lundi 30 décembre 2013

Les garçons et Guillaume... : une comédie originale mais un peu caricaturale

Les garçons et Guillaume, à table !

Après en avoir beaucoup entendu parlé, je suis finalement allée voir le film de Guillaume Gallienne, Les garçons et Guillaume, à table! sorti il y a plus d'un mois déjà.
Guillaume Gallienne, réalise ici son premier film, après une carrière de comédien à la Comédie Française, il a aussi joué dans pas mal de films français et a même fait une apparition dans le Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Il raconte dans ce premier film son adolescence, son manque de confiance en soi, la recherche de son identité sexuelle face à la personnalité écrasante de sa mère. Il se rappelle une phrase prononcée par sa mère durant son enfance : "Les garçons et Guillaume, à table!", phrase révélatrice de sa place dans sa famille qui l'a beaucoup marqué au point d'en faire un film.


Il exorcise par ce film sa jeunesse douloureuse où, faute d'avoir une stature et des goûts de garçon, son entourage est venu à le considérer comme une fille, au point où lui même finit par se prendre pour une fille ! En effet, selon les codes de sa famille bourgeoise, les garçons jouent au foot, vont à la chasse, aiment chahuter, alors que Guillaume, lui, aime discuter avec les dames de sa famille, se déguiser en princesse Sisi et se plonger dans ses pensées et déteste toute activité physique.

Bande-annonce :

Guillaume est fasciné par sa mère, bourgeoise désabusée sans cesse contrariée mais qui parvint toujours à faire bonne figure. Il passe son enfance et son adolescence en subissant les brimades de son entourage, sur sa soit-disant homosexualité, ou sa personnalité de "fille".


Le film sort de l'ordinaire premièrement par sa construction et un scénario original. Il commence par Guillaume se préparant à aller sur scène présenter son spectacle autobiographique. La narration se poursuit en faisant une rétrospective sur son enfance, sa jeunesse. Puis, par moment, on revient à des extraits de son spectacle. Sur scène, il raconte donc sa vie, qui est ensuite illustrée par le film en lui même. Des moments forts de son adolescence sont ainsi présentés de manière souvent très drôle, malgré la tristesse des situations. Par exemple, son envoi en pension de garçons où il subit brimades et humiliations. Durant tous ces moments forts de sa vie, sa mère, tellement présente dans son esprit, vient faire son apparition à tout bout de champ dans des cadres plus ou moins insolites!


L'autre particularité de ce film c'est que le réalisateur, en plus de jouer son propre personnage, interprète aussi celui de sa mère!  Cela peut paraître fou mais le résultat est bluffant et assez peu troublant finalement. De plus, cela contribue au message qu'il veut faire passer, à savoir la forte influence que peut avoir une mère sur son enfant, une sorte de fascination pour ce dernier qui veut tellement lui ressembler. Ou comment se détacher de l'emprise de sa mère, de sa famille, avoir confiance en soi, construire sa propre identité.


Dans l'ensemble, on a des scènes assez drôles, une mise en scène remarquable, un bon jeu d'acteur surtout pour l'interprétation de la mère, des dialogues intelligents, une narration fluide. 

Toutefois, j'ai eu un peu de mal à rentrer dans l'histoire au début, les extraits de spectacles m'ont par moment dérangés au milieu du film. De plus, le personnage de Guillaume au début est vraiment trop caricatural, que ce soit dans les attitudes ou dans la voix, et c'est un peu dommage. Enfin, bien que le sujet de l'identité sexuelle et du développement de la personnalité soient très justement abordés ici, le film a un petit coté impudique qui me dérange.
Dans l'ensemble, c'est un film plaisant, une comédie pour le moins originale, même si je trouve l'engouement des médias pour ce film un peu exagéré.


dimanche 29 décembre 2013

"La liste de mes envies" Et vous, que feriez vous avec 18 millions?

Et voici un autre livre de Grégoire Delacourt lu récemment. La liste de mes envies, paru en 2012, connut un grand succès en librairie et en bibliothèque et fut plébiscité par les médias. On retrouve la même écriture fluide, le souci du détail, la description des modestes gens déjà perçue dans La première chose qu'on regarde, bien que j'ai ressenti par moment une légère condescendance dans son écriture vis à vis du mode de vie des personnes de modeste condition.


L'histoire, c'est celle de Jocelyne qui tient une mercerie à Arras et rédige un blog sur la couture. Sa vie est simple, constituée de petits bonheurs qu'elle partage avec son mari Jocelyn. Toutefois, par moment, elle se sent un peu seule et nostalgique et pense à ses rêves d'enfant. 
Lorsque deux copines habituées du loto l'influence pour qu'elle gratte son premier ticket, elle se laisse tenter, sans y croire un instant. Et lorsqu'elle se rend compte qu'elle est l'heureuse gagnante de plus de dix-huit millions d'euros, elle ne saute pas de joie, ne réalise pas vraiment. Au contraire, cela l'effraie. Après des zones de turbulence dans sa vie, son couple a retrouvé une certaine stabilité, sa boutique marche bien et son blog sur la couture cartonne et lui apporte une notoriété dans toute la région du Nord.  Elle sait que l'argent peut tout faire exploser. Alors elle planque le chèque. Elle cache la vérité à son mari, ses amis, tout son entourage. Elle profite des petites joies et de l'amour simple de son mari. 
Elle se met à rêver à tout ce qu'elle pourrait faire avec cet argent et rédige la liste de ses besoins et de ses envies. Pas de palace, de voiture classe, de bijoux hors de prix, mais des envies très concrètes et accessibles comme s'acheter un nouveau fer à repasser, manger dans un bon restaurant, acheter l'intégrale des James Bond pour son mari, etc. Comme si elle ne réalisait pas tout ce qu'on pouvait faire avec dix-huit millions d'euros ou ne voulait pas y croire. Car Jocelyne sait que l'argent peut tout gâcher, que l'argent peut écraser l'amour, l'amitié, la bonté. Mais pourra t'elle le cacher éternellement?

Comme dans La première chose qu'on regarde, l'auteur raconte ici un conte moderne sur l'amour, le bonheur. L'histoire est touchante et on imagine facilement les craintes qu'on peut avoir face à un chèque de dix-huit millions, peur de voir sa vie chamboulée et le regard de ses proches changer. L'écriture est à la fois réaliste, légère mais aussi poétique. L'auteur porte un regard juste et lucide sur les relations humaines en mettant l'accent sur les défauts que sont les mensonges et la cupidité. Un conte pour lequel la morale serait : l'argent ne rend pas heureux contrairement à l'amour. Rien de vraiment nouveau, mais ce roman se lit facilement et c'est plutôt bien écrit.


Quelques citations :


"Je comprend aujourd'hui que je fus riche de sa confiance, ce qui est la plus grande richesse" p. 85

"Oui, le succès est dangereux quand on commence à ne plus douter de soi" p. 95

"Etre riche, c’est voir tout ce qui est laid puisquon a l’arrogance de penser qu’on peut changer les choses. Qu’il suffit de payer pour ça. Mais je ne suis pas riche. Je possède juste un chèque de dix-huit millions cinq cent quarante-sept mille trois cent un euros et vingt-huit centimes, plié en huit, caché au fond d’une chaussure. Je possède juste la tentation. Une autre vie possible. Une nouvelle maison. Une nouvelle télévision. Plein de choses nouvelles. Mais rien de différent."

"Je possédais ce que l'argent ne pouvait pas acheter mais juste détruire. Le bonheur. Mon bonheur, en tout cas. le mien. Avec ses défauts. Ses banalités. Ses petitesses. Mais le mien."

La liste de mes envies / Grégoire Delacourt . - Ed. JC Lattès, 2012

vendredi 13 décembre 2013

A Touch of Sin : la Chine, dans toute sa douleur

Encore un film découvert un peu par hasard : j'ai en effet gagné deux places pour assister à l'avant-première de A touch of Sin en début de semaine. C'est un film chinois réalisé par Jia Zhang Ke auteur de plusieurs documentaires sur l'industrialisation de son pays. Dans ce film, on sent d'ailleurs sa forte expérience du documentaire dans sa manière très réaliste et intime de filmer ses personnages.


Le film est découpé en quatre parties, quatre portraits de chinois usés par la vie, leur travail, leur place dans la société, écrasés par le libéralisme, les inégalités et la misère.

Bande-annonce :

Dans la première partie, un employé d'une mine se bat pour faire valoir ses droits et ceux de ses collègues après le rachat de sa mine par une société privé. Il se retrouve seul contre tous et, face au cynisme et à l’indifférence de sa hiérarchie et de ses paires, finira par péter les plombs. On a ainsi droit à des scènes à la Kill Bill, à la différence que ce vengeur solitaire n'a pas le charisme d'Uma Thurman et qu'on n'éprouve assez peu d'empathie pour lui !


Le seconde partie c'est l'histoire d'un homme solitaire qui va de ville en ville et qui se découvre une passion pour les armes à feu. S'il tire dans un premier temps pour se défendre, il n'hésitera pas à s'en servir ensuite pour tuer sauvagement d'innocentes personnes.


Le troisième portrait est celui d'une femme qui retrouve son amant dans un restaurant sur une aire d'autoroute. Ce dernier est marié et semble avoir du mal à quitter sa femme. En attendant sa décision, elle retourne à son travail de réceptionniste dans un "sauna" dans une ville proche. Face au harcèlement d'un client, elle finit par craquer également.


Enfin, la quatrième partie est consacrée à un ado qui enchaîne les petits boulots à la recherche de l'emploi qui lui permettrait de gagner suffisamment d'argent pour subvenir à ses besoins. Il trouvera un travail de serveur dans une sorte de club à hôtesses pour VIP où il rencontrera une jeune prostituée avec qui il espérera avoir une relation. Mais la réalité est différente et l'avenir semble bien compromis.


Dans l'ensemble c'est une description glauque et violente de la Chine actuelle que nous dresse le réalisateur. Les paysages sont tristes, soit laissés à l'abandon, soit en construction. Il décrit un pays en pleine industrialisation : on voit sans cesse des chantiers, des grues, des usines, on entend des bruits de moteurs et de machines. Les transports sont omniprésents : train, voiture, avion, vélo. D'ailleurs, tous ces personnages sont constamment en mouvement, à la recherche d'un avenir meilleur.
Ils ne montrent jamais leurs sentiments : pas d'embrassades lors des retrouvailles, pas de pleurs, de larmes ou d'effusion quelconque. Jusqu'à ce que la carapace de politesse se fissure pour faire exploser toute la violence et tout le désespoir qui est en eux.

La réalisation est très juste, quasi documentaire, assez brute par moment. Le rythme est lent (des fois un peu trop). Le résultat est réaliste, des fois émouvant et angoissant et on est oppressé face à cette Chine qui dévore ces citoyens. 

C'est un film très bien construit, alternant de beaux plans contemplatifs et scènes d'action subites mais l'ensemble reste assez déprimant et donne une image bien triste de la Chine.

mercredi 11 décembre 2013

"Le reste est silence", un roman émouvant sur la solitude d'un petit garçon

Le reste est silence

Voici un roman choisi un peu au hasard chez l'éditeur Actes Sud, un de mes éditeurs préférés en matière de livres étrangers.

C'est ici l'histoire de Tommy, un garçon de 12 ans qui en paraît 8. Atteint d'une malformation cardiaque, il est surprotégé par son père, devenu d'ailleurs chirurgien cardiaque, et par sa belle-mère, Alma. Se sentant exclu par ses camarades (il reçoit d'ailleurs régulièrement des mails d'insultes et de menaces), il se réfugie dans son monde imaginaire et se plait à enregistrer en cachette les conversations des adultes sur son MP3. C'est ainsi qu'il apprend de lourds secrets sur sa famille, notamment sur le décès de sa mère. Il est aussi le témoin de l'éloignement entre Alma et son père et cela l'attriste énormément. Son père, Juan, homme distant et respectable, ne se rend pas compte de la détresse de son petit garçon.
Pendant que Tommy mène son enquête sur l'histoire de sa famille, les adultes se déchirent et se retrouvent face à leurs peurs, leurs souvenirs et leur solitude. 

Dans ce livre à l'écriture délicate, on suit à tour de rôle les pensées de Tommy, garçon chétif qui observe le monde d'un point déjà très mature pour son âge, celles d'Alma, hantée par des souvenirs d'enfance et qui renoue avec son amour de jeunesse et  les pensées de Juan qui a du mal à montrer ses sentiments et s'enferme dans son mutisme. Tous trois n'arrivent plus à communiquer et il ne reste que des silences entre eux. Des silences, puis des mensonges qui les font s'éloigner, et ce, plus en plus chaque jour.


J'ai bien aimé l'écriture fluide et sensible de cette auteure chilienne que je ne connaissais pas. L'émotion est palpable à chaque page, que ce soit la tristesse, la solitude, l'angoisse (surtout vers la fin du livre!) et on est touché par l'histoire de ce garçon surprotégé et exclu qui tente de trouver sa place dans sa famille, à l'école et dans la société en général. Ne la trouvant pas, il se réfugie dans le souvenir de sa mère défunte. Au risque de s'y perdre.

Le reste est silence / Carla Guelfenbein . - Ed. Actes Sud : 2010.

Quelques citations :

"Une jeune fille de dix-huit ans est morte dans un accident et un enfant a un coeur tout neuf. Avant de me sentir trop satisfait de ma large part de responsabilité dans cette histoire, je fouille dans ma mémoire à la recherche d'un proverbe d'un grand bouddhiste sur l'absence de permanence de la vie et de l'inutilité de nos efforts à vouloir la retenir." p.62

"Troisième découverte . Comme le frêne, maman avait un dragon dans ses racines et, en dépit de ses efforts pour le vaincre, c'est le dragon qui a finit par remporter la bataille" p.278

"Il y a un espace, un espace infime, qui nous appartient. C'est là que réside notre essence. C'est lui qui fait ce que nous sommes, qui nous permet de changer le court de notre route. Comme les voiles des frégates. Parfois, il suffit d'un mouvement imperceptible pour changer les choses." p. 295

vendredi 29 novembre 2013

Mystères au bord du lac

Top of the Lake est la dernière mini-série diffusée récemment par ARTE, chaîne décidément innovante en matière de séries. Dans cette série de six épisodes réalisée par Jane Campion, l'atmosphère est à la fois sombre, étrange et poétique. L'histoire se passe en Nouvelle-Zélande, dans un lieu plutôt désertique entre lac et montagnes où la nature a une place à part entière. Les personnages ont tous des fêlures et semblent être arrivés dans ce coin pour fuir un monde dans lequel ils ne trouvaient pas leur place. Le temps semble s'y être arrêté et l'ambiance est assez mystérieuse.


Lors du premier épisode, on ne comprend pas grand chose, les plans, très beaux et poétiques, se succèdent sans qu'il n'y ait vraiment de liens entre eux et c'est au fur et à mesure, avec de nombreuses ellipses, que l'on se familiarise avec les personnages, le tout avec beaucoup de sobriété et de pudeur.

Trailer :


Top of the Lake a un coté mystique, très nature, où la part sombre et sauvage de chacun finit par ressurgir. 

L'histoire :
Une jeune policière, Robin, (interprétée par l'actrice de MadMen, Elisabeth Moss) visage pâle, voix grave, regard triste, retourne dans son village natal voir sa mère gravement malade.


Lors de son séjour, une jeune fille de 12 ans, Tui, est retrouvée dans l'eau du lac à moitié immergée. Il s'avère qu'elle est enceinte... Robin, dont la spécialité est d'enquêter sur les crimes impliquant des enfants, se voit chargée de l'enquête sous la direction d'un supérieur qui se montre plus qu'amical et aux méthodes douteuses.


Tout se complique quand la fillette en question disparaît sans avoir révélé le moindre indice sur l'identité du père de l'enfant qu'elle porte. Les soupçons se portent dès le début sur l'entourage de la fillette, une famille quelque peu marginale : Le père, Matt Mitcham est un trafiquant un brin sauvage, ses frères des abrutis...

En même temps, Robin renoue avec Johno, son amour de jeunesse, et ne sait plus trop où elle en est sentimentalement. Ce jeune homme apparaît au début comme un garçon introverti et isolé qu'on a du mal à cerner.


En parallèle à cette enquête, un groupe de femmes hippies s'est installé sur un terrain ayant appartenu à Matt Mitcham, un lieu nommé "Paradise" et vivent dans des contenairs. Leur meneuse, GJ, est une sorte de "gourou" qui leur apprend à revivre loin de leurs addictions de leur vie d'avant, de la violence d'un ex mari ou petit-ami. Cette femme censée les guider est complètement désabusée et cynique envers ces ouailles. C'est probablement le seul élément un peu déroutant : à quoi sert vraiment cette parodie de secte féministe? un refuge dans ce monde de violence? Une oasis au milieu du désert? Dans la série en tout cas c'est une note un peu légère qui permet de détendre l'atmosphère.


Au fur et à mesure de son avancée dans l'enquête sur la disparition de la fillette, Robin apparaît de plus en plus fragilisée, touchée personnellement par cette histoire. Surgissent alors de vieux démons, les drames qu'elle a vécu dans sa jeunesse.A chaque épisode, on en apprend davantage sur son passé. Cette enquête, c'est aussi une quête au fond d'elle même.


C'est une série captivante et originale avec une histoire très glauque, des personnages ambigus et de beaux paysages. De plus la réalisation est vraiment soignée et épurée.

Top of the Lake / série américano-australo-britannique créée et écrite par Jane Campion et Gerard Lee. - avec Elisabeth Moss, Holly Hunter, Peter Mullan

jeudi 21 novembre 2013

1h30 d'angoisse au coeur de l'espace !

Gravity

Décollage dans 5,4,3,2,1 .... c'est parti pour une immersion d'1h30 dans l'espace !!
Après en avoir beaucoup entendu parler, je me suis finalement lancée dans l'aventure spatiale du film d'Alfonso Cuarón. Attention, si vous allez voir Gravity, ne mangez pas trop avant, ça va secouer !


Le film est en 3D et pour une fois cela rend plutôt bien, on est vraiment immergé dans l'espace, les effets spéciaux sont spectaculaires, on se croirait réellement à des milliers de kilomètres de la Terre !
Le scénario est assez simple : le docteur Ryan Stone (Sandra Bullock) effectue sa première mission à bord d'une navette spatiale. Elle est accompagnée d'un groupe d'astronautes chevronnés dont Matt (Georges Clooney) qui  effectue lui sa dernière sortie dans l'espace et rêve de battre le record de l'homme resté le plus longtemps en apesanteur.
Le film commence par une magnifique vue de la Terre depuis l'espace, on entend des voix lointaines brisant le silence qui se rapprochent tout doucement. On voit alors Ryan en train de réparer un composant de la station spatiale. L'ambiance est détendue, un astronaute tente même d'effectuer la danse de la macarena dans l'espace et Matt fait des blagues... Tous sont accrochés à un câble à l'extérieur de la station.


Et puis soudain, la voix de la base de contrôle les alerte sur l'arrivée imminente de débris provenant de la destruction d'un satellite qui menace de rentrer en collision avec leur navette. On sent venir le drame. C'est alors que le câble de Ryan craque et qu'elle est expulsée dans l'Univers... S'en suit toute une série de catastrophes qui amèneront le docteur Ryan à se débrouiller seule face au néant, tout en voyant ses capacités en oxygène diminuer progressivement...


Bande-annonce :

C'est probablement un des films les plus angoissants que j'ai vu au cinéma : on s'identifie facilement à ces êtres seuls dans l'espace qui tentent de survivre face au vide de l'univers, voyant la Terre mais n'ayant plus aucun contact avec elle ! La 3D contribue certainement au sentiment d'angoisse qui nous envahit lorsque Ryan est balotée dans tous les sens au milieu de l'immensité de l'espace, lorsque les projectiles foncent droit sur elle (et donc sur nous aussi spectateurs!) et face aux scènes d'explosions très spectaculaires! J'étais agrippée à mon siège quasiment tout au long du film !


Ce film parvient à être captivant avec seulement deux personnages, peu de dialogues, un environnement à la fois vaste mais limité puisque peu de perspectives d'évolution. Pourtant on est tenu en haleine presque tout le temps.

Gravity est un film vraiment original, à la fois film d'auteur et blockbuster. Le film aborde aussi quelques questions métaphysiques : pourquoi Ryan se réfugie t'elle dans l'espace? C'est finalement à des milliers de kilomètres de sa planète qu'elle parviendra à faire la paix avec elle-même.

Dans l'ensemble, j'ai été bluffée malgré la fin quelque peu hollywoodienne.

Gravity / Réalisé par Alfonso Cuaron, avec Sandra Bullock et Georges Clooney. - Warner Bros, 2013

Et un petit Bonus : le fils du réalisateur de Gravity, Jonás Cuarón, a réalisé un court-métrage de 7 minutes sur Aningaaq, le correspondant mystère de Ryan vers la fin du film. Un très beau petit film, plein de poésie!
A visionner ici :



mardi 19 novembre 2013

Musique folk et mélancolie dans le dernier film des frères Coen

Ça devient une habitude, chaque année on attend le film des frères Coen ! Cette fois, pas de thriller ou de film noir. Inside Llewyn Davis n'est pas vraiment un film à rebondissements.


C'est un film d'introspection sur un musicien maudit en quête de reconnaissance. La réalisation est à la fois sobre et soignée, les personnages attachants et énervants, comme savent si bien les dépeindre les deux réalisateurs américains.

Bande-annonce :

L'histoire :
A New-York en 1961, Llewyn Davis est un guitariste et chanteur folk qui joue dans des bars pour gagner sa vie. Il n'a pas de logement et dort sur le canapé de connaissances qui veulent bien l'héberger. Parmi ses amis, un couple, Jim (interprété par Justin Timberlake) et Jean, eux aussi musiciens folk. Et Jean lui en veut à mort tout en lui prêtant son canapé. On comprendra plus tard pourquoi.


Le rythme du film est très lent, on découvre au fur et à mesure le passé et les blessures de Llewyn : un ami perdu, des amours déchues, les rapports compliqués avec sa famille. Et surtout sa vision élitiste et idéale du métier de musicien. En effet, on lui propose de l'argent s'il accepte de se plier aux volontés d'un producteur et de se mettre en retrait au sein d'un groupe. Il refuse de se soumettre à toute déformation de son oeuvre au point de se retrouver dans la misère la plus totale. Un musicien intègre et exigeant, déçu et blasé, qui ne se voit pas d'avenir sans reconnaissance de sa musique. A un moment dans le film, il dit d'ailleurs à sa soeur qu'il ne veut pas se contenter d'"exister" comme son père. Il ne vit que pour la musique, n'arrive pas à s'imaginer un futur autrement.


Mais rien ne semble lui réussir, chaque lueur d'espoir finit par s'éteindre. Comme lorsqu'il entreprend un périple en voiture pour Chicago sous la neige en compagnie d'un marginal quasi muet et d'un vieil obèse méprisant et malade (mais tout de même très drôle) afin de se rendre dans une célèbre maison de disques.


Ce périple en voiture est d'ailleurs assez long, on croit vraiment à un changement à venir mais tout cela se soldera là aussi par un échec.
Bref, il tourne en rond, comme le démontre assez bien la construction du film (que l'on comprend à la fin), soigneusement réalisée par les frères Coen pour coller parfaitement à l'histoire.


C'est un film sur l'histoire de la musique folk des années 60 où transperce une grande poésie et beaucoup de sensibilité. Le film s'ouvre sur Llewyn en train de jouer dans un café concert : une voix magnifique, une musique émouvante. Il dira de la sa musique : "pas toute jeune et pas une ride, c'est ça la folk!"
Certaines scènes sont drôles, notamment celles avec le chat que Llewyn se sent obligé de trimbaler partout avec lui dans la première partie du film, ou celles avec des personnages secondaires atypiques.


Toutefois, il ressent de ce film une grande mélancolie. Tous les personnages ont comme un voile de tristesse dans le regard, comme s'ils avaient tous renoncé à leurs rêves.

D'un point de vue général, j'ai trouvé que ce film manquait d'élan, on s'attend toujours à un rebondissement, qui au final n'arrive pas. Il en ressort un certain ennui, une lassitude. Mais je pense que c'est l'effet escompté puisque face à ce portrait d'une vie gâchée je suis sortie moi aussi pleine de mélancolie. Et on ne peut nier la parfaite réalisation des frères Coen et le formidable jeu d'acteur d'Oscar Isaac et des interprètes tous les personnages secondaires !

Ce film a reçu le Grand Prix lors du festival de Canne 2013.

Inside Llewyn Davis / réalisé par Ethan et Joel Coen, avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake... 2013

vendredi 15 novembre 2013

Un drôle de roman au style particulier : La première chose qu'on regarde

La première chose qu'on regarde / Grégoire Delacourt

Ecrit par l'auteur de la Liste de mes envies (édition JC Lattlès en 2012), ce nouveau roman de Grégoire Delacourt paru en 2013 raconte l'histoire d'une jeune femme, Jeanine, que l'on confond systématiquement avec Scarlett Johannson au point que cela gâche sa vie. Elle débarque un jour chez un jeune garagiste de 20 ans, Arthur, qui vit à Long, petite ville de la Somme. Ce dernier n'en revient pas, lui qui n'a jamais eu vraiment de copine et pour qui les femmes semblent encore inaccessibles.
A partir d'un quiproquo, tous deux vont apprendre à se connaitre, à s'aimer, à faire des projets ensemble. Mais Arthur est-il amoureux de Jeanine ou de Scarlett Johannson ?


Ce livre est un peu étrange, il est écrit comme un conte de fée moderne, avec sa part de clichés (le prénom Jeanine, le jeune garagiste fauché et un peu plouc, d'autres personnages assez caricaturaux), mais contrairement aux contes de fée, n'a pas de happy end, et ceci est annoncé dès les premières pages du livre. C'est ce qui entretient l'intrigue également, on se demande ce qui va bien pouvoir se passer.

J'avoue avoir hésité à continuer après les premières pages. Le livre commence d'ailleurs avec cette phrase : "Arthur Dreyfus aimait les gros seins" et s'en suit tout un chapitre sur les fantasmes liées aux poitrines féminines qu'a eut Arthur dans son adolescence... Le ton se veut décalé, comme si l'auteur racontait ici une fable. Même les évènements dramatiques sont racontés sur un ton léger, comme lorsqu'il évoque le décès tragique de la petite soeur d'Arthur... C'est assez déroutant.
Mais au fur et à mesure que l'on avance dans le récit, lorsque Scarlett devient Jeanine aux yeux d'Arthur, on sent que celui-ci grandit et prend conscience des drames de sa vie. C'est l'histoire de deux jeunes gens qui peinent à grandir, à se faire une place dans la société, à réaliser leurs rêves, pourtant simples. Tous deux ont des blessures qui ont du mal à cicatriser, et c'est ce qui va les rapprocher. C'est un livre sur les apparences, souvent trompeuses, mais qui ont une place déterminante dans notre société moderne. C'est une belle histoire d'amour aussi.

L'écriture est fluide, les phrases par moment très courtes, percutantes et d'autres très longues, descriptives. Les dialogues des deux protagonistes se mêlent à la narration, sans distinction de forme. Le ton est par moment léger mais beaucoup plus grave vers la fin. L'auteur se permet régulièrement des digressions documentaires nous livrant des informations précises sur la vie de Scarlett Johansson ou sur la petite ville de Long, dans la Somme, et nous décrit avec grande précision certaines scènes ! C'est d'ailleurs dès fois un peu lourd...

C'est donc un roman à prendre au second (voir au troisième) degré. L'auteur en fait un peu trop avec son style d'écriture qui se veut original, mais qui est souvent pesant. J'ai tout de même bien aimé le petit coté poétique et la grande sensibilité qui  ressort des deux personnages principaux.
Quelques citations:

"C'était un marivaudage adolescent, charmant, patient ; ce moment d'avant où tout est possible ; ces mots posés là, dans le désordre, avant l'écriture" p. 107

"En ce dernier jour de leur vie ensemble, qui fut aussi véritablement le premier, Arthur Dreyfuss découvrit l'une des formes les plus simples et les plus pures du bonheur : être profondément et sans explication heureux en compagnie de quelqu'un d'autre." p.184

"L'amour est le seul moyen de ne pas devenir assassin". p192


samedi 26 octobre 2013

La Gifle, intéressante série australienne

Après les séries nordiques plébiscitées par ARTE, c'est un nouveau continent qui est mis à l'honneur sur la chaîne franco-allemande : l'Australie. La Gifle est une série plutôt bien faite et assez attachante diffusée en septembre dernier.


Cela commence comme une sitcom française : Hector fête son anniversaire en famille et avec quelques amis, le barbecue se déroule dans la bonne humeur dans le jardin d'un pavillon de la banlieue de Melbourne. Toutefois, on perçoit déjà quelques tensions et  non-dits. Et puis, un petit enfant très turbulent en fait voir de toutes les couleurs aux autres enfants et casse les oreilles aux adultes. A bout de nerfs, l'un des invités (le cousin d'Hector) lui administre une gifle monumentale. Suite à cet incident, c'est la crise : les parents du garçonnet sont choqués et s'en vont.


Dans les épisodes suivants, on épousera  le point de vue des différents participants à cette fête et c'est ce qui fait la force de cette série : chaque personnage est interprété avec une grande finesse, on voit comme les points de vue peuvent différer selon le vécu de chacun.
Aussi on commence par Hector qui fête son anniversaire un peu contre son gré et ne reste pas indifférent aux charmes de la jeune baby-sitter de ses enfants.

Hector

Puis c'est au tour d'Anouk, femme moderne à la fois indépendante et fragile qui entre dans la quarantaine. Un  portrait vraiment touchant, sans doute mon préféré!
Ensuite Harry, le cousin d'Hector, issu de la même fratrie grecque, il a un tempérament impulsif et violent mais est également très protecteur. C'est lui l'auteur de la gifle qui sera ensuite la cible des parents du garçonnet.
On épousera aussi le point de vue d'Aicha la femme d'Hector, ou encore celui la jeune baby-sitter...

Rosie et son petit garçon turbulent, ainsi que son papa juste derrière, après la scène de la gifle

A travers chaque portrait se jouent de petits drames personnels plus ou moins liés à cet après-midi où a lieu la fameuse gifle. Certains défendent avec ferveur les parents du petit garçon turbulent, sortes de baba-cools un peu loufoques, d'autres prennent la défense d'Harry l'auteur de la gifle, et cela met à mal l'amitié des trois copines : Rosie (la maman du garçon) Aicha et Anouk...


Partant d'un geste presque anodin, cette série devient vraiment prenante et on s'attache vite aux différents personnages. En effet, ils sont tous interprétés avec justesse, tous sont un peu ambigus, sont présentés avec leurs qualités et leurs défauts. On aperçoit vite les fêlures dans la vie de couple d'Hector et d'Aicha, les pensées racistes refoulées du cousin Harry envers Aicha, la détresse amoureuse d'une adolescente, le difficile passage à la quarantaine (Anouck), la difficulté de se faire entendre au sein d'une famille étouffante (Aicha)...


Et bien sur, le coeur du sujet c'est aussi l'éducation des enfants, les limites à poser ou non, les libertés qui leurs sont accordées, le rôle des parents... et la perception que chacun en a.

Une série intéressante, déjà sortie en DVD et diponible en VOD sur le site d'ARTE

La Gifle (The Slap). - série australienne réalisée par Tony Ayres

dimanche 20 octobre 2013

Omar : un très beau film palestinien

Il est des fois difficile de sélectionner le film à voir, mais la recherche d'un horaire précis peut être un facteur déterminant. :-) Après avoir hésité entre le très (trop?) médiatisé La Vie d'Adèle d'Abdelatiff Kechiche mais qui dure 3 heures, le décalé 9 mois ferme d'Albert Dupontel (un peu trop loufoque?) ou La vie domestique (film bien français au risque d'être décevant?) c'est finalement vers un film étranger, palestinien plus précisément, et très peu médiatisé que je me suis tournée. Et j'ai bien fait. 

Omar  est un film réalisé par Hany Abu-Assad, le réalisateur de Paradise Now. Ce film est une véritable pépite, à la réalisation à la fois sobre et réfléchie, sans musique, sans fioriture. C'est une histoire à la fois dure et émouvante, sur fond de réalisme géopolitique.


Voici l''histoire : Dans la Cisjordanie occupée, Omar franchit quotidiennement, et au risque de se faire tirer dessus, le haut mur qui le sépare de ses amis et de la fille qu'il aime en secret, Nadia, soeur de son copain Tarek. Face aux brimades et sévices de la police et pour lutter contre l'occupation des territoires palestiniens, Omar et ses deux copains, Tarek et Amjad, mettent en place un attentat, un acte de résistance face à l'occupant. Mais la police finit par retrouver leur trace. Il semble qu'ils aient été dénoncés. Omar se fait prendre et va passer de terribles moments en prison. Pour sortir il doit accepter de collaborer avec la police. Du moins c'est ce qu'il essaie de leur faire croire.

Bande-annonce :

Omar, c'est le portrait d'un jeune homme perdu entre ses idéaux, la cause qu'il défend et l'amour qu'il porte à la jolie Nadia. Il veut sauver sa peau tout en gardant son honneur mais il découvre la trahison, la manipulation, la prison... On ne sait jamais de quel coté la balance va pencher : va-t'il trahir ses amis et ses idéaux pour sauver sa peau? Va t'il réussir à se sortir de la terrible main-mise qu'a sur lui le chef de la police?


Le film est bien rythmé, entre les courses poursuites avec la police et les moments de solitude et de réflexion d'Omar, il en ressort une tension permanente. A cette histoire s'ajoutent les péripéties de sa relation avec Nadia, qui s’avéreront en fait être liées à la première intrigue...Omar voit toute sa vie chamboulée à cause de ce fait géopolitique qu'est l'occupation de son territoire : ses relations amicales, amoureuse, etc


De plus, ce jeune acteur qui interprète Omar joue admirablement bien et a une gueule a rendre jalouses les stars d'Hollywood! S'ajoute à tout ça de vraiment belles scènes : celle où les trois copains sont assis dans des fauteuils d'avion au milieu des cactus et où Amjad joue de la guitare, ou lorsque Omar est enfermé en prison avec pour seule compagnie une fourmi dans sa cellule... De beaux moments qui sont filmés de manière assez sobre et esthétique, ce qui contribue à l'émotion véhiculée par ce film.


En plus d'être un beau film, c'est un film qui interpelle sur la situation de ces territoires occupés, sur la vie de ces populations séparées par un mur, sans pour autant porter de jugement. Bref, on ne cesse d'être surpris tout au long du film. Une très belle découverte, à voir !

Omar.  Sorti le 16 octobre 2013, (1h 37min) 
Réalisé par Hany Abu-Assad. Avec Adam Bakri, Waleed Zuaiter, Leem Lubany, Samer Bisharat, Eyad Hourani.

Prix spécial du jury "Un certain regard" lors du festival de Cannes 2013

samedi 12 octobre 2013

Accabadoria, un beau roman sur les traditions sardes

La Sardaigne, sa mer turquoise, ses montagnes abruptes, ses campagnes sauvages... Si on connait le coté idyllique de la célèbre île de Méditerranée, on méconnaît les coutumes souvent ancestrales qui sont encore d'usage dans les villages et qui contribuent à renforcer l'âme de l'île.


Dans Accabadoria, Michela Murgia raconte l'histoire d'une fillette, Maria, dans les années 50. Enfant non désirée née après ses 3 soeurs et dont la mère, trop pauvre pour l'élever, la fit adopter par une femme du village. Elle sera  alors une fill'e anima élevée avec à la fois avec tendresse et sévérité par Tzia Bonaria, une vieille femme trop tôt veuve et sans enfant, qui l'encouragera à aller à l'école tout en lui apprenant le métier de couturière. Mais en grandissant, Maria se pose de plus en plus de questions : pourquoi dès fois, à la nuit tombée, Tzia Bonaria sort en douce enroulée dans son châle noir et ne lui dit jamais où elle va?
Lorsqu'elle découvre que sa mère adoptive est l'"Accabadoria", "la dernière mère" celle qui accompagne les malades dans leur dernier souffle, dans des circonstances qui contribuent à la bouleverser encore plus, elle lui en veut terriblement et décide de s'enfuir. Mais on n'oublie pas si facilement son passé et toutes deux seront amenées à se revoir...

Accabadoria c'est aussi l'histoire de deux frères du village, amis de Maria, dont l’aîné veut venger un affront fait à son père. Où les questions de traditions et d'honneur sont mises en avant.  C'est le récit d'un village ancré dans des coutumes ancestrales, où on parle sarde et non italien, où l'Italie d'ailleurs, et plus généralement le continent, semble être une lointaine civilisation. Dans ce village, il semble exister une sorte de de code moral, "il y a des choses qui se font et d'autres qui ne se font pas" et la mort est à la fois crainte et respectée.

Dans ce roman, l'atmosphère est souvent lourde : toutes ces existences sont parsemées de drames et tous les personnages cachent des secrets, des fois terribles. A demi mot, dans une écriture à la fois simple, fluide et poétique, l'auteure nous livre les secrets d'une Sardaigne méconnue. On suit l'histoire à travers les yeux de Maria qui perd peu à peu l’innocence de son enfance en découvrant ces secrets.
C'est un roman sur l'abandon, la mort, la volonté d'en finir... Difficile d'en dire plus sans révéler le dénouement de cette histoire. C'est surtout un livre plein de charme, de caractère et de mystères.

Accabadora / Michela Murgia . - Le Seuil, 2011

Quelques citations :

"Mais les veuves de maris en vie pullulaient dans le village, tout le monde le savait, les mauvaises langues autant que Bonaria Urrai qui, le matin, allait acheter du pain frais, la tête haute, sans s'arrêter et rentrait chez elle droite comme la rime d'une octave chantée" p. 14

"La demeure du défunt n'était pas très loin mais on entendait déjà à des centaines de mètres le chant sombre de l'attitu. Ces lamentations à la musicalité gouailleuse chantaient aux habitants de Soreni les chagrins présents et passés de chaque maison, car le deuil d'une famille réveillait les souvenirs des pleurs versés au fil des ans par tous les autres." p. 24

"<<Il faut aconnaître l'italien, car on ne sait jamais ce que la vie réserve. La Sardaigne fait partie de l'Italie>> - Ce n'est pas vrai. Nous sommes séparés! Je l'ai vu sur la carte. Entre nous il y a la mer.>> p. 38

Malgré sa préférence affichée pour le garçon, Bonaria ne lui manifestait aucune commisération: le regard dur, ses mains osseuses et nues entrelacées tel un écheveau, elle s'exprimait sur un ton aussi froid que la température extérieure, comme si elle s'était changé en courant d'air pour renouveler l'atmosphère malsaine de la pièce. p.88

Comme les yeux de la chouette, certaines pensées ne supportent pas la lumière du jour. Elles ne peuvent naître que la nuit, où, exerçant la même fonction que la lune, elles meuvent des marées de sens dans un invisible ailleurs de l'âme p.122

jeudi 3 octobre 2013

Blue Jasmine

J'avoue avoir été un peu déçue par le dernier film de Woody Allen, pourtant encensé par la critique. Après avoir fait le tour des villes européennes dans ses derniers films, il a reprit pour décors New-York et la Californie.



Blue Jasmine c'est l'histoire d'une princesse des temps modernes, jolie bourgeoise respectée et fortunée qui tombe de son pied d’estale lorsque son millionnaire de mari se fait arrêter pour escroquerie. Elle perd aussi son statut et la reconnaissance de ses paires. Elle décide alors d'aller vivre chez sa soeur adoptive en Californie, qu'elle n'a pas vu depuis des lustres car ce n'est qu'une simple prolétaire. Elle doit prendre sur elle-même pour supporter le nouveau compagnon de sa soeur, un beauf sexy, et ses deux enfants bruyants, dans leur petite maison de banlieue. Elle tombe de haut et doit se réhabituer à une vie beaucoup plus modeste, même si elle conserve ses goûts de luxe et ne peut s'empêcher d'avoir un regard très condescendant sur la vie que mène sa soeur qui est caissière.


Le film commence donc par l'arrivée de Jasmine chez sa soeur, après un voyage en avion où elle a déballé sa vie à sa voisine, elle découvre presque avec effroi le quartier populaire où vit sa soeur. On voit tout de suite qu'elle débarque d'un milieu préservé : avec sa panoplie de bagages L Vuiton, elle donne un pourboire excessif au chauffeur de taxi qui n'en revient pas, et observe ce nouvel environnement avec la condescendance des gens qui n'ont jamais eu jamais besoin de travailler.
On constate vite que Jasmine est très agitée, a tendance à parler toute seule, a besoin de respirer calmement, se shoote au xanax et aux vodkas martinis, parle beaucoup d'elle, de sa vie passée, de comment elle a rencontré son mari sur la chanson "Blue Moon"...

Bande-annonce :

Puis on passe aux flash-backs nous ramenant quelques mois en arrière lorsque Jasmine vivait avec son richissime époux. Le film est construit en alternant scènes du présent (sa cohabitation avec sa soeur, sa recherche de travail, ses errances tourmentées, etc.) avec scènes de passé qui nous en apprennent davantage sur sa vie d'avant : quelles étaient les relations avec son mari, pourquoi et comment ce dernier s'est fait coincé, ses relations avec sa soeur, son regard sur le monde depuis sa tour d'ivoire et enfin comment elle essaie de faire face à sa chute.
C'est donc le portrait d'une femme brisée par la fin d'un amour et sa chute dans l'échelle sociale. Une femme  de pacotille qui doute d'elle, qui se cherche mais a des rêves de grandeur et de reconnaissance.


On ne peut qu'admirer la performance de Cate Blanchett qui parvint à rendre cette femme névrosée et dépressive plus que crédible. Elle veut toujours sauver les apparences, faire semblant d'être une riche épouse, rêve d'avoir un métier prestigieux, ne veut pas montrer ses faiblesses. Aussi, on la voit souvent sourire tout en ayant les larmes aux yeux. On ne sait si on doit la plaindre ou la détester pour son coté précieux mais à la fois tellement désespérée.


C'est vraiment sa performance d'actrice qui fait tout le film. Et quelques scènes drôles par leur ridicule de situation, comme lorsque Jasmine raconte sa vie aux deux bambins de sa soeur dans un fast-food qui la regarde médusés ! D'ailleurs, j'aime beaucoup aussi le personnage de la soeur, Ginger, fille volontaire, à la fois fragile influençable et déterminée, toujours optimiste.


Sinon dans l'ensemble j'ai trouvé l'ensemble plutôt ennuyeux même si certains sujets ressortent du film : le besoin de reconnaissance suite à une enfance difficile, la fascination d'une soeur pour une autre, l'addiction aux médicaments, etc. Et comme souvent dans ses films, Woddy Allen dresse un portrait au vitriole d'une bourgeoisie cynique, hautaine et désinvolte.

Un film qui se regarde avec plaisir mais qui ne laissera surement pas une trace indélébile dans l'histoire du cinéma !

Blue Jasmine / Film réalisé par Woddy Allen avec Cate Blanchet, Alec Baldwin, Sally Hawkins, etc.

samedi 28 septembre 2013

Un peu de grammaire anglaise? Nouveaux accords dans la pop anglo-saxonne!

London Grammar

Voici ma dernière découverte musicale : London Grammar, un trio londonien composé de 2 jeunes hommes, Dot Major et Dan Rothman et d'une jolie blonde, Hannah Reid  tous âgés d'une petite vingtaine d'années. La chanteuse a une voix à la fois profonde, chaleureuse et aérienne qui révèle une grande maturité pour une jeune femme de 22 ans : elle est capable de passer d'un registre très grave à d'autres plus aigus où sa voix s'élève délicieusement! (bel exemple dans Nightcall)


Dans ce premier album intitulé If you wait, on découvre une musique aérienne, à la fois délicate et profonde.

On remarque rapidement les diverses influences du trio, notamment celle de The XX, très présente dès les premières notes et dans le morceau Hey Now :


Quant au morceau If you wait, qui a donné son nom à l'album, il me fait penser à la regrettée chanteuse Lhasa :

C'est la même chose avec le beau morceau Nightcall déjà cité plus haut, qui a une forte consonance onirique.

Tout au long de l'album se dégage une profonde mélancolie, je me vois bien l'écouter un jour d'hiver en regardant la neige tomber par exemple. Un de mes morceaux préférés est Darling are you gonna leave me?  à la fois envoûtant grâce à la voix de la chanteuse et à un refrain plus rythmé. Et toujours cette grande mélancolie.
  

Le featuring électro Help me loose my mind se démarque un peu dans cet album. Moins à mon goût c'est toutefois apparemment un véritable succès outre-manche. Sans doute un peu plus commercial également.


Metal and Dust : pour apprécier la voix de la chanteuse et se laisser bercer par ce beau refrain. J'aime beaucoup ce morceau.


Certaines musiques me rappellent aussi la chanteuse irlandaise Sinead O'Connor comme par exemple le morceau Strong.


Wasting my youg years est une chanson magnifique sur la détresse de la jeunesse, sans doute un de leur plus beaux titres. Voici un extrait du refrain : "I'm wasting my young years (Je gâche ma jeunesse) , It doesn't matter here (Peu importe), I'm chasing more ideas (Je traque les solutions), It doesn't matter here (Peu importe)".

En tout, ce sont 17 titres à découvrir pour découvrir les différentes facettes de ce nouveau groupe anglais !

Et peut être à découvrir en chair et en os à la laiterie à Strasbourg le 16 novembre ?! D'autres dates sont prévues partout en France cet automne.



lundi 23 septembre 2013

Un roman tendre et plein d'optimisme de Barbara Constantine

Et puis, Paulette....

Ma dernière lecture consiste en un roman frais, léger, une sorte de conte moderne écrit avec beaucoup de tendresse et de justesse. C'est Et puis, Paulette... de Barbara Constantine, auteur dont c'est déjà le cinquième roman mais que je ne connaissais pas!


C'est l'histoire de Ferdinand, vieil homme veuf vivant seul dans une immense ferme depuis que son fils et sa famille ont déménagé. Un jour, il trouve un chien au bord de la route et le ramène à sa propriétaire, une femme du village qu'il connait un peu, et la retrouve à moitié dans les vapes. Lui proposant son aide mais n'osant pas trop s'imposer il laisse Marcelline à sa solitude et à ses soucis. Mais lorsque le toit de la maison de celle-ci s'écroule, ce sont les deux intrépides petits-fils de Ferdinand, qu'il surnomme affectueusement ses lulus (Lucien et Ludovic), qui lui demandent : "mais pourquoi ne lui proposes-tu donc pas de venir vivre dans ta ferme puisque tu as plein de place?". Refusant au départ sous prétexte qu'ils ne se connaissent pas suffisamment pour faire une telle proposition, il finira par aller la voir, passant outre les barrières de la timidité, de la peur de l'autre et des  "trop bonnes manières occidentales", et lui propose de venir habiter dans une partie de sa ferme. Après quelques hésitations, mais n'ayant pas d'autre solution, elle accepte et débarque avec son chat et son âne! Fameuse jardinière et cuisinière elle donnera un nouveau souffle à la vie de Ferdinand. Et ce n'est que le début puisque ce sont ensuite deux vieilles dames octo et nonagénaires, les soeurs Lumière, qui manquent de se retrouver à la rue. Là aussi Ferdinand hésitera avant de leur proposer de vivre dans une partie de sa ferme. Puis, afin de s'occuper de Hortense, agée de 90 ans et malade, ils iront trouver une jeune étudiante infirmière, Muriel, à qui ils proposeront un deal : elle sera nourrie et logée à condition de qu'elle s'occupe de la vieille dame et de lui apporte les soins. Deal accepté. 
La maisonnée continue de s'étendre lorsqu'un vieil ami de Ferdinand et de Marcelline, Guy, se retrouve veuf et tombe dans le désespoir au point de se laisser complètement aller. Là aussi, la solution de venir cohabiter à la ferme finit par s'imposer... Et ça continue... Chacun apportera sa petite contribution à la vie en collectivité qui s'organise alors, redonnant vie à une ferme tombant à l'abandon et surtout redonnant le gout de vivre à tous les colocataires.

C'est un roman qui parle de la vieillesse, de la solitude, de la mort, des drames de la vie, de comment faire face au désespoir et aussi, surtout, de la solidarité entre jeunes et personnes âgées. Ici les vieux donnent un certain entrain à la jeunesse, un cadre familial, une douceur de vivre fort appréciable, et les plus jeunes apportent aide et soutien pour les travaux manuels, les soins, le jardinage, l'informatique... Ils finiront d'ailleurs par créer un site Internet appelé Solidarvioc.com pour raconter leur expérience de cohabitation intergénérationnelle.
Mais ce livre aborde plein d'autres sujets. En effet, Barbara Constantine alterne les points de vue dans sa narration. Dans un chapitre on percevra l'histoire vue depuis les "Lulus" la difficulté des rapports entre un petit garçon et son papa, la perception du divorce de ses parents, puis on passera au chapitre suivant au point de vue d'un des ailleux, la solitude de Ferdinand, le passé de Marcelline, les angoisses des soeurs Lumière, puis des jeunes avec les problèmes d'argent de Muriel, etc. Chaque fois avec un style correspondant au langage de chaque personnage (enfantin, soutenu, familier...)
Et tout à la fin, on sait enfin qui est Paulette !

J'ai trouvé ce roman plein de fraîcheur et d'optimisme, à la fois très facile à lire mais avec un style fluide, elliptique et très touchant.  Il se lit d'une traite !

Et puis, Paulette... / Barbara Constantine . Calman Levy, 2012.

Quelques citations : 

"Il n’a jamais bien su s’exprimer, encore moins parler de ses émotions. Il aurait l’impression de se mettre à poil au milieu de la grande place, un jour de marché. Très peu pour lui. Il préfère garder tout au fond, bien enfoui, c’est plus simple."

"Il a expliqué qu'en général, on ne partageait sa maison qu'avec des gens de sa famille, rarement avec des étrangers. Pourquoi ? Chez les autres, on ne se sentait jamais complètement bien, on n'avait pas les mêmes goûts ou les mêmes habitudes."

"Hortense est très excitée, elle veut apprendre a surfer sur le oueb ! cliquer sur le dos d une souris ! se mettre de profil sur fesse bouc ! Elle adore ses deux nouveaux amis, surtout le jeune homme, là, elle le trouve rigolo et beau ....ah lala ! Il lui appelle un peu Octave, son mari d un jour , hein , Simone ?"

"C'était tout simplement triste d'avoir perdu autant de temps. Pour lui, Ferdinand , de se rendre compte seulement maintenant que son fiston n'était pas juste un p'tit con. Et pour Roland, que son père n'était pas qu'un vieux naze."

"Il pensait que ce serait intéressant de faire connaitre à d’autres leur expérience, d’expliquer comment ils vivaient tous ensemble, les avantages, les inconvénients [...] et Guy a proposé d'appeler le site solidarvioc.com. Pas très joli, pas très poétique, mais, ça voulait bien dire ce que ça voulait dire"


mardi 10 septembre 2013

Un étonnant film canadien : Vic + Flo ont vu un ours

Belle surprise au cinéma, avec le film canadien Vic+ Flo ont vu un ours de Denis Coté. 


Je reconnais que je ne serai probablement pas allée voir ce film si je n'avais pas gagné des places ! Mais ce fut pour le coup une belle découverte. L'histoire est émouvante, les personnages attachants, la réalisation à la fois minimaliste et soignée, on rit mais on pleure (presque) également. Bref j'ai beaucoup aimé. Je ne m'attendais pas à cela : le résumé, les critiques de presse que j'ai lu sur ce film, ainsi que la bande-annonce ne sont pas du tout représentatives de ce long-métrage.

Bande annonce :


L'histoire, c'est celle de Victoria, jeune sexagénaire, qui débarque dans la forêt avec sa valise : elle vient s'installer dans une ancienne cabane à sucre où vit son vieil oncle paralysé et muet. On devine qu'elle a besoin d'espace et de solitude après avoir passé des années dans une cellule. Plus tard, elle est rejointe par son amie Flo, superbement interprétée par Romane Bohringer. On n'a jamais de grandes explications dans ce film, on passe par exemple d'une scène de profonde tristesse où Vic pleure, seule, à une autre scène de joie et d'amour où Flo est arrivée. Tout au long du film, on lit entre les lignes, on devine le passé des deux femmes, liées par une douleur qu'elles seules peuvent comprendre. 


Mais après la joie des retrouvailles, les nuages noirs pointent à l'horizon. Vic souhaite vivre loin de toute civilisation, dans la forêt, cultiver son jardin. Flo, plus jeune, souhaite se reconstruire, trouver un travail, avoir une vie sociale. L'agent de réinsertion de Victoria, Guillaume, l'encourage à s'ouvrir davantage sur le monde, demande de l'aide à Flo mais se fera sans cesse chambrer (c'est assez drôle d'ailleurs!). Vers la fin du film, ce personnage devient assez attachant.


Mais le dur passé de ces deux ex taulardes viendra refaire surface.  Difficile d'en dire plus.
Ce que je peux dire, c'est que le film passe d'une phase un peu contemplative et mélancolique vers la moitié à un final... surprenant, très noir, limite traumatisant. Une fin qui donne aussi un sens au nom du film ! 

La réalisation de ce film est étonnante car on passe d'un registre à l'autre : des fois drôle, décalé voir absurde, souvent mélancolique et même tragique. D'ailleurs, ces changements de tons se font souvent par  ellipses, beaucoup de choses sont suggérées. Et tout au long du film on est bercé par l'accent canadien,  avec quelques "tabarnak" bien placés, ce qui donne un charme supplémentaire au film !

Vic+ Flo ont vu un ours a été récompensé à la Berlinale de 2013 en recevant le prix Alfred Bauer.