jeudi 9 mars 2017

"Les désastreuses aventures des orphelins baudelaire", une série soignée empreinte d'un pessimisme burlesque plutôt réjouissant

Adaptée de la série littéraire du même nom, Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire est une belle série diffusée actuellement sur Netflix. Les treize livres qui constitue cette saga écrits par Lemony Snickers (Daniel Handler) publiés entre 1999 et 2006 sont devenus un grand succès de la littérature jeunesse.


Je n'ai pas lu les romans aussi je ne pourrai me prononcer sur la qualité de cette adaptation en série télévisée mais je l'ai trouvé originale, fantasque et très esthétique.
Le générique du début, qui change à chaque épisode puisqu'il reprend les images de l'épisode précédent, annonce la couleur : c'est une histoire tragique, "Éteignez vos télés" chante le narrateur...


Un conte fantasque à la narration éminemment pessimiste

Trois enfants apprennent soudainement par un drôle banquier qu'ils sont devenus orphelins, leurs parents ayant péris dans un incendie. Pas de cris, pas de larmes, tous trois savent ménager leurs émotions et gardent leur tristesse pour eux. Ce banquier, monsieur Poe, un homme naïf et ambitieux, est chargé de gérer leur héritage et de les placer chez leur tuteur de substitution. En attendant, il les logent chez lui dans le seul but d'obtenir la reconnaissance de ses pairs et une éventuelle promotion.

de gauche à droite : Mr Poe, Klaus, Prunille, Violette et la juge Abbott

Violette est l’aînée des enfants. A 14 ans, elle est dotée déjà d'une grande maturité et entièrement dévouée à la protection de son frère et de sa petite soeur. Intelligente et dégourdie, elle est particulièrement douée pour la physique et la mécanique. Autre signe particulier : quand elle a besoin de se concentrer, elle s'attache soigneusement les cheveux avec ses deux mèches de devant.
Klaus est lui aussi un petit génie mais c'est dans les livres qu'il trouve le savoir. Il est doté d'une très bonne mémoire et quand il a besoin de réfléchir, son tic à lui c'est de nettoyer ses lunettes.
Leur petite soeur, Prunille, est encore un bébé mais ses balbutiements sont souvent l'expression de pensées lucides et sont compris par ses proches. Et puis, c'est déjà un bébé bien particulier : non seulement elle ne pleure jamais mais en plus elle aime croquer des "trucs durs" avec ses dents pointues et acérées !
Ces enfants dégourdis et faciles à vivre ne demandent qu'un simple foyer pour les accueillir. Mais c'est sans compter la détermination d'un être vil et vénal, le comte Olaf, bien déterminé à devenir leur tuteur légal afin de mettre la main sur leur héritage. Et pour cela, il use de toutes les combines possibles, endossant différents rôles avec l'aide de sa troupe de complices, des personnages loufoques qu'on dirait sortis tout droit d'un cirque.

Le comte Olaf

Dès le début, un narrateur méta fictif Lemony Snicket apparaît, s'incrustant dans le décors afin de raconter d'une voix grave, sur un ton pessimiste et dans un style littéraire recherché les aventures de ces orphelins, ne cessant d'insister sur leur destin tragique, puisqu'il connait déjà la fin de l'histoire. On le retrouve tout au long des 8 épisodes sans jamais vraiment savoir qui il est par rapport aux enfants, on dirait une sorte d'inspecteur obsédé par leur destin tragique.

Le narrateur

Le comte Olaf est à la fois drôle et effrayant, superbement interprété par Neils Patrick Harris. Au début, il recueille les enfants dans son manoir sombre et insalubre considérant ces derniers comme des domestiques, voir ses esclaves. S'en suivent plusieurs rebondissements qui vont amener les enfants à changer sans cesse de tuteur, tous plus extravagants les uns que les autres : après le banquier crédule, ils vont être placés sous la garde de Montgomery, un oncle italien jusqu'alors inconnu, scientifique loufoque qui collectionne les plantes et les reptiles. Puis c'est au tour de tante Joséphine, une ancienne aventurière désormais craintive, solitaire et un peu timbrée qui vit dans une maison au bord d'une falaise, face à un mystérieux lac. Tous ces personnages adultes un peu félés sont superbement interprétés.

Tante Joséphine et le Comte Olaf

Les enfants ne sont donc pas au bout de leur surprise avec cet imposteur qui les poursuit, se faisant passer pour un proche bienveillant. Les rebondissements sont nombreux. En parallèle on suit aussi les péripéties d'autres personnages, mais je ne peux en dire plus. Le tout constitue une intrigue intéressante, riche et captivante.

Une réalisation esthétique bourrée de références, une ambiance rétro tragico-burlesque

La réalisation est toujours très soignée. Les couleurs dans les tons pastels ou gris rappellent l'univers de l'enfance et des contes. L'ensemble donne une photographie poétique, belle et douce ainsi qu'un petit coté rétro et intemporel. On pourrait croire que ça se passe dans les années 50 puis, d'un coup, il est mention d'Internet ou de TV en streaming ce qui donne un coté décalé et original à cette série.

la maison de la tante Joséphine

C'est également une série très référencée. Par l'esthétisme des décors, surtout dans le premier épisode, elle n'est pas sans me faire penser à Grand Budapest Hotel , pour les aventures des enfants il y a un petit coté Charlie et la chocolaterie et, enfin, l'ensemble des personnages et l'ambiance de la série font évidement penser aux films de Tim Burton... En effet, tous les personnages sont hauts en couleur, loufoques et un peu cinglés.

les complices du comte Olaf

On retrouve plein de symboles et d'éléments récurrents au fil des épisodes. Que ce soit les apparitions d'un mystérieux oeil, associé au machiavélique comte Olaf ou encore d'étranges horloges que possèdent les tuteurs successifs des enfants. Nombreuses sont les références littéraires et les clins d’œil au cinéma, notamment aux vieux films d'espionnage. Bref, on ne s'ennuie pas un instant tellement chaque détail, visuel ou verbal, a son importance.

Violette et Klaus avec le comte Olaf

Cette série est à la fois drôle, pleine de second degré, cynique et pessimiste. Elle regorge de scènes décalées et burlesques. Le narrateur donne une belle définition du ton général de la série lorsqu'il explique que les orphelins Baudelaire subissent régulièrement l'"ironie dramatique" et de préciser, sans cesse : "vous devriez échapper à ce récit désolant avant qu'une vague de mélancolie vous engloutisse à nouveau dans un flot de malheur". Le ton est donné !

Klaus et le comte Olaf

Comme je le disais déjà en introduction, c'est une série très littéraire : les textes sont riches, intelligents, contenant beaucoup de jeux de mots (exemples pour les noms des lieux : le lac rymal, le débarcadère de Damoclès, etc.), les dialogues souvent théâtraux mais aussi plein de réflexions philosophiques et métaphysiques.
Les acteurs sont excellents, en particulier les rôles des adultes qui ont tous un grain de folie! Les enfants paraissent bien plus matures qu'eux en fin de compte. (ou de comte :-) )

Enchantée par les premiers épisodes, j'ai été un peu lassée vers le milieu de la saison -une fois qu'on a compris le schéma narratif récurrent des enfants qui veulent échapper au comte mais qui se font sans cesse rattraper- puis de nouveau agréablement surprise par la fin qui est... inattendue. C'est sûr que, pour les lecteurs des romans, il y a moins de suspens, mais la narration est originale et visuellement il y a plein de trouvailles, donc laissez vous quand même tenter !

Une série loufoque, intelligente, esthétique et captivante. Vivement la saison 2 !

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