Parmi mes lectures d'été il y eut cet étonnant roman policier de Piergiorgio Pulixi. Auteur italien de romans noirs, c'est son premier livre traduit en français aux éditions Gallmeister . Une maison d'édition que j'aime beaucoup qui fait généralement découvrir les grands espaces américains mais s'ouvre dorénavant aux cultures des autres pays. J'adore notamment les jolies couvertures colorées de leurs livres. C'est d'ailleurs la superbe couverture de ce roman qui m'a tapée dans l'oeil !
Un meurtre horrible et mystérieux a lieu en Sardaigne et deux enquêtrices que tout oppose sont amenées à travailler ensemble. Cela pourrait nous faire penser à un roman policier des plus classiques mais ce n'est pas le cas.
L'auteur décrit avec émotion et en connaissance de cause (puisqu'il est sarde) la Sardaigne de l'intérieur, avec ses montagnes, ses forêts, ses maquis, ses lieux de cultes ancestraux et fascinants, les Nuraghe, qui sont ici des scènes d'horribles crimes.
J'ai lu ce polar tellurique avec beaucoup d'attention. C'est un roman policier qui s'intéresse davantage au cheminement des enquêteurs qu'à l'enquête elle-même. L'histoire est bien construite, richement documentée sur les cultures ancestrales.
C'est un roman qui aborde également d'autres sujets comme le poids du passé, l'héritage culturel, l'émancipation, etc.
Il n'y a pas de rebondissement spectaculaire et la fin m'a semblée comme suspendue. Cependant, j'ai trouvé que ce polar était fort original, bien écrit, intriguant invitant à la réflexion.
Pulixi signe un très bon roman noir ethno-psychologique.
Quelques citations :
"Eva se laissa aller à penser que certaines personnes étaient des digues. Mais pas dans une acception négative. Des digues qui, d'un regard, d'un mot ou même par leur simple présence, te permettaient de te glisser dans ton propre torrent existentiel, sans débordement, sans qu'un élan sentimental soudain te submerge d'un trop-plein de vie, de coeur, de larmes. Des digues/ Pour que le courant ne perde pas de sa force. Des digues. Pour garder le regard fixé vers l'horizon de ses désirs." p 67.
"Toutes les affaires d'homicides ne sont pas identiques. Certaines te collent à la peau pour toujours. Tu les portes en toi comme des cicatrices. Au bout de quelques années, elles cessent de te faire mal et tu n'y prête plus attention. Elles deviennent une partie de toi. Le tissu cicatriciel s'atténue au point que tu finis par ignorer sa présence. Mais il suffit d'un détail, d'une odeur, d'un regard ou d'un mot pour réinfecter la plaie, pour rouvrir la boîte de Pandore que tous les enquêteurs ou presque gardent en eux, laissant libre cours à des souvenirs corrosifs et à une culpabilité aussi sournoise que des parasites intestinaux." p 427
"[...] Moi je crois plutôt que l'homicide brise un équilibre vital, et que si cet équilibre n'est pas rétabli d'une manière ou d'une autre, le défaut de justice crée des ondes chaotiques qui se répercutent sur nos vies à tous : policiers et victimes. Le mal qui n'est pas cautérisé génère un mal nouveau, dans une spirale infinie."p 429