jeudi 22 novembre 2012

Rengaine : du cinéma très indépendant


Rengaine est un film coup de poing, insolite et remarquable car réalisé en 9 ans sans aucun moyen par un novice : Rachid Djaidani. 


Interviewé dans Première du mois de novembre, cet ancien boxeur passionné de cinéma raconte que le film a été construit sans scénario mais pas sans but et que le matin il partait en "mode tortue ninja" dans Paris, caméra sur l'épaule, à la rencontre des gens. "C'est un film hors la loi filmé sans aucun soutien des institutions" dit il, fini au bout de neuf ans, grâce à l'amour du cinéma du réalisateur et de ses amis comédiens amateurs.

Et cela se ressent tout au long de ce film. Déjà celui-ci est filmé en caméra à l'épaule, donc ça bouge, ça saccade, les visages sont filmés en gros plans, les scènes s’enchaînent et ne se ressemblent pas. J'ai trouvé cela assez perturbant au début, mais c'est également ce qui donne le dynamisme du film. Le tout donne un long-métrage brut, sans artifice mais très réaliste, qui s'approche beaucoup du documentaire dans la manière d'être filmé.


L'histoire c'est celle de Dorcy, noir chrétien, et de Sabrina, algérienne musulmane, qui s'aiment et souhaitent se marier. Lorsque les frères de Sabrina apprennent que leur unique soeur s’apprête à épouser un noir, la plupart ont la même réaction : un noir et une rebeu ça ne se fait pas. Les réactions seront similaires du coté de Dorcy : aucune chance pour que cela soit accepté par la famille. Et sans l'aval des frères et des parents, pas de mariage d'après les traditions. Il faudra donc une détermination sans faille aux deux amoureux pour essayer de convaincre leurs proches qu'au delà de la couleur de peau, de la religion et des traditions, l'amour est plus fort.

Bande-annonce :


C'est une fable moderne. Après Ali Baba et les 40 voleurs, voici Sabrina et ses 40 frères... Le grand frère fera de l'annulation de ce mariage son idée fixe, son obsession.  Il ira tour à tour voir tous ces frangins (39!) (mais heureusement on ne les voit pas tous!) du plus jeune et prêt à la bagarre au plus âgé -et surement le plus sage- pour essayer d'avoir des informations sur Dorcy et les convaincre que leur soeur doit annuler son union. Si certains lui demandent de laisser leur soeur vivre sa vie, la plupart auront la même réaction : pas moyen que leur soeur épouse un renoi. Ça ne se fait pas. Ils invoquent les traditions, le respect de la famille, de la religion. A cela, Sabrina, fière, la tête haute répondra "Dans cette famille je suis certainement celle qui les respecte le plus les traditions" en faisant allusion à l'hypocrisie et au machisme de ses frères qui se permettent des entorses à la religion quand ça les arrange et  lui font ensuite la morale car cela touche leur orgueil.


Le grand frère est d'ailleurs fortement tourmenté par le poids que pèse ses origines, ses traditions et sa religion dans sa vie personnelle. Tout cela sera dévoilé au fur et à mesure du film, on découvrira toute l’ambiguïté du personnage.

C'est un film sur le choc des cultures et des traditions dans une société "melting pot" mais où, si la mixité est accepté entre copains, elle est encore impensable lorsqu'il s'agit union.


Un film sur le cinéma également : le jeune Dorcy veut devenir comédien et se démène pour trouver des rôles, rappel sans doute des galères rencontrées par le réalisateur et beau clin d'oeil au 7ème art, notamment avec une scène mémorable au milieu du film qui prête vraiment à confusion! 

Dans l'ensemble, un bel hommage au cinéma indépendant, un message d'espoir également, que ce soit dans la réalisation du film ("quand on veut aller au bout de ses rêves, il faut se donner les moyens et être patient". Ici le réalisateur aura attendu 9 ans) ou dans le message délivré : l'amour peut briser des chaines. Attention toutefois aux amateurs de happy end, vous risquez d'être déçus, le film se finit de manière assez abrupte, à nous d'imaginer la fin que nous aimerions!

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