mercredi 10 juin 2015

Plongez dans les années 80 et suivez la réalisation du premier PC dans "Halt and catch Fire" !

"Halt and catch Fire" fait référence à une instruction en informatique qui ferait surchauffer les composants jusqu'à ce qu'ils prennent feu. Le titre est donc plutôt bien trouvé pour cette série qui se déroule au début des années 1980, au Texas, et dépeint les prémices de la révolution informatique et du développement des premiers ordinateurs personnels, les fameux PC.


L'histoire : Joe MacMillan est un ancien employé d' IBM qui arrive chez Cardiff Electric, une petite entreprise d'électronique, bien décidé à concurrencer son ex-employeur sur le marché des ordinateurs en proposant un nouveau modèle de PC. Ambitieux et déterminé, il convainc le directeur de lancer une nouveau projet qui révolutionnera le domaine informatique. Pour cela, il s'associe à un ingénieur, Gordon Clarck et recrute une jeune geekette tête brûlée, Cameron, pour construire l'OS.

Bande-annonce de la saison 1 :



L'histoire tourne évidement beaucoup autour de la construction de ce nouvel ordinateur et les connaisseurs apprécieront la précision des termes techniques employés et le sens du détail qui est apporté au scénario. Oui, vous entendrez beaucoup parler d'OS, de processeur, de software, de hardware et j'en passe. Mais n'ayez pas peur si vous êtes des novices comme moi, car, bien que les premiers épisodes semblent un peu longs, on finit par être absorbé par l'intrigue. Au delà des enjeux informatiques, l'intérêt de la série tient beaucoup aux relations entre les personnages et, notamment, à la complexité du personnage central, Joe, interprété avec beaucoup de justesse par Lee Pace (Le Hobbit, Lincoln...). En effet, ce dernier est un personnage ambigu et mystérieux, à la fois bellâtre carriériste, égocentrique et manipulateur et visionnaire prodige. Mais qui est réellement Joe ? Pourquoi est-il parti d' IBM ? Pourquoi est-il si renfermé ?

Joe

Quant à Gordon, il a déjà donné beaucoup d'énergie il y a quelques années pour développer un ordinateur, sans le succès escompté. Alors qu'il mène désormais une vie bien rangée, il voit tout son quotidien bouleversé lorsque Joe lui demande de relancer un projet révolutionnaire. Cela va lui demander beaucoup de temps et d'énergie au risque de fragiliser sa santé et sa vie de famille. Heureusement qu'il peut compter sur sa formidable épouse Donna.

Gordon, Cameron et Joe

Cette série est très instructive même pour les novices en informatique comme moi. Elle nous plonge dans l'histoire de la Silicon Prairie, au Texas, le bassin d'innovation qui précéda la Silicon Valley en Californie. Y est dépeint avec brio ce qu'a dû être l'invention du premier P.C., à travers fonctionnement de cette société fictive, "Cardiff Electric". On oublie souvent les heures de travail, de recherches et d'études sur un marché très concurrentiel qui furent nécessaires à la création d'un ordinateur. Alors oui, on sourit devant leurs supers machines modernes pour l'époque et qui ressemblent à un vieux minitel old school faisant des bruits bizarres. Mais on prend conscience aussi que toutes les évolutions technologiques de ces dernières années sont le fruit d'années de travail pour des ingénieurs, des chercheurs/ses et des informaticien-ne-s. Et que les prémices de ces bouleversements informatiques datent tout juste d'il y a vingt ans !

Cameron en train de travailler

Les femmes sont également à l'honneur dans cette série : que ce soit la très douée Cameron, garçon manqué, geek asociale et génie de l'informatique ou la femme de Gordon, Donna, brillante informaticienne qui a mis sa carrière entre parenthèse pour pouvoir élever leurs enfants mais qui sort progressivement de l'ombre. Non seulement elle est canon, discrète, super cool mais en plus elle est super douée.
Bref, les filles dans cette série sont des pros et ont un rôle déterminant dans cette révolution informatique. Mais difficile de se faire une place dans un monde d'hommes!

Donna et Gordon Clark

Halt and catch fire est une série à  l'ambiance très policée. On est entièrement plongé dans les années 80, un grand soin a été apporté aux décors et aux détails pour créer un univers un peu vintage. S'ajoute à cela une bande son sympa des années 80 avec des morceaux de The Clasch, XTC, The Ruts, Elton Johns, Big Boys, ... ce qui contribue beaucoup à l'ambiance grunge de la série !

Bien que l'intrigue soit assez simple finalement, chaque épisode est plein de rebondissements et nous maintient en haleine (vont-ils enfin réussir à sortir ce fameux ordinateur?), et ce, qu'on soit familier ou non du le milieu de l'informatique.
Par moment, la série me fait penser à Mad Men, de part l'ambiance générale qui s'en dégage, la description de la vie d'entreprise et l’ambiguïté du personnage central. Mais un Mad Men version eighties, geek et grunge ! On peut aussi songer à Master of Sex pour le coté sombre et la personnalité complexe du personnage central, égocentrique et manipulateur.


Bref, Halt and catch Fire c'est de superbes acteurs jouant des personnages ambigus, un sujet intéressant, une ambiance so eighties, des bonnes musiques...
La suite bientôt dans la saison 2 !

Halt and catch fire, saison 1. Série américaine réalisée par Christopher Cantwell et Christopher C. Rogers (2014) avec Lee Pace, Scoot McNairy, Mackenzie Davis ... 10 épisodes de 42 minutes.


Note de janvier 2016 (attention possible spoil pour ceux qui n'ont pas vu la saison 1 ! ) :

Dans la saison 2, les femmes prennent le pouvoir ! Cameron et Donna ont créé Mutiny, leur boite de création de jeux en ligne basé sur la participation de chacun.

L'équipe de Mutiny

Une bande de jeunes geeks inventent et créent des jeux vidéos tout en essayant de proposer de nouveaux concepts. Mais pour se faire connaitre et garder la tête hors de l'eau, les deux jeunes femmes vont devoir se battre, trouver des partenaires notamment pour obtenir un réseau.

Cameron et Donna

Gordon, quant à lui, a touché une grosse enveloppe suite à son licenciement de Cardiff Electric et cherche une idée lumineuse dans son garage. En attendant, il s'occupe de ses filles mais le couple qu'il forme avec Donna semble battre de l'aile.

Gordon

Enfin, Joe est toujours aussi déterminé, arriviste et lunatique. Il est à la recherche de l'idée lumineuse qui le fera devenir le héros de l'informatique. Il se fait embaucher par l'entreprise pétrolière de son nouveau beau-père après s'être fait grillé dans le milieu de l'informatique. Toujours plein d'idées, dégourdi et manipulateur, va t-il réussir à sortir du lot? Que va t'il se passer lorsqu'il va revoir son ex copine Cameron?

Joe

Cette saison 2 est tout aussi autant réussie que la première, voir plus. L'ambiance eighties est toujours aussi bien retranscrite, les précurseurs de l'informatique, héros de cette série, sont des sortes de punks anarchistes très cool qui veulent oeuvrer pour la communauté.
A l'heure où émerge un certain concurrent japonais nommé Nintendo ainsi que diverses entreprises américaines dans le domaine des logiciels ou des moniteurs, à l'heure où l'appel de la Californie comme berceau des innovations se fait de plus en plus sentir, nos geeks préférés doivent se battre sur plusieurs fronts pour faire émerger leurs idées ! Et tout doucement, en toile de fond, née l'idée de'un grand réseau et les prémices d'Internet.

Au gré des épisodes, cette saison s'attarde davantage sur les relations entre les personnages, notamment les relations de couples entre Gordon et Donna. Au centre également, le caractère déterminé et impulsif de Cameron et surtout la personnalité ambigüe de Joe, l'éternel électron libre qui semble incontrôlable.

Joe

Grâce à son coté rétro, son ambiance cool et punk, des personnages ambigüs mais attachants et une aventure informatique qui parvint à captiver même les novices, cette série reste absolument passionnante, qu'on soit geeks ou non !

Par contre, c'est déjà fini ! J'ai été déçue d'apprendre que cette saison 2 était la dernière, déjà...

Halt and Catch Fire, saison 2 Série américaine réalisée par Christopher Cantwell et Christopher C. Rogers (2015) avec Lee Pace, Scoot McNairy, Mackenzie Davis. 10 épisodes.

dimanche 7 juin 2015

Ibeyi, un duo à part, entre soul, pop et musique du monde

Article mis à jour le 06/10/2017.
>>Voir plus bas mon avis sur le nouvel album (et le nouveau concert)

Billet de juin 2015

Cela fait longtemps que je n'ai plus parlé de musique sur ce blog. Déjà, parce que j'en écoute moins qu'avant mais aussi, et surtout, parce que j'ai beaucoup plus de mal à dire pourquoi j'aime bien un groupe ou une musique contrairement à un film ou un livre où les mots me viennent beaucoup plus facilement.
Je vais essayer de remédier à cela en vous parlant aujourd'hui d'un duo musical que je connaissais déjà un peu mais que j'ai pu vraiment découvrir et apprécier en concert.
Il s'agit d'Ibeyi, un duo formé par deux jumelles franco-cubaines âgées d'à peine vingt ans, Lisa et Naomie. Nées d'un papa cubain et d'une maman vénézuélienne, elles ont baigné dès leur plus jeune âge dans la musique (leur papa était un percussionniste renommé qui a joué notamment dans le Buenos Vista Social Club) et leurs influences musicales sont variées, allant de la soul, au jazz, en passant par le hip-hop et la musique traditionnelle Yoruba.


En effet, les jumelles affirment haut et fort leur héritage Yoruba, cette langue et culture provenant des anciens esclaves du Nigéria et du Bénin envoyés à Cuba.
Elles expliquent cet héritage en début de concert en précisant que le mot I-Bey-I signifie "jumeaux" en yoruba. Elles allument ensuite deux petites bougies en hommage sans doute à leur père et leur grande soeur récemment disparus. Leur père qui leur a transmis tout un héritage musical puisque l'instrument privilégié de Naomie est le cajon, une percussion sud-américaine en forme de boite perçée. 
Après cette introduction touchante, elles entament directement un chant à capella et on est d'emblée scotché par leurs voix chaudes et puissantes. Leur musique oscille entre soul, musique du monde et pop.
S'en suit une heure de concert où l'on ne s'ennuie pas un seul instant.

mama says

Les deux jeunes femmes chantent la plupart du temps d'une même voix, souvent à cappella pour commencer, puis se rajoutent les instruments, piano (joué par Lisa) puis percussions (jouées par Naomie).

chant yoruba a cappella :


Pour résumer, Ibeyi c'est un duo entre tradition et modernité, qui revendique un fort héritage familial et culturel avec les chants yoruba mais n'hésite pas à exploiter des sons plus modernes, à la fois pop, électro et hip hop.

Ghost :

Ibeyi c'est aussi un duo entre grâce et puissance, grâce par la simplicité et gentillesse qui émanent des deux jeunes femmes, puissance par la force de leur voix et des chants à cappella à vous donner des frissons, même par un temps caniculaire. Âgées d'à peine vingt ans, elle ont une maturité et une maîtrise de la scène assez bluffante.

Enfin, Ibeyi c'est un duo en toute sobriété, puisque les deux soeurs font tout elles mêmes : les chants, les percus, le lancement des sons... Et ça fait plaisir de voir un groupe jouer de manière sobre, sans artifice, avec le sourire et une joie de vivre vraiment communicative. En effet, Lisa et Naomie sont adorables, toutes souriantes, contente d'être là et de partager leur musique avec le public. Un enthousiasme et une énergie communicative.

River (live)

L'écoute du disque et différente, plus posée, plus musicale contrairement au concert où les voix ressortent davantage. Mais dans les deux cas, j'adore.



Ibeyi / Ibeyi, 2014
http://www.ibeyi.fr/


Concert du 5 octobre 2017


Revoir Ibeyi sur scène deux ans après et toujours autant apprécier cet attachant duo, c'est prometteur !
Âgées seulement de 22 ans, les jumelles reviennent présenter leur second album intitulé Ash (cendres). Un nouvel album où se font toujours sentir de multiples influences, allant de la musique africaine et latine à l'électro et à la pop. Un joyeux mélange métissé pour un résultat tout aussi riche et foisonnant que le premier album.
La couverture de l'album Ash  a été réalisée par l’artiste JR.


Deathless est un des morceaux phares de ce nouvel album. Une musique assez joyeuse qui raconte en fait une altercation raciste dont a été victime Lisa quand elle avait 16 ans, à Paris.
Chaque morceau est un témoignage sur le monde actuel : le racisme, la féminité, etc. Les deux soeurs chantent souvent en anglais, mais aussi en espagnol et en Yoruba ce qui contribue à l'esprit métissé de ce bel album.

I wanna be like you est un morceau écrit par Lisa pour dire son admiration pour sa soeur Naomi.



L'album est à découvrir sur Deezer.



Sur scène, c'est toujours un plaisir de voir ces deux soeurs si complices et pleines de joie de vivre, d'une simplicité attachante. Vêtues de leurs combis rouges, elles dégagent plein de bonnes vibes et une énergie communicative. Leurs chants a cappella sont toujours aussi magnifiques : leurs voix chaudes nous envoûtent littéralement et on est comme fascinés par leur présence sur scène ! De plus, Naomi excelle en percussionniste ! Elles utilisent également la technique du looper, comme le fait Jain, pour faire des "boucles". Une musique réfléchie, bien construite, envoûtante, dès fois mélancolique d'autres fois festive.

Le concert fut vraiment agréable, mais 1h15 de live, ça passe super vite quand on est dans de bonnes dispositions !

mercredi 3 juin 2015

La garçonnière : Un roman palpitant, émouvant,surprenant et superbement écrit !

La garçonnière est un superbe roman écrit d'une main de maître par Hélène Grémillon, jeune auteure française qui s'est fait connaitre par Le Confident en 2010  (voir mon avis ici ).
J'ai dévoré ce deuxième roman et le recommande chaudement.
Bien que le titre soit peu évocateur, ce récit parle de l'Argentine post dictature, d'un pays qui tente de tourner la page, d'amour, d'une vie de couple, de sexe, de psychanalyse, de blessures enfouies, d'enfants disparus et bien sûr, de secrets.



L'histoire : en 1987, à Buenos Aires, un psychanalyste, Vittorio, retrouve son appartement saccagé et sa femme, Lisandra, défenestrée. Accusé par la police de l'avoir poussé par la fenêtre, il est alors placé en détention. Mais une de ses patientes, Eva Maria, est  convaincue de son innocence et va mener sa petite enquête. Eva Maria est une femme blessée, solitaire, meurtrie par la disparition de sa fille il y a des années qu'elle pense avoir été kidnappée par la junte. Hantée par ce souvenir, elle se plonge dans cette enquête à corps perdu et n'est pas au bout de ses surprises.
Elle enquête alors sur les proches de Vittorio et notamment ses patients. Puisque le psychanalyste enregistrait toujours la dernière séance de ses patients sur des cassettes, elle a matière à réfléchir.
Ainsi, on est ému en même temps qu'elle par le témoignage d'Alicia, une femme aigrie pleine de regrets, jalouse des femmes plus jeunes et de sa beauté perdue. On est intrigué puis écueuré par le passé de Felipe, un ancien membre de la junte militaire. On est ému et horrifié par le témoignage de Miguel, un pianiste emprisonné par la milice sous la dictature qui a subit les pires atrocités.
Au fur et à mesure de son enquête, Eva Maria découvre que tout le monde a des secrets et pourrait faire un suspect potentiel. Et que les apparences sont souvent bien trompeuses.
Qui était réellement Lisandra? Quel était son secret à elle? Pourquoi est-elle morte?

Sans révéler le dénouement, je peux juste dire que la fin est terrible et complètement inattendue et que c'est vraiment dans les toutes dernières lignes qu'on comprend le titre du roman.
Le plus tragique, c'est que l'auteur indique en prologue que son récit est inspiré d'une histoire vraie.

L'écriture est originale, remarquable. C'est un mélange de genres narratifs et de figures de style, avec, par exemple, des passages sans ponctuation ou d'autres avec des phrases très courtes. Cela rend son écriture souvent percutante, directe, et a pour effet de mettre le lecteur à bout de souffle tout comme les personnages et de le tenir en haleine tout au long du roman. Un style qui est pour beaucoup à la réussite de ce formidable roman, entre thriller psychologique, enquête, témoignage historique et drame intimiste.
A lire rapidement !



Quelques citations :

"quarante-neuf cinquante cinquante et un cinquante-
Vittorio c'était le bon elle l'a tout de suite senti

deux cinquante-trois cinquante-quatre cinquante-cinq
ses questions ses réponses et même leurs silences leurs

cinquante-six cinquante-sept cinquante-huit cin-
désaccords elle a toujours été à l'aise avec lui jamais

quante-neuf soixante soixante et un soixante-
nias ou arrogant ni jamais insidieux quand elle avait

deux soixante-trois soixante-quatre soixante-cinq
envie de rire c'était une envie de rire complice pas

soixante-six soixante-sept soixante-huit soixante-neuf
une envie moqueuse mesquine rire de lui de ses interpré-
[...] " p55.

"[...]On a beau dire, les mots réduisent tout, la parole a beau tenter d'être précise, elle ne pourra jamais rendre compte du dilatement du temps, son débit devrait varier comme un métronome pour respecter l'espace-temps d'une action. La seule chose de bien avec la parole, c'est qu'elle délivre la voix, pour le reste, elle n'est pas fiable.[...]" p 169

"La Monstruosité ne se considère jamais monstrueuse, elle trouve toujours des raisons de s'exercer, en son sein, les actes de torture deviennent des actes de justice, des honneurs même, mais il ne faut jamais excuser les Monstres, jamais, à moins d'être le dernier des salauds."

"Sans souvenirs, nous serions des hommes libres. La mémoire est la mauvaise fée du temps. Les souvenirs en sont les forces obscures. Aucun souvenir n'apporte la joie réelle, la sérénité. Regrets, remords, les souvenirs sont des tas de petites cloches discordantes qui vibrent en nous. Et plus la vie passe, et plus la petite musique des souvenirs dissone"

" Je hurle. Je suis la fille du Temps, je suis la mère de la Justice et de la Vertu. Je me demande pourquoi la Vie ne m'offre pas le pouvoir d'éclater toujours. Je suis La Vérité. Et je hurle de me souvenir." p 323