lundi 30 décembre 2013

Les garçons et Guillaume... : une comédie originale mais un peu caricaturale

Les garçons et Guillaume, à table !

Après en avoir beaucoup entendu parlé, je suis finalement allée voir le film de Guillaume Gallienne, Les garçons et Guillaume, à table! sorti il y a plus d'un mois déjà.
Guillaume Gallienne, réalise ici son premier film, après une carrière de comédien à la Comédie Française, il a aussi joué dans pas mal de films français et a même fait une apparition dans le Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Il raconte dans ce premier film son adolescence, son manque de confiance en soi, la recherche de son identité sexuelle face à la personnalité écrasante de sa mère. Il se rappelle une phrase prononcée par sa mère durant son enfance : "Les garçons et Guillaume, à table!", phrase révélatrice de sa place dans sa famille qui l'a beaucoup marqué au point d'en faire un film.


Il exorcise par ce film sa jeunesse douloureuse où, faute d'avoir une stature et des goûts de garçon, son entourage est venu à le considérer comme une fille, au point où lui même finit par se prendre pour une fille ! En effet, selon les codes de sa famille bourgeoise, les garçons jouent au foot, vont à la chasse, aiment chahuter, alors que Guillaume, lui, aime discuter avec les dames de sa famille, se déguiser en princesse Sisi et se plonger dans ses pensées et déteste toute activité physique.

Bande-annonce :

Guillaume est fasciné par sa mère, bourgeoise désabusée sans cesse contrariée mais qui parvint toujours à faire bonne figure. Il passe son enfance et son adolescence en subissant les brimades de son entourage, sur sa soit-disant homosexualité, ou sa personnalité de "fille".


Le film sort de l'ordinaire premièrement par sa construction et un scénario original. Il commence par Guillaume se préparant à aller sur scène présenter son spectacle autobiographique. La narration se poursuit en faisant une rétrospective sur son enfance, sa jeunesse. Puis, par moment, on revient à des extraits de son spectacle. Sur scène, il raconte donc sa vie, qui est ensuite illustrée par le film en lui même. Des moments forts de son adolescence sont ainsi présentés de manière souvent très drôle, malgré la tristesse des situations. Par exemple, son envoi en pension de garçons où il subit brimades et humiliations. Durant tous ces moments forts de sa vie, sa mère, tellement présente dans son esprit, vient faire son apparition à tout bout de champ dans des cadres plus ou moins insolites!


L'autre particularité de ce film c'est que le réalisateur, en plus de jouer son propre personnage, interprète aussi celui de sa mère!  Cela peut paraître fou mais le résultat est bluffant et assez peu troublant finalement. De plus, cela contribue au message qu'il veut faire passer, à savoir la forte influence que peut avoir une mère sur son enfant, une sorte de fascination pour ce dernier qui veut tellement lui ressembler. Ou comment se détacher de l'emprise de sa mère, de sa famille, avoir confiance en soi, construire sa propre identité.


Dans l'ensemble, on a des scènes assez drôles, une mise en scène remarquable, un bon jeu d'acteur surtout pour l'interprétation de la mère, des dialogues intelligents, une narration fluide. 

Toutefois, j'ai eu un peu de mal à rentrer dans l'histoire au début, les extraits de spectacles m'ont par moment dérangés au milieu du film. De plus, le personnage de Guillaume au début est vraiment trop caricatural, que ce soit dans les attitudes ou dans la voix, et c'est un peu dommage. Enfin, bien que le sujet de l'identité sexuelle et du développement de la personnalité soient très justement abordés ici, le film a un petit coté impudique qui me dérange.
Dans l'ensemble, c'est un film plaisant, une comédie pour le moins originale, même si je trouve l'engouement des médias pour ce film un peu exagéré.


dimanche 29 décembre 2013

"La liste de mes envies" Et vous, que feriez vous avec 18 millions?

Et voici un autre livre de Grégoire Delacourt lu récemment. La liste de mes envies, paru en 2012, connut un grand succès en librairie et en bibliothèque et fut plébiscité par les médias. On retrouve la même écriture fluide, le souci du détail, la description des modestes gens déjà perçue dans La première chose qu'on regarde, bien que j'ai ressenti par moment une légère condescendance dans son écriture vis à vis du mode de vie des personnes de modeste condition.


L'histoire, c'est celle de Jocelyne qui tient une mercerie à Arras et rédige un blog sur la couture. Sa vie est simple, constituée de petits bonheurs qu'elle partage avec son mari Jocelyn. Toutefois, par moment, elle se sent un peu seule et nostalgique et pense à ses rêves d'enfant. 
Lorsque deux copines habituées du loto l'influence pour qu'elle gratte son premier ticket, elle se laisse tenter, sans y croire un instant. Et lorsqu'elle se rend compte qu'elle est l'heureuse gagnante de plus de dix-huit millions d'euros, elle ne saute pas de joie, ne réalise pas vraiment. Au contraire, cela l'effraie. Après des zones de turbulence dans sa vie, son couple a retrouvé une certaine stabilité, sa boutique marche bien et son blog sur la couture cartonne et lui apporte une notoriété dans toute la région du Nord.  Elle sait que l'argent peut tout faire exploser. Alors elle planque le chèque. Elle cache la vérité à son mari, ses amis, tout son entourage. Elle profite des petites joies et de l'amour simple de son mari. 
Elle se met à rêver à tout ce qu'elle pourrait faire avec cet argent et rédige la liste de ses besoins et de ses envies. Pas de palace, de voiture classe, de bijoux hors de prix, mais des envies très concrètes et accessibles comme s'acheter un nouveau fer à repasser, manger dans un bon restaurant, acheter l'intégrale des James Bond pour son mari, etc. Comme si elle ne réalisait pas tout ce qu'on pouvait faire avec dix-huit millions d'euros ou ne voulait pas y croire. Car Jocelyne sait que l'argent peut tout gâcher, que l'argent peut écraser l'amour, l'amitié, la bonté. Mais pourra t'elle le cacher éternellement?

Comme dans La première chose qu'on regarde, l'auteur raconte ici un conte moderne sur l'amour, le bonheur. L'histoire est touchante et on imagine facilement les craintes qu'on peut avoir face à un chèque de dix-huit millions, peur de voir sa vie chamboulée et le regard de ses proches changer. L'écriture est à la fois réaliste, légère mais aussi poétique. L'auteur porte un regard juste et lucide sur les relations humaines en mettant l'accent sur les défauts que sont les mensonges et la cupidité. Un conte pour lequel la morale serait : l'argent ne rend pas heureux contrairement à l'amour. Rien de vraiment nouveau, mais ce roman se lit facilement et c'est plutôt bien écrit.


Quelques citations :


"Je comprend aujourd'hui que je fus riche de sa confiance, ce qui est la plus grande richesse" p. 85

"Oui, le succès est dangereux quand on commence à ne plus douter de soi" p. 95

"Etre riche, c’est voir tout ce qui est laid puisquon a l’arrogance de penser qu’on peut changer les choses. Qu’il suffit de payer pour ça. Mais je ne suis pas riche. Je possède juste un chèque de dix-huit millions cinq cent quarante-sept mille trois cent un euros et vingt-huit centimes, plié en huit, caché au fond d’une chaussure. Je possède juste la tentation. Une autre vie possible. Une nouvelle maison. Une nouvelle télévision. Plein de choses nouvelles. Mais rien de différent."

"Je possédais ce que l'argent ne pouvait pas acheter mais juste détruire. Le bonheur. Mon bonheur, en tout cas. le mien. Avec ses défauts. Ses banalités. Ses petitesses. Mais le mien."

La liste de mes envies / Grégoire Delacourt . - Ed. JC Lattès, 2012

vendredi 13 décembre 2013

A Touch of Sin : la Chine, dans toute sa douleur

Encore un film découvert un peu par hasard : j'ai en effet gagné deux places pour assister à l'avant-première de A touch of Sin en début de semaine. C'est un film chinois réalisé par Jia Zhang Ke auteur de plusieurs documentaires sur l'industrialisation de son pays. Dans ce film, on sent d'ailleurs sa forte expérience du documentaire dans sa manière très réaliste et intime de filmer ses personnages.


Le film est découpé en quatre parties, quatre portraits de chinois usés par la vie, leur travail, leur place dans la société, écrasés par le libéralisme, les inégalités et la misère.

Bande-annonce :

Dans la première partie, un employé d'une mine se bat pour faire valoir ses droits et ceux de ses collègues après le rachat de sa mine par une société privé. Il se retrouve seul contre tous et, face au cynisme et à l’indifférence de sa hiérarchie et de ses paires, finira par péter les plombs. On a ainsi droit à des scènes à la Kill Bill, à la différence que ce vengeur solitaire n'a pas le charisme d'Uma Thurman et qu'on n'éprouve assez peu d'empathie pour lui !


Le seconde partie c'est l'histoire d'un homme solitaire qui va de ville en ville et qui se découvre une passion pour les armes à feu. S'il tire dans un premier temps pour se défendre, il n'hésitera pas à s'en servir ensuite pour tuer sauvagement d'innocentes personnes.


Le troisième portrait est celui d'une femme qui retrouve son amant dans un restaurant sur une aire d'autoroute. Ce dernier est marié et semble avoir du mal à quitter sa femme. En attendant sa décision, elle retourne à son travail de réceptionniste dans un "sauna" dans une ville proche. Face au harcèlement d'un client, elle finit par craquer également.


Enfin, la quatrième partie est consacrée à un ado qui enchaîne les petits boulots à la recherche de l'emploi qui lui permettrait de gagner suffisamment d'argent pour subvenir à ses besoins. Il trouvera un travail de serveur dans une sorte de club à hôtesses pour VIP où il rencontrera une jeune prostituée avec qui il espérera avoir une relation. Mais la réalité est différente et l'avenir semble bien compromis.


Dans l'ensemble c'est une description glauque et violente de la Chine actuelle que nous dresse le réalisateur. Les paysages sont tristes, soit laissés à l'abandon, soit en construction. Il décrit un pays en pleine industrialisation : on voit sans cesse des chantiers, des grues, des usines, on entend des bruits de moteurs et de machines. Les transports sont omniprésents : train, voiture, avion, vélo. D'ailleurs, tous ces personnages sont constamment en mouvement, à la recherche d'un avenir meilleur.
Ils ne montrent jamais leurs sentiments : pas d'embrassades lors des retrouvailles, pas de pleurs, de larmes ou d'effusion quelconque. Jusqu'à ce que la carapace de politesse se fissure pour faire exploser toute la violence et tout le désespoir qui est en eux.

La réalisation est très juste, quasi documentaire, assez brute par moment. Le rythme est lent (des fois un peu trop). Le résultat est réaliste, des fois émouvant et angoissant et on est oppressé face à cette Chine qui dévore ces citoyens. 

C'est un film très bien construit, alternant de beaux plans contemplatifs et scènes d'action subites mais l'ensemble reste assez déprimant et donne une image bien triste de la Chine.

mercredi 11 décembre 2013

"Le reste est silence", un roman émouvant sur la solitude d'un petit garçon

Le reste est silence

Voici un roman choisi un peu au hasard chez l'éditeur Actes Sud, un de mes éditeurs préférés en matière de livres étrangers.

C'est ici l'histoire de Tommy, un garçon de 12 ans qui en paraît 8. Atteint d'une malformation cardiaque, il est surprotégé par son père, devenu d'ailleurs chirurgien cardiaque, et par sa belle-mère, Alma. Se sentant exclu par ses camarades (il reçoit d'ailleurs régulièrement des mails d'insultes et de menaces), il se réfugie dans son monde imaginaire et se plait à enregistrer en cachette les conversations des adultes sur son MP3. C'est ainsi qu'il apprend de lourds secrets sur sa famille, notamment sur le décès de sa mère. Il est aussi le témoin de l'éloignement entre Alma et son père et cela l'attriste énormément. Son père, Juan, homme distant et respectable, ne se rend pas compte de la détresse de son petit garçon.
Pendant que Tommy mène son enquête sur l'histoire de sa famille, les adultes se déchirent et se retrouvent face à leurs peurs, leurs souvenirs et leur solitude. 

Dans ce livre à l'écriture délicate, on suit à tour de rôle les pensées de Tommy, garçon chétif qui observe le monde d'un point déjà très mature pour son âge, celles d'Alma, hantée par des souvenirs d'enfance et qui renoue avec son amour de jeunesse et  les pensées de Juan qui a du mal à montrer ses sentiments et s'enferme dans son mutisme. Tous trois n'arrivent plus à communiquer et il ne reste que des silences entre eux. Des silences, puis des mensonges qui les font s'éloigner, et ce, plus en plus chaque jour.


J'ai bien aimé l'écriture fluide et sensible de cette auteure chilienne que je ne connaissais pas. L'émotion est palpable à chaque page, que ce soit la tristesse, la solitude, l'angoisse (surtout vers la fin du livre!) et on est touché par l'histoire de ce garçon surprotégé et exclu qui tente de trouver sa place dans sa famille, à l'école et dans la société en général. Ne la trouvant pas, il se réfugie dans le souvenir de sa mère défunte. Au risque de s'y perdre.

Le reste est silence / Carla Guelfenbein . - Ed. Actes Sud : 2010.

Quelques citations :

"Une jeune fille de dix-huit ans est morte dans un accident et un enfant a un coeur tout neuf. Avant de me sentir trop satisfait de ma large part de responsabilité dans cette histoire, je fouille dans ma mémoire à la recherche d'un proverbe d'un grand bouddhiste sur l'absence de permanence de la vie et de l'inutilité de nos efforts à vouloir la retenir." p.62

"Troisième découverte . Comme le frêne, maman avait un dragon dans ses racines et, en dépit de ses efforts pour le vaincre, c'est le dragon qui a finit par remporter la bataille" p.278

"Il y a un espace, un espace infime, qui nous appartient. C'est là que réside notre essence. C'est lui qui fait ce que nous sommes, qui nous permet de changer le court de notre route. Comme les voiles des frégates. Parfois, il suffit d'un mouvement imperceptible pour changer les choses." p. 295