vendredi 27 août 2021

L'île des âmes : Un polar sarde tellurique original

Parmi mes lectures d'été il y eut cet étonnant roman policier de Piergiorgio Pulixi. Auteur italien de romans noirs, c'est son premier livre traduit en français aux éditions Gallmeister . Une maison d'édition que j'aime beaucoup qui fait généralement découvrir les grands espaces américains mais s'ouvre dorénavant aux cultures des autres pays. J'adore notamment les jolies couvertures colorées de leurs livres. C'est d'ailleurs la superbe couverture de ce roman qui m'a tapée dans l'oeil !

Un meurtre horrible et mystérieux a lieu en Sardaigne et deux enquêtrices que tout oppose sont amenées à travailler ensemble. Cela pourrait nous faire penser à un roman policier des plus classiques mais ce n'est pas le cas.  

photo pixabay


La Sardaigne comme cadre et comme personnage à part entière

L'auteur décrit avec émotion et en connaissance de cause (puisqu'il est sarde) la Sardaigne de l'intérieur, avec ses montagnes, ses forêts, ses maquis, ses lieux de cultes ancestraux et fascinants, les Nuraghe, qui sont ici des scènes d'horribles crimes.
Mais l'ambiance se veut aussi chaleureuse en plus de mystérieuse avec aussi la mer et les plages. Et c'est sans compter le poids des traditions, des silences, de la famille et des secrets.
Les descriptions de paysages, de la culture sarde ainsi que les dialogues entre les personnes du "cru" sont souvent entrecoupés de mots typiquement sardes.
"Dans les hameaux de l'arrière-pays sarde, sa oghe de Deu, la cloche scandait encore les étapes fondamentales des habitants..." (p 67)
Ainsi, chaque page est imprégnée de l’atmosphère particulière de l'île italienne. La Sardaigne apparaît ici comme un personnage à part entière.
On est véritablement immergé dans cette "île des âmes", cette terre aux croyances ancestrales... 

photo de nuraghe sarde by Wikimedia Commons


Les personnages? 

Mara Rais, une policière sarde aux réparties cinglantes et aux tenues pimpantes, mère d'une petite fille et fraîchement séparée se retrouve aux "affaires classées "qui tente de faire bonne figure...
Eva Croce, une milanaise aux tenues gothiques, brillante profiler, fraichement mutée à Cagliari suite à une bavure. Elle tente de se reconstruire après un passé très douloureux.
Barrali, un inspecteur proche de la retraite qui se bat contre un cancer. Il est obsédé par des affaires de meurtres non résolues datant d'il y a trente ans, des meurtres rituels où les victimes étaient mises en scènes dans des lieux sacrés, affublées de masques ancestraux et de peaux de bêtes le jour de sa die de mortos (le jour des morts).
Un clan vivant en autarcie selon des lois ancestrales au fin fond de la campagne sarde dans la Bargagia supérieure.
Voici pour les plus importants, bien qu'il y ait foule de personnages secondaires, tous ayant leur importance dans le déroulement de l'histoire.

C'est alors qu'a lieu le meurtre sauvage d'une jeune femme disparue qui porte d'étranges similitudes avec les crimes anciens jamais élucidés. S'en suit une enquête qui patauge, une énigme qui poussent les enquêteurs dans leurs retranchements.

Un roman sociologique, psychologique et tellurique

La psychologie des personnages est savamment étudiée et dévoilée sporadiquement, avec beaucoup de subtilité.
Les chapitres suivent successivement les avancées de Mara, Eva, Barrali, le clan ancestral et quelques autres personnages, nous plongeant dans leurs pensées et dans leur passé nous permettant ainsi de mieux les cerner et d'essayer de faire le lien entre les différents protagonistes.

J'ai lu ce polar tellurique avec beaucoup d'attention. C'est un roman policier qui s'intéresse davantage au cheminement des enquêteurs qu'à l'enquête elle-même. L'histoire est bien construite, richement  documentée sur les cultures ancestrales.

C'est un roman qui aborde également d'autres sujets comme le poids du passé, l'héritage culturel, l'émancipation, etc.

Il n'y a pas de rebondissement spectaculaire et la fin m'a semblée comme suspendue. Cependant, j'ai trouvé que ce polar était fort original, bien écrit, intriguant invitant à la réflexion.
Pulixi signe un très bon roman noir ethno-psychologique.

Quelques citations :

"Eva se laissa aller à penser que certaines personnes étaient des digues. Mais pas dans une acception négative. Des digues qui, d'un regard, d'un mot ou même par leur simple présence, te permettaient de te glisser dans ton propre torrent existentiel, sans débordement, sans qu'un élan sentimental soudain te submerge d'un trop-plein de vie, de coeur, de larmes. Des digues/ Pour que le courant ne perde pas de sa force. Des digues. Pour garder le regard fixé vers l'horizon de ses désirs." p 67.

"Toutes les affaires d'homicides ne sont pas identiques. Certaines te collent à la peau pour toujours. Tu les portes en toi comme des cicatrices. Au bout de quelques années, elles cessent de te faire mal et tu n'y prête plus attention. Elles deviennent une partie de toi. Le tissu cicatriciel s'atténue au point que tu finis par ignorer sa présence. Mais il suffit d'un détail, d'une odeur, d'un regard ou d'un mot pour réinfecter la plaie, pour rouvrir la boîte de Pandore que tous les enquêteurs ou presque gardent en eux, laissant libre cours à des souvenirs corrosifs et à une culpabilité aussi sournoise que des parasites intestinaux." p 427

"[...] Moi je crois plutôt que l'homicide brise un équilibre vital, et que si cet équilibre n'est pas rétabli d'une manière ou d'une autre, le défaut de justice crée des ondes chaotiques qui se répercutent sur nos vies à tous : policiers et victimes. Le mal qui n'est pas cautérisé génère un mal nouveau, dans une spirale infinie."p 429

vendredi 2 juillet 2021

Nous tombons : un roman subtil et délicat sur cinq âmes à la dérive

Nous tombons. Tel cet avion de chasse qui se crashe dans une petite ville de Suède. Et comme ces cinq personnes qui vivent des moments difficiles au début des années 1990 et pour qui cet accident aura une incidence à des degrés divers. Sombrer dans la dépression, toucher le fond. Et se relever. Voici le thème central de ce premier roman de la suédoise Anna Platt.


Nous tombons est composée cinq histoires qui pourraient presque être des nouvelles indépendantes, cinq personnages et narrateurs différents qui, à priori, n’ont rien en commun.

Käre est un pilote désabusé et mélancolique qui se met à rêver d'une ancienne conquête jusqu’à en devenir un peu obsédé.
Marie-Louise, employée d’une agence immobilière, se retrouve complètement perdue et déprimée lorsque son petit ami la quitte.
Monica, la cinquantaine, est atteinte d’un cancer. Lorsqu’elle croise par hasard sa fille qu’elle n’a pas vu depuis 10 ans au supermarché, son passé refait surface et l'on découvre ses secrets...L'histoire la plus dure mais aussi la plus captivante à mon goût !
Elis est un vieux monsieur résidant en maison de retraite au côté de son « meilleur ami » et de l’ex-femme de celui-ci dont il est secrètement amoureux depuis sa jeunesse. Un drôle de trio dont on découvre l’étonnante histoire au fur et à mesure. Passionné d’oiseaux, il rêve de voir un faucon kobez avant de mourir.
Ida est une adolescente en deuil : elle a récemment perdu sa maman.  Brillante nageuse, elle s’entraîne dur pour la prochaine compétition.  Mais elle se sent seule, triste et aimerait un peu plus d’attention de la part de son papa.
Ces cinq personnes que rien ne semble relier ont pourtant chacune un point commun, cette impression de sombrer, et chaque personnage a un lien avec un autre comme on le découvre, très subtilement, au fil des pages. 

Auteure de scripts pour le cinéma, Anna Platt parvient à rendre son récit très réaliste grâce à des phrases courtes, percutantes, des descriptions assez précises de l’environnement de ses personnages. Sans entrer dans le pathos, l'auteure dresse des portraits touchants de ces âmes à la dérive tout en gardant une certaine distance, sans entrer dans les détails, révélant les informations importantes au compte-goutte.

Avec subtilité, l'auteure suédoise signe là un premier roman puissant par les sujets abordés et délicat par son écriture, à forte dimension sociologique et psychologique.

J’ai lu ce livre quasi d’une traite. On est surpris jusqu’à la dernière page et on a envie de le relire ensuite pour bien comprendre les liens, souvent ténus, entre les différents personnages.

Nous tombons / Anna Platt . - Gallimard, 2020

Quelques citations :

Marie-Louise : « Lundi, je suis au bureau. Comme si de rien n’était. Comme si je n’avais pas perdu la sensibilité dans mes bras et mes jambes et ne devais pas constamment me rappeler d’inspirer et d’expirer » p . 71

Käre « La vie pulse par tous mes pores. La vie, la vie. J’essaie de garder cette sensation, de l’aspirer en moi, de la dévorer. Mais je connais les dangers de cette quête éperdue. Je sais que cette sensation aura tôt fait de disparaître. » p 54

Elis « Notre existante parallèle, à Stina et moi, est d’une perfection si vertigineuse que je suis heureux de ne pas connaître cette vie-là. Car on ne peut pas troubler un rêve. » p 207

Elis « Il se passe quelque chose de spécial avec l’oiseau qu’on veut avoir. Tous les autres pâlissent à côté et lui seul à de la valeur. » p 184 

« J’ai accepté l’absurdité de la vie et mon insignifiance à titre personnel. Je ne cherche pas à laisser des traces de mon passage sur terre. Mais avant de mourir, j’aimerais bien voir un faucon kobez planer dans les airs. »

samedi 12 juin 2021

Une immense sensation de calme : Un petit roman puissant aux allures de conte

Une immense sensation de calme est le premier roman de l'autrice française Laurine Roux, sorti en 2018. Conseillé par un collègue, j'en ai apprécié la lecture, très agréable et captivante et le style poétique et aux frontières du fantastique. Cela m'a d'ailleurs un peu déroutée au début ne sachant pas trop de quel coté se trouvait l'histoire (monde réel ou imaginaire?) mais je me suis vite laissée captiver par l'écriture puissante de l'autrice qui est une conteuse de talent.


Nous sommes dans un pays de l'Est aux frontières de la taïga, probablement en Russie, à une époque indéterminée. La narratrice, une jeune orpheline, a un coup de foudre pour un beau jeune homme mystérieux, robuste, un peu sauvage prénommé Igor. Alors que sa "baba" (grand-mère) vient de mourir, elle quitte tout pour partir vivre avec lui dans la forêt. Commencent pour eux une vie nomade à deux. Igor subsiste en livrant des vivres à de vieilles femmes isolées. S'ils souhaitent vivre d'amour et d'eau fraîche, ils vont cependant devoir affronter les conditions climatiques difficiles. Par ailleurs, au fil des rencontres, le passé refait surface, dévoilant d'étranges et terribles secrets...

Prenant la forme d'un conte un peu mystique, ce beau petit livre raconte la force de l'amour, plusieurs histoires sentimentales tragiques formant ainsi le coeur du récit. C'est également un récit sur le poids de l'Histoire (avant et après le "Grand oubli" succédant à une terrible guerre) et des traditions, et sur l'omniprésence de la mort abordée ici comme un "passage"

Avec des phrases courtes et percutantes, l'autrice entretient un rythme prenant où des secrets liés à un passé tragique sont dévoilées au fil des pages. On flirte ici avec le fantastique : il est question de créatures mi hommes-mi bêtes, d'"Invisibles", de "Grand Oubli", de "passage" vers l'autre coté.... La nature tient une place primordiale dans ce petit roman, les hommes et femmes respectent leur environnement jusqu'à être en pleine communion avec lui.

Un roman-fable aussi magnifique que cruel qui souligne les méandres de l'âme humaine, des sentiments les plus nobles comme l'amour et l'entraide aux plus obscure tels le rejet, la haine, la violence. Une écriture puissante, poétique qui ne vous laissera pas indifférent.


Grand prix SGDL 2018.

Quelques citations :

 "Depuis la maison de la vieille Grisha, trois heures de marche mènent à ce trou de vie creusé par l'effort et poli par la solitude. Sur le chemin, j'ai peur. La crête marneuse est raide. [...] Mes semelles s'enfoncent dans cette chair de pierre molle. [...] Mon ombre se confond à son ombre. J'ai souvent cette impression d'être aspirée jusqu'à m'évaporer dans son sillage." p 15

"Il y a des gens qui sont bâtis pour exister toujours, leur corps éblouissant érigé pour résister aux assauts du temps, de la maladie et de la mort. Des anatomies de soleil et d'éclat." p 43

"Un rai de lune perce à travers les volets. Le feu s'est éteint. Tochko ronfle. Dans son sommeil, Igor semble moins agité. De la vapeur sort à intervalles réguliers de sa bouche. J'y vois flotter le cadavre de l'ourse. Alors j'approche mes lèvres des siennes et aspire la vision." p 52

"Nous sommes des dieux qui ont reçu la beauté en héritage. La splendeur de la jeunesse est éternelle. Seuls comptent le plaisir de l'effort et celui d'être là. Simplement là, ici et maintenant. Seulement la puissance de l'instant, Igor et la taïga" p 53

"Mais la déchirure du temps, la douleur de l'absence ont tôt fait de violacer les reflets d'aurore et, dans le silence bruissant du passé, la vieille respire longuement, replace chaque ride, chaque pli sur son visage, et la peau froncée, gardienne du souvenir, fait refluer la mémoire de son corps loin  à l'intérieur des chairs, scellée pour le futur." p 94

mercredi 2 juin 2021

Les gratitudes : une émouvante histoire sur la vieillesse et les regrets

Après quelques lectures fastidieuses et pas très gaies, je me suis laissée entraîner par ce joli petit roman de l'autrice française Delphine De Vigan, célèbre pour ses nombreux livres dont Rien ne s'oppose à la nuit ou D'après une histoire vraie. Après Les loyautés, l'autrice continue d'explorer les sentiments les plus complexes. Lu en un week-end, Les gratitudes est une émouvante histoire sur la vieillesse, le temps qui passe, les regrets. Un style épuré qui va droit au coeur et fait de ce petit livre une lecture agréable et bénéfique.



Michka est une vielle dame drôle et sensible. Amoureuse des mots, ancienne traductrice, là voilà qui cherche ses mots, qui mélangent les lettres. "D'accord" devient "d'abord", "Merci" devient "merdi" ... Mais si les mots s'envolent, les souvenirs reviennent ainsi que d'étranges rêves...
Célibataire et sans enfant, Michka est cependant très proche d'une jeune femme prénommée Marie. Au fil des pages, on va d'ailleurs découvrir le lien très fort qui uni les deux femmes. Une belle histoire de transmission...

Lorsqu'arrive le moment où la vieille dame ne peut plus être autonome, elle se retrouve en maison de retraite. C'est là qu'elle rencontre Jérôme, un orthophoniste qui vient régulièrement la voir pour travailler sur ses troubles du langage. Attentionné, bienveillant, Jérôme est rapidement touché par la tendresse et l'humour de Michka.

C'est à travers les voix de Marie et de Jérôme qu'est racontée la vie de la vieille dame. Elle leur fait part de son regret de n'avoir pu remercier certaines personnes, il y a très longtemps... Et ce regret, au crépuscule de sa vie, est comme une épine dans son coeur. Avec subtilité, l'autrice révèle la difficulté de dire à ses proches qu'on les aime ou qu'on souhaite les remercier, par pudeur ou par oubli.

Delphine De Vigan livre ici un récit délicat et sincère sur la vieillesse, plein de bienveillance et d'empathie, sans entrer dans le pathos. Son récit pourtant simple est ponctué de nombreuses touches humoristiques et poétiques ce qui le rend d'autant plus touchant !


Quelques citations que j'ai bien aimé :


"Vous êtes-vous déjà demandé combien de fois dans votre vie vous aviez réellement dit merci? Un vrai merci. L'expression de votre gratitude, de votre reconnaissance, de votre dette." p 11

"Je chéris le tremblement de leurs voix. Cette fragilité. Cette douceur. Je chéris leurs mots travestis, approximatifs, égarés, et leurs silences." p 42

"Je les vois comme si j'y étais, ces étendues vides, arides, ces chemins dévastés, qui surgissent au milieu de ses phrases quand elle tente de parler.[...] Sa voix, asphyxiée par l'étau de la défaite, se désagrège. Des obstacles inconnus lui barrent le passage. Masses sombres, elles-mêmes innommables." p 133

samedi 13 mars 2021

Nos espérances : superbe roman intimiste sur la quête d'accomplissement de trois trentenaires

Nos espérances est le troisième roman de l'autrice anglaise Anna Hope. J'ai adoré cette histoire très actuelle sur les parcours de trois amies d'enfance qui, a 35 ans, sont en proie à des questionnements existentiels et reviennent sur les différentes étapes qui ont jalonné leurs vies.


Trois parcours de femmes en quête d'accomplissement

Libres et indépendantes, les trois amies avaient chacune des rêves et un idéal de vie différent : devenir comédienne pour Lissa, trouver l'amour de sa vie pour Cate, fonder une famille et avoir métier épanouissant pour Hannah... Il y a encore quelques années, elles pensaient avoir le temps et ne doutaient pas de parvenir à remplir leurs objectifs.

A 35 ans, les trois londoniennes voient leur jeunesse s'éloigner tout doucement et c'est avec nostalgie et mélancolie qu'elles sont en proie à quelques questionnements existentiels. 
Elles pourraient être heureuses, et pourtant. Lissa enchaine les auditions en espérant décrocher le rôle de sa vie mais elle continue d'avoir du mal à boucler les fins de mois. Hannah a un emploi épanouissant, un mari charmant mais, il manque à son bonheur l'enfant tant désiré. Cate, qui deux ans auparavant vivait une vie désinvolte, se retrouve femme au foyer à la campagne, mariée avec un bébé. Chacune envie une part de ce qu'a l'autre. Et elles s'interrogent. Qu'ont t 'elles vraiment accompli ? Faut-il s'obstiner à atteindre ses objectifs malgré les obstacles et les échecs ? Comment être heureuse?

Une construction originale mêlant trois narrations

Nos espérances est une sorte roman choral mélangeant les chronologies et les narrations, passant d'Hannah à Lissa et à Cate, revenant sur leur rencontre, leurs années d'amitié fusionnelle lorsqu'elles habitaient ensemble à Londres quelques années plus tôt, leurs déboires amoureux et leur ressenti d'adultes trentenaires. Ces retours en arrière en écho à la nostalgie du temps présent permettent de mieux comprendre leurs blessures et leurs secrets ainsi que leur mélancolie.

J'ai été particulièrement touchée par ce roman qui aborde les questions existentielles qu'on peut se poser vers la fin de la trentaine. Par ailleurs, j'ai été très sensible au parcours d'une des protagonistes. Il est vraiment rare qu'un roman décrive aussi bien le cheminement et le ressenti des femmes en parcours de PMA, détaillant de manière quasi chirurgicale les étapes physiologiques et psychologiques par lesquelles on peut passer. 

Un roman doux-amer très intimiste sur la quête du bonheur

Ce beau roman à trois voix met aussi en lumière le chemin tumultueux de l'amitié entre filles, mêlant petites joies, instants fragiles et instants fusionnels, admiration, mais aussi rancœur, jalousie, trahison et... pardon.
L'autrice dépeint avec beaucoup de justesse la multitude de sentiments de trois femmes en quête d'accomplissement. Comment concilier bonheur conjugal, maternité, épanouissement professionnel et bonheur personnel ? Est-ce seulement possible ? Faut-il apprendre à renoncer?

Comment prendre de la distance, avoir un regard extérieur sur sa propre vie? Comment reprendre du plaisir pour soi ? Ce roman avance des questions que toute femme se pose aujourd'hui. En fin de compte, chacune des trois amies trouvera la paix après avoir perdu quelque chose... ou quelqu'un. 

Nos espérances est un roman doux-amer, générationnel, très intimiste, écrit dans l'air du temps qui interroge aussi sur l'avenir (quid de l'avenir de nos enfants avec le réchauffement climatique ?) Une histoire qui explore la condition féminine, le rôle de transmission des parents, la maternité... Bref, un roman profond, très actuel, dont la force vient véritablement de sa construction originale et de la belle écriture, lumineuse et sensible d'Anna Hope. 


Nos espérances / Anna Hope. roman trad de l'anglais par Elodie Leplat . - Gallimard, 2020

Quelques citations : 

Hannah "La matinée s'écoule ainsi. Il y a une orangeade aqueuse à boire. Une par une les femmes s'en vont, Hannah les regarde partir : chacune avec sa précieuse cargaison, pleine d'espoir. Elle essaie de déchiffrer leur visage, leur corps, comme si elle pouvait y voir écrit leur destin : laquelle aura l'enfant tant désiré. Comme si leur réussite signifiait son échec. Comme si la fertilité était un jeu à somme nulle." p103

Lissa "Les hommes la dévisagent. Elle est une batterie qui vient d'être rechargée. C'est une simple question d'électricité : la moralité n'entre pas en jeu. Ses sensations sont empreintes d'une dangereuse et chatoyante exultation" p 240

Hannah Elle pense à la nuit précédente. Le choc du corps de cet homme : sa différence, sa forme. Son odeur.[...] elle a pensé à Nathan. Elle prend conscience qu'elle a oublié de le considérer comme une entité séparée. Oublié de ressentir son étrangeté. D'accueillir l'animal en lui. Et avec cette pensée vient autre chose : une sorte de chagrin, pour sa propre nature animale, et ses désirs sauvages." p 305

Lissa "Elles les admire, ces femmes de la génération de sa mère : elles brillent à ses yeux, telle une constellation se couchant à l'ouest. Ces femme, ces veilleuses. Qu'arrivera-t-il au monde quand elles ne seront plus ?" p 333

mardi 9 mars 2021

Un roman noir d'émancipation féministe absolument palpitant !

Tess Sharpe est une jeune autrice américaine qui signe avec Mon Territoire un roman noir haletant.  L'autrice a grandi de façon assez marginale, au fond de la forêt californienne et cela se ressent dans son livre. L'histoire se déroule au fin fonds des bois, un peu à l'écart du monde, loin de toute civilisation. Avec son écriture rapide, percutante, digne des plus grands auteurs de polars, Tess Sharpe m'a fait tourner frénétiquement les pages de ce roman, souvent jusqu'au milieu de la nuit !



L'enfance d'une héritière d'un empire mafieux

Harley McKenna est la fille unique d'un chef de la mafia, Duke, qui dirige d'une main de fer les trafics de drogue et d'armes dans tout le nord de la Californie. Elle a 8 ans quand elle voit son père tuer un homme pour la première fois, quelque temps après qu'elle ait assisté à la mort violente de sa mère. Dès lors, son père, en guerre avec une autre famille, va lui apprendre à survivre, va la modeler en petite guerrière lui apprenant à se méfier de tout le monde, à se défendre... et à attaquer. Tout cela en vue d'en faire son héritière. Harley grandit dans la violence, la peur et l'isolement mais aussi dans l'amour de personnes très proches, son père, oncle Jack, l'amie de sa mère Mo et son âme soeur Will.

Bien sûr, Harley souffre de cette éducation quasi militaire, violente et impitoyable que lui a donné son père, qui l'aime pourtant plus que tout. Mais cela fait aussi pleinement parti de son identité maintenant qu'elle est une jeune adulte. Son atout ? En tant que femme, les hommes des deux camps ennemis ont souvent tendance à la sous-estimer. Or, Harley est très intelligente, c'est une fine stratège qui n'a pas froid aux yeux.

Une double narration palpitante

La narratrice a 22 ans lorsqu'elle raconte ici son histoire. Elle revient sur ses souvenirs d'enfance et de jeunesse, relatant les événements terribles qui ont contribué à faire la jeune femme qu'elle est devenue (Le livre commence d'ailleurs ainsi : "J'ai huit ans la première fois que je vois papa tuer un homme". Et c'est ainsi pour chaque chapitre de son enfance... la première fois qu'elle a eu le nez cassé, la première fois qu'elle s'est battue, etc.) Elle alterne ces souvenirs avec les péripéties de sa vie actuelle. Les phrases sont courtesOn comprend dès le début qu'elle prépare quelque chose mais ce n'est que vers la fin que se déroule le fil de l'histoire.

Les "flash back" permettent de comprendre qui est la Harley d'aujourd'hui et, au fil des pages plusieurs secrets sont révélés justifiant le dénouement tant attendu. Car aujourd'hui Harley se bat pour son territoire, pour le territoire de son père. Mais elle veut changer les choses. Car Harley, derrière sa carapace de petit soldat a toujours eu bon coeur comme sa maman qui avait créé un refuge pour femmes battues "le Ruby" dont elle a hérité. La lutte contre les maltraitance des femmes, c'est son combat. Ainsi, lorsqu'une de ses protégées est retrouvée violentée par un membre du gang ennemi, c'est le déclencheur d'une rage destructrice pour Harley.
Accompagnée de sa fidèle chienne, avec l'aide de son âme-soeur Will et de son amie d'enfance, elle va braver les règles pour tenter de sauver son territoire et de leurrer tout le monde.

Un roman d'apprentissage noir et féministe

Mon Territoire est un roman d'apprentissage d'un autre genre, un récit d'émancipation d'une jeune femme formatée malgré elle, mais qui va se démener pour tracer sa propre voie. En ce sens, c'est un roman résolument féministe ! D'ailleurs, tous les personnages féminins de ce roman sont déterminés et courageux, empreints d'une certaines sagesse contrairement aux personnages masculins qui sont guidés par la soif de vengeance et la jalousie. 

C'est aussi un histoire de gangsters, une sorte de western des temps modernes écrit comme un polar, avec plein de fureur mais aussi d'espoir. 
Alors certes, on peut peut-être reprocher à la jeune autrice quelques longueurs par moment mais dans l'ensemble j'ai beaucoup aimé ce livre que j'ai dévoré en quelque jours (nuits surtout) malgré ses 556 pages.

Ce livre a été récompensé par le Grand prix des lectrices Elle 2020.

Mon territoire / Tess Sharpe, trad de l'américain par Héloïse Esquié . - Sonatine ed. 2019

Quelques citations pour se faire une idée du style :

"Bennett me déteste parce qu'il voit en quoi on se ressemble. En quoi on a été marqués, tous les deux, par des hommes aux mains pleine de sang et aux coeurs louches. Comment ce monde dans lequel on est nés nous a déjà pris davantage que tout ce qu'on aurait jamais été prêts à sacrifier." p 124

"Papa m'élève différemment parce que je suis une fille. Il ne le reconnaîtrait jamais, mais aussi fier soit-il, il me sous-estime." p 190

"Je m'y attendais, mais une boule d'angoisse se forme pourtant dans mon ventre. C'est puéril, mais puissant, cette peur résiduelle qui reste ancrée en moi. Ne viole pas les règles mon Harley."p 253

"J'ai la gorge sèche. Il faut que je me remette en route. Ils doivent tous m'attendre. Pourvu qu'ils m'attendent tous. Mais ma peur, cette foutue paranoïa, cette succession infinie d'hypothèses que Duke a gravée dans mon cerveau, me déchire de l'intérieur." p 311




mercredi 10 février 2021

Une histoire familiale poignante et captivante, un premier roman réussi pour Olivia Ruiz

Olivia Ruiz, chanteuse à la voix chaude et aérienne, parolière plutôt douée, a publié l'an dernier son premier roman devenu un best-seller de la rentrée littéraire d'automne 2020. La jeune femme avait déjà montré différentes facettes de son métier d'artiste en devenant actrice et même en réalisant un court-métrage. Elle avait également déjà publié deux textes mais La commode aux tiroirs de couleur est son premier roman.


Ce livre est "presque" un coup de coeur. Je dis "presque" car l'épilogue m'a un peu déçue. Hormis le dernier chapitre, j'ai beaucoup aimé ce livre que j'ai dévoré le temps d'un week-end.
D'inspiration autobiographique, Olivia Ruiz raconte dans ce roman une histoire familiale jalonnée de drames et de secrets tout décrivant quatre générations de femmes fortes et courageuses. 

La narratrice hérite de la vieille commode à tiroirs colorés de sa grand-mère espagnole après le décès de celle-ci. Durant toute son enfance dans le sud de la France, elle a lorgné sur cette commode mais n'avait pas le droit de l'ouvrir. Sa grand mère, l'Abuela, l'appelait son "renferme mémoire". Du coup, elle a fantasmé durant des années sur le contenu du fameux meuble. Pleine d'émotions, elle va enfin ouvrir les mystérieux tiroirs et se plonger, le temps d'une nuit, dans une histoire familiale rocambolesque et tragique dont elle ignorait de nombreux tenants.

Chaque tiroir révèle des lettres, des objets racontant le passé d'une femme, Rita, sa grand-mère, qui a traversé de nombreuses épreuves avant de devenir la femme forte, attachante et quelque peu distante qui a servi de pilier à sa petite-fille.
Du terrible sacrifice de ses parents résistants sous le régime de Franco à son exil forcé vers la France alors qu'elle n'était qu'une enfant dans les années 40, de ses difficultés d'intégration dans la société française, sa nostalgie de l'Espagne à son premier grand amour qui va bouleverser sa vie... Puis, sa vie d'adulte, de mère, puis de grand-mère, une vie jalonnée de deuils et de doutes.

C'est un récit sur l'immigration, sur les racines et l'avenir qu'on essaie de se construire, malgré les obstacles. L'auteure dépeint avec brio la réalité sociologique de l'exil et de l'intégration tout en rappelant la réalité historique de l'Espagne du milieu du XXème siècle. C'est une histoire de secrets et de drames qui ont façonné la vie d'une femme, sa grand-mère. Enfin, c'est surtout un récit sur la perte et sur l'amour. La perte des être aimés, cause de désespoir et l'amour, cause de force et de résilience...

J'ai trouvé ce roman absolument poignant et captivant, bien écrit et rythmé, oscillant entre chaleur et nostalgie, alliant franc-parler, écriture métaphorique et réflexions philosophiques.

Seul bémol : la fin. C'est vraiment dommage car, après le récit de la vie de la grand-mère, il y a un épilogue racontant la relation qu'a aujourd'hui la narratrice avec le grand-père restant. Je trouve que le roman aurait pu se terminer juste avant, cela aurait été parfait. Pour cette dernière partie, j'ai eu l'impression qu'elle fut écrite par une autre personne, il y a un trop gros décalage avec le reste de l'histoire. De plus, sans vouloir rien révéler, j'ai trouvé la fin exagérée et en décallage avec le reste du roman. Mais à chacun-e de se faire son idée !

Il n'en reste pas moins que La commode aux tiroirs de couleurs est un beau roman qui se lit avec plaisir et émotion.

La commode aux tiroirs de couleur / Olivia Ruiz .- JC Lattès, 2020

Quelques citations pour se faire une idée du style :

"Ma grand-mère depuis toujours, c'est elle qui décide, elle qui nous mate. Elle est comme sa cuisine, d'abord elle te tente irrésistiblement, te surprend, puis te violente de son tempérament épicé. Quand le repas est terminé pourtant, c'est une saveur suave qui te reste  dans la bouche, rassurante parce qu'elle te donne l'impression d'être aimé passionnément." p 14

"Je ne pouvais pas imaginer la misère qu'affrontaient ceux qui étaient restés. Je ne pouvais pas imaginer à quel point notre départ avait été vécu comme un rejet par les nôtres. Je ne pouvais pas imaginer que là-bas j'étais devenue une étrangère, une traitressen une prétentieuse petite Française." p 74

"Tu sais quoi mi vida? On s'en fiche, cette histoire c'est la nôtre, que ça leur plaise ou non. Je serai tes origines, tu seras mes racines, et on s'inventera la vie qui nous plaira. On ira où on voudra, on sera qui on a envie d'être, et on s'écrira un avenir fantastique, ensemble." p75

[ le foulard bleu] Ce bleu donnera sa couleur au reste de ma vie. Ce sera le bleu de ma liberté. De mes choix. De mes sacrifices. des sacrifices que j'ai choisi de faire en hiérarchisant mes priorités. Parce que dès que j'ai porté ce foulard, j'ai fait un bond dans le temps. Je n'ai cessé d'apprendre et de comprendre, de pardonner, de grandir, tout le temps où il a enrubanné mon cou." p 117 " Le souvenir, c'est bien quand il te porte. S'il te ralentit ou même te fige, alors il faut le faire taire. Pas disparaître. Juste le faire taire, car à chaque moment de ta vie, le souvenir peut avoir besoin que tu le réveilles pour laisser parler tes fantômes."

"Je voudrais disparaître, ou mieux, ne pas avoir existé du tout. Je voudrais qu'aucun futur ne m'attende plus jamais. Mais Cali est le cadenas qui fait de mon piège une forteresse. Pour elle, je reviendrai vers cette vie que je déteste de fond en comble et sur laquelle je n'ai plus aucune prise." p 121

mercredi 20 janvier 2021

"Conversations entre amis" : bouillon de sentiments et mal-être générationnel au coeur de ce "faux" roman d'amour

Je n'ai plus trop le temps d'écrire sur ce blog et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir envie de partager des coups de coeur ! Voici un roman lu il y a quelques temps que j'ai plutôt aimé. Sally Rooney est une jeune irlandaise qui a percé avec succès dans la sphère littéraire irlandaise et européenne à l'âge de 26 ans avec son premier roman Conversations entre amis. Son deuxième roman "Normal People" sera aussi bientôt traduit en français.

Conversations entre amis c'est l'histoire de deux jeunes femmes de 21 ans, Frances et Bobbi, qui entretiennent une relation très forte depuis quelques années. Amantes durant leur adolescente, elles sont désormais meilleures amies et, quand elle ne déclament pas des performances poétiques dans des bars de Dublin, elles aiment refaire le monde et débattre de leur place dans la société. Bobbi, issue d'une famille assez aisée est la plus rebelle et antisystème. Frances, issue d'un milieu modeste, est certes désabusée mais aussi plus sensible. Stagiaire dans une maison d'édition, elle ne cherche pas vraiment à travailler et se contente du plaisir d'écrire des poèmes. Frances est la narratrice de ce livre et on sent dès le début une certaine fragilité chez elle.

Lorsque les deux copines s'incrustent à une soirée et rencontrent Melissa, une photographe trentenaire épanouie et extravagante mariée à un bel acteur (Nick), leur quotidien se voit soudain bouleversé. Les deux couples deviennent inséparables. Melissa suscite tour à tour admiration, passion et jalousie pour les deux jeunes femmes. Nick et Melissa forment un couple plus âgé (la trentaine) et entretiennent une relation assez complexe. L'amitié entre les filles se complique lorsque Frances tombe sous le charme de Nick, le mari de Melissa, et que ce dernier n'y est pas réfractaire.
Bref, on pourrait s'attendre à une énième histoire de trio / quatuor amoureux plein de bons sentiments, mais ce n'est pas vraiment le cas.

Le roman porte bien son titre puisqu'il y a moult dialogues dans ce livre : des dialogues entre Frances et Bobbi, entre Bobi et Nick, entre les deux couples... des échanges de vive voix mais aussi par mails, toujours profonds, intelligents, alternant réflexions sur les relations humaines ou sur la société capitaliste et sentiments personnels.
On suit au fil des pages le mal-être de Frances, la narratrice, qui lutte avec ses sentiments envers Bobbi, envers Nick, envers ses parents aussi, tout en faisant bonne figure pour son entourage. Elle trompe son monde grâce à son sens de l'humour (souvent noir) et son air détaché. C'est une jeune femme brillante et passionnée, drôle aussi, mais qui a en fin de compte terriblement besoin d'attention et d'amour.

Ce qui démarque Sally Rooney et fait son succès c'est probablement son écriture fraîche et passionnée, son style désabusé, à la fois réaliste, poétique et ironique. 
Par ailleurs, derrière les histoires d'amour alambiquées se cachent d'autres sujets, plus profonds : la précarité étudiante, la solitude et le mal-être post-adolescent, le manque de perspective d'avenir, une certaine détresse psychologique de la narratrice, des soucis familiaux et, comme si ça ne suffisait pas, des problèmes de santé. Autant de thèmes traités avec pudeur mais qui renforcent le récit pour lui donner un aspect sociologique très important.

Dans l'ensemble, j'ai donc plutôt bien aimé ce livre malgré quelques longueurs vers le milieu de l'histoire et des personnages qui m'ont semblé quelque peu caricaturaux. Une lecture  agréable et intelligente qui relate des "conversations entre amis" riches et pertinentes !

Conversations entre amis / Sally Rooney, Ed de l'Olivier, 2019

Quelques citations glanées au fil des pages :

"Je ne savais pas pourquoi, mais j'étais heureuse que ma poésie soit écoutée et non publiée. Elle semblait flotter loin de moi, emportée par les applaudissements." p 38

"J'accorde de l'importance à des choses que des gens normaux estiment insignifiantes. J'ai besoin de me détendre, de lâcher prise. Je devrais essayer la drogue." p 46

"J'adorais quand il était disponible pour moi, quand notre relation était comme un document Word qu'on rédigeait et mettait en forme ensemble, ou une longue plaisanterie que personne d'autre ne pouvait comprendre." p 231

"Au lieu d'être sereine, je me sentais étrangement sans défense, comme un animal qui fait le mort. A croire que Nick pouvait traverser le doux nuage de ma peau et prélever tout ce que ma corps contenait, mes poumons et autres organes sans que je cherche à l'empêcher." p 300

"Nous étions toujours sensibles à l'humeur l'une de l'autre, échangions les mêmes coups d'oeil de conspiratrices, et nos conversations donnaient toujours l'impression d'être profondes et intelligentes" (à propos de Bobbi) p 300

"J'étais comme une tasse que Nick avait renversée, et je regardais ce qui s'échappait de moi : mes illusions sur ma valeur et ma prétention à être ce que je n'étais pas" p 352

"[...] Est-ce que je dis que je suis ta petite amie? Non. Dire ça nous imposerait une dynamique culturelle préfabriquée qui nous échapperait."p 375