mardi 21 février 2017

"WestWorld" aborde le développement de la conscience chez les intelligences artificielles : une série de SF soignée à forte dimension philosophique

Westworld c'est la série phare du moment. Produite par J.J. Abrams (Star Wars, Lost les disparus...), la série est réalisée par Jonathan Nolan et sa femme Lisa Joly qui ont brassé pour cette première saison un budget complètement pharaonique de 100 millions de dollars ! Une grosse production américaine dotée d'un sacré casting et qui s'annonce être une série de science-fiction spectaculaire. L'histoire s'inspire du film Mondwest (1973) de Michael Crichton, l'auteur du livre inspirateur de Jurrasic Park.


Un far-west peuplé d'intelligences artificielles pour divertir de riches clients

On retrouve d'ailleurs l'histoire d'un parc démesuré et dangereux, mais ici, pas de dinosaures, ce sont des cow-boys que les aventuriers viennent voir. WestWorld  c'est la reconstitution la plus fidèle l'ouest américain du dix-neuvième siècle, avec son climat, ses paysages et ses habitants. L'ambiance est aux classiques du western : bandits de grands chemins, cow-boy, pistolets, bagarres, saloon, prostituées... Ca sent la poudre et la sueur.  Et oui, il y a des scènes de violences et de sexe mais jamais exagérées.

Les habitants sont appelés les "hôtes" et sont en fait des androïdes très élaborés qui ressemblent à s'y méprendre aux humains, d'autant plus qu'ils sont pourvus d'une conscience et ressentent des émotions. Leur créateur est en effet à la pointe de la recherche sur le développement de la conscience chez les intelligences artificielles.
Seule différence avec le monde "réel", le quotidien de ces habitants est le résultat d'une programmation, ils font partis de scénarios prédéfinis et sont remis à jour à la fin de chaque histoire par les techniciens du "parc". En quelques sorte, malgré leur troublante ressemblance avec l'homme, ils restent des pantins manipulés par des forces "supérieures".


Les clients de ce parc or norme ? Essentiellement des hommes de pouvoir et d'argent en quête d'aventure et de sensations fortes. Dans WestWorld il est possible de s'envoyer en l'air quand on veut, de tuer impunément et de faire à peu près ce qu'on veut que ce soit moral ou non... Aussi, certains y vont pour tester leurs limites, faire des choses qu'ils n'oseraient jamais faire dans notre société, faisant ainsi resurgir leur vraie nature...

La maintenance de ce lieu gigantesque est effectuée par toute une flopée de techniciens au sein d'un immense centre high-tech où tout est aseptisé gris et froid, terne et sans émotion. S'y côtoient également la direction, les scénaristes, le service qualité, etc.


Ces hommes se prennent pour Dieu exploitant leur pouvoir sur les hôtes, ne leur témoignant aucun respect puisque pour eux ce ne sont que des machines.... Seuls quelques techniciens semblent troublés par les émotions que manifestent de plus en plus d'androïdes. Finalement ce sont ces techniciens, ces dirigeants qui ressemblent plus à des robots, obéissants à des ordres, faisant partis d'un système ultra moderne, ne montrant aucune émotion, oubliant de vivre pleinement leur vie. Alors que dans WestWorld, chacun  parmi les hôtes ou les visiteurs s'adonne au plaisir à outrance, que ce soit celui de la chair, de l'alcool, du jeu, ou plus pervers celui de la violence, laissant libre court à leurs émotions sachant que chaque jour peut être le dernier.

Les androïdes sujets à des "rêveries" émancipatrices

Mais voilà qu'un curieux phénomène apparaît, bouleversant ce système de dominants - dominés : quelques hôtes commencent à avoir des bribes de souvenirs, et leur niveau de conscience évolue. Le centre constate une altération de leur code, qu'ils appellent joliment "les rêveries". Qui est à l'origine de cette évolution et pourquoi ? Le fantôme d'un des créateurs du parc, un certain Arnold, refait surface. Qui était-il et qu'est-il devenu?


A la tête de ce parc, un chercheur effrayant de cynisme et de malice, le Docteur Robert Ford, interprété par Anthony Hopckins à qui ce rôle va d'ailleurs comme un gant. C'est lui qui a développé les intelligences artificielles et créé ce parc il y a plus de 30 ans. On retrouve également l'héroïne de la série Borgen, Sisde Babett Knudsen, en cheffe de projet déterminée à préserver l'image du parc.

Parmi les visiteurs, William (Jimmi Simpson, House of Cards) est un jeune homme timide et bienveillant qui se retrouve entraîné dans ce monde par son collègue décomplexé et cynique. Sa rencontre avec une des hôtes va le troubler.


Ed Harris interprète lui avec brio l'homme en noir, un psychopathe qui vient chaque année depuis 30 ans pour repousser ses limites et trouver le centre d'un mystérieux labyrinthe... C'est un personnage mystérieux et effrayant qui semble connaitre tout le monde parmi les hôtes comme parmi les dirigeants du parc, on le retrouve à de nombreuses reprises sans vraiment comprendre quel est son véritable rôle dans  cette histoire. Jusqu'à la fin...

 

Parmi les hôtes, on suit l'évolution de Maeve, la séduisante "mère maquerelle" qui se voit de plus en plus assaillie par des bribes de souvenirs, ce qui la pousse à vouloir trouver les réponses à de nombreuses questions et à s'émanciper davantage.


Enfin, Dolores, (troublante Evan Rachel Wood) est une jeune femme douce et inoffensive qui sort progressivement du rôle qu'on lui a attribué pour prendre une place de plus en plus importante au cours des épisodes. C'est à mon avis un des personnages les plus intéressants de la série.


De manière générale, la personnalité de ces androïdes évoluent, ils se mettent eux aussi en quête de quelque chose même s'ils ignorent encore quoi.  En fin de compte, les hôtes semblent avoir plus d'humanité et d'empathie que les hommes qui les manipulent. Il devient de plus en plus difficile de distinguer les androïdes des humains et on s'identifie davantage aux habitants de WestWord qu'à ceux du monde "réel".

Un début de saison qui prend le temps de poser l'intrigue

Durant les quatre premiers épisodes, on découvre ces deux univers, celui de la "salle des machines" et celui du far-west, celui des  manipulateurs et celui des manipulés et on fait la connaissance des différents personnages dont les psychologies respectives se dessinent progressivement. Des rencontres ont lieu, quelques intrigues se soulèvent, mais sans vraiment me fasciner. Ce WestWorld respecte bien les clichés du western avec la belle blonde timide effarouchée, le cow-boy solitaire, la prostituée courageuse et déterminée et les visiteurs sadiques ou un peu perdus. Après je reconnais que je ne suis pas fan des westerns et que j'ai eu un peu de mal à rentrer dans cet univers. Et du coté du centre technique, on retrouve l'ambiance classique de la SF, c'est froid, confiné, déshumanisé. Bien sûr on songe à la série Reals Humans où là aussi des androïdes se voyaient doté d'un début de conscience. Mais ici, l'intelligence artificielle est encore plus développée, les limites de l'éthiques sont clairement repoussées.

Pendant les 4 premiers épisodes, je trouve l'idée originale et les décors spectaculaires mais ça manque d'entrain. On se doute que la rencontre des visiteurs avec ces être faits de chair, d'os et d'acier, qui plus est doté de conscience, va aboutir à des situations rocambolesques, mais personnellement ce n'est qu'à partir de l'épisode  5 que ma curiosité a vraiment était éveillée. A compter de cet épisode de mi saison, on ne cesse d'être surpris, et ce jusqu'au dernier épisode (10). Les rebondissements se succèdent et le voile se lève peu à peu sur les mystères de la création de ce parc, de ces intelligences artificielles, sur la psychologie des personnages... Le dernier épisode de la saison ne cesse de nous surprendre durant 1h30. Mais là je ne peux pas en dire plus sous peine de spoiler !


Une réalisation soignée, une construction très aboutie et des personnages consistants

WestWorld,  c'est une série superbement réalisée (avec 100 millions de dollars de budget c'est un peu normal en même temps) les deux univers sont bluffants de réalisme, notamment ces androïdes qui ressemblent à s'y méprendre aux véritables humains. La photo est soignée et de nombreux plans sont baignés de la lumière de l'ouest américain rendant les scènes du parc d'autant plus réalistes. Les personnages sont étonnants car ils cachent tous, que ce soient les hôtes ou les visiteurs, un secret, une part d'ombre. Il faut patienter quelques épisodes pour se laisser vraiment transporter et attendre la suite avec impatience. Les scénaristes prennent le temps de distiller subtilement les informations au gré des épisodes.

Le scénario d'ailleurs qui peut sembler simple au début s'annonce finalement bien plus alambiqué que prévu. Grâce à la psychologie complexe des personnages, l'intrigue se construit progressivement, ou plutôt les intrigues pour finir par se croiser. D'ailleurs, j'avoue que vers la fin j'ai eu du mal à tout comprendre d'autant plus que la narration mélange souvent le passé et présent, surtout à partir du milieu de la saison. A plusieurs reprises la phrase "tous ces plaisirs violents auront une fin violente" annonce comme un mauvais présage.
Le dernier épisode, plein de surprises, m'a laissé songeuse... J'aurai beaucoup de choses à dire sur la fin mais je vais éviter de spoiler...


Enfin, WestWorld c'est l'invitation à de nombreuses réflexions philosophiques et métaphysiques, sur la quête de soi, l'éveil de la conscience, l'intelligence artificielle, le besoin de contrôle, la soif de pouvoir de l'homme, sur l'antagonisme des dominés / dominants... Cette série offre  une projection glaçante d'un futur déshumanisé, à la morale et à l'éthique fort contestable. Westworld c'est aussi le parallèle entre deux époques que plusieurs siècles séparent, une nostalgie du passé dans lequel certains cherchent une sorte de réconfort, de plénitude ou au contraire un regain de vitalité. D'ailleurs, un des visiteurs constate par lui même : "cet endroit a l'air plus réel que le monde réel" et de souligner que "ce monde est à l'image du mien, un jeu. Un jeu fait de combat". Ces deux mondes se reflètent et se confrontent tel un jeu de miroir temporel mais aussi sociologique et psychologique.
Les dialogues sont riches, intelligents mais sans être trop intellectualisés ou prétentieux comme dans True Detective


Et finalement, c'est ce qui m'a plu dans la série, ces réflexions universelles sur le sens de la vie, sur la quête de chacun, sur le rapport au monde. C'est une série intéressante et intelligente et à mon avis, une fois finie, il peut être intéressant de la revoir pour en faire une autre lecture, interprétant sûrement certaines scènes différemment. 
Après, de là à en faire tout un battage médiatique et à brasser 100 millions de dollars par saison, ça me laisse songeuse... Le dernier épisode laisse envisager une deuxième saison captivante mais pour cela il faudra patienter 2018. Le temps de rassembler quelques millions de dollars pour la suite...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire