mardi 18 septembre 2012

Rien ne s'oppose à la nuit

Rien ne s'oppose à la nuit c'est un extrait d'une chanson de Bashung (Osez Joséphine) c'est aussi le titre du dernier livre de Delphine de Vigan.
D'habitude je déteste les bouquins où l'auteur raconte sa vie et s'essaie à la psychologie de comptoir dans le but d'émouvoir facilement, de vendre davantage d'exemplaires de son livre sous prétexte que c'est une "histoire vraie"... Habituellement, j'aime les romans qui nous transportent dans d'autres époques, d'autres contrées... Mais j'ai tellement entendu parler du dernier ouvrage de Delphine de Vigan que j'ai voulu me laisser entraîner, par curiosité, pour voir ce qu'il avait d'exceptionnel. Et j'ai finalement été surprise, touchée  par ce récit et ai lu ce livre assez rapidement.


Les premières pages m'ont un peu lassé : l'auteure parle de l'histoire de sa famille, elle explique sa démarche et pose le contexte. Mais petit à petit on se laisse vraiment entrainer par son écriture délicate et magnifique, on sent peser le mystère sur cette famille et on appréhende l'arrivée de drames. Il s'instaure donc une sorte de suspens, ce qui est assez rare dans un roman autobiographique. Car Delphine De Vigan livre ici sa propre histoire, ou plutôt l'histoire de sa mère, Lucile, issue d'une grande fratrie et qui, à l'âge adulte souffrit de graves troubles bi-polaires. L'auteure mène une sorte d'enquête sur l'entourage de sa mère pour essayer de comprendre ce qui a pu la pousser à la folie. Elle fouille dans son passé, au risque de rouvrir de vieilles blessures, sur sa propre enfance notamment.

Loin d'être impudique, ce roman présente avec tendresse les différents membres de sa famille, montre les failles de cette tribu apparemment unie et heureuse où pourtant subsistent les non-dits au risque d'influer sur le mental des enfants. L'auteure aborde de nombreux sujets douloureux : la mort de proches, l'inceste, la solitude, la détresse psychologique, les relations familiales, l'hérédité, le handicap, etc.
Par contre, certains personnages qui ont pourtant eu un rôle déterminant dans l'évolution de Lucile sont abordés de manière assez superficielle, comme le père de Lucile, cet homme imposant au passé trouble, qui peut être tendre et drôle mais aussi oppressant et dur envers ses enfants, ou encore cette mère qui tient à garder sa famille de neuf enfants la tête hors de l'eau, malgré les catastrophes qui se succéderont... On peut regretter ce manque de profondeur mais on peut également l'expliquer par le fait que l'auteure décrit son histoire de son point de vue, sans détenir toute la vérité sur sa famille, ignorant tous les détails.

De ce livre ressort une grande force, un combat pour la vie, pour l'amour. L'auteure alterne les chapitres où elle retrace le passé de sa mère et ceux où elle raconte son travail d'écrivain, les difficultés qu'elle a rencontré pour écrire cet ouvrage, l'aide qu'elle a reçu de ses proches. Entre roman, biographie et documentaire, Rien ne s'oppose à la nuit est un livre original que j'ai finalement lu d'une traite.

Quelques citations :  

"L'écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle de poser des questions et d'interroger la mémoire."

"Le noir de Lucile est comme celui du peintre Pierre Soulages. Le noir de Lucile est un Outrenoir, dont la réverbération, les reflets intenses, la lumière mystérieuse, désignent un ailleurs. 
Lucile est morte comme elle souhaitait: vivante. Aujourd'hui, je suis capable d'admirer son courage."

"Lucile avait édifié les murs d'un territoire retiré qui n'appartenait qu'à elle, un territoire où le bruit et le regard des autres n'existaient pas"

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