vendredi 28 juillet 2017

Flowers, une mini-série burlesque et mélancolique

Flowers la mini série fantasque diffusée récemment sur Canal + est dorénavant disponible sur Netflix. Ce titre vous évoque une série Peace & Love ou un décors féerique au milieu d'une jolie prairie? Eh bien, vous avez tout faux. Flowers est une série ovnie très mélancolique, un mélange de genres entre comédie burlesque, drame familial et un anti-conte de fée.


Flowers c'est en fait le nom d'une famille originale, excentrique mais aussi très attachante. Durant 6 épisodes on suit l'évolution des membres de cette famille à la fois déjantés et déprimés qui trompent leur ennui et cachent leurs problèmes comme ils peuvent.

Trailer :


Maurice, le père, auteur de livres pour enfants, est un homme doux, solitaire et renfermé. Déborah, la mère, cache son manque d'affection derrière une hystérie chronique et des mimiques incroyables. Elle n'est pas trop à l'écoute de ses proches, notamment de son mari. et ces deux là ont vraiment du mal à se comprendre !

la mère, Déborah

Leurs deux jumeaux de 25 ans passent leur temps à se quereller : Amy est une gothique mélancolique plongée dans des légendes du passé et son frère, un inventeur déjanté. Très différents, ils ont tout de même un point commun : tous deux sont restés bloqués en enfance et semblent effrayés par la vie d'adulte... Ils vivent aux crochets de leurs parents et ont du mal à débrouiller tous seuls.
Dans cette famille, tout le monde s'agite mais personne ne semble vraiment s'intéresser aux autres. 
Et autour d'eux gravitent plusieurs personnages déjantés et instables psychologiquement : un couple libertin, un voisin hyper narcissique et sa charmante fille, un autre voisin voeuf et désemparé, etc.

le père, Maurice

L'histoire commence par une tentative de suicide... ratée. S'en suit une série de quiproquos qui va plonger la famille dans le tourment.
L'action semble se passer quelques part dans les années 1980, dans un coin de forêt au Royaume-Uni. Et il y a effectivement un coté très "british" dans cette série, que ce soit dans la manière de filmer, dans les expressions des personnages...
On y trouve une bonne dose d'humour noir et, derrière le ton comique du récit, se cache une profonde mélancolie. En effet, au cours de ces six épisodes, de nombreux aspects psychologiques sont abordés : la dépression, des difficultés à communiquer, à écouter l'autre, la difficulté d'être adulte... Tous les personnages sont finalement plongés dans une profonde solitude et chacun tente de gérer cela à sa façon. La série se prête à de nombreuses analyses psychologiques. Par exemple, la panne d'inspiration de Maurice pour poursuivre sa saga sur les gentils monstres "Grubs"correspond au moment où sa famille traverse également un crise...

les jumeaux

Flowers, c'est une sorte de conte trash à la narration poétique, qui n'est pas sans rappeler celle des Désastreuses aventures des orphelins Baudelaire. Autre point commun entre les deux séries, l’esthétique des images, le coté intemporel et l'aspect tragi-comique et burlesque de la situation.

Flowers c'est aussi une comédie drama-mélancolique car chaque situation burlesque cache finalement une blessure, de la tristesse ou un vide. Rien ne se passe jamais comme prévu dans l'histoire de cette famille et on est sans cesse surpris. D'ailleurs, plus on avance dans les épisodes, plus l'aspect mélancolique l'emporte sur le coté burlesque. 
Enfin, tout au long de la série, l'imaginaire et le rêve occupent une place essentielle. La forêt apparaît souvent comme un échappatoire, la clé de tous les problèmes. Et la musique accompagne toujours très justement les déambulation de ces personnages.

L'illustrateur

Voilà pour les points positifs de Flowers. Cependant, cette drôle de série peut paraitre un peu trop décalée ou caricaturale, notamment avec le personnage de l'illustrateur- japonais réduit au rôle de serviteur un peu benêt... Mais on comprend mieux quand on sait que l'acteur qui joue ce personnage n'est autre que le réalisateur de la série, et qu'il souhaite dénoncer ainsi les préjugés et le racisme.

Autre aspect qui peut sembler trop poussé, c'est le soin qui est apporté à l'esthétisme et à l'imaginaire tout au long de la série. Je comprend que ça puisse lasser. Mais personnellement c'est quelque chose que j'apprécie.

Dans l'ensemble j'ai donc plutôt bien aimé cette petite série décalée et mélancolique, à la fois drôle et triste.

Flowers, série britanique. Saison 1 : 6 épisodes de 26 minutes. / Créée par Will Sharpe, avec Olivia Colman, Jullian Barratt, Will Sharpe...
Diffusée sur Canal Plus début juillet 2017.
Disponible sur Netflix.

samedi 1 juillet 2017

Ozez le dernier Ozon, thriller psychologique à tendance érotique !

J'aime les films de François Ozon car ils explorent toujours les méandres de la psychologie humaine : en partant de situations banales, le réalisateur parvient, à partir d'une faille psychologique, à construire des thrillers haletants qui mettent souvent mal à l'aise. C'était le cas dans Swimming Pool, dans Jeune et Jolie et Dans la maison, et c'est de nouveau le cas dans son dernier film, L'Amant double, vu il y a plus de trois semaines maintenant


Marine Vacth, qui interprétait déjà l'adolescente désinvolte de Jeune et Jolie, interprète ici Chloé, une jeune femme de 25 ans un peu perdue, sans boulot, sans famille, qui vit seule avec son chat. Elle souffre depuis toujours de mystérieux maux de ventre pour lesquels les spécialistes ne trouvent pas d'explications ni de remèdes. Supposant une origine psychologique, elle se rend alors chez un psychiatre que sa gynécologue lui a conseillé.
Le psy, Paul, interprété par Jérémie Renier, la reçoit plusieurs fois avant de succomber à son charme. Quelques mois plus tard, les deux amants emménagent ensemble. En fouillant dans un carton, Chloé découvre que Paul porte un autre nom de famille sur son passeport. S'en suit d'autres faits étranges et voici Chloé poussée à découvrir qui est véritablement son amant. Elle met ainsi le pied dans un engrenage dont elle va vite se retrouver prisonnière...

Bande-annonce :

Un film à forte dimension psychologique

Dès les premières images on sent chez le personnage de Chloé une certaine fragilité. Lorsqu'elle rencontre son psy, elle se positionne très vite dans le rôle de la séductrice, reconnaissant apprécier être dans le rôle de la "jeune fille en détresse" ayant besoin d'être sauvée par une sorte de "prince charmant". Mais, derrière son regard perdu et sa moue triste, on sent aussi une forme de détermination, de mystère, et même dès fois d'arrogance. Elle lui confie qu'elle aurait voulu avoir une soeur et qu'elle a des relations compliquées avec sa mère. Par ailleurs, elle semble attirée par tout ce qui a attrait à la terre, aimant mettre sa main dans les pots des plantes vertes. Bref, ce n'est que le début d'un véritable casse-tête freudien !  
Paul, quant à lui, semble avoir un secret qu'il cache derrière une certaine désinvolture. 


L'amant double est un film sur les relations de couple, la filiation, le double-jeu, les fantasmes, l'inconscient, sur la quête d'identité et sur la gémellité.
La réalisation est particulièrement soignée. En effet, pour coller au thème du double jeu et des faux-semblants, Ozon a filmé de nombreux jeux de miroir, s'amusant avec les reflets, les impressions, la lumière. Certains plans sont vraiment sublimes.
Les acteurs sont remarquables aussi, jouant parfaitement l'ambiguïté, se fondant dans leurs personnages respectifs. Ils sont à la fois fascinants, troublants et dérangeants par moment. Le réalisateur a une impressionnante manière de les filmer, jouant avec le flou, alternant les visions doubles, triples, quadruples grâce aux reflets des miroirs. 

Un érotisme constant mais pas dominant

Dans une interview à Télérama, François Ozon révèle avoir été marqué par la manière dont Hitchcock suggérait les scènes érotiques de ses films avec de magnifiques paraboles. Ici l'élève copie le maître et c'est tout aussi réussi. A la différence que, Ozon, en 2017, peut aussi se permettre de filmer des scènes érotiques de manière assez explicites contrairement au maître du suspens des années cinquante !  Et il ne s'en prive pas.


Car des scènes érotiques, il y en a dans ce film. Mais, bien que la presse promeuve ce film comme un "thriller érotique", je trouve qu'il s'agit plutôt d'un thriller psychologique avec des scènes érotiques. Et à la fin du film, ce ne sont vraiment pas ces scènes qui restent en mémoire mais davantage le cheminement psychologique des personnages. Personnellement, seule une scène m'a gêné, d'autant plus que je n'ai pas compris ce qu'elle apportait de plus à l'histoire...

Une réalisation soignée, un suspens qui monte crescendo, une fin un peu éludée

Le film est superbement réalisé : Ozon filme de magnifiques plans séquences et apporte un soin particulier aux détails ainsi qu'à la lumière.
Par exemple, quand Chloé est assise à son poste de gardienne de musée au milieu des oeuvres contemporaines, on dirait qu'elle même fait partie du tableau, tout en noir et blanc. Je suis particulièrement sensible à ce genre de scénographie soignée et réfléchie.


Un autre personnage fait rapidement son apparition dans l'histoire (mais là je préfère ne pas en dire plus pour ne pas spoiler) et c'est à partir de là qu'une intrigue se met en place, que le suspens monte. On arrive même à un moment de tension quasi insoutenable vers la fin du film, (la musique oppressante, accompagnant parfaitement ce moment) et je me suis demandée si ça allait basculer vers le gore à un moment, peu de temps avant le dénouement, qui reste pour le coup assez conventionnel. En effet, la fin (non je ne vais rien dévoiler !) m'a semblé un peu trop rapide, directe, manquant d'éclaircir certains points. Et, du coup, elle semble un peu décevante par rapport au reste du film.

Mais, dans l'ensemble, L'amant double est un film réussi, réfléchi, soigné et captivant. Comme à son habitude, Ozon signe un film qui dérange, pousse ses personnages dans leurs retranchements, fait réfléchir et interroge sur les sentiments humains, les fantasmes et le ressenti.