jeudi 20 novembre 2014

le pouvoir des mots face à l'oppression : "La voleuse de livres" un beau roman très émouvant

La voleuse de livres est le gros succès littéraire de l'année 2007. Avec sept années de retard, je viens donc de terminer ce beau livre de Markus Zusak. L'auteur est australien et a écrit ce roman à même pas 30 ans. Fils d'une mère allemande et d'un père autrichien, il a dû être particulièrement sensible à l'histoire de l'Allemagne sous le régime nazi. Son roman a rencontré un énorme succès mondial et a même été adapté en film l'année dernière.



En voici un livre original, puisque la narratrice est la Mort en personne. La "grande faucheuse" est très sollicitée pendant cette période de guerre. En effet, l'histoire se déroule en Allemagne, entre 1939 et 1943, à Molching, dans la région de Munich, à quelques kilomètres du tristement célèbre camps de Dachau.

Le récit commence comme une sorte de zoom sur une fillette pour laquelle la Mort s'est pris d'affection. Dans les premières pages, celle-ci présente d'ailleurs l'histoire à venir : "c'est l'histoire de quelqu'un qui fait partie de ces éternels survivants, quelqu'un qui sait ce qu'être abandonné veut dire. Une simple histoire, en fait, où il est question, notamment : 
-D'une fillette;
-De mots;
-D'un accordéoniste;
-D'Allemands fanatiques ; 
-D'un boxeur juif;
-Et d'un certain nombre de vols"
On suit alors l'histoire de Liesel, 13 ans, qui se voit placée dans une famille d'adoption par sa mère qui n'a plus les moyens de l'élever. Durant le trajet qui l'emmène à son nouveau foyer, son jeune frère décède. Cet événement la hantera pendant de nombreuses années. Lors du bref enterrement de celui-ci, Liesel trouve un livre par terre. Même si elle ne sait pas lire, elle est attirée par l'objet et l'emmène avec elle. Arrivée dans sa famille d'accueil, elle fait connaissance avec sa nouvelle maman, Rosa, une femme assez rustre mais qui cache en fait un grand coeur, et de son "papa" tendre et attentionné avec qui elle va très vite se lier. Ce dernier lui apprendra à lire chaque nuit quand elle se réveillera de ses cauchemars. Elle va découvrir alors que le livre qu'elle a "volé" est en fait "le Manuel du fossoyeur" ! Rien de très palpitant pour apprendre à lire, mais pourtant, Liesel le lira attentivement chaque nuit avec son papa.
Elle se lie aussi rapidement d'amitié avec un jeune garçon, Rudy, qui deviendra son compagnon des rues avec qui elle jouera au foot et chapardera quelques pommes.

Mais l'insouciance de l'enfance est bientôt rattrapée par la montée en puissance d'Hitler. Si, au début du roman, le nazisme est plutôt perçut avec légèreté par les enfants, avec les après-midis passées aux Jeunesses hitlériennes, les défilés, le culte du sport, les "Heil Hitler" à tout bout de champs, etc. , l'ambiance se fait de plus en plus grave au fur et à mesure que l'on tourne les pages. Et Liesel se sent vraiment concernée lorsqu'un jour un jeune homme prénommé Max, auquel est lié son papa, se présente à sa maison pour demander de l'aide...

Lorsqu'un autodafé a lieu sur la place du village, quelques livres vont résister aux flammes et ce sera l'occasion pour la jeune fille de "voler" (ou plutôt sauver ! ) un deuxième livre. Or, elle est effrayée lorsqu'elle s'aperçoit que la femme du maire l'a vu faire! Avant de se rendre compte que celle-ci lui ouvrira encore d'autres portes...
La voleuse de livres, c'est  l'histoire d'une fillette d'abord fascinée par l'objet livre qui finit par trouver un véritable refuge dans la lecture. Son talent de lectrice sera même "exploité" lors des attaques aériennes pour calmer les foules ainsi que par sa voisine, une femme taciturne. 

Ce roman témoigne de la guerre vue du coté des allemands qui l'ont subie, c'est un point de vue intéressant car assez méconnu. Car oui, les allemands ont aussi souffert de privations, des bombardements, des persécutions. Et il y a eu des allemands résistants, ou au moins réticents, à la folie du nazisme ainsi que des allemands persécutés.

L'écriture du roman est tantôt poétique, tantôt journalistique, mais toujours très sensible. L'auteur sème par-ci, par-là quelques mots allemands, notamment les "Saumensch" employés à tout bout de champs par Rosa. La forme de l'écriture est également particulière, puisqu'au début de chaque chapitre est présenté une sorte de "liste des grands points" qui vont être abordés ensuite, certains passages sont en gras, d'autres plus centrés etc. ce qui contribue à une certaine légèreté dans l'écriture pour en fait relater des faits assez dramatiques.
La force de ce roman tient également au fait que l'auteur parvint à faire ressortir pour chaque personnage sa part d'humanité, de courage et de tendresse.
Et la narratrice, la Mort, apparaît comme un spectre apaisant, qui prend toujours soin des âmes qu'elle emporte avec elle et pose un regard empli de tendresse et de pitié sur toutes ces pauvres victimes de la Guerre.

La voleuse de livres est un roman bien écrit qui se lit avec facilité, c'une une histoire captivante et intéressante de part le sujet traité et la manière dont c'est raconté. Enfin, c'est un livre très émouvant qu'on est ravi d'avoir lu mais qu'on regrette une fois la dernière page tournée.


Quelques citations :

"[...]Et comme souvent, au moment où j'ai entamé mon voyage, une ombre s'est de nouveau esquissée, un moment d'éclipse final - la reconnaissance du départ d'une autre âme. Car malgré toutes les couleurs qui s'attachent à ce que je vois dans ce monde, il m'arrive souvent de percevoir une éclipse au moment où meurt un humain. J'en ai vu des millions. J'ai vu plus d'éclipses que je ne pourrais m'en souvenir." (p 18)

"[...] Au moment où j'allais glisser mes mains à travers les couvertures, j'ai senti un renouveau, une force contraire qui repoussait mon poids. Je me suis retirée. Avec tout le travail qui m'attendait, c'était bon d'être combattue dans cette petite pièce obscure. Je me suis même offert un petit moment de sérénité, les yeux clos, avant de sortir." (p. 310)

"Combien parmi eux avaien-ils activement persécuté d'autre personnes, enivrés par le regard d'Hitler, répétant ses phrases, ses paragraphes, son oeuvre? [...] J'aimerai beaucoup connaître la réponse à chacune de ces questions, même si je ne peux me prêter à ce jeu. Ce que je sais, c'est que ce soir-là, tous ces gens ont senti ma présence, à l'exception des plus jeunes? [...] Les Allemands terrés dans ce sous-sol étaient dignes de pitié, sans aucun doute, mais au moins ils avaient une chance. Ce sous-sol n'avait rien d'une salle d'eau. On ne les envoyait pas sous la douche. Pour eux, l'existence pouvait encore se poursuivre. " (p. 367)

" Parfois, ça me tue, la façon dont les gens meurent." (p. 450)

"Les bombes arrivèrent. Bientôt, les nuages s'embraseraient et les gouttes de pluie froide se changeraient en cendres. Des flocons brûlants arroseraient le sol." (p. 480)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire