samedi 26 octobre 2013

La Gifle, intéressante série australienne

Après les séries nordiques plébiscitées par ARTE, c'est un nouveau continent qui est mis à l'honneur sur la chaîne franco-allemande : l'Australie. La Gifle est une série plutôt bien faite et assez attachante diffusée en septembre dernier.


Cela commence comme une sitcom française : Hector fête son anniversaire en famille et avec quelques amis, le barbecue se déroule dans la bonne humeur dans le jardin d'un pavillon de la banlieue de Melbourne. Toutefois, on perçoit déjà quelques tensions et  non-dits. Et puis, un petit enfant très turbulent en fait voir de toutes les couleurs aux autres enfants et casse les oreilles aux adultes. A bout de nerfs, l'un des invités (le cousin d'Hector) lui administre une gifle monumentale. Suite à cet incident, c'est la crise : les parents du garçonnet sont choqués et s'en vont.


Dans les épisodes suivants, on épousera  le point de vue des différents participants à cette fête et c'est ce qui fait la force de cette série : chaque personnage est interprété avec une grande finesse, on voit comme les points de vue peuvent différer selon le vécu de chacun.
Aussi on commence par Hector qui fête son anniversaire un peu contre son gré et ne reste pas indifférent aux charmes de la jeune baby-sitter de ses enfants.

Hector

Puis c'est au tour d'Anouk, femme moderne à la fois indépendante et fragile qui entre dans la quarantaine. Un  portrait vraiment touchant, sans doute mon préféré!
Ensuite Harry, le cousin d'Hector, issu de la même fratrie grecque, il a un tempérament impulsif et violent mais est également très protecteur. C'est lui l'auteur de la gifle qui sera ensuite la cible des parents du garçonnet.
On épousera aussi le point de vue d'Aicha la femme d'Hector, ou encore celui la jeune baby-sitter...

Rosie et son petit garçon turbulent, ainsi que son papa juste derrière, après la scène de la gifle

A travers chaque portrait se jouent de petits drames personnels plus ou moins liés à cet après-midi où a lieu la fameuse gifle. Certains défendent avec ferveur les parents du petit garçon turbulent, sortes de baba-cools un peu loufoques, d'autres prennent la défense d'Harry l'auteur de la gifle, et cela met à mal l'amitié des trois copines : Rosie (la maman du garçon) Aicha et Anouk...


Partant d'un geste presque anodin, cette série devient vraiment prenante et on s'attache vite aux différents personnages. En effet, ils sont tous interprétés avec justesse, tous sont un peu ambigus, sont présentés avec leurs qualités et leurs défauts. On aperçoit vite les fêlures dans la vie de couple d'Hector et d'Aicha, les pensées racistes refoulées du cousin Harry envers Aicha, la détresse amoureuse d'une adolescente, le difficile passage à la quarantaine (Anouck), la difficulté de se faire entendre au sein d'une famille étouffante (Aicha)...


Et bien sur, le coeur du sujet c'est aussi l'éducation des enfants, les limites à poser ou non, les libertés qui leurs sont accordées, le rôle des parents... et la perception que chacun en a.

Une série intéressante, déjà sortie en DVD et diponible en VOD sur le site d'ARTE

La Gifle (The Slap). - série australienne réalisée par Tony Ayres

dimanche 20 octobre 2013

Omar : un très beau film palestinien

Il est des fois difficile de sélectionner le film à voir, mais la recherche d'un horaire précis peut être un facteur déterminant. :-) Après avoir hésité entre le très (trop?) médiatisé La Vie d'Adèle d'Abdelatiff Kechiche mais qui dure 3 heures, le décalé 9 mois ferme d'Albert Dupontel (un peu trop loufoque?) ou La vie domestique (film bien français au risque d'être décevant?) c'est finalement vers un film étranger, palestinien plus précisément, et très peu médiatisé que je me suis tournée. Et j'ai bien fait. 

Omar  est un film réalisé par Hany Abu-Assad, le réalisateur de Paradise Now. Ce film est une véritable pépite, à la réalisation à la fois sobre et réfléchie, sans musique, sans fioriture. C'est une histoire à la fois dure et émouvante, sur fond de réalisme géopolitique.


Voici l''histoire : Dans la Cisjordanie occupée, Omar franchit quotidiennement, et au risque de se faire tirer dessus, le haut mur qui le sépare de ses amis et de la fille qu'il aime en secret, Nadia, soeur de son copain Tarek. Face aux brimades et sévices de la police et pour lutter contre l'occupation des territoires palestiniens, Omar et ses deux copains, Tarek et Amjad, mettent en place un attentat, un acte de résistance face à l'occupant. Mais la police finit par retrouver leur trace. Il semble qu'ils aient été dénoncés. Omar se fait prendre et va passer de terribles moments en prison. Pour sortir il doit accepter de collaborer avec la police. Du moins c'est ce qu'il essaie de leur faire croire.

Bande-annonce :

Omar, c'est le portrait d'un jeune homme perdu entre ses idéaux, la cause qu'il défend et l'amour qu'il porte à la jolie Nadia. Il veut sauver sa peau tout en gardant son honneur mais il découvre la trahison, la manipulation, la prison... On ne sait jamais de quel coté la balance va pencher : va-t'il trahir ses amis et ses idéaux pour sauver sa peau? Va t'il réussir à se sortir de la terrible main-mise qu'a sur lui le chef de la police?


Le film est bien rythmé, entre les courses poursuites avec la police et les moments de solitude et de réflexion d'Omar, il en ressort une tension permanente. A cette histoire s'ajoutent les péripéties de sa relation avec Nadia, qui s’avéreront en fait être liées à la première intrigue...Omar voit toute sa vie chamboulée à cause de ce fait géopolitique qu'est l'occupation de son territoire : ses relations amicales, amoureuse, etc


De plus, ce jeune acteur qui interprète Omar joue admirablement bien et a une gueule a rendre jalouses les stars d'Hollywood! S'ajoute à tout ça de vraiment belles scènes : celle où les trois copains sont assis dans des fauteuils d'avion au milieu des cactus et où Amjad joue de la guitare, ou lorsque Omar est enfermé en prison avec pour seule compagnie une fourmi dans sa cellule... De beaux moments qui sont filmés de manière assez sobre et esthétique, ce qui contribue à l'émotion véhiculée par ce film.


En plus d'être un beau film, c'est un film qui interpelle sur la situation de ces territoires occupés, sur la vie de ces populations séparées par un mur, sans pour autant porter de jugement. Bref, on ne cesse d'être surpris tout au long du film. Une très belle découverte, à voir !

Omar.  Sorti le 16 octobre 2013, (1h 37min) 
Réalisé par Hany Abu-Assad. Avec Adam Bakri, Waleed Zuaiter, Leem Lubany, Samer Bisharat, Eyad Hourani.

Prix spécial du jury "Un certain regard" lors du festival de Cannes 2013

samedi 12 octobre 2013

Accabadoria, un beau roman sur les traditions sardes

La Sardaigne, sa mer turquoise, ses montagnes abruptes, ses campagnes sauvages... Si on connait le coté idyllique de la célèbre île de Méditerranée, on méconnaît les coutumes souvent ancestrales qui sont encore d'usage dans les villages et qui contribuent à renforcer l'âme de l'île.


Dans Accabadoria, Michela Murgia raconte l'histoire d'une fillette, Maria, dans les années 50. Enfant non désirée née après ses 3 soeurs et dont la mère, trop pauvre pour l'élever, la fit adopter par une femme du village. Elle sera  alors une fill'e anima élevée avec à la fois avec tendresse et sévérité par Tzia Bonaria, une vieille femme trop tôt veuve et sans enfant, qui l'encouragera à aller à l'école tout en lui apprenant le métier de couturière. Mais en grandissant, Maria se pose de plus en plus de questions : pourquoi dès fois, à la nuit tombée, Tzia Bonaria sort en douce enroulée dans son châle noir et ne lui dit jamais où elle va?
Lorsqu'elle découvre que sa mère adoptive est l'"Accabadoria", "la dernière mère" celle qui accompagne les malades dans leur dernier souffle, dans des circonstances qui contribuent à la bouleverser encore plus, elle lui en veut terriblement et décide de s'enfuir. Mais on n'oublie pas si facilement son passé et toutes deux seront amenées à se revoir...

Accabadoria c'est aussi l'histoire de deux frères du village, amis de Maria, dont l’aîné veut venger un affront fait à son père. Où les questions de traditions et d'honneur sont mises en avant.  C'est le récit d'un village ancré dans des coutumes ancestrales, où on parle sarde et non italien, où l'Italie d'ailleurs, et plus généralement le continent, semble être une lointaine civilisation. Dans ce village, il semble exister une sorte de de code moral, "il y a des choses qui se font et d'autres qui ne se font pas" et la mort est à la fois crainte et respectée.

Dans ce roman, l'atmosphère est souvent lourde : toutes ces existences sont parsemées de drames et tous les personnages cachent des secrets, des fois terribles. A demi mot, dans une écriture à la fois simple, fluide et poétique, l'auteure nous livre les secrets d'une Sardaigne méconnue. On suit l'histoire à travers les yeux de Maria qui perd peu à peu l’innocence de son enfance en découvrant ces secrets.
C'est un roman sur l'abandon, la mort, la volonté d'en finir... Difficile d'en dire plus sans révéler le dénouement de cette histoire. C'est surtout un livre plein de charme, de caractère et de mystères.

Accabadora / Michela Murgia . - Le Seuil, 2011

Quelques citations :

"Mais les veuves de maris en vie pullulaient dans le village, tout le monde le savait, les mauvaises langues autant que Bonaria Urrai qui, le matin, allait acheter du pain frais, la tête haute, sans s'arrêter et rentrait chez elle droite comme la rime d'une octave chantée" p. 14

"La demeure du défunt n'était pas très loin mais on entendait déjà à des centaines de mètres le chant sombre de l'attitu. Ces lamentations à la musicalité gouailleuse chantaient aux habitants de Soreni les chagrins présents et passés de chaque maison, car le deuil d'une famille réveillait les souvenirs des pleurs versés au fil des ans par tous les autres." p. 24

"<<Il faut aconnaître l'italien, car on ne sait jamais ce que la vie réserve. La Sardaigne fait partie de l'Italie>> - Ce n'est pas vrai. Nous sommes séparés! Je l'ai vu sur la carte. Entre nous il y a la mer.>> p. 38

Malgré sa préférence affichée pour le garçon, Bonaria ne lui manifestait aucune commisération: le regard dur, ses mains osseuses et nues entrelacées tel un écheveau, elle s'exprimait sur un ton aussi froid que la température extérieure, comme si elle s'était changé en courant d'air pour renouveler l'atmosphère malsaine de la pièce. p.88

Comme les yeux de la chouette, certaines pensées ne supportent pas la lumière du jour. Elles ne peuvent naître que la nuit, où, exerçant la même fonction que la lune, elles meuvent des marées de sens dans un invisible ailleurs de l'âme p.122

jeudi 3 octobre 2013

Blue Jasmine

J'avoue avoir été un peu déçue par le dernier film de Woody Allen, pourtant encensé par la critique. Après avoir fait le tour des villes européennes dans ses derniers films, il a reprit pour décors New-York et la Californie.



Blue Jasmine c'est l'histoire d'une princesse des temps modernes, jolie bourgeoise respectée et fortunée qui tombe de son pied d’estale lorsque son millionnaire de mari se fait arrêter pour escroquerie. Elle perd aussi son statut et la reconnaissance de ses paires. Elle décide alors d'aller vivre chez sa soeur adoptive en Californie, qu'elle n'a pas vu depuis des lustres car ce n'est qu'une simple prolétaire. Elle doit prendre sur elle-même pour supporter le nouveau compagnon de sa soeur, un beauf sexy, et ses deux enfants bruyants, dans leur petite maison de banlieue. Elle tombe de haut et doit se réhabituer à une vie beaucoup plus modeste, même si elle conserve ses goûts de luxe et ne peut s'empêcher d'avoir un regard très condescendant sur la vie que mène sa soeur qui est caissière.


Le film commence donc par l'arrivée de Jasmine chez sa soeur, après un voyage en avion où elle a déballé sa vie à sa voisine, elle découvre presque avec effroi le quartier populaire où vit sa soeur. On voit tout de suite qu'elle débarque d'un milieu préservé : avec sa panoplie de bagages L Vuiton, elle donne un pourboire excessif au chauffeur de taxi qui n'en revient pas, et observe ce nouvel environnement avec la condescendance des gens qui n'ont jamais eu jamais besoin de travailler.
On constate vite que Jasmine est très agitée, a tendance à parler toute seule, a besoin de respirer calmement, se shoote au xanax et aux vodkas martinis, parle beaucoup d'elle, de sa vie passée, de comment elle a rencontré son mari sur la chanson "Blue Moon"...

Bande-annonce :

Puis on passe aux flash-backs nous ramenant quelques mois en arrière lorsque Jasmine vivait avec son richissime époux. Le film est construit en alternant scènes du présent (sa cohabitation avec sa soeur, sa recherche de travail, ses errances tourmentées, etc.) avec scènes de passé qui nous en apprennent davantage sur sa vie d'avant : quelles étaient les relations avec son mari, pourquoi et comment ce dernier s'est fait coincé, ses relations avec sa soeur, son regard sur le monde depuis sa tour d'ivoire et enfin comment elle essaie de faire face à sa chute.
C'est donc le portrait d'une femme brisée par la fin d'un amour et sa chute dans l'échelle sociale. Une femme  de pacotille qui doute d'elle, qui se cherche mais a des rêves de grandeur et de reconnaissance.


On ne peut qu'admirer la performance de Cate Blanchett qui parvint à rendre cette femme névrosée et dépressive plus que crédible. Elle veut toujours sauver les apparences, faire semblant d'être une riche épouse, rêve d'avoir un métier prestigieux, ne veut pas montrer ses faiblesses. Aussi, on la voit souvent sourire tout en ayant les larmes aux yeux. On ne sait si on doit la plaindre ou la détester pour son coté précieux mais à la fois tellement désespérée.


C'est vraiment sa performance d'actrice qui fait tout le film. Et quelques scènes drôles par leur ridicule de situation, comme lorsque Jasmine raconte sa vie aux deux bambins de sa soeur dans un fast-food qui la regarde médusés ! D'ailleurs, j'aime beaucoup aussi le personnage de la soeur, Ginger, fille volontaire, à la fois fragile influençable et déterminée, toujours optimiste.


Sinon dans l'ensemble j'ai trouvé l'ensemble plutôt ennuyeux même si certains sujets ressortent du film : le besoin de reconnaissance suite à une enfance difficile, la fascination d'une soeur pour une autre, l'addiction aux médicaments, etc. Et comme souvent dans ses films, Woddy Allen dresse un portrait au vitriole d'une bourgeoisie cynique, hautaine et désinvolte.

Un film qui se regarde avec plaisir mais qui ne laissera surement pas une trace indélébile dans l'histoire du cinéma !

Blue Jasmine / Film réalisé par Woddy Allen avec Cate Blanchet, Alec Baldwin, Sally Hawkins, etc.