dimanche 27 avril 2014

Une histoire vraie, belle et émouvante relatée dans une jolie BD

Annie Sullivan & Hélène Keller

Ce n'est pas souvent que j'ai un coup de coeur pour une bande-dessinée, tout simplement car j'en lis très peu. Toutefois, je viens de finir la superbe BD de Joseph Lambert qui retrace avec émotion l' histoire vraie d'Helen Keler, une petite fille sourde et aveugle, et de Annie Sullivan, jeune fille diplômée de l'école pour aveugles de Perkings engagée comme perceptrice par les parents de la petite fille afin de l'aider à communiquer avec son entourage.

L'histoire 
Il s'agit d'une histoire vraie qui s'est déroulée à la fin des années 1880 en Alabama, dans le sud des Etats-Unis. Ce livre, m'a permis de découvrir l'histoire touchante de cette petite fille brusquement coupée du monde et incomprise par ses proches et de celle de sa perceptrice, elle aussi malvoyante, seule, triste et incomprise, engagée à 20 ans pour s'occuper de cette petite fille. 
(Plus d'informations sur la biographie d'Hélène ici et sur celle d'Anne Sullivan ici).
Ce sera le début d'un long apprentissage semé d’embûches pour toutes les deux. Quand on sait qu'Helen et Annie resteront amies toutes leurs vies et qu' Helen deviendra la première personne handicapée à obtenir un diplôme, sera écrivain et une féministe engagée, on ne peut qu'admirer le travail effectué par la professeure et son élève. 

La BD 
Joseph Lambert est un auteur dessinateur de bande-dessinées américain. L'histoire d'Annie et d'Helen est son deuxième livre.
Les trois premières pages du livre montrent une silhouette grise sur fond noir qui cherche attraper une brioche mais est sans cesse reprise par un bras bleu qui essaye de la faire tenir en place sur sa chaise. 
On entre ainsi dans le monde d'Helen, qui ne voit rien ni n'entend rien et ne ressent les choses que par le toucher. Puis on passe au point de vue d'Annie qui semble épuisée par la tâche qui l'attend dès le début de l'histoire.
A travers 90 planches, l'auteur parvient à raconter avec beaucoup de justesse et d'émotion les différentes étapes de l'apprentissage d'Helen. L'intérêt du livre c'est qu'il n'est pas uniquement focalisé sur les progrès de la petite fille mais alterne passages relatant les progrès d'Helen avec d'autres rappellant l'enfance d'Annie, créant ainsi un lien entre les deux filles, toutes deux se sentant incomprises et isolées dans leur tristesse et leur colère. 

D'abord très récalcitrante à tout contact et enseignement, Helen s'habitue progressivement à la présence d'Annie et à son enseignement. Annie lui "épèle" des mots en les signant dans sa main. C'est lorsqu'elle découvre l'eau et parvient à associer le mot aux différentes formes que peut prendre l'eau, que se fait le déclic. 


Ensuite, elle ne cesse de solliciter Annie pour connaitre le nom de tous les objets qu'elle touche. Sa soif de connaissance est sans fin. Certaines planches illustrent à merveille cet apprentissage, notamment pages 40 et 41 où chaque objet (on ne voit que des formes) est marqué avec son nom dessus.


L'institut pour aveugles dont dépend Annie, avec à sa tête  le Dr Anagnos, à la fois bienveillant envers Annie mais ambitieux, voudra s'attribuer le mérite de tous ces progrès, ce qui ne sera pas sans conséquence pour Helen et Annie, qui préfèrent rester en retrait de toute attention.

Non seulement l'auteur parvient  à raconter de manière très juste cette histoire, mais il réussi aussi très bien à la dessiner, les planches sur fond noir représentant l'univers d'Helen, celui coloré correspondant à la perception d'Annie.
Cette BD met également en évidence les moeurs de l'époque : sexisme, machisme, difficulté pour les femmes de se faire une place dans la société face aux nombreux préjugés...

J'ai beaucoup aimé aussi les textes, très bien écrits. Quelques citations : 

 - " Elle a vite appris à écrire, et y prend beaucoup de plaisir. Elle absorbe l'information telle une petite éponge, sans préjugé ni cynisme. Et elle semble insatiable." (Annie à propos d'Helen)
 - " Il y aura toujours des gens pour nous insulter, volontairement ou pas. Nous n'avons aucun contrôle sur ces gens-là. Seulement sur nous même" (Dr Michael Agnanos, directeur de l'Institut des aveugles)

D'un point de vue général, c'est donc une superbe BD, attachante, passionnante,  instructive et bien faite que j'ai dévoré d'une traite! Cette BD faisait d'ailleurs partie de la sélection officielle du célèbre festival de bandes-dessinées d'Angoulème il y a quelques mois. A juste titre.

jeudi 10 avril 2014

H.Cartier-Bresson, témoin d'un siècle


Le centre Pompidou propose une rétrospective des oeuvres d'Henri Cartier Bresson depuis ses débuts, lorsqu'il s'essayait au dessin, jusqu'à ses derniers clichés dans les années 70-80, après qu'il ait pris sa "retraite". Bien sûr, la plupart des œuvres exposées sont des photographies, mais on peut voir aussi des exquises, des dessins, et même quelques films qu'il a réalisé, ce qui permet de découvrir une part de son travail que j'ignorais totalement. Au total, ce sont plus de 500 documents qui sont exposés et qui montrent les différentes facettes du photographe.

L'exposition a démarré en février et se terminera le 9 juin avant d'être ensuite mise en place à Madrid, Rome et Mexico.
Henri Cartier Bresson

Infos pratiques : L'expo ayant été pas mal médiatisée, je me doutais que je ne serai pas seule dans la salle. Toutefois, j'étais quand même étonnée de devoir attendre près d'une heure un lundi en début d'après-midi pour pouvoir y rentrer ! Si vous comptez vous y rendre, je vous conseille donc de vous armer de patience ou alors d'y aller le matin ou le soir (l'expo est ouverte jusqu'à 23h!). Cependant, l'attente n'est pas trop longue puisqu'on peut lire la biographie du photographe qui s'étale sur une longue frise pendant ce temps. Toutes les infos pratiques sur le site du centre Pompidou.


Présentation de l'expo :
La rétrospective se répartie en plusieurs parties intitulées "Signes ascendants" - "L'attraction surréaliste" - "L'engagement militant" - "Le cinéma et la guerre" - "Le choix du photoreportage" - "anthropologie visuelle" - "Après la photographie".
Un petit dépliant permet de mieux s'y retrouver et apporte de nombreuses informations, que l'on retrouve également sur les murs des salles d'expo. Il n'y a pas trop de texte, le contenu est intéressant et permet de contextualiser les photos exposées.

La première salle montre des clichés réalisés au tout début de son travail de photographe de 1936 à 1935, période durant laquelle il effectue ses premier voyage, notamment son voyage en Afrique en 1937 qui l'a beaucoup marqué. J'ai apprécié également les photos prises en Espagne, comme ce cliché montrant des enfants devant un mur dévasté.

Henri Cartier Bresson

HCB avait la capacité de prendre de photos parfaites, de choisir le bon moment pour capter de beaux clichés. Cela est dû notamment à la composition des photos, souvent bien réfléchie. Il accordait beaucoup d'importance aux formes, à la géométrie et aux nombreux jeux de lumière, d'ombre et de reflets. Les photos sont ainsi très structurées.

Henri Cartier Bresson

De plus, nombreuses sont les photos qui montrent des personnes en mouvement qui sont du coup figées dans de beaux clichés en noir et blanc. Ses photos sont à la fois poétiques et révélatrices d'une époque.

Cartier Bresson s'est rapproché du mouvement surréaliste et cela se ressent dans toute une série de photos.
J'aime beaucoup les photos de "magie circonstancielle" comme par exemple cette photo amusante d'un homme lisant un journal qui est caché par son foulard sous un coup de vent.

Henri Cartier Bresson

Une autre série de photos montre des personnages aux yeux clos, rêveurs, endormis.

Henri Cartier Bresson

Une autre partie de l'expo montre Cartier Bresson comme un militant communiste engagé. Il a notamment photographié beaucoup de mendiants, aussi bien en France, en Espagne qu'au Mexique.

Il fut engagé par de grands magazines comme Life, Paris Match et devint célèbre pour ses photos reportages. A titre d'exemple, une série de photos montrant le peuple anglais regardant le couronnement du roi Georges en 1937 à travers des miroirs, cela donne des photos assez étranges.

Henri Cartier Bresson

Il fut témoin des premiers congés payés en 1936, comme l'illustre ce cliché montrant des gens en train de pique-niquer au bord de l'eau. Une atmosphère de quiétude et de bonne humeur s'en dégage.

Henri Cartier Bresson

J'ai découvert d'HCB avait une passion pour le cinéma depuis son plus jeune âge et malgré de nombreuses tentatives pour travailler auprès de grands réalisateurs, il s'est tourné vers le dessin puis vers la photo. Toutefois, il eu l'occasion de travailler aux cotés de Renoir en tant qu'assistant et réalisa même un film documentaire sur la guerre d'Espagne en 1937. On peut voir quelques films qu'il a réalisé.

Henri Cartier Bresson a vécu également l'arrivée du nazisme, l'occupasion nazie, il s'engage alors dans la résistance et est envoyé dans un camps dont il parvint à s'échapper en 1943. Il pris ensuite de nombreux clichés de la libération de Paris et de Strasbourg.

Henri Cartier Bresson

Il fut également mandaté pour filmer et photographier le retour des prisonniers de guerre et leur désinfection au DTD. Il y a aussi une série de photo d'Oradour-sur-Glane peu de temps après le drame.

On peut voir aussi d'autres de ses photosreportages comme d'impressionnantes photos des funérailles de Ghandi alors qu'il l'avait rencontré quelques heures avant. Un autre photo reportage montre des photos de chinois face à la forte dévaluation.

Il a également réalisé quelques portaits, même si il trouvait cela plus difficile. Parmi la série de portraits exposé, j'ai particulièrement aimé un portait de Sartre sur le pont des arts à Paris.et un autre de Matisse chez lui avec ses oiseaux.

Henri Cartier Bresson

Une autre partie de l'exposition est plus axée sur ses photoreportages pour la coopérative Magnum Photos et de nombreux magazines. Ses photos seront alors diffusées dans le monde entier.
Par exemple, une série de photos consacrée à la Russie après la mort de Staline en 1954 avec notamment la construction du métro. Ou encore des clichés de Cuba juste après la crise des missiles en 1962 où se mêle dans ses clichés politique et sensualité des femmes, ou une photo montrant des militaires regardant passer une jolie fille dans la rue.

Un autre photo-reportage sur la France après mai 1968 est intitulée "Vive la France" (à retrouver dans le livre du même nom, qu'on a aussi la possibilité de feuilleter au cours de l'expo)


Dans les années 60 les journaux pour lesquels ils travaillent lui demandent de prendre des clichés en couleur. Il accepte par nécessité mais pour lui la couleur dénature le travail du photographe et il préfère les clichés en noir et blanc.
D'autres photos montrent les icônes du pouvoir, avec notamment cette photo montrant une immense statue de Staline, à coté de laquelle les passants semblent minuscules.

Cartier Bresson est aussi le témoin de l'évolution de son temps, il a photographié les débuts de l'industrialisation, avec l'arrivée des machines.

Henri Cartier Bresson

De même, quelques clichés témoignent du développement de la société de consommation et des grands magasins.

Par ailleurs, Cartier Bresson était fasciné par la foule et les grands rassemblements, on peut ainsi voir quelques clichés impressionnants de grandes manifestations.

Henri Cartier Bresson

Il fut véritablement le témoin de tout un siècle, il immortalisa les grands bouleversements (congés payés, montée du nazisme, guerre, libération, actualités en France et à l'étranger, la guerre froide, les funérailles de Ghandi, début de l'industrialisation, développement de la société de consommation...) avec des clichés à la fois réalistes et poétiques. Cette exposition lui rend un bel hommage et est très instructive.

Expostion Henri Cartier-Bresson au Centre Georges Pompidou, Paris. Du 12 février au 9 juin 2014. 
Horaires d'ouverture : 11h - 23h
Plein tarif : 13 €