vendredi 25 août 2017

Un film sur des vaches, passionnant ? Oui, c'est possible, avec "Petit Paysan"

Voici un petit film français sensible et émouvant que j'ai eu la chance de découvrir lors d'une avant-première, en présence du réalisateur Hubert Charuel et de l'acteur principal Swann Arlaud. J'avoue que je ne serai peut-être pas allée voir ce film spontanément, aussi je suis contente d'avoir gagné des places pour cette soirée. Petit Paysan est vraiment un beau film, à la fois juste et bouleversant, sur le monde agricole et en particulier ici sur l'élevage de vaches laitières en France aujourd'hui.


Un jeune éleveur laitier passionné doit faire face à une crise sanitaire

Pierre est un trentenaire célibataire qui se démène pour faire fonctionner au mieux l'exploitation familiale. Il s'occupe seul de trente vaches laitières faisant la traite à la main deux fois par jour, leur donnant à manger, leur apportant les soins, etc. Il est toujours à l'écoute de son "babyphone" placé dans l'étable, guettant le moindre son anormal émanant de ses vaches, se tenant prêt par exemple à aider une vache à vêler au milieu de la nuit. C'est un éleveur "à l'ancienne" qui parle à ses bêtes, les appelle par leurs noms, les caresse. On sent une véritable connexion entre lui et ses vaches. Il en est tellement proche qu'il en rêve la nuit, en témoigne la première scène du film !


Adepte des méthodes à l'ancienne, il a certes plus de travail mais c'est ce qui fait qu'il est premier au classement départemental dans la catégorie "qualité".
Complètement absorbé par ses tâches, Pierre n'a pas vraiment de vie sociale, pas de vie amoureuse et vit encore avec ses parents à 35 ans. Il se lève chaque matin avec la crainte que ses vaches attrapent le fameux virus qui a déjà sévit en Belgique et suite auquel des troupeaux entiers ont été abattus par souci de précaution ! Sa soeur, vétérinaire, a beau le rassurer à ce sujet, il devient complètement parano. Et quand son cauchemar finit par se réaliser, il est prêt à tout pour sauver son troupeau...

Bande annonce :

Un mélange de genres réussi

Petit Paysan pourrait être un simple film du terroir mais, grâce à la qualité de l'interprétation de ce "petit paysan" et à la puissance narrative du film, il devient vite passionnant au point de devenir une sorte de thriller. En effet, certains moments de tension sont vraiment forts et accompagnés d'une musique oppressante, nous tenant ainsi en haleine.
Mais, à d'autres moments, le film se veut tendre et drôle, notamment grâce à un comique de situation et de gestuelle, qui atténue l'aspect dramatique du film. Enfin, la manière quasi documentaire et très réaliste de filmer les scènes à la ferme en fait un film fort, poignant. On y voit certaines scènes de la vie de fermier peu reluisantes comme lorsque Pierre aide une vache à mettre bas, les mains dans la m**** ou lorsque des bêtes sont en train d'agoniser et qu'il doit prendre une décision.
Ce mélange des genres savamment dosé fait de Petit Paysan un film sobre, poignant et réussi. En effet, qui aurait pu croire qu'un film sur des vaches soit aussi prenant?


Un film personnel et familial

Le jeune réalisateur signe un premier film personnel, sensible, captivant et donc pleinement réussi. Lui même fils d'éleveurs de vaches laitières, il a tourné le film dans la ferme de ses parents qui n'est à présent plus en activité mais qui a été réhabilitée pour l'occasion. En effet, trente vaches ont été amenées exprès pour le tournage ! Il a fallut attendre qu'elles s'habituent à leur nouvelle étable puis, progressivement, à l'équipe du film avant de tourner certaines scènes. Le tournage s'est ainsi fait en fonction du rythme des traites des vaches !
Le réalisateur a par ailleurs fait jouer plusieurs membres de sa famille dans des petits rôles : son père, sa mère qui joue la contrôleuse du lait, son grand-père qui joue un voisin à moitié sénile, son cousin un ami agriculteur.... C'est donc un film familial auquel se mêlent quelques acteurs professionnels comme Swann Arlaud et Sarah Giraudeau qui ont dû s'adapter au rythme des vaches.
Swann Arlaud qui habite vraiment son rôle de jeune paysan débordé mais passionné, a d'ailleurs reconnu s'être vite senti à l'aise au milieu des vaches. Le réalisateur a confirmé que ce dernier s'est vraiment impliqué dans son rôle et, effectivement, ça se ressent tout au long du film.
Quand on sait tout ça, appris grâce à la rencontre avec l'équipe du film à l'issue de la projection, cela en fait un film d'autant plus touchant !


Une réflexion sur le monde agricole

Ensuite, ce qui est intéressant dans ce film, c'est que chaque personnage secondaire a son importance et représente un point de vue sur l'agriculture, une influence, voir une crainte. Par exemple, cet ami de Pierre qui, contrairement à lui, exploite une grosse ferme industrielle et pour qui les vaches ne sont plus que des numéros, la contrôleuse du lait dont dépend finalement la survie de la ferme, ou la soeur de Pierre, vétérinaire, qui représente ici une forme d'autorité morale mais qui est partagée entre l'empathie qu'elle a pour son frère et son rôle de régulation, ou encore les autorités sanitaires qui apparaissent ici comme froides et insensibles.

Petit Paysan invite à une réflexion sur le monde agricole, montrant la vulnérabilité des exploitations qui peuvent sombrer à tout moment, du fait d'une maladie, d'une erreur de gestion, etc. Le film met en lumière le travail difficile des agriculteurs, soumis à des règles rigoureuses et à un stress permanent, devant faire face à des institutions froides et détachées. De plus, ils sont souvent assez seuls et sont victimes de préjugés. Enfin, ce long-métrage nous fait aussi nous interroger sur nos modes de consommation (ici par rapport au lait) ainsi que sur le bien-être animal.
Le film montre tout cela sans pour autant porter de jugement.

Petit Paysan / film français de Hubert Charuel, avec Swann Arlaud, Sarah Giraudeau... Sortie le 30 août 2017.
Vue en avant-première le 21 août.

mercredi 23 août 2017

Découverte des mystères du Vodou à la lumière des lampes torches

Saviez-vous que c'est à Strasbourg que se trouve la plus importante collection au monde d'objets vodou de l'Afrique de l'Ouest  ?

C'est dans un magnifique château d'eau de style néo-roman datant de 1878, qui servait à l'époque à alimenter les locomotives à vapeur, que sont exposés dorénavant des centaines d'objets ayant servi à des pratiques religieuses en Afrique. Le bâtiment est d'ailleurs classé à l'inventaire des Monuments Historiques.


Un musée privé récent

L'ensemble des objets vodou présentés ici proviennent de la collection privée de Marc Arbogast, ancien patron des brasseries Fischer, qui tomba amoureux de l'Afrique dans les années 70 et ne cessa d'y retourner par la suite. (Pour en savoir plus)
J'appréhendais un peu le coté "post-colonialiste" d'un tel musée craignant l'exposition de "trophées" pillés aux peuples autochtones. Mais, dès le début de la visite, on est rassuré : la plupart de ces objets n'étaient plus utilisés pour la pratique du Vodou faute de conversion au christianisme ou alors les objets étaient déchargés de leurs pouvoirs et à l'abandon. Et la mise en valeur des collections est respectueuse des rites pour lesquels ont servi ces objets. La scénographie a par ailleurs été réalisée par la même personne qui a fait celle du musée du Quai Branly.


Le musée a ouvert en 2013 mais je n'y étais jamais encore allée. Comme il s'agit d'un musée privé, l'entrée y est plus chère (14 €) mais la perspective d'une visite guidée à la lampe torche me semblait une bonne occasion pour découvrir ce lieu original.

Le vodou, entre croyances, philosophie et magie noire

Le vodou (ou vaudou) est un ensemble de rites, de croyances ainsi qu'une philosophie de vie que pratiquent certains peuples d'Afrique, d'Haiti et du Brésil. Personnellement je connaissais surtout le vodou haïtien, rendu populaire dans la littérature et au cinéma. (Exemple, dans le magnifique livre de Laurent Gaudé "Danser les ombres" )

carte extraite du site Internet du musée

Mais ce musée est axé uniquement sur les rites vodous de l'Afrique de l'Ouest, en particulier ceux du Bénin, du Togo, du Ghana et du Nigéria. Pour en savoir plus, le site du musée regorge d'informations concernant la géographie, l'ethnographie et la pratique de ces rites.
On peut notamment y lire ce qui semble être la finalité des rites Vodou :
"la complexité et la diversité des rites et des cultes vodou en Afrique tendent cependant dans leurs différentes cosmogonies, au même objectif : Aider les humains et donner un sens à leur vie, préparer leurs passages vers le pays des morts, en intégrant cette existence dans un cosmos peuplé d’ancêtres et de dieux dont les pouvoirs peuvent être aussi utiles que redoutés." Je trouve que cette phrase résume bien, à elle seule, la philosophie Vodou.

Le vodou, c'est un ensemble de croyances, de superstitions, une philosophie, un mode de vie. Mais le vodou c'est aussi beaucoup de mystères, de l'ésotérisme, une part d'inquiétude et un coté "magie noire" un peu inquiétant.


Une visite originale, à la lumière des lampes torches

Le musée organise régulièrement des visites guidées de ses collections, la journée, pour petits et grands, mais aussi la nuit. C'est ainsi que je suis tombée sur cette visite à la lampe torche, le vendredi soir, à 21 h et 22h.
Nous avons eu la chance d'avoir un super guide : un béninois, strasbourgeois d'adoption, complètement immergé dans la culture vodou puisque lui même est pratiquant. Très sympa, il a rendu cette visite passionnante en racontant plusieurs anecdotes personnelles.


La visite commence dans le hall d'entrée, à la lumière, où une présentation du lieu nous est faite : présentation du bâtiment, histoire du lieu puis présentation générale du vodou. Après distribution des lampes torches, nous montons ensuite vers le premier étage. Les collections sont réparties sur les trois étages du château d'eau.

Photo du hall d'accueil

Photo du hall d'accueil

Comme il s'agissait d'une visite guidée thématique qui devait durer une heure, seule une partie des objets ont été présentés. Pour profiter davantage des collections et pour lire toutes les explications, il faudra revenir faire une visite classique du musée en journée!

A la découverte des pouvoirs des objets Vodou

Notre guide nous a présenté de nombreux objets nous expliquant leur symbolique, leur "pouvoir", comment, pourquoi et par qui ils sont réalisés et quelles étaient leurs finalités.
Dans le vaudou, les vivants ne s'adressent pas directement aux Dieux mais passent par des intermédiaires, par le biais des ancêtres décédés et par des "messagers".

La visite commence par la présentation de "Legba", un esprit vaudou représenté généralement sous la forme d'un chien. Il sert d'intermédiaire, de médiateur, entre le monde des vivants et celui des divinités. C'est l'esprit des "croisements". Au Bénin, on trouve une statue Legba sur chaque place, à chaque croisement de rue pour assurer la protection des habitants.

"Legba" photo extraite du site Internet du musée

On déambule ensuite dans les trois étages du musée, toujours dans l'obscurité, à la lumière de nos lampes torches. Les statuettes et étranges figurines on un air mystique, leur coté magique ressort davantage. Notre guide fait des focus sur les principales figures du culte Vodou, nous expliquant les rites réalisés lors des naissances, des mariages ou de la mort.


Dans le Vodou, la mort n'est pas vu comme une fin en soi puisque les adeptes croient en la réincarnation des âmes. Ainsi, si une naissance a lieu peu de temps après le décès d'une personne dans un village, les habitants pensent que l'esprit du défunt habite le corps du nouveau-né.
Les adeptes du vodou croient aussi aux revenants, quand un esprit n'est pas apaisé, il revient se manifester auprès des vivants, sous la forme de l'esprit Ergungun.


Derrière chaque objet, il y a un rite qui le rend "vivant" qui lui donne son "pouvoir". Qu'il s'agisse de communiquer avec les défunts, de ne pas offusquer les morts, de rendre un mari fidèle, de porter chance, etc.  Mais certains rites se portent aussi "contre" quelqu'un ou quelque chose, c'est le coté "magie noire" un peu effrayant du vodou. D'autant plus que le rituel qui accompagne la réalisation de tous ces objets demande souvent un sacrifice animal (généralement un poulet).


Voici pour finir, quelques photos en vrac prises lors de cette visite à la lampe torche !






Pour finir la visite, le guide a effectué un rite de demande de protection sur le seul objet vodou encore "actif" dans le musée, figurant dans le hall d'entrée et qui a pour "pouvoir" d'assurer le succès matériel et financier. Mais je ne vous en dit pas plus, pour en savoir plus sur ce rite, il ne vous reste plus qu'à faire une visite guidée du musée!

Totem Vodou actif, dans le hall d'entrée du musée

J'ai beaucoup aimé cette visite à la lampe torche du Château Vodou.  Le lieu, les collections et la symbolique qui en émane, ce coté mystique, divin se prêtent merveilleusement bien à ce type de visite dans le noir. On se promène au milieu de tous ces objets qui étaient chargés de magie, on voit leurs ombres dès fois effrayantes s'agrandir sur les murs, on se plonge dans un système de croyances, de mystère, si loin de notre mode de vie occidental... Ça a quelque chose de vraiment fascinant et dès fois, il faut bien l'avouer, un peu effrayant !


De plus, notre guide était passionné et passionnant ce qui a contribué à la réussite de cette visite. J'étais toutefois étonnée de l'affluence car, nous étions une bonne vingtaine, ce qui m'a semblé un peu trop pour une visite intimiste "dans le noir", bien que tout le monde se soit montré calme et attentif, mais pour suivre les explications du guide devant certaines pièces on était dès fois un peu à l'étroit.
Enfin, la visite guidée met en lumière (c'est le cas de le dire :-) ) seulement certaines pièces de la collection. Pour une visite plus approfondie, pour tout voir et tout lire, il faudra revenir visiter ce musée en journée !

Château Musée Vodou de Strasbourg. Visite nocturne à la lampe torche vendredi 18 août 2017.
Ouverture habituelle du mercredi au dimanche de 14h à 18h.
Entrée 14 €.
Pour connaitre les dates des visites nocturnes, consultez la page Facebook du musée

samedi 12 août 2017

Emotion, suspens et mélancolie dans "La ballade de l'enfant gris", quand un médecin voit sa vie bouleversée par sa rencontre avec un enfant

Vous avez peut-être entendu parler de ce livre, La ballade de l'enfant gris, écrit par un jeune médecin, également blogueur et écrivain. Baptiste Beaulieu (pseudonyme) livre ici un magnifique roman empli de tendresse, de mélancolie et plein d'humanité. Je reconnais que j'avais quelques préjugés concernant ce livre : un jeune médecin qui va nous décrire l'envers du décors des hôpitaux, c'est du déjà vu. Et puis tout ce battage médiatique autour de ce roman, généralement ça me fait plus fuir qu'autre chose. Mais je me trompais !! 
La ballade de l'enfant gris est un superbe roman, sensible, drôle, émouvant, juste. Une merveille littéraire que je recommande !


 "La déchirure" entre un interne et un petit garçon

Jo' est un jeune médecin, interne dans un service de pédiatrie. Doué, bienveillant et sociable, proche de sa famille et en couple, tout semble rouler pour lui. Jusqu'à sa rencontre avec No, un petit garçon malade dont il a la charge. No est un enfant au teint gris, souffrant d'une grave maladie du sang. Jo se prend d'affection pour ce petit garçon qui se sent souvent seul et triste car sa maman ne vient pas souvent le voir. Il essaie de lui changer les idées en lui faisant faire des bêtises, en le faisant rire, lui racontant des histoires, lui donnant de l'espoir, en le faisant rêver.
Mais on sait dès le début que ça ne suffira pas. Il y a un "avant" et un "après" ce que Jo' appelle "La déchirure". D'ailleurs, les chapitres s'alternent en retraçant la vie de Jo "avant la déchirure" puis "après la déchirure". "Avant", c'est un compte à rebours racontant la complicité entre Jo et No, l'attente des visites de sa mère, les questions et rancœurs vis à vis d'elle, tout en suivant l'évolution de la vie personnelle de Jo. "Après", c'est le récit de Jo, hanté par le fantôme de No qui le suit partout, chez lui, sous la douche, dans la rue... L'enfant est toujours avec lui, au point de nuire à sa vie sociale et affective. Il décide alors de "rendre" le fantôme de No à sa maman, Maria qui a subitement disparu au moment de la "déchirure". 

A la recherche de la mère de l'enfant

Jo se lance alors dans une sorte d'enquête sur les traces de cette femme mystérieuse qui le mènera de Paris à Jérusalem, en passant par Rome...
Durant cette quête, le narrateur va rencontrer des personnages hauts en couleur : Mme Crinchon l'infirmière au verbe haut et aux insultes métaphoriques, deux vieilles femmes italiennes originales surnommées par le narrateur Glaucome et Catharate, des amies de Maria, des jeunes gens plein de vie dans une Jérusalem déchirée par les religions, etc. D'ailleurs, la vie dans ces villes est très bien racontée, on s'y croirait presque.
Au cours de son voyage, il constatera quelques similitudes entre ce qui lui arrive et ce qu'a vécu Maria quelques temps plus tôt. Ce voyage sur l'origine de l'enfant ne deviendrait t'il pas aussi pour Jo un voyage sur la quête de Soi?

Une écriture juste, bouleversante et une intrigue captivante

On est vraiment captivé par ce roman qui nous tient en haleine du début à la fin. Bien qu'on connaisse le triste dénouement dès les premières pages, on veut savoir pourquoi la mère de l'enfant ne venait pas plus souvent, pourquoi elle a disparu et si Jo' va réussir à se défaire de ses fantômes, au sens propre comme au figuré. J'ai vraiment eu du mal à faire des pauses dans ma lecture, tenue en haleine par l'histoire mais également par la qualité de l'écriture.

Car ce roman est très bien écrit, avec justesse, pudeur et non sans humour par moment. (Voir quelques citations tout en bas) Une écriture tantôt lyrique et poétique, tantôt cynique mais souvent mélancolique et onirique. Le rêve comme échappatoire d'une réalité trop sordide... Les drames ne sont jamais relatés explicitement mais on les devine toujours entre les lignes, dans les "silences" de la narration, derrière de jolies métaphores, derrière les comportements étranges des personnages, ce qui ne les rend pas moins cruels et tristes. 

Un roman engagé contre les préjugés

C'est également un récit engagé car l'auteur met en avant le courage féminin, l'exigence qui est demandée aux femmes, leur peur de ne pas être à la hauteur, les discriminations et violences dont elles sont victimes. Il y dénonce aussi l'obscurantisme et les diktats religieux. C'est également un beau livre sur les préjugés, prouvant qu'on ne connait jamais vraiment les gens, on ne sait pas ce qu'ils vivent ou ce qu'ils ont vécu et il est souvent difficile de juger des actes de quelqu'un sans avoir tout le contexte.
Et, bien évidement, c'est une histoire qui aborde les thèmes difficiles de la maladie, la souffrance, la mort et le deuil. L'auteur met aussi en avant, mais sobrement, le courage des médecins, qui, en plus de soigner les blessures physiques peuvent également soigner l'âme.

Le récit est construit comme un puzzle, tous les personnages, les indices, les pensées de Jo et de Maria s'emboîtent parfaitement pour aboutir à une histoire magnifique et surprenante. A la fin, j'avais juste envie de relire le livre, pour en avoir une nouvelle interprétation, certains détails, qui me semblaient anodins, prendraient alors toute leur importance. J'aime beaucoup avoir cette impression et cette envie à la fin d'un roman !

Pour résumer, La ballade de l'enfant gris est un livre superbement construit, une histoire émouvante et captivante, joliment contée. Il y a du suspens, de l'amour, de l'humour, de l'émotion, des personnages forts, de la réflexion, de l'indignation, du rêve, de la poésie... que demander de plus ?

Le blog de l'auteur où il raconte le quotidien des soignants : http://www.alorsvoila.com/
Ses chroniques ont également été éditées en livre.
La ballade de l'enfant gris est son troisième roman.


Quelques citations :

"Cela arriva très vite, comme on rapporte au service après-vente plusieurs achats impulsifs dont on a honte" p 69

"Lucinda se tortilla sur son fauteuil, mal à l'aise. Sous ses dehors rétifs, je devinais un feu couvant sous les braises, comme tous les individus perdus à jamais pour la tendresse et qui, pour ne pas avoir été assez aimés, sont incapables d'amour" p 158

"Avec le nourrisson, elle avait exigé d'elle-même des pensées parfaites, des sentiments parfaits, des actes parfaits [...] Comment Jo pourrait-il le savoir ? il pensait détenir une vérité - un enfant est malade et sa mère l'abandonne - mais voilà qu'il a devant lui deux êtres humains qui gloussent, se vautrent dans la joie d'un temps immature, vidé de toute altérité, un lieu perpétué, de la mère au fils, et du fils à la mère, un lieu qui n'appartient qu'à eux. Sans doute ces grands sourires-là naissent-ils comme les levers de soleil les plus mémorables : des nuits les plus profondes." p 184

"J'avais parlé tout haut, mais l'enfant s'était volatilisé et ça m'a soulagé d'un poids immense ; il s'absente rarement ; cependant, quand il le fait, je respire. Sa présence? un doigt glaé posé au bas d'un dos brûlant de fièvre, et qui, pour minuscule qu'il soit, parvient à raidir le corps tout entier du malade." p 286

"Peut-être existe-t'il des moments dans la vie où on ne sait plus si le monde est un mensonge ou si le mensonge est le monde." p 405