Nous tombons. Tel cet avion de chasse qui se crashe dans une petite ville de Suède. Et comme ces cinq personnes qui vivent des moments difficiles au début des années 1990 et pour qui cet accident aura une incidence à des degrés divers. Sombrer dans la dépression, toucher le fond. Et se relever. Voici le thème central de ce premier roman de la suédoise Anna Platt.
Nous tombons est composée cinq histoires qui pourraient presque être des nouvelles indépendantes, cinq personnages et narrateurs différents qui, à priori, n’ont rien en commun.
Ces cinq personnes que rien ne semble relier ont pourtant chacune un point commun, cette impression de sombrer, et chaque personnage a un lien avec un autre comme on le découvre, très subtilement, au fil des pages.
Auteure de scripts pour le cinéma, Anna Platt parvient à rendre son récit très réaliste grâce à des phrases courtes, percutantes, des descriptions assez précises de l’environnement de ses personnages. Sans entrer dans le pathos, l'auteure dresse des portraits touchants de ces âmes à la dérive tout en gardant une certaine distance, sans entrer dans les détails, révélant les informations importantes au compte-goutte.
Avec subtilité, l'auteure suédoise signe là un premier roman puissant par les sujets abordés et délicat par son écriture, à forte dimension sociologique et psychologique.
J’ai lu ce livre quasi d’une traite. On est surpris jusqu’à la dernière page et on a envie de le relire ensuite pour bien comprendre les liens, souvent ténus, entre les différents personnages.
Nous tombons / Anna Platt . - Gallimard, 2020
Quelques citations :
Marie-Louise : « Lundi, je suis au bureau. Comme si de rien n’était. Comme si je n’avais pas perdu la sensibilité dans mes bras et mes jambes et ne devais pas constamment me rappeler d’inspirer et d’expirer » p . 71
Käre « La vie pulse par tous mes pores. La vie, la vie. J’essaie de garder cette sensation, de l’aspirer en moi, de la dévorer. Mais je connais les dangers de cette quête éperdue. Je sais que cette sensation aura tôt fait de disparaître. » p 54
Elis « Notre existante parallèle, à Stina et moi, est d’une perfection si vertigineuse que je suis heureux de ne pas connaître cette vie-là. Car on ne peut pas troubler un rêve. » p 207
Elis « Il se passe quelque chose de spécial avec l’oiseau qu’on veut avoir. Tous les autres pâlissent à côté et lui seul à de la valeur. » p 184
« J’ai accepté l’absurdité de la vie et mon insignifiance à titre personnel. Je ne cherche pas à laisser des traces de mon passage sur terre. Mais avant de mourir, j’aimerais bien voir un faucon kobez planer dans les airs. »