vendredi 19 septembre 2014

White God : un film poignant, entre drame et thriller, à la limite du fantastique, où le personnage principal est un chien.

Je ne suis pas particulièrement adepte des films fantastiques souvent synonymes de gore ou d'horreur, ou du moins d'étrange. Toutefois, certains films dit "fantastiques" restent assez grand public. Et dans le cadre du festival européen du film fantastique de Strasbourg (FEFF pour les intimes), il y en a pour tous les goûts !
J'ai donc accompagné une amie à la projection du film hongrois White God, qui fut récompensé cette année à Cannes dans la catégorie "Un certain regard". Le film sortira officiellement en salle au mois de décembre.


Le film s'ouvre sur un magnifique plan où on voit les rues de Budapest désertes, la ville comme abandonnée, seule une fille parcourt la ville en vélo à la recherche de son chien. Après cette scène d'ouverture post apocalyptique, on est ramené en arrière et on découvre l'histoire de Lili et de son chien, Hagen. 
"White God", c'est aussi l’anagramme de white dog, le chien blanc, (ou plutôt beige ici) qu'est Hagen, la star du film.


L'histoire se passe à Budapest. Lili et son chien Hagen sont inséparables et s'adorent. Lorsque sa mère part trois mois en Australie, Lili doit aller vivre chez son père. Or, ce dernier est assez réfractaire à l'idée de partager son petit appartement avec un chien et la cohabitation ne se passera pas bien du tout. De plus, le gouvernement demande à ce que les propriétaires de chiens bâtards paient une taxe afin de favoriser le développement des chiens de races. (Avant la projection, il nous a été expliqué que le réalisateur s'est basé sur une proposition de l'extrême droite hongroise qui allait en ce sens, à savoir, pénaliser tous les propriétaires de chiens bâtards. Mais la proposition n'a pas été retenue.) Hagen est directement concerné puisqu'il est un croisé entre un shar-pei et un labrador (magnifique chien je trouve d'ailleurs!) et le père de Lili refuse de payer pour ce chien qui n'est pas le sien. C'est ainsi que commencent les terribles aventures de ce pauvre chien. Abandonné, livré à lui même, il va aller de mauvaises rencontres en mauvaises rencontres et, naïf et avide de tendresse, il va malheureusement être victime de  la cruauté humaine.

Bande-annonce :

Le film est construit de manière à alterner le point de vue de Lili (on la suit chez elle, à son école de musique où elle joue de la trompette, avec ses camarades d'école, cherchant son chien dans les rues de Budapest...) et celui de Hagen livré à lui même, découvrant les dangers de la ville et des hommes qui se montrent impitoyables. A plusieurs reprises on tremble pour lui, on le suit partout et on espère qu'il va s'en sortir. Certaines scènes sont très dures, notamment lorsqu'il devient la victime d'un dresseur de chien de combat, puis s'en suit une scène de combat de chiens que j'ai eu vraiment du mal à regarder. (Bien entendu, il est précisé à la fin du film qu'aucun chien n'a été soumis à des violences.)
Toutes ces étapes vont métamorphoser Hagen, jusqu'à en faire une chien chef de meute avide de vengeance...


Ce film est plein de métaphores et de symboles. C'est une dénonciation des ségrégations raciales, des marginalisations et exclusions, de la violence et de la cruauté qui peuvent transformer un être pur en monstre sanguinaire.

Malgré cette histoire dramatique, il y a quand même quelques scènes où l'on sourit, et cela notamment grâce à l'attitude du chien et à sa démarche altière, lorsqu'il se fait un copain ou encore une scène où les chiens de la fourrière regardent très attentivement un dessin animé.

J'ai trouvé ce film très poignant, la force de celui-ci résidant essentiellement dans le jeu d'"acteur" du chien, j'imagine la qualité du dressage pour en arriver là ! C'est vraiment impressionnant, Hagen montre  toutes sortes d'expressions et souvent on est plongé dans le regard de ces chiens chargés d'émotion et qui semblent ne pas comprendre ce qui leur arrive. Au total, ce sont plus de 250 chiens qui ont été acteurs de ce film pour en constituer la meute ! (Après quelques recherches, j'ai pu lire que le chien Hagen a été interprété par deux animaux différents, car il était difficile de demander au même chien d’être à la fois doux et agressif)

Sans trop d'effets spéciaux, avec un scénario plutôt simple, c'est vraiment la manière de filmer et le rythme qui en font de White God un thriller haletant, passionnant et émouvant et le font rentrer dans la catégorie "film fantastique". Malgré quelques incohérences et longueurs (notamment une scène où Lili se rend à une fête qui m'a semblé excessivement longue et n'apporte rien de spécial au film ), ça reste un film très réussi, avec une forte charge émotionnelle (difficile de ne pas avoir les larmes aux yeux vers la fin du film !)

Petite anecdote sur le film : Suite à la présentation du film au Festival de Cannes, Buddy, le chien qui interprète Hagen, a reçu la Palm Dog. Un prix remis par des journalistes anglais depuis 2001, qui récompense le meilleur acteur canin des films de la sélection officielle (source AlloCiné). Et c'est amplement mérité !


Récompense : prix Un certain regard, Festival de Cannes, 2014

Film projeté dans le cadre du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, du 12 au 21 septembre 2014 dans diverses salles à Strasbourg.

mardi 2 septembre 2014

"Les combattants" : l'amour comme une force en milieu hostile. Un beau film entre comédie, romance et aventure

Les combattants est un film français réalisé par Thomas Cailley, un réalisateur méconnu, avec de jeunes acteurs pas très connus non plus mais très prometteurs.


L'histoire :

Arnaud a 20 ans, une gueule d'ange et est plutôt timide. Il vient de perdre son père et reprend l'entreprise familiale de menuiserie avec son grand frère. Ils ont tous deux beaucoup de travail. Mais Arnaud aime aussi traîner avec ses copains. Un jour, à la plage, ses amis l'inscrivent à son insu à une initiation de self défense. Il se retrouve face à Madeleine, une fille renfermée et musclée aux allures de garçon manqué qui n'hésitera pas à lui flanquer une raclée. Quelques jours plus tard, dans le cadre de son travail, il revoit la jeune femme. Celle-ci est toujours sur la défensive, ne sourit jamais et semble suivre un entrainement intensif pour apprendre à faire face à la fin du monde.

Bande-annonce :


Madeleine a un master en macro économie. Elle est super calée sur la politique agricole et économique et n'a plus d'espoir dans l'avenir. C'est sûr, selon elle, l'humanité est sur le déclin et la fin est proche. Elle souhaite donc se préparer au pire et intégrer l'armée pour faire un stage commando.
Arnaud et ses copains aussi sont plutôt pessimistes face au chômage et à la crise économique. Mais ils continuent à s'amuser. C'est le portrait d'une jeunesse un peu perdue qui tente de faire face à un avenir incertain.

Arnaud est de plus en plus intrigué par cette fille si différente au regard déterminé et aux yeux humides, qui semble en vouloir à la terre entière, ne rien apprécier et est toujours prête à se battre. Il devient tellement fasciné par cette fille que, lui qui raillait l'armée quelques jours plus tôt, finit par s'inscrire lui aussi au stage de survie en forêt auquel elle va participer ! C'est le début d'une aventure où ils vont apprendre à se connaitre et à s'ouvrir petit à petit l'un à l'autre.


Pourquoi ce film vaut le détour :

Les acteurs sont filmés de près, souvent par des longs plans, qui mettent en avant leurs émotions.
C'est un film d'une grande sensibilité sur la difficulté d'entrer dans le monde adulte, la peur d'affronter la vie et un avenir très incertain, la difficulté d'exprimer les sentiments amoureux. En effet, Arnaud a du mal à exprimer le fond de sa pensée, parle d'une voix chevrotante de "trucs" qu'il voit ou qu'il ressent alors que Madeleine est renfermée et semble constamment blasée, fataliste et à fleur de peau. C'est aussi un film qui aborde des sujets beaucoup plus sérieux comme la destruction de l'environnement, l'individualisme, le chômage, la crise, etc.

Souvent, on sourit des maladresses des deux jeunes gens ou de certaines scènes insolites filmées avec grande attention, comme les attitudes et expériences "extrêmes" de Madeleine. A mes yeux, c'est cet humour décalé, burlesque qui fait toute la force du film. S'ajoute à cela la superbe interprétation des deux personnages principaux. Tout au long du film, on sent une tension contenue entre eux, tension qui se transforme petit à petit en désir mais on ne sait jamais quand elle va exploser. S'ajoute à cela une belle et dynamique bande-originale réalisée par le groupe Hit'n Run qui accompagne en rythme un scénario superbement ficelé. (A écouter ici)


Par ailleurs, le film surprend car il ne prend pas vraiment la direction attendue. Je m'attendais à avoir quelques explications sur le caractère renfrogné et le tempérament extrême de Madeleine mais le mystère reste entier. On ne saura pas ce qui l'a rendue si dure. Le réalisateur s’attelle davantage à nous démontrer l'évolution des émotions et des relations entre les personnages.

Entre comédie, romance, film d'apprentissage, d'aventure et film catastrophe, Les combattants se distingue dans le paysage du cinéma français et a d'ailleurs été remarqué lors de la Quinzaine des réalisateurs, au festival de Cannes 2014.

Les Combattants. - film réalisé par Thomas Cailley, avec Adèle Haenel, Kevin Azaïs, William Lebghil... . - Distribué par Haut et Court et Nord Ouest production.