dimanche 23 novembre 2014

Dieu me déteste : une écriture légère pour un ode à la vie

Dieu me déteste est un livre écrit sur un ton léger mais abordant un sujet grave : la maladie.
Richard a 17 ans, c'est un ado plein d'humour avec les hormones en ébullition.. Seul petit problème, atteint d'une maladie grave depuis plusieurs années, il vit à l'hôpital, au service des soins palliatif d'où personne ne ressort vivant. Il dit d'ailleurs qu'il est atteint du symptôme DMD : "Dieu me déteste". Ca pourrait être larmoyant et dramatique mais ce roman est un ode à la vie et au courage.


C'est bien difficile pour un ado de rester cloué à son lit, de respecter le règlement strict de l'hôpital, de se résigner en attendant la mort et de voir la désolation dans les yeux de ses proches. Alors Richard décide de profiter du temps qui lui reste. Il sympathise avec Sylvie, une jeune patiente qui, comme lui, est gravement malade. Tous deux décident de faire les 400 coups sous le regard à la fois compatissant du personnel médical. Les infirmier(e)s constituent presque une nouvelle famille pour Richard. Certains se montrent un peu plus permissifs, d'autres apparaissent autoritaires mais font preuve de grand coeur. Toutefois, il est quasiment impossible d'avoir un peu d'intimité dans un hôpital : les parents veillent constamment près de leur(s) enfant(s) malades, tout le monde peut rentrer dans la chambre à tout moment sans prévenir. C'est un peu compliqué quand on a les hormones en ébullition et qu'on souhaite simplement profiter du temps qu'il reste ! En voulant simplement passer du bon temps, il va lui arriver plein d'aventures et il va probablement vivre les journées les plus palpitantes de sa vie. 

L'écriture est fluide, le ton léger. Le narrateur, Richard, a beaucoup d'humour et décrit son environnement avec désinvolture et résignation. Il s'inquiète pour sa maman qui est tellement triste et seule... Sa sollicitude l’étouffe. Il renoue avec sa grand-mère et son oncle Phil qui sont des personnages hauts en couleur. Dans cette histoire, chaque proche gère sa peine et sa douleur d'une autre manière. La copine de Richard, Sylvie, a encore plus d'énergie que lui et remballe quiconque se met en travers de son chemin.
Le récit est souvent métaphorique, que ce soit par rapport au roi Richard, à l'histoire de Roméo et Juliet, et certaines scènes font penser à un duel de western.
Voici donc un récit plein de vie et d'humour pour une histoire sur la maladie et la fin de vie.

jeudi 20 novembre 2014

le pouvoir des mots face à l'oppression : "La voleuse de livres" un beau roman très émouvant

La voleuse de livres est le gros succès littéraire de l'année 2007. Avec sept années de retard, je viens donc de terminer ce beau livre de Markus Zusak. L'auteur est australien et a écrit ce roman à même pas 30 ans. Fils d'une mère allemande et d'un père autrichien, il a dû être particulièrement sensible à l'histoire de l'Allemagne sous le régime nazi. Son roman a rencontré un énorme succès mondial et a même été adapté en film l'année dernière.



En voici un livre original, puisque la narratrice est la Mort en personne. La "grande faucheuse" est très sollicitée pendant cette période de guerre. En effet, l'histoire se déroule en Allemagne, entre 1939 et 1943, à Molching, dans la région de Munich, à quelques kilomètres du tristement célèbre camps de Dachau.

Le récit commence comme une sorte de zoom sur une fillette pour laquelle la Mort s'est pris d'affection. Dans les premières pages, celle-ci présente d'ailleurs l'histoire à venir : "c'est l'histoire de quelqu'un qui fait partie de ces éternels survivants, quelqu'un qui sait ce qu'être abandonné veut dire. Une simple histoire, en fait, où il est question, notamment : 
-D'une fillette;
-De mots;
-D'un accordéoniste;
-D'Allemands fanatiques ; 
-D'un boxeur juif;
-Et d'un certain nombre de vols"
On suit alors l'histoire de Liesel, 13 ans, qui se voit placée dans une famille d'adoption par sa mère qui n'a plus les moyens de l'élever. Durant le trajet qui l'emmène à son nouveau foyer, son jeune frère décède. Cet événement la hantera pendant de nombreuses années. Lors du bref enterrement de celui-ci, Liesel trouve un livre par terre. Même si elle ne sait pas lire, elle est attirée par l'objet et l'emmène avec elle. Arrivée dans sa famille d'accueil, elle fait connaissance avec sa nouvelle maman, Rosa, une femme assez rustre mais qui cache en fait un grand coeur, et de son "papa" tendre et attentionné avec qui elle va très vite se lier. Ce dernier lui apprendra à lire chaque nuit quand elle se réveillera de ses cauchemars. Elle va découvrir alors que le livre qu'elle a "volé" est en fait "le Manuel du fossoyeur" ! Rien de très palpitant pour apprendre à lire, mais pourtant, Liesel le lira attentivement chaque nuit avec son papa.
Elle se lie aussi rapidement d'amitié avec un jeune garçon, Rudy, qui deviendra son compagnon des rues avec qui elle jouera au foot et chapardera quelques pommes.

Mais l'insouciance de l'enfance est bientôt rattrapée par la montée en puissance d'Hitler. Si, au début du roman, le nazisme est plutôt perçut avec légèreté par les enfants, avec les après-midis passées aux Jeunesses hitlériennes, les défilés, le culte du sport, les "Heil Hitler" à tout bout de champs, etc. , l'ambiance se fait de plus en plus grave au fur et à mesure que l'on tourne les pages. Et Liesel se sent vraiment concernée lorsqu'un jour un jeune homme prénommé Max, auquel est lié son papa, se présente à sa maison pour demander de l'aide...

Lorsqu'un autodafé a lieu sur la place du village, quelques livres vont résister aux flammes et ce sera l'occasion pour la jeune fille de "voler" (ou plutôt sauver ! ) un deuxième livre. Or, elle est effrayée lorsqu'elle s'aperçoit que la femme du maire l'a vu faire! Avant de se rendre compte que celle-ci lui ouvrira encore d'autres portes...
La voleuse de livres, c'est  l'histoire d'une fillette d'abord fascinée par l'objet livre qui finit par trouver un véritable refuge dans la lecture. Son talent de lectrice sera même "exploité" lors des attaques aériennes pour calmer les foules ainsi que par sa voisine, une femme taciturne. 

Ce roman témoigne de la guerre vue du coté des allemands qui l'ont subie, c'est un point de vue intéressant car assez méconnu. Car oui, les allemands ont aussi souffert de privations, des bombardements, des persécutions. Et il y a eu des allemands résistants, ou au moins réticents, à la folie du nazisme ainsi que des allemands persécutés.

L'écriture du roman est tantôt poétique, tantôt journalistique, mais toujours très sensible. L'auteur sème par-ci, par-là quelques mots allemands, notamment les "Saumensch" employés à tout bout de champs par Rosa. La forme de l'écriture est également particulière, puisqu'au début de chaque chapitre est présenté une sorte de "liste des grands points" qui vont être abordés ensuite, certains passages sont en gras, d'autres plus centrés etc. ce qui contribue à une certaine légèreté dans l'écriture pour en fait relater des faits assez dramatiques.
La force de ce roman tient également au fait que l'auteur parvint à faire ressortir pour chaque personnage sa part d'humanité, de courage et de tendresse.
Et la narratrice, la Mort, apparaît comme un spectre apaisant, qui prend toujours soin des âmes qu'elle emporte avec elle et pose un regard empli de tendresse et de pitié sur toutes ces pauvres victimes de la Guerre.

La voleuse de livres est un roman bien écrit qui se lit avec facilité, c'une une histoire captivante et intéressante de part le sujet traité et la manière dont c'est raconté. Enfin, c'est un livre très émouvant qu'on est ravi d'avoir lu mais qu'on regrette une fois la dernière page tournée.


Quelques citations :

"[...]Et comme souvent, au moment où j'ai entamé mon voyage, une ombre s'est de nouveau esquissée, un moment d'éclipse final - la reconnaissance du départ d'une autre âme. Car malgré toutes les couleurs qui s'attachent à ce que je vois dans ce monde, il m'arrive souvent de percevoir une éclipse au moment où meurt un humain. J'en ai vu des millions. J'ai vu plus d'éclipses que je ne pourrais m'en souvenir." (p 18)

"[...] Au moment où j'allais glisser mes mains à travers les couvertures, j'ai senti un renouveau, une force contraire qui repoussait mon poids. Je me suis retirée. Avec tout le travail qui m'attendait, c'était bon d'être combattue dans cette petite pièce obscure. Je me suis même offert un petit moment de sérénité, les yeux clos, avant de sortir." (p. 310)

"Combien parmi eux avaien-ils activement persécuté d'autre personnes, enivrés par le regard d'Hitler, répétant ses phrases, ses paragraphes, son oeuvre? [...] J'aimerai beaucoup connaître la réponse à chacune de ces questions, même si je ne peux me prêter à ce jeu. Ce que je sais, c'est que ce soir-là, tous ces gens ont senti ma présence, à l'exception des plus jeunes? [...] Les Allemands terrés dans ce sous-sol étaient dignes de pitié, sans aucun doute, mais au moins ils avaient une chance. Ce sous-sol n'avait rien d'une salle d'eau. On ne les envoyait pas sous la douche. Pour eux, l'existence pouvait encore se poursuivre. " (p. 367)

" Parfois, ça me tue, la façon dont les gens meurent." (p. 450)

"Les bombes arrivèrent. Bientôt, les nuages s'embraseraient et les gouttes de pluie froide se changeraient en cendres. Des flocons brûlants arroseraient le sol." (p. 480)


mardi 18 novembre 2014

Interstellar : impressionnant voyage dans l'espace aux dimensions philosophique et métaphysique

Encore un film catastrophe américain doublé d'un film sur la conquête spatiale ? Encore un film à gros budget? Du déjà vu, certes. Mais Christopher Nolan (Inception, The Dark Knight... ) réalise avec Interstellar un film assez novateur en la matière puisqu'il donne une véritable place à la Science et à la recherche. De plus, c'est un film où les relations humaines sont une force, un moteur, notamment l'amour et la filiation. L'émotion est sans cesse présente, sans toutefois devenir mélodramatique.


L'histoire :

Dans un futur pas si lointain, l'avenir de la Terre semble de plus en plus compromis : tempêtes de poussière, pollution, maladies respiratoires, problèmes d'agriculture (seul le maïs pousse encore)... Bref l'Humanité court à sa perte avec ces catastrophes écologiques.
Cooper (interprété par Matthew McConaughey), ancien ingénieur en aérospatial reconverti par défaut dans l'agriculture, tente de faire vivre sa ferme avec ses deux enfants Murph', 10 ans, Tom, 15 ans, et son beau père. Passionné de sciences et d'astrophysique, il interprète, accompagné de sa fille, les signes susceptibles d'envisager un avenir meilleur.  Un jour, Cooper et Murph' tombe sur un campement secret de la Nasa.

Cooper et sa fille devant leur ferme

Ils découvrent que des scientifiques continuent d'explorer l'univers à la recherche d'une planète viable. S'il n'y en a pas dans notre système solaire, ces derniers ont remarqué un "trou" qui permettrait d'explorer d'autres galaxies. Cooper est alors sollicité pour piloter la navette spatiale et découvrir de nouvelles galaxies. Il accepte l'aventure et doit quitter ses enfants sans savoir s'il va les revoir un jour, puisque le temps est différent dans l'espace : quelques jours de voyage dans une autre galaxies équivalent à plusieurs dizaines d'années sur la Terre.


Le film est bien construit, bluffant de réalisme. La première partie nous plonge dans l'Amérique agricole, le tout est très plausible et on sent vraiment l'ambiance "fin du monde" dans ces grandes étendues où les cultures subissent toutes sortes de maladies, où l'air devient irrespirable. La dimension catastrophe est appuyée par des témoignages de personnes âgées, dans un futur pas si lointain, racontant les difficultés de la vie "d'avant" qui correspond en fait au début de l'histoire.
Ensuite, certaines scènes sont très émouvantes, notamment la scène de séparation entre Cooper et sa fille, avec qui il est très proche. On s'attache très vite aux personnages principaux, notamment à la fillette.

Murphy à 11 ans

Murphy adulte

Interstellar dure 2h50, il est donc difficile de tout analyser tellement il s'y passe de choses.
Le périple dans l'espace est palpitant, on est souvent accroché à son siège presque comme dans Gravity (sans l'effet 3D toutefois). Cooper et ses acolytes, dont deux robots intelligents (qui peuvent participer à une conversation et ont un pourcentage d''humour!) en voient de toutes les couleurs. Au tumulte des décollages du vaisseau spatial, succède le calme pesant et angoissant de l'espace infini. D'ailleurs, l'Espace et ses mystères sont bien décrits, expliqués et superbement réalisés, on est vite happé par ces domaines inconnus.
le vaisseau spatial Endurance

Alors bien sûr, c'est un blockbuster, mais c'est aussi un film qui pose des questions sur notre responsabilité vis à vis de l'avenir de notre planète ainsi que sur l'espace, tout en abordant des aspects philosophiques. Interstellar est bien construit, le spectateur est tenu en haleine, il y a beaucoup de surprises, d'émotion, et surtout, contrairement à Gravity, un scénario élaboré et bien ficelé qui s'appuie sur des faits scientifiques. Nolan s'autorise toutefois à imaginer la constitution d'un trou noir et nous offre une  scène incroyable aux dimensions métaphysiques qui constitue quelque part le noyau du film. De plus, on ne peut qu'admirer la prouesse technique pour nous faire ainsi voyager dans l'espace, le tout est d'un grand esthétisme.

Cooper et son accolyte Brand découvrent une nouvelle planète

Je reconnais que des choses m'échappent pour comprendre comment on aboutit au dénouement, qui arrive d'ailleurs un peu trop rapidement par rapport au reste du film. Mais je pense que Christopher Nolan nous invite à imaginer une science encore plus complexe que celle qui existe aujourd'hui, à nous laisser porter, à rêver également un peu.
Et, ça marche, puisqu'après être sorti de la salle, on garde la tête dans les étoiles encore un bon moment.