissance de son règne aveugle, un règne mortel et sans partage dont nul ne pouvait plus dire quand il avait commencé" p.19.

" Il ne voyait plus en lui qu'un barbare inculte, qui se réjouissait de la fin de l'Empire parce qu'elle marquait l'avènement du monde des médiocres et des esclaves triomphants dont il faisait partie, ses sermons suintaient d'une délectation revancharde et pervèrse, le monde ancien des dieux et des poètes disparaissait sous ses eux, submergé par le christianisme avec sa cohorte répugna,te d'ascètes et de martyrs, et Augustin dissimulait sa jubilation sous des accents hypocrites de sagesse et de compassion, comme il est de mise avec les curés." p.61

" Sans elle, l'amertume de sa réussite sociale lui aurait été intolérable et il aurait mille fois préféré être le dixième ou le vingtième à Rome plutôt que de gouverner ainsi  un royaume de désolation barbare des confins de l'Empire, mais personne ne lui offrirait jamais une telle alternative, Rome n'existait plus, elle avait été détruite depuis bien longtemps, ne demeuraient plus que des royaumes plus barbares les uns que les autres, auxquels il était impossible d'échapper,et celui qui fuyait sa misère ne pouvait rien esperer d'autre que d'exercer son pouvoir inutile sur des hommes plus misérables que lui, comme le faisait maintenant Marc [...]" p.136

" Mais il lui était devenu impossible de se sentir supérieur et invincible, les fondations du monde étaient ébranlées, les fissures devenaient des failles [...]" p.172

"Nous ne savons pas, en vérité, ce que sont les mondes. Mais nous pouvons guetter les signes de leur fin. Le déclenchement d'un obturateur dans la lumière de l'été, la main fine d'une jeune femme fatiguée, posée sur celle de son grand-père, ou la voile carrée d'un navire qui entre dans le port d'Hippone portant avec lui, depuis l'Italie, la nouvelle inconcevable que Rome est tombée"

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