vendredi 29 novembre 2013

Mystères au bord du lac

Top of the Lake est la dernière mini-série diffusée récemment par ARTE, chaîne décidément innovante en matière de séries. Dans cette série de six épisodes réalisée par Jane Campion, l'atmosphère est à la fois sombre, étrange et poétique. L'histoire se passe en Nouvelle-Zélande, dans un lieu plutôt désertique entre lac et montagnes où la nature a une place à part entière. Les personnages ont tous des fêlures et semblent être arrivés dans ce coin pour fuir un monde dans lequel ils ne trouvaient pas leur place. Le temps semble s'y être arrêté et l'ambiance est assez mystérieuse.


Lors du premier épisode, on ne comprend pas grand chose, les plans, très beaux et poétiques, se succèdent sans qu'il n'y ait vraiment de liens entre eux et c'est au fur et à mesure, avec de nombreuses ellipses, que l'on se familiarise avec les personnages, le tout avec beaucoup de sobriété et de pudeur.

Trailer :


Top of the Lake a un coté mystique, très nature, où la part sombre et sauvage de chacun finit par ressurgir. 

L'histoire :
Une jeune policière, Robin, (interprétée par l'actrice de MadMen, Elisabeth Moss) visage pâle, voix grave, regard triste, retourne dans son village natal voir sa mère gravement malade.


Lors de son séjour, une jeune fille de 12 ans, Tui, est retrouvée dans l'eau du lac à moitié immergée. Il s'avère qu'elle est enceinte... Robin, dont la spécialité est d'enquêter sur les crimes impliquant des enfants, se voit chargée de l'enquête sous la direction d'un supérieur qui se montre plus qu'amical et aux méthodes douteuses.


Tout se complique quand la fillette en question disparaît sans avoir révélé le moindre indice sur l'identité du père de l'enfant qu'elle porte. Les soupçons se portent dès le début sur l'entourage de la fillette, une famille quelque peu marginale : Le père, Matt Mitcham est un trafiquant un brin sauvage, ses frères des abrutis...

En même temps, Robin renoue avec Johno, son amour de jeunesse, et ne sait plus trop où elle en est sentimentalement. Ce jeune homme apparaît au début comme un garçon introverti et isolé qu'on a du mal à cerner.


En parallèle à cette enquête, un groupe de femmes hippies s'est installé sur un terrain ayant appartenu à Matt Mitcham, un lieu nommé "Paradise" et vivent dans des contenairs. Leur meneuse, GJ, est une sorte de "gourou" qui leur apprend à revivre loin de leurs addictions de leur vie d'avant, de la violence d'un ex mari ou petit-ami. Cette femme censée les guider est complètement désabusée et cynique envers ces ouailles. C'est probablement le seul élément un peu déroutant : à quoi sert vraiment cette parodie de secte féministe? un refuge dans ce monde de violence? Une oasis au milieu du désert? Dans la série en tout cas c'est une note un peu légère qui permet de détendre l'atmosphère.


Au fur et à mesure de son avancée dans l'enquête sur la disparition de la fillette, Robin apparaît de plus en plus fragilisée, touchée personnellement par cette histoire. Surgissent alors de vieux démons, les drames qu'elle a vécu dans sa jeunesse.A chaque épisode, on en apprend davantage sur son passé. Cette enquête, c'est aussi une quête au fond d'elle même.


C'est une série captivante et originale avec une histoire très glauque, des personnages ambigus et de beaux paysages. De plus la réalisation est vraiment soignée et épurée.

Top of the Lake / série américano-australo-britannique créée et écrite par Jane Campion et Gerard Lee. - avec Elisabeth Moss, Holly Hunter, Peter Mullan

jeudi 21 novembre 2013

1h30 d'angoisse au coeur de l'espace !

Gravity

Décollage dans 5,4,3,2,1 .... c'est parti pour une immersion d'1h30 dans l'espace !!
Après en avoir beaucoup entendu parler, je me suis finalement lancée dans l'aventure spatiale du film d'Alfonso Cuarón. Attention, si vous allez voir Gravity, ne mangez pas trop avant, ça va secouer !


Le film est en 3D et pour une fois cela rend plutôt bien, on est vraiment immergé dans l'espace, les effets spéciaux sont spectaculaires, on se croirait réellement à des milliers de kilomètres de la Terre !
Le scénario est assez simple : le docteur Ryan Stone (Sandra Bullock) effectue sa première mission à bord d'une navette spatiale. Elle est accompagnée d'un groupe d'astronautes chevronnés dont Matt (Georges Clooney) qui  effectue lui sa dernière sortie dans l'espace et rêve de battre le record de l'homme resté le plus longtemps en apesanteur.
Le film commence par une magnifique vue de la Terre depuis l'espace, on entend des voix lointaines brisant le silence qui se rapprochent tout doucement. On voit alors Ryan en train de réparer un composant de la station spatiale. L'ambiance est détendue, un astronaute tente même d'effectuer la danse de la macarena dans l'espace et Matt fait des blagues... Tous sont accrochés à un câble à l'extérieur de la station.


Et puis soudain, la voix de la base de contrôle les alerte sur l'arrivée imminente de débris provenant de la destruction d'un satellite qui menace de rentrer en collision avec leur navette. On sent venir le drame. C'est alors que le câble de Ryan craque et qu'elle est expulsée dans l'Univers... S'en suit toute une série de catastrophes qui amèneront le docteur Ryan à se débrouiller seule face au néant, tout en voyant ses capacités en oxygène diminuer progressivement...


Bande-annonce :

C'est probablement un des films les plus angoissants que j'ai vu au cinéma : on s'identifie facilement à ces êtres seuls dans l'espace qui tentent de survivre face au vide de l'univers, voyant la Terre mais n'ayant plus aucun contact avec elle ! La 3D contribue certainement au sentiment d'angoisse qui nous envahit lorsque Ryan est balotée dans tous les sens au milieu de l'immensité de l'espace, lorsque les projectiles foncent droit sur elle (et donc sur nous aussi spectateurs!) et face aux scènes d'explosions très spectaculaires! J'étais agrippée à mon siège quasiment tout au long du film !


Ce film parvient à être captivant avec seulement deux personnages, peu de dialogues, un environnement à la fois vaste mais limité puisque peu de perspectives d'évolution. Pourtant on est tenu en haleine presque tout le temps.

Gravity est un film vraiment original, à la fois film d'auteur et blockbuster. Le film aborde aussi quelques questions métaphysiques : pourquoi Ryan se réfugie t'elle dans l'espace? C'est finalement à des milliers de kilomètres de sa planète qu'elle parviendra à faire la paix avec elle-même.

Dans l'ensemble, j'ai été bluffée malgré la fin quelque peu hollywoodienne.

Gravity / Réalisé par Alfonso Cuaron, avec Sandra Bullock et Georges Clooney. - Warner Bros, 2013

Et un petit Bonus : le fils du réalisateur de Gravity, Jonás Cuarón, a réalisé un court-métrage de 7 minutes sur Aningaaq, le correspondant mystère de Ryan vers la fin du film. Un très beau petit film, plein de poésie!
A visionner ici :



mardi 19 novembre 2013

Musique folk et mélancolie dans le dernier film des frères Coen

Ça devient une habitude, chaque année on attend le film des frères Coen ! Cette fois, pas de thriller ou de film noir. Inside Llewyn Davis n'est pas vraiment un film à rebondissements.


C'est un film d'introspection sur un musicien maudit en quête de reconnaissance. La réalisation est à la fois sobre et soignée, les personnages attachants et énervants, comme savent si bien les dépeindre les deux réalisateurs américains.

Bande-annonce :

L'histoire :
A New-York en 1961, Llewyn Davis est un guitariste et chanteur folk qui joue dans des bars pour gagner sa vie. Il n'a pas de logement et dort sur le canapé de connaissances qui veulent bien l'héberger. Parmi ses amis, un couple, Jim (interprété par Justin Timberlake) et Jean, eux aussi musiciens folk. Et Jean lui en veut à mort tout en lui prêtant son canapé. On comprendra plus tard pourquoi.


Le rythme du film est très lent, on découvre au fur et à mesure le passé et les blessures de Llewyn : un ami perdu, des amours déchues, les rapports compliqués avec sa famille. Et surtout sa vision élitiste et idéale du métier de musicien. En effet, on lui propose de l'argent s'il accepte de se plier aux volontés d'un producteur et de se mettre en retrait au sein d'un groupe. Il refuse de se soumettre à toute déformation de son oeuvre au point de se retrouver dans la misère la plus totale. Un musicien intègre et exigeant, déçu et blasé, qui ne se voit pas d'avenir sans reconnaissance de sa musique. A un moment dans le film, il dit d'ailleurs à sa soeur qu'il ne veut pas se contenter d'"exister" comme son père. Il ne vit que pour la musique, n'arrive pas à s'imaginer un futur autrement.


Mais rien ne semble lui réussir, chaque lueur d'espoir finit par s'éteindre. Comme lorsqu'il entreprend un périple en voiture pour Chicago sous la neige en compagnie d'un marginal quasi muet et d'un vieil obèse méprisant et malade (mais tout de même très drôle) afin de se rendre dans une célèbre maison de disques.


Ce périple en voiture est d'ailleurs assez long, on croit vraiment à un changement à venir mais tout cela se soldera là aussi par un échec.
Bref, il tourne en rond, comme le démontre assez bien la construction du film (que l'on comprend à la fin), soigneusement réalisée par les frères Coen pour coller parfaitement à l'histoire.


C'est un film sur l'histoire de la musique folk des années 60 où transperce une grande poésie et beaucoup de sensibilité. Le film s'ouvre sur Llewyn en train de jouer dans un café concert : une voix magnifique, une musique émouvante. Il dira de la sa musique : "pas toute jeune et pas une ride, c'est ça la folk!"
Certaines scènes sont drôles, notamment celles avec le chat que Llewyn se sent obligé de trimbaler partout avec lui dans la première partie du film, ou celles avec des personnages secondaires atypiques.


Toutefois, il ressent de ce film une grande mélancolie. Tous les personnages ont comme un voile de tristesse dans le regard, comme s'ils avaient tous renoncé à leurs rêves.

D'un point de vue général, j'ai trouvé que ce film manquait d'élan, on s'attend toujours à un rebondissement, qui au final n'arrive pas. Il en ressort un certain ennui, une lassitude. Mais je pense que c'est l'effet escompté puisque face à ce portrait d'une vie gâchée je suis sortie moi aussi pleine de mélancolie. Et on ne peut nier la parfaite réalisation des frères Coen et le formidable jeu d'acteur d'Oscar Isaac et des interprètes tous les personnages secondaires !

Ce film a reçu le Grand Prix lors du festival de Canne 2013.

Inside Llewyn Davis / réalisé par Ethan et Joel Coen, avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake... 2013

vendredi 15 novembre 2013

Un drôle de roman au style particulier : La première chose qu'on regarde

La première chose qu'on regarde / Grégoire Delacourt

Ecrit par l'auteur de la Liste de mes envies (édition JC Lattlès en 2012), ce nouveau roman de Grégoire Delacourt paru en 2013 raconte l'histoire d'une jeune femme, Jeanine, que l'on confond systématiquement avec Scarlett Johannson au point que cela gâche sa vie. Elle débarque un jour chez un jeune garagiste de 20 ans, Arthur, qui vit à Long, petite ville de la Somme. Ce dernier n'en revient pas, lui qui n'a jamais eu vraiment de copine et pour qui les femmes semblent encore inaccessibles.
A partir d'un quiproquo, tous deux vont apprendre à se connaitre, à s'aimer, à faire des projets ensemble. Mais Arthur est-il amoureux de Jeanine ou de Scarlett Johannson ?


Ce livre est un peu étrange, il est écrit comme un conte de fée moderne, avec sa part de clichés (le prénom Jeanine, le jeune garagiste fauché et un peu plouc, d'autres personnages assez caricaturaux), mais contrairement aux contes de fée, n'a pas de happy end, et ceci est annoncé dès les premières pages du livre. C'est ce qui entretient l'intrigue également, on se demande ce qui va bien pouvoir se passer.

J'avoue avoir hésité à continuer après les premières pages. Le livre commence d'ailleurs avec cette phrase : "Arthur Dreyfus aimait les gros seins" et s'en suit tout un chapitre sur les fantasmes liées aux poitrines féminines qu'a eut Arthur dans son adolescence... Le ton se veut décalé, comme si l'auteur racontait ici une fable. Même les évènements dramatiques sont racontés sur un ton léger, comme lorsqu'il évoque le décès tragique de la petite soeur d'Arthur... C'est assez déroutant.
Mais au fur et à mesure que l'on avance dans le récit, lorsque Scarlett devient Jeanine aux yeux d'Arthur, on sent que celui-ci grandit et prend conscience des drames de sa vie. C'est l'histoire de deux jeunes gens qui peinent à grandir, à se faire une place dans la société, à réaliser leurs rêves, pourtant simples. Tous deux ont des blessures qui ont du mal à cicatriser, et c'est ce qui va les rapprocher. C'est un livre sur les apparences, souvent trompeuses, mais qui ont une place déterminante dans notre société moderne. C'est une belle histoire d'amour aussi.

L'écriture est fluide, les phrases par moment très courtes, percutantes et d'autres très longues, descriptives. Les dialogues des deux protagonistes se mêlent à la narration, sans distinction de forme. Le ton est par moment léger mais beaucoup plus grave vers la fin. L'auteur se permet régulièrement des digressions documentaires nous livrant des informations précises sur la vie de Scarlett Johansson ou sur la petite ville de Long, dans la Somme, et nous décrit avec grande précision certaines scènes ! C'est d'ailleurs dès fois un peu lourd...

C'est donc un roman à prendre au second (voir au troisième) degré. L'auteur en fait un peu trop avec son style d'écriture qui se veut original, mais qui est souvent pesant. J'ai tout de même bien aimé le petit coté poétique et la grande sensibilité qui  ressort des deux personnages principaux.
Quelques citations:

"C'était un marivaudage adolescent, charmant, patient ; ce moment d'avant où tout est possible ; ces mots posés là, dans le désordre, avant l'écriture" p. 107

"En ce dernier jour de leur vie ensemble, qui fut aussi véritablement le premier, Arthur Dreyfuss découvrit l'une des formes les plus simples et les plus pures du bonheur : être profondément et sans explication heureux en compagnie de quelqu'un d'autre." p.184

"L'amour est le seul moyen de ne pas devenir assassin". p192