vendredi 2 août 2013

Des lectures rafraîchissantes !

C'est l'été, il fait (très) chaud, on se repose à l'ombre avec un bon bouquin... En ce qui me concerne, et sans le faire exprès, j'ai lu deux ouvrages dont l'action se déroule dans un hiver sans fin. De quoi se rafraîchir !


Il faut s'accrocher pour entrer dans l'univers dur et glacial de Mélanie Wallace. Les phrases sont longues,  la prose à la fois dense et poétique, le récit est dès fois décousu et on ne sait pas toujours où l'auteur veut en venir, surtout au début (une histoire de barrage et de village englouti ou encore un facteur bienveillant qui n'apparaissent plus ensuite.). L'ambiance générale de ce roman est triste et glaciale, limite gothique.

C'est l'histoire de Jamie, ado  de 17 ans d'une grande maturité livrée à elle même et toujours accompagnée de son fidèle chien. Un jour, elle aperçoit une sorte d'enfant sauvage attaché à une arbre et prend l'initiative de le détacher. Elle ignore que ce geste va entraîner toute une série de catastrophes. C'est aussi l'histoire d'un jeune homme, Galen, qui vit en autarcie dans la forêt et se lie progressivement d'amitié avec la jeune fille. Celle-ci va se réfugier au milieu de la forêt enneigée dans la maison de son amie Margaret, une vieille dame avec qui elle était proche.
Elle ne sait pas que le père du garçon qu'elle a détaché est fou de rage et a demandé l'aide d'un personnage marginal et violent pour récupérer à tout prix sa progéniture, qu'il traite comme un esclave.



Les personnages ont tous un  passé lourd, triste et mystérieux mais semblent ne pas parvenir à y faire face,  ils sont poursuivis par leurs vieux démons. Les chemins de ces êtres en détresse sont amenés à se croiser de manière tragique. L'histoire se déroule quelque part dans l'Amérique reculée, dans une atmosphère de fin du monde : la neige ne cesse de tomber, il fait de plus en plus froid, les protagonistes semblent vivre dans une misère sociale épouvantable, ces êtres sont terriblement seuls et d'autres d'une grande méchanceté. 

L'écriture de cette auteure américaine est puissante et magnifique mais il est un peu difficile de rentrer dans l'histoire. Et, tout au long du livre, on se demande quand va finir enfin cette quête pleine de désespoir au milieu de la neige ! De plus, au début du livre il est souvent fait allusion aux souvenirs de la grand-mère de Jamie dont le village a été inondé par un barrage, mais il n'en ai plus vraiment question ensuite. C'est un peu dommage car on s'attend à une sorte d'intrigue en rapport avec le passé de la grand-mère, or ce n'est pas du tout le cas.
Toutefois, le style littéraire de cette auteure est vraiment remarquable comme l'illustre quelques citations ci-dessous. Elle y livre également, à travers le personnage de Margareth, des réflexions sur l'Amérique, la société capitaliste et individualiste, que je trouve très justes (un aperçu dans les citations).
C'est un roman à la fois fort, émouvant mais trop froid, trop dur, et que j'ai eu beaucoup de mal à finir...

Quelques citations :

"Non que Margaret méprisât le passé, non qu'elle ait pu ou même voulu s'en affranchir, car elle savait que le passé est synonyme de mémoire et que celui qui est sans mémoire n'est littéralement personne." p.80

"Le temps n'avait nulle consistance, le garçon traversait le temps tout comme celui-ci le traversait, sans coup férir. Il ne connaissait pas le nom des jours, ni aucun nombre supérieur à un, si bien qu'il ignorait le jour où il les avait suivis, elle et le chien, jusqu'à la maison située derrière le mur bordé de sumac [...]" p. 89


"Le ciel restait uniformément couvert, la neige qui emmaillotait la terre figeait toutes choses hormis les faucons aux larges ailes qui décrivaient des cercles paresseux sous le plafond nuageux et scrutaient de leurs yeux à paupières la surface ondoyante et immobile du verger, où rien ne bougeait sinon le chien et un peu plus loin, à l'insu de Jamie, le garçon."


"Elle pensait que partout les gens ressembleraient beaucoup à ceux qu'elle laissait derrière elle, des gens qui tenaient mordicus à ignorer combien ils étaient misérables, ou qui étaient trop sots pour s'en douter, le plus souvent hébétés par l'indigence triviale de la vie quotidienne ; des gens qui chaque jour se retrouvaient confrontés à une myriade de choix dépourvus de sens [...]. p. 168


"Margaret dit seulement à Jamie que Galen était un homme qui, pour des raisons qu'elle ne divulguerait pas, était bien décidé à vivre seul et en autarcie, comme si il n'avait jamais entendu dire que les hommes ne sont pas des îles, comme s'il ne se doutait pas une seconde que ce qui rend les humains vraiment humains et pas seulement en partie, c'est leur sociabilité, leur conception du bien public et la foi qui l'accompagne. L'autarcie est une idée vraiment ridicule [...]." p. 187-188


"Le problème de ce pays [...] c'est son arrière-pays, ou plutôt non, le problème de cet arrière-pays c'est le pays, et toute la grandeur vient du fait que chacun de nous jusqu'au dernier jouit d'une liberté unique. Sauf qu'il est difficile d'accorder la liberté des individus avec un pays qui n'a jamais voulu supporter les différences ni ouvrir les bras à des formes de patriotisme qui n'ont rien à voir avec le fait de payer l'échéance du crédit ou du loyer, et de posséder des biens matériels, et de vouloir en posséder encore plus. Tu vois, dit Margaret à Jamie, la vérité de l'Amérique c'est que l'individualisme y est à peine toléré, à moins qu'il ne soit synonyme de conformisme ou qu'il ne se déguise en autarcie. Un pour tous et tous pour un, mais surtout chacun pour soi." p. 188-189


La Vigilante / Mélanie Wallace . Ed. Grasset, 2008



Depuis longtemps j'apprécie la littérature scandinave. Il se dégage de ces romans une atmosphère particulière qu'on ne retrouve pas ailleurs. Le froid, les longs hivers, les grandes étendues, la solitude ... Tous ces éléments font des romans policiers à part. C'est le cas bien sûr des romans d' Henning Mankell (auteur de polar suédois à l'écriture emprunte d'une certaine poésie et d'une grande humanité), d'Arnaldur Indriðason (auteur de polars islandais), de John Riel, Jo Nesbo ou des plus médiatiques Camilla Läckberg et Stieg Larson ou encore la plus pétillante Katarina Mazetti dont j'ai déjà parlé sur ce blog (et j'en oublie beaucoup d'autres!)

J'ai découvert récemment un nouvel auteur suédois, Mons Kallentoft, journaliste de profession. Il a écrit une série de quatre volumes portant le nom des quatre saisons (et un cinquième tome sorti au mois d'avril intitulé "La cinquième saison" vient d'ailleurs cloturer cette saga). Il s'agit d'une série de romans policiers mettant en scène une jeune inspectrice suédoise nommée Malin Fors, mère célibataire d'une ado de 14 ans, débordée par son travail.
J'ai dévoré le premier tome de cette saga "Hiver".


Le livre s'ouvre sur un crime étrange : un homme obèse est retrouvé pendu à un arbre alors qu'il fait - 30°C dehors, il est donc entièrement gelé ! L'enquête commence alors pour Malin Fors. Pourquoi a t'il été pendu? s'agit t'il de croyances ancestrales? d'une vengeance? Des ados qui tuent l'ennuie en persécutant les plus démunis? Des histoires familiales? Qui était donc cet homme surnommé Bent le Ballon que personne ne semblait connaitre vraiment?

L'écriture est fluide, précise et détaillée (Quand on sait que l'auteur est journaliste on comprend mieux!). La construction du roman est quelque peu originale notamment ces passages où l'auteur nous livre les pensées du mort dont l'âme survole le monde des vivants qui s'active pour connaitre les détails de sa mort. C'est peut-être le seul bémol à cet ouvrage, mais si c'est un peu dérangeant au début, on s'y fait vite et cela n'altère en rien la qualité de la retransmission de cette enquête minutieuse. Les personnages sont tous hauts en couleurs, notamment cette famille de marginaux dont la mère tient les ficelles et qui semble cacher tellement de terribles secrets.

L'auteur parvient à maintenir un suspens tout au long du livre tout en évoquant le contexte social de la Suède, les préjugés, l'influence du passé sur le présent. Le tout dans le contexte d'un hiver glacial (à plusieurs reprises il est mentionné qu'il s'agit de l'hiver le plus froid depuis des décennies!) où les inspecteurs rêvent de l'été et s'imaginent les paysages verdoyants alors qu'ils n'osent même pas retirer leurs gants !

Un bon polar qui révèle qu'à travers la paisible Suède sommeillent encore de vieux démons, entretenus par la peur, les préjugés et la misère.
Tout n'est pourtant pas résolu à la fin de ce tome et j'attend de lire le second tome "Printemps" avec impatience!

Hiver / Mons Kallentoft . - Le Serpent à plume, 2009