jeudi 27 mars 2014

Crime et suspicion au bord des falaises anglaises

Peut-être avez-vous suivi Broadchurch, la dernière série diffusée par France 2 il y a quelques semaines ? Dans le sillon des bonnes séries proposées par ARTE ces derniers mois, il s'agit d'une série britannique différente des séries policières habituelles, que ce soit par le rythme, le décors, les personnages...


L'enquête se passe en Angleterre, dans une petite ville plutôt paisible en bord de mer où tout le monde semble se connaitre. Un décors sauvage, de beaux paysages bordés de falaises, la mer... Un cadre déjà propice au mystère.
Lorsque le sergent Ellie Miller revient de congé maternité, elle s'attend à être promue inspectrice. Quelle n'est pas sa surprise quand elle apprend que ce poste a été donné à un flic étranger à la région, Alec Hardy (interprété par David Tennant), au caractère plutôt asocial et antipathique.

Les deux enquêteurs

C'est alors qu'un petit garçon disparaît, on suit l'inquiétude grandissante de la famille. Son corps est ensuite retrouvé quelques heures plus tard sur la plage et on adopte alors le point de vue de la police. Les deux enquêteurs doivent apprendre à travailler ensemble pour résoudre cette enquête. La vie de la famille Latimer, qui semblait jusque là paisible et heureuse, vole en éclats, ainsi que celle de tous les habitants de cette petite ville où la suspiçion est grandissante. Ellie se sent très concernée par ce drame car le garçon disparu est un copain de son fils et elle connait très bien sa famille. Si elle a beaucoup de mal à soupçonner les proches du garçon défunt qui sont aussi ses amis, l'inspecteur Alec va lui apprendre à rester objective et méfiante en toute circonstance.

Teaser :

Au cours des épisodes de la saison 1, on suit plusieurs personnages de l'entourage du garçon : ses parents, sa soeur, le vieux marchand de journaux pour qui il travaillait de temps en temps, un collègue de travail du papa un peu borderline, une femme étrange qui vit dans un mobile-home, etc. On découvre au fur et à mesure que tous ont un secret bien gardé.

Le sergent Ellie Miller et sa famille

A l'enquête de police se mèle rapidement la presse locale avec un jeune journaliste ambitieux -qui s'avère aussi  être le neveux de l'enquêtrice- et une journaliste venue de la ville, qui semble connaitre une partie  du passé de l'inspecteur Alec.

Les deux journalistes

L'ambiance de la série nous rappelle celle de la superbe série australienne diffusée il y a quelques mois, Top of the Lake : atmosphère très sombre, beaucoup de secrets, un rythme plutôt lent, un cadre à la fois sauvage et intimiste, une communauté perturbée par un crime horrible, une enquêtrice impliquée...

Les personnages sont entiers, présentés avec leurs qualités et leurs failles et deviennent de plus en plus ambigus au fil des épisodes. Certains sont assez attachants d'autres plutôt effrayants. L'enquêtrice Ellie est pleine d'empathie pour la famille de la victime, elle est aussi une mère et une épouse, loin d'être une top modèle, elle ressemble à madame tout le monde. La maman du garçon décédé est une figure fragile à laquelle on ne peut que s'identifier, on partage son stress lors de la disparition de son fils et sa douleur lorsqu'elle apprend sa mort.


L'inspecteur Harry, avec sa part de mystère et son caractère étrange apparaît comme un être déchiré "en pénitence" comme il le dit lui même vers l'épisode 4. On apprend assez vite qu'il fuit quelque chose de son passé en venant se terrer dans cette petite ville.


Toutefois, contrairement à Top of the Lake, je trouve que les soupçons passent un peu trop rapidement d'une personne à l'autre et qu'il y a beaucoup de rebondissements, au point d'en perdre en crédibilité. Les ficelles sont des fois un peu grosses et les traits de caractères des personnages légèrement exagérés.

Parmi les suspects, un vieil homme au passé trouble, Suzan, une dame renfermée qui peut se montrer menaçante, une réceptionniste d’hôtel sexy, un jeune prêtre qui a des insomnies... autant de personnages secondaires qui attirent les soupçons des deux enquêteurs, en plus de ceux portés sur l'entourage proche du garçon. On est témoin du pouvoir des médias, de la suspicion ambiante qui gagne la ville.

Suzan

Le prêtre

Jack le vendeur de journaux

La réalisation et les cadrages impeccables contribuent à rendre cette série captivante avec, par exemple, des ralentis qui suivent l'un ou l'autre personnage, la caméra passant lentement sur leurs visages, ou encore des effets floutés lors de scènes riches en émotion. La musique est bien choisie : oppressante par moment, mystérieuse à d'autres. 

Dans l'ensemble, c'est une série touchante et prenante, même si certains épisodes m'ont semblé un peu tirés en longueur (A chaque épisode un nouveau suspect, un autre secret découvert, une nouvelle fausse piste...). 

Initialement, la série ne devait se contenter que d'une seule saison, mais face au succès qu'elle a rencontré sur les écrans britanniques puis français, une saison 2 est en préparation.

dimanche 9 mars 2014

Péripéties burlesques au Grand Budapest Hotel

Wes Anderson nous offre une nouvelle plongée dans son monde burlesque et poétique, après le superbe Moonrise Kingdom sorti en 2012.
The Grand Budapest Hotel, c'est l'histoire d'un grand hôtel situé dans une montagne du "Zubrowka" (pays imaginaire de langue germanique situé plutôt à l'Est) et de son personnel atypique.


Le film commence par une fille lisant un livre dans un parc, livre écrit par un vieil homme, qui fut client de l’hôtel quelques années plus tôt et rencontra le propriétaire des lieux qui lui raconta comment il en arriva là. Dans les années 80, l’hôtel à la décoration kitche héberge quelques rares clients aux allures fantomatiques et semble sur le déclin. Mais le récit du propriétaire des lieux fait revivre l’hôtel à ses heures de gloire, entre les deux-guerres.

Après 15 minutes d'introduction quelques peu difficiles à suivre en raison de cette narration "gigogne" mélangeant narrateurs et époques ainsi que des nombreux flasch-back, on finit par se laisser entraîner au cœur de l'histoire de cet établissement, lorsque c'était un lieu plein de vie durant les années 1930.

Bande-annonce :

Résumé :

C'est l'histoire de Gustave (interprété par Ralph Fiennes), concierge de l'établissement et de son lobby boy, Zéro Mustapha, qu'il prendra sous son aile, prémices d'une longue relation de confiance et d'amitié ainsi que d'une grande aventure. Gustave est un dandy aux bonnes manières qui prend très à coeur son rôle de gardien de cette institution.



Gustave, le concierge

Il apprécie la compagnie des femmes mûres, voir âgées qui le lui rendent bien. Lorsqu'une de ses fidèles clientes et amantes décède brutalement, il décide d'aller lui rendre un dernier hommage et se retrouve mêlé à des histoires d'héritage aux conséquences imprévues, entraînant méprise judiciaire, prison, course-poursuite avec un psychopathe, etc. Le tout sur fond de montée du fascisme. C'est ainsi que Zéro, son fidèle serviteur, se retrouve au milieu de toute cette aventure et tombera amoureux d'une jeune pâtissière.

Mustapha Zéro, le lobby-boy

Madame D.

Mais le scénario ne serait rien sans la parfaite réalisation de Wes Anderson qui, comme d'habitude, parvint à teinter son film d'un voile de poésie, d'un décalage burlesque, grâce notamment à ses personnages exceptionnels. On retrouve ainsi son univers si particulier, qui se situe quelque part entre film, théâtre et conte. Il a l'art de parvenir à mettre judicieusement en avant des scénarios alambiqués, d'aborder des sujets graves de manière décalée, voire drôle (l'immigration, les meurtres, le nazisme...)

M. Gustave, Zéro, Madame D et le garçon d'ascenseur.

C'est un film très esthétique, un soin particulier ayant été apporté aux décors, souvent somptueux. De plus, dans les films de Wes Anderson, chaque détail a sa place et une signification particulière. Tout est stylisé, avec souvent un coté rétro. Les personnages sont tous atypiques, hauts en couleurs, mais sans être stéréotypés, ils ont vraiment des tronches particulières! Il faut souligner les jeux d'acteurs exceptionnels et  les nombreux seconds rôles remarquables (Jude Law, Mathieu Almaric et quelques uns de ses acteurs fétiches comme Bill Muray , Adrien Brody et William Dafoe...)

Mustapha Zero et Agatha sa fiancée

Il est assez difficile de résumer ou de parler de ce film tellement il est original, de par sa construction et par l'ambiance générale qui s'en dégage.
Malgré quelques difficultés à entrer dans le film au début, on finit par être entraîné dans cette course-poursuite à la fois burlesque et dramatique et on ne peut qu'être admiratif du soin apporté à la réalisation.

The Grand Budapest Hotel / réalisé par Wes Anderson, avec Ralph Fiennes, Tony Revolori, F. Murray Abraham, Mathieu Amalric, Adrien Brody, Willem Dafoe. Sortie le 26 février 2014