mardi 29 mars 2016

Rosalie Blum : une comédie douce-amère, interprétation réussie de la BD originale.

Rosalie Blum est un petit film français à la fois drôle et mélancolique réalisé par Julien Rappeneau (le fils de Jean-Paul) d'après la bande-dessinée de Camille Jourdy parue en trois tomes en 2009. Scénariste de plusieurs films dont Largo Winch et Qui a tué Paméla Rose?, c'est ici sa première réalisation.


Vincent (interprété par Kyan Khojandi, le gars de "Bref"), la trentaine, tient un salon de coiffure dans une petite ville de province. Il vit seul avec son chat et passe beaucoup de temps avec sa mère envahissante, caractérielle et surtout un peu folle qui vit dans l'appartement du dessus. Ses rares sorties se font avec son cousin, un beauf séducteur. Sans véritable vie sentimentale et sociale, il se complaît et se résigne dans sa routine.

Vincent (Kyan Khojandi)

Un jour, sa mère l'envoie faire quelques courses. Les commerces habituels étant fermés, il se rend dans une épicerie de la ville voisine. Et là, au moment de payer, il bloque sur la caissière. Il l'a déjà vu quelque part. Mais où? Par la suite, il la recroise par inadvertance et se met à la suivre, d'abord un peu, puis de façon de plus en plus obsessionnelle. Jusqu'à connaitre toutes les habitudes de cette femme qui se nomme Rosalie Blum (interprétée avec beaucoup de pudeur par Noémie Lvovsky). Mais celle-ci, bien qu'elle n'en montre rien, à remarqué son petit manège et, plutôt que de s'en offusquer ou d'aller voir la police, décide de s'en amuser et de tourner cela à son avantage.

Rosalie Blum (Noémie Lvovsky)

Rosalie demande alors à sa nièce de suivre à son tour Vincent et d'enquêter sur lui. Cette dernière, Aude, 25 ans, a arrêté ses études et se qualifie elle même de grosse feignasse. Elle partage un appartement avec un colocataire aussi loufoque que cocasse qui s’entraîne pour ses numéros de cirque et passe pas mal de temps avec ses deux copines farfelues Cécile et Laura. Aude est assez étonnée lorsqu'elle reçoit un appel de cette tante un peu mystérieuse qu'elle ne connait pas très bien. Mais rapidement, elle se dévoue avec plaisir à la mission originale et intrigante qui lui a été confiée. S'en suit un jeu de filatures croisées qui amènera forcément à des quiproquos...

Aude (Alice Isaaz)

Les personnages principaux sont tous trois un peu perdus. Vincent a du mal à s'épanouir et à se détacher de l'emprise de sa mère. L'épicière Rosalie Blum semble cacher un douloureux secret derrière son doux sourire.
Aude, jeune femme paumée et désabusée, a coupé les ponts avec sa famille bourgeoise et ne sait pas quoi faire de sa vie. Tous sont interprétés avec justesse et sont de ce fait très touchants.
Les personnages secondaires quant à eux sont hauts en couleur et hilarants. Anémone dans le rôle de la mère castratrice à moitié timbrée est excellente. Le colocataire d'Aude qui s'initie au cirque avec des numéros toujours plus risibles est très drôle, de même que les deux copines fofolles de la jeune femme. Ce sont eux qui pimentent cette histoire tout du long !

Simone, la mère de Vincent (Anémone)

Il y a un petit air d'Amélie Poulain dans ce film, tant dans la manière à la fois simple et naïve de rendre le quotidien palpitant que de dresser le portrait de personnages originaux et attendrissants. Mais le parallèle s'arrête là, la trame de fonds étant bien plus grave, des sujets difficiles étant abordés que je ne révélerai pas pour ne pas spoiler. 
C'est un film drôle, en partie grâce au jeux des acteurs, mais aussi triste et mélancolique, sur les blessures de l'enfance, les erreurs du passé, l'incertitude de l'avenir.
Bref, c'est une comédie douce-amère pleine de surprises qui se regarde avec plaisir et une adaptation réussie de la bande-dessinée originale.




dimanche 27 mars 2016

"Jules", un roman tendre et original sur la rencontre entre deux êtres malmenés par la vie et un chien-guide vraiment particulier.

Jules est un labrador très intelligent. C'est aussi un chien qui a un métier. En effet, c'est un des meilleurs chiens-guides sortis de l'école il y a 6 ans pour être attribué à sa jeune maîtresse Alice.
Celle-ci est une jeune femme pétillante, vive, sensuelle qui a perdu la vue tragiquement alors qu'elle était au lycée. Tous deux ont une relation fusionnelle. A 30 ans, une greffe de cornée va rendre soudainement la vue à Alice et bouleverser à nouveau sa vie, mais aussi celle de Jules. En effet, celui-ci, privé subitement de sa fonction de guide, se retrouve au "chômage" et se sent délaissé. La déprime le guette...
Zibal est un scientifique déchu, rejeté. Un homme modeste et intelligent qui n'a pas eu de chance dans sa vie. Sa modestie et sa gentillesse - naïveté - l'ont mis sur le banc de touche contre son gré. Se retrouvant au chômage et célibataire, il se voit contraint de vendre des macarons à l'aéroport de Paris, en vivant dans une chambre de bonne où il continue de faire des expériences scientifiques sur des yaourts. Son quotidien sera chamboulé le jour où une jeune femme aveugle et son chien viendront lui acheter des macarons.  
Zibal est tout de suite fasciné par Alice et lorsque son fidèle labrador se retrouve en mauvaise posture, il n'hésite pas une seconde à s'imposer pour sauver Jules. A compter de ce jour, le chien lui en sera éternellement reconnaissant. Et, si tous les trois ne pensent jamais se revoir, c'est sans compter la mémoire et la ténacité du labrador, toujours déterminé à accomplir une mission, même celles qui dépassent largement les compétences pour lesquelles il a été initialement formé ! 


Pour résumé : un homme en quête d'un avenir meilleur. Une femme qui doit réapprendre à vivre sans son handicap. Un chien qui doit apprendre à vivre sans sa fonction de guide et qui se cherche sans cesse une nouvelle mission.Tous trois l'ignorent encore mais leurs destins se trouvent désormais liés. Et c'est Jules, le labrador super intelligent qui en suivant son instinct changera leurs vies.

Les chapitres alternent successivement le récit des aventures de Zibal et d'Alice, toujours relatées à la première personne. La lecture est simple, rythmée. Didier Van Cauwelart use ici d'un ton plutôt léger pour relater des sujets pas vraiment gais (le handicap, le chômage, la solitude...) avec un ton désinvolte et une bonne dose d'humour.
C'est un roman à la fois simple et intelligent, original, émouvant et prenant.

Jules / Didier van Cauwelaert . - Albin Michel, 2015

Quelques citations :

"L'enthousiasme autour de moi, l'émerveillement que suscite ma guérison, me laisse un sentiment de solitude honteuse que jamais le handicap n'a provoquée. Le devoir de bonheur auquel je m'astreignais, par fierté et par instinct de survie, est désormais remplacé par un simple code de décence. Je n'ai plus le droit d'aller mal" p. 86-87

" Mon problème a toujours été à la fois le manque de moyen et l'absence de limites : tout m'interesse, tout me disperse et tout me ruine. C'est pourquoi je temporise. Grâce à Jules, grâce à l'élan dévastateur qu'il a redonné à ma vie en quelques heures, je ne suis déjà plus un raté." p. 148-149

" Trois femmes, trois âges, trois destins. En partance, en reconstruction, sur le retour. Et moi entre elles cherchant mes marques. Ces femmes qui m'avaient toujours cassé, restauré, enflammé, puis recassé." p. 226

samedi 12 mars 2016

"Les oubliés du dimanche" : un roman émouvant et passionnant qui parle d'amour, de mémoire, de transmission

Je viens de dévorer Les oubliés du dimanche, un beau roman relatant une histoire (ou plutôt des histoires) plutôt tragique(s) avec un ton tendre et léger. Des intrigues captivantes, une écriture délicate et rythmée, une bonne dose de tendresse, une once de poésie et une pointe d'humour, il ne m'en fallait pas plus pour que je lise d'une traite ce premier roman de Valérie Perrin !


La narratrice, Justine, est une jeune femme de 21 ans qui vit chez ses grands-parents taciturnes avec son cousin Jules -qu'elle considère d'ailleurs comme son petit frère- en pleine crise d'adolescence, dans une petite bourgade du centre de la France. Les parents respectifs des deux cousins sont morts dans un accident de voiture alors que tous deux étaient encore petits. Plutôt solitaire, Justine n'a pas vraiment d'amis et vit quelques aventures amoureuses sans lendemain. Elle a deux passions dans la vie : son travail d'aide soignante en maison de retraite et sortir danser au Paradis le samedi soir.
Ses "petits vieux", elle les adore. Elle s'est particulièrement prise d'affection pour Hélène, une vielle dame qui maintenant vit davantage dans le passé que dans le présent. Quand Justine ne lui fait pas la lecture, c'est Hélène qui lui raconte sa vie, notamment la grande histoire d'amour compliquée qu'elle a vécu avec un certain Lucien. La jeune femme, touchée par cette histoire (et aussi par le petit-fils d'Hélène aux yeux d'un bleu profond!), notera tous les souvenirs de la vieille dame dans un petit cahier bleu.

Ce roman se construit autour de deux histoires d'amour. D'un coté, l'histoire de Justine, le récit plein d'humour et de tendresse de son travail à la maison de retraite, les péripéties qui s'y passent, comme l'histoire de ce "corbeau" vengeur qui appelle les familles des résidents esseulés, ces fameux "oubliés du dimanche". Elle relate aussi ses rencontres amoureuses et la vie de famille si particulière qu'elle a avec ses grands-parents. Et surtout, le mystère qui plane sur la mort de ses parents pèse de plus en plus lourd sur ses épaules...
En parallèle, on suit la rétrospective de la vie d'Hélène. Dans les années trente, c'est une jeune et belle couturière complexée par sa dyslexie. Le jour où elle rencontre Lucien, un beau jeune homme prévenant qui va lui faire découvrir le braille, elle va littéralement (et littérairement !) revivre. Ensemble ils vont tenir le café du village, lieu de vie, de rencontre, d'échange en pleine campagne. Malheureusement la seconde guerre mondiale va bouleverser leur histoire et leur vie toute entière...

Que ce soit du coté de Justine et du coté d' Hélène, on est captivé par l'histoire de ces deux femmes, l'une qui cherche un sens à sa vie et rêve du grand amour, l'autre qui vit plongée dans son passé et ne cesse de penser à son amour de jeunesse. Toutes deux ont vu leurs existences bouleversées par une tragédie et la disparition d'êtres chers.

C'est un roman plein de tendresse et d'humanité qui parle de mémoire, de transmission, du poids des souvenirs et du désir d'avenir. La narratrice (et à travers elle, l'auteure) aime les gens et ça se sent. C'est un roman subtile, émouvant et captivant !


Quelques citations :

"Ce ne sont pas des heures supplémentaires que je fais, ce sont des heures où je n'ai pas envie de rentrer chez moi. Pas envie de voir pépé s'emmerder parce que c'est tout le temps l'hiver dans ses yeux, pas envie de voir mémé chercher le visage de mon père sur le mien, pas envie de frapper à la porte de la chambre de Jules, enfermé dans son mutisme [...]" p 55

"Ce que je ne trouve pas joli chez moi, je me dis qu'un jour ce sera la beauté de quelqu'un. Quelqu'un qui m'aimera et qui deviendra mon peintre. Ce sera celui qui me continuera. Qui me fera passer du brouillon au chef d'oeuvre si j'ai une grande histoire d'amour. On est tous le Michel-Ange de quelqu'un, le problème c'est qu'il faut le rencontrer" p 84

"La première fois que Lucien a embrassé Hélène, il a senti un battement d'ailes sous ses lèvres. Il paraît que ça n'arrive pas tout le temps. Qu'on peut passer une vie à attendre ce battement." p 85

"Hélène avait toujours le sentiment de rester à la surface des choses, des gens. En lisant, elle croque dans un fruit qu'elle a convoité pendant des années et sent enfin son nectar sucré couler dans sa bouche, sa gorge sur ses lèvres, ses doigts." p 108

"Des cahiers bleus je pourrais en écrire des centaines. Parfois, je me dis que je pourrais transformer chaque résident en nouvelle. Mais il faudrait que j'aie une jumelle." p 186

"Les résidents évoquent souvent la mort avec cynisme, casser sa pipe, canner, crever, foutre le camp, passer l'arme à gauche, bouffer les pissenlits par la racine, être plus près de saint Père que de Saint-Tropez. Les personnel soignant se doit d'employer des mots dignes, disparaître, partir, s'éteindre, quitter, s'endormir sans souffrir." p 315

"Comme on me dit tout le temps que quand un vieux meurt, c'est une bibliothèque qui brûle, je sauve quelques cendres." 366

vendredi 11 mars 2016

Baron Noir : une série politique plutôt réussie !

Baron noir est la première série politique française, diffusée tout récemment sur Canal Plus. Ayant adorée la série danoise politico-médiatique Borgen, j'étais curieuse de voir ce que donnerait une série politique à la sauce française.
Alors, bien que totalement différente de Borgen dans le fond comme dans la forme, je me suis laissée emporter par cette série que je trouve vraiment bien ficelée, avec un bon rythme et de nombreux rebondissements. On est plongé dans les luttes de pouvoir d'un grand parti politique français : le parti socialiste.


Kad Merad interprète avec brio Philippe Rickvaerdt, un homme politique impitoyable. Député maire socialiste de Dunkerque, il est entièrement dévoué à la politique et surtout prêt à tout pour défendre sa cause et ses intérêts. Au cours des premiers épisodes, son objectif est d'accompagner son mentor et candidat à la présidence de la République, Francis Lauzanet et il se démène pour faire élire celui-ci Président de la République. Ce dernier, interprété brillamment par Niels Arestrup, est lui aussi un homme politique arriviste, désabusé et déterminé prêt à tout pour conserver son pouvoir.

Bande-annonce :

Les deux hommes politiques se croient intouchables et n’hésitent pas à user de mensonges, de corruption, (où l'on parle de financement illégal de campagne électorale, par exemple...), de chantage, de manipulations, etc. Par la suite, ils deviennent rivaux et, dès lors, sont prêts à tout pour tenter d'écraser l'autre, même à s’allier au parti adverse !


Au fil des épisodes, les rivalités personnelles finissent par gagner sur les rivalités politiques et les divisions se multiplient au sein du parti. Dans un tel système, les alliés d’un jour peuvent à tout moment devenir ennemis et les ennemis peuvent s’avérer des alliés selon la situation.


Entre ces deux fortes personnalités, une femme politique intelligente et déterminée tisse sa toile. Amélie Dorendeu est la conseillère en communication du président et va, malgré elle, être amenée à diriger le Parti. Grâce à ses connaissances, son sens de la diplomatie et à son expérience du monde politique elle parviendra de plus en plus à se faire entendre des deux ténors. Femme de l'ombre, elle voit ainsi son influence progresser.



Le nouveau gouvernement doit s'imposer dans un climat social difficile (un fort taux de chômage, une absence de débouchés après les études, etc) et tente tant bien que mal de faire passer certaines mesures sociales "phares", censées marquer le quinquennat. Cependant, ces mesures certes toujours bien calculées politiquement semblent éloignées de la réalité du terrain.
Le gouvernement tente aussi d'imposer des mesures dans un climat de tension avec les instances européennes, où plane la menace de sanction pour cause de dette... Bref, vous l'aurez compris, il y a de nombreuses références à l'actualité dans cette série !


En suivant Philippe Rickwaert, on suit en parallèle l'évolution de la vie politique de Dunkerque et celle du Gouvernement à Paris. Lorsque Philippe entre au Gouvernement, sa première adjointe Véronique, fidèle amie et militante, espère prendre la mairie. Mais Philippe souhaite garder son influence sur sa ville. Entre les plages du Nord et les rues de Paris, il aura des fois bien du mal à s'y retrouver, surtout lorsque des difficultés surgissent dans ces deux cercles politiques et que sa fille adolescente souhaite se rapprocher de lui. Multipliant les mensonges et les manipulations pour conserver son pouvoir, va t'il parvenir à s'en sortir ?

Baron noir met en évidence le rôle important des médias, véritable vitrine pour les politiques, que ce soit la presse écrite, en ligne, la radio ou la télévision. On voit au gré des épisodes apparaître Patrick Cohen sur France Inter ou Audrey Pulvard à France TV, ce qui donne encore plus d'authenticité à cette fiction.




On est plongé dans les rouages d'un parti politique et le rôle des militants politiques est mis en exergue. Cependant, on a comme l'impression que ces militants font figures de marionnettes dans un parti dirigé (manipulé?) par des "barons", où les luttes de pouvoir et défis personnels prennent le dessus sur l'intérêt commun.


Pour conclure, je dirai que cette série est à la fois passionnante, cynique et affligeante. Certes, cela reste de la fiction, mais il n’en reste pas moins que les luttes de pouvoir en politique y sont bien décrites. Il en ressort une vision assez réaliste des enjeux politiques actuels et une vision désabusée d'un système dominé par un groupe de "barons" pour qui les rivalités personnelles l'emportent sur l'intérêt commun.