jeudi 29 octobre 2015

Wahrol Underground

Voici, avec beaucoup de retard, un petit topo sur une exposition vue en début de mois au centre Pompidou de Metz : il s'agit de la rétrospective Andy Warhol Underground qui permet de (re)découvrir l'oeuvre méconnue du maître du Pop Art, en mettant en lumière l’influence de la scène musicale et de l’avant-garde chorégraphique new-yorkaises dans l’oeuvre de l'artiste. C'est également l’occasion de célébrer les cinquante ans de la rencontre de Warhol avec le groupe de rock new-yorkais The Velvet Underground, dont il fut le producteur.
On connait tous Andy Warhol pour sa série d’icônes de la célébrité comme celui de Marylin Monroe ou ses sérigraphies détournant des objets publicitaire.


Mais pour ma part, j’ignorais que Warhol s'était créé tout un univers appelé la Silver Factory. La "Fabrique", c'était un atelier immense où il créait à la chaîne ses oeuvres, exposait des photos, faisait des performances et servait aussi de scène au groupe de musique le Velvet Underground. Ca deviendra aussi un lieu à la mode fréquenté par de nombreuses stars. En témoigne tout une série de photos souvent décalées, dès fois ahurissantes, de stars de l'époque exposées dans la première salle. L'esprit de la Silver Factory est bien représenté ici, avec les murs tapissés de papier alu comme c'était le cas à l'époque, le célèbre canapé rouge, la diffusion de chansons du Velvet Underground... (cf  photo ci-dessous)


Un organigramme (photo ci-dessous) montre ce qu'était la Silver Factory avec ses nombreuses ramifications : une branche "Cinéma Underground", une branche "Musique" avec le Velvet Underground et la chanteuse Nico, une branche "Mode", une branche "Harvard" (là je ne sais pas à quoi ça correspond), une branche "Poésie", une branche "Théâtre"... Et dans chaque "branche", une floppée d'artistes travaillant avec Warhol. C'est donc toute une nébuleuse que chapeaute Andy Warhol !


On peut visionner ainsi des extraits de films underground sur des petites télés ou carrément dans une salle de cinéma installée pour l'occasion. Est-ce utile de préciser que ces films sont très contemplatifs voir bizarres ?
Par exemple, cet extrait de film où Warhol se filme le nombril. Ne craignant pas la critique, il affirmait lui même être attiré par la beauté et la célébrité d'où ce nombrilisme au sens propre comme au sens figuré.

Voici un extrait des explications concernant le cinéma underground recopié lors de ma visite :
"Underground à New-York désigne un ensemble de publications engagées, notamment contre la guerre du Vietnam avant de définir le cinéma indépendant porté par Jonas Mekas dans son "appel pour une nouvelle génération de cinéastes" en 1959. [...] Warhol se lance dans la réalisation, développe des rapports obliques à la peinture et traite des sujets interdits et des scènes de la vie moderne. Jusqu'en 1972, la fabrication et la diffusion de plus de 500 films transforment la Factory en un studio de cinéma permanent et participatif avec les superstars."
La Silver Factory, c'était donc un véritable studio de cinéma !

En poursuivant l'exposition, on arrive dans une salle où sont exposés quelques célèbres séries de portraits. Andy Warhol a en effet réalisé dans les années 60 toute une série de portraits de célébrités. Concernant la série consacrée à Liz Taylor, voici quelques explications données lors de cette exposition :
"Les stars qu'il (Andy Warhol) choisit de représenter ont toutes un rapport explicite ou implicite avec les thèmes de l'exploitation visuelle massive et de la mort. Liz Taylor, l'un des plus grands symboles du glamour hollywoodien est représentée par l'artiste alors qu'elle est gravement malade et que les médias guettent sa mort éventuelle. La sérialité des images est une réponse à la surreprésentation médiatique sordide qui accompagna ce moment charnière, entre gloire, beauté et chute supposée."

sérigraphie Ten Lizes. - encre sérigraphique et peinture à la bombe sur toile / Andy Warhol, 1963

Est exposée aussi quelques éléments de la série Electric Chair qu'il a débutée en 1963 alors que le débat sur la peine de mort battait son plein (désolée, on ne voit pas grand chose sur la photo ci-dessous). Cette oeuvre entre dans le corpus intitulé Death and Disaster, "qui reflète la juxtaposition d'images mortifères dans les médias de masse. L'image source est répétée, édulcorée, aux couleurs pop, conditionnée pour la consommation. La frivolité est ici moins un signe d'indifférence que le reflet pop détaché d'une réalité sociale." 

Electric Chair. - encre sérigraphique sur papier / Andy Warhol,1971

Andy Warhol en tant que grand amateur de musique pop et de producteur du Velvet Undergound fut sollicité par plusieurs groupes pour réaliser des pochettes de disques. On apprend qu'il a ainsi réalisé 46 pochettes de disques pendant sa carrière, aussi bien pour de l'opéra, que pour des joueurs de jazz et bien sûr, pour le Velvet Underground avec la célèbre banane.

 Velvet Underground / Andy Warhol

ou pour les Rolling Stones, la pochette avec le jeans :

Rolling Stones / Andy Warhol

En tant qu'ancien illustrateur publicitaire, Warhol reste fasciné par les représentations de la société de consommation. Il décide donc d'élever la culture de masse au rang d'art. En atteste plusieurs sérigraphies avec des objets de consommation.

Les boites de soupe Campbells :

L'exposition se poursuit avec une présentation toujours très pop, dynamique, colorée, très représentative de l'esprit Warhol comme le montre cette présentation de photos en noir et blanc sur une sérigraphie de vaches.


On peut voir aussi quelques auto-portraits de l'artiste :


Ensuite, j'apprend encore une autre facette du maître du Pop Art. Il avait lancé une revue culturelle novatrice intitulée Inter/View. Le principe était que des artistes interrogent d'autres artistes. Initialement consacré au cinéma underground, ce mensuel s'ouvre ensuite à la poésie puis à la mode et aux célébrités. La revue devient alors un outil permettant à Andy Warhol d'asseoir sa notoriété. 
Enfin, la dernière salle est consacrée à la musique avec diffusion de clips dans une scénographie toujours très pop.


Enfin, pour terminer, l'exposition montre les forts liens entre Andy Warhol et le groupe Velvet Underground dont il deviendra le producteur. Ce groupe emblématique des années 70 sera précurseur de la nouvelle scène rock et punck américaine.
On entre dans une grande salle où sont projetés sur les trois murs des images de scène du Velvet Underground avec choré déjantées, danses sado-masochiste, extraits de clips et diffusion de morceaux du Velvet à fond la caisse! De quoi être totalement  immergé dans l'ambiance Warhol / Velvet Underground à en avoir le tournis !


Dans l'ensemble, j'ai trouvé que c'est une exposition très dynamique, interactive et  fidèle à l'esprit pop de Warhol. Elle permet de découvrir les nombreuses facettes de cet artiste qui fut et est toujours très controversé. En ressortant, on se dit qu'Andy Warhol aurait été vraiment étonné de savoir qu'il a droit à une expo dans un musée !
Vous pouvez visiter l'exposition jusqu'au 23 novembre.


Pour info, une autre exposition consacrée à Andy Warhol est à voir au musée d'art moderne Paris jusqu'en février 2016. Elle s'intitule "Warhol Unlimited"


mardi 6 octobre 2015

Lamb : magnifique chronique initiatique au coeur de l'Afrique

Le film aurait pu s'appeler "L'enfant au mouton", à l'image d'une fable ou d'un conte moderne. Lamb (agneau en anglais) est un beau très film initiatique sur l’Afrique qui retrace la vie d'un petit éthiopien et de son mouton adoré. Dès les premières images, on est captivé par les superbes prises de vues de magnifiques paysages éthiopiens, très lumineux et verdoyants.


L'histoire : Ephraïm est un garçon de 9 ans qui vit dans petit village pauvre d'Ethiopie avec son père. Cette famille d’agriculteurs a vu ses conditions de vie se durcir en raison de la sécheresse. On comprend vite que la mère est décédée récemment des suites d’une famine. Ephraïm se console en passant tout son temps avec sa brebis Chuni, un animal de compagnie avec lequel il entretient un lien très fort, qui lui rappelle sa maman. Mais l'animal étant stérile, elle est menacée de finir en boulettes bien qu’ Ephraïm s’y refuse corps et âmes. Afin de subvenir à leurs besoins son père décide de partir à la capitale chercher du travail et de déposer Ephraïm chez des cousins dans une petite maison isolée au milieu des champs, en attendant son retour. 

Bande annonce :

Seul au milieu de cette famille éloignée qu'il ne connait pas, Ephraïm se sent encore plus abandonné, d'autant plus que son oncle est loin d'être sympathique à son égard... Heureusement les femmes de la maison lui montrent un peu plus de respect et d'affection. Ephraïm aime faire la cuisine. Mais dans la société africaine, un garçon, ça ne cuisine pas. Cela est un travail de femme. Aussi Ephraïm devra exercer son art en cachette. Il va se rapprocher tout doucement de Tsion, ado rebelle de la maison, qui se refuse au mariage et à la vie toute tracée de femme d'intérieur qu'on lui destine.Tous deux rêvent de liberté et d'émancipation.


Tsion

A l'approche des fêtes, Chuni le mouton risque chaque jour un peu plus d'être sacrifié. Aussi Ephraïm élabore divers stratagèmes et fait preuve d'ingéniosité pour trouver un moyen de s'enfuir avec son mouton et retourner dans son village natal. Mais il n'est pas au bout de ses peines ... 

Ephraim et Chuni la brebis

Le réalisateur éthiopien signe là un film doté d'une grande sensibilité, où l'on se prend d'affection dès les premières minutes pour ce garçon mélancolique et courageux. De plus, on est subjugué par la beauté de ces paysages qui confèrent au film une forte dimension poétique et spirituelle.


A travers cette belle histoire, c'est une peinture de la vie quotidienne en Ethiopie, des modes de vies, des traditions bien ancrées où les rôles des hommes et des femmes semblent immuables, où la religion et les croyances ont une place énorme. Mais c'est aussi une vision un peu plus gaie de l'Afrique que ce que l'on a l'habitude de voir dans les médias : des gens souriants, chaleureux, généreux, qui ont le sens de la famille, qui respectent les traditions mais savent aussi s'amuser lors des fêtes. Des gens qui se débrouillent pour survivre et ne se plaignent presque pas de leurs conditions de vie difficiles.



J'ai trouvé que Lamb est un magnifique film, émouvant et lumineux. De plus, les films africains sont encore bien trop rares aussi il est important de mettre ce cinéma en valeur. C'est donc un premier film réussi pour ce jeune réalisateur éthiopien ! D'autant plus que film a été présenté dans la catégorie "Un certain Regard" au festival de Cannes cette année et a reçu 9 récompenses notamment le prix du jury, prix le Premier Regard et le prix de la mise en scène.