mercredi 3 juin 2015

La garçonnière : Un roman palpitant, émouvant,surprenant et superbement écrit !

La garçonnière est un superbe roman écrit d'une main de maître par Hélène Grémillon, jeune auteure française qui s'est fait connaitre par Le Confident en 2010  (voir mon avis ici ).
J'ai dévoré ce deuxième roman et le recommande chaudement.
Bien que le titre soit peu évocateur, ce récit parle de l'Argentine post dictature, d'un pays qui tente de tourner la page, d'amour, d'une vie de couple, de sexe, de psychanalyse, de blessures enfouies, d'enfants disparus et bien sûr, de secrets.



L'histoire : en 1987, à Buenos Aires, un psychanalyste, Vittorio, retrouve son appartement saccagé et sa femme, Lisandra, défenestrée. Accusé par la police de l'avoir poussé par la fenêtre, il est alors placé en détention. Mais une de ses patientes, Eva Maria, est  convaincue de son innocence et va mener sa petite enquête. Eva Maria est une femme blessée, solitaire, meurtrie par la disparition de sa fille il y a des années qu'elle pense avoir été kidnappée par la junte. Hantée par ce souvenir, elle se plonge dans cette enquête à corps perdu et n'est pas au bout de ses surprises.
Elle enquête alors sur les proches de Vittorio et notamment ses patients. Puisque le psychanalyste enregistrait toujours la dernière séance de ses patients sur des cassettes, elle a matière à réfléchir.
Ainsi, on est ému en même temps qu'elle par le témoignage d'Alicia, une femme aigrie pleine de regrets, jalouse des femmes plus jeunes et de sa beauté perdue. On est intrigué puis écueuré par le passé de Felipe, un ancien membre de la junte militaire. On est ému et horrifié par le témoignage de Miguel, un pianiste emprisonné par la milice sous la dictature qui a subit les pires atrocités.
Au fur et à mesure de son enquête, Eva Maria découvre que tout le monde a des secrets et pourrait faire un suspect potentiel. Et que les apparences sont souvent bien trompeuses.
Qui était réellement Lisandra? Quel était son secret à elle? Pourquoi est-elle morte?

Sans révéler le dénouement, je peux juste dire que la fin est terrible et complètement inattendue et que c'est vraiment dans les toutes dernières lignes qu'on comprend le titre du roman.
Le plus tragique, c'est que l'auteur indique en prologue que son récit est inspiré d'une histoire vraie.

L'écriture est originale, remarquable. C'est un mélange de genres narratifs et de figures de style, avec, par exemple, des passages sans ponctuation ou d'autres avec des phrases très courtes. Cela rend son écriture souvent percutante, directe, et a pour effet de mettre le lecteur à bout de souffle tout comme les personnages et de le tenir en haleine tout au long du roman. Un style qui est pour beaucoup à la réussite de ce formidable roman, entre thriller psychologique, enquête, témoignage historique et drame intimiste.
A lire rapidement !



Quelques citations :

"quarante-neuf cinquante cinquante et un cinquante-
Vittorio c'était le bon elle l'a tout de suite senti

deux cinquante-trois cinquante-quatre cinquante-cinq
ses questions ses réponses et même leurs silences leurs

cinquante-six cinquante-sept cinquante-huit cin-
désaccords elle a toujours été à l'aise avec lui jamais

quante-neuf soixante soixante et un soixante-
nias ou arrogant ni jamais insidieux quand elle avait

deux soixante-trois soixante-quatre soixante-cinq
envie de rire c'était une envie de rire complice pas

soixante-six soixante-sept soixante-huit soixante-neuf
une envie moqueuse mesquine rire de lui de ses interpré-
[...] " p55.

"[...]On a beau dire, les mots réduisent tout, la parole a beau tenter d'être précise, elle ne pourra jamais rendre compte du dilatement du temps, son débit devrait varier comme un métronome pour respecter l'espace-temps d'une action. La seule chose de bien avec la parole, c'est qu'elle délivre la voix, pour le reste, elle n'est pas fiable.[...]" p 169

"La Monstruosité ne se considère jamais monstrueuse, elle trouve toujours des raisons de s'exercer, en son sein, les actes de torture deviennent des actes de justice, des honneurs même, mais il ne faut jamais excuser les Monstres, jamais, à moins d'être le dernier des salauds."

"Sans souvenirs, nous serions des hommes libres. La mémoire est la mauvaise fée du temps. Les souvenirs en sont les forces obscures. Aucun souvenir n'apporte la joie réelle, la sérénité. Regrets, remords, les souvenirs sont des tas de petites cloches discordantes qui vibrent en nous. Et plus la vie passe, et plus la petite musique des souvenirs dissone"

" Je hurle. Je suis la fille du Temps, je suis la mère de la Justice et de la Vertu. Je me demande pourquoi la Vie ne m'offre pas le pouvoir d'éclater toujours. Je suis La Vérité. Et je hurle de me souvenir." p 323

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