mercredi 25 mai 2016

"Julieta" : le grand retour d'Almodovar au portrait de femme, tout en subtilité

Après l'incongru "Les amants Passagers" et l'effrayant "Le Piel que Habito", Pedro Almodovar revient, avec Julieta, aux beaux portraits de femmes comme dans ses films cultes Volver, Parle avec Elle, Tout sur ma mère.



L'histoire :
Julieta a la cinquantaine et s’apprête à quitter Madrid pour partir vivre avec son compagnon au Portugal. C'est alors qu'elle rencontre par hasard une jeune femme au détour d'une rue. Cette rencontre va la bouleverser au point de la faire renoncer à ses projets. On apprend alors que Julieta a une fille dont elle semble ne plus avoir de nouvelles depuis bien longtemps. Qu'est-ce-qui a bien pu arriver pour qu'une mère et sa fille soit ainsi coupées l'une de l'autre? Quelle part de son passé cette rencontre hasardeuse a-t'elle fait ressurgir ?

Bande-annonce :


Cette rencontre inopinée rallume la flamme d'un espoir qui s'était tari avec les années : celui de retrouver sa fille. Elle décide alors d'écrire son histoire en vue de lui envoyer si elle retrouve un jour sa trace. Et c'est ainsi qu'on est plongé dans le passé de Julieta, en parallèle de son histoire actuelle.

Julieta aujourd'hui (à droite)

Le scénario est bien ficelé avec cette histoire gigogne qui mélange les périodes de la vie de Julieta : quand elle a 25 ans, puis la trentaine puis quarante et enfin l'époque actuelle lorsqu'elle a la cinquantaine. On suit l'histoire de cette femme meurtrie par la vie et on est témoin des changements de son apparence au fil des décennies : son regard se remplit de tristesse et de mélancolie, ses traits se fatiguent....
D'ailleurs, le réalisateur a fait appel à deux actrices pour interpréter Julieta : la sublime Adriana Ugrate interprète la Julieta jeune, sensuelle et lumineuse et Emma Suarez interprète la Julieta d'aujourd'hui, avec beaucoup de grâce et de gravité. Et la transition entre les deux Julieta se fait de manière très subtile vers le milieu du film.

Julieta jeune

Comme à son habitude, Almodovar propose des images très belles et colorées. Certaines scènes sont magnifiques, très travaillées et à forte dimension onirique, comme une scène dans un train au début du film... Chaque détail a son importance, on s'en rend compte surtout à la fin.

Julieta, la trentaine

Le rythme est prenant et on se laisse vite embarquer dans l'histoire. Almodovar a un don pour conter des histoires simples de manière originale et poétique. Les personnages sont hauts en couleurs et les actrices formidables. Les rôles secondaires ont tous leur importance car ce sont eux qui influent sur la vie de Julieta. On retrouve notamment Rossy de Palma, actrice fétiche d'Almodovar, dans le rôle d'une gouvernante froide, curieuse mais tout de même attachante.

Marian, la gouvernante

Comme souvent, le réalisateur espagnol met à l'honneur des femmes amoureuses, blessées et courageuses. On retrouve dans ce film des sujets qui lui sont chers : les histoires d'amour compliquées, les relations mères-filles, les blessures secrètes.... Mais Julieta est aussi un film émouvant sur le poids des non-dits et des secrets, sur la culpabilité, les regrets et sur la transmission. Pedro Almodovar signe ici une sorte de fresque biographique sur le temps qui passe qui n'épargne personne, que ce soit par la vieillesse, la maladie, la mort ou simplement le destin.

Julieta la quarantaine

Julieta, sans être révolutionnaire, est un "vrai" film d'Almodovar, magnifique, sobre, mélancolique et d'une grande sensibilité.

Le film est inspiré d'une nouvelle d'Alice Munro, Fugitives.
Julieta a été nommé au festival de Cannes dans les catégories Prix du Jury, Prix de la mise en scène et Grand Prix.

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