mercredi 18 octobre 2017

Un roman noir sur l’ambiguïté de l'amitié porté par une écriture sensible et poétique

René Frégni est un écrivain français, plus précisément marseillais, qui eut une vie d'aventurier (voir sa bio) avant de se consacrer à l'écriture. Baroudeur, déserteur, infirmier psychiatrique puis animateur d'atelier d'écriture en prison, ses romans, notamment le dernier, ont une grande part d'autobiographie.
Les vivants au prix des morts et son quinzième roman, et pourtant le premier que lis.


Quand un observateur optimiste du monde tend la main à un évadé de prison...

Le narrateur, René, est écrivain, observateur optimiste du monde qui l'entoure, de la nature, des femmes et en particulier de sa compagne, la jolie institutrice. Il s'est d'ailleurs installée chez elle, dans la grande demeure familiale située dans une belle vallée de Provence.
Il tient un journal où chaque jour il décrit les petites joies du quotidien, les merveilles de la nature, sa relation avec Isabelle... Les mots, c'est toute sa vie. D'ailleurs, pendant plusieurs années, il a animé des ateliers d'écriture à la prison des Baumettes, un moyen de permettre aux détenus de s'évader avec leur esprit. Dorénavant, il profite de l'air frais de la campagne.
Mais un jour, il reçoit un appel de Kader, un détenu qui venait régulièrement à ses ateliers il y a quelques années. Ce dernier vient de s'évader une nouvelle fois de prison et lui demande de l'aide. Étrangement, sans même réfléchir, René accepte. Sans s'en rendre compte, il met alors le pied dans un engrenage dont il aura dû mal à sortir !

...son paisible quotidien s'en voit fortement perturbé

Il héberge secrètement Kader dans son petit appartement de Manosque, qu'il a déserté pour venir vivre chez Isabelle. Ce coup de main dans une situation d'urgence, d'abord provisoire, tend  pourtant à s'éterniser et les problèmes ne vont pas tarder à arriver.

"Les vivants au prix des morts" c'est 'histoire d'un homme qui aime les mots, la nature, les gens et qui voit sa vie basculer après avoir pris une décision rapide venant du coeur, celle d'aider un homme à priori sympathique oubliant que celui-ci est un fugitif, un malfrat. S'il met de coté les préjugés et ses principes, il n'en reste pas moins qu'il prend dès lors un certain nombre de risques en se mettant hors-la-loi.

Un roman noir un peu ambigu porté par une écriture sensible et poétique 

Je suis partagée sur ce roman. D'un coté je l'ai trouvé agréable à lire, c'est bien écrit, sensible, poétique. Il y a de belles descriptions de la nature, des gens. De l'autre, j'ai trouvé l'histoire quelque peu simpliste et surtout, le narrateur, René, un peu crédule. Au final, on se demande si son coup de main à un évadé qui se transforme vite en complicité est le résultat d'une innocente bêtise ou s'il n'était pas en quête d'aventure, de piment dans sa vie, pour devenir ainsi le personnage d'un roman qu'il aurait pu écrire... S'il semble dès fois conscient de se faire dépasser par les événements et regretter sa position délicate, il n'envisage toutefois à aucun moment de trahir son ami malfrat.
En tout cas, c'est une histoire qui fait réfléchir sur nos actes, nos intuitions, l'absence de jugements et de préjugés.
Ce qui est déstabilisant c'est que le narrateur et l'auteur ne font qu'un et on se demande qu'elle est la part de vérité dans cette histoire !

Il n'en reste pas moins que "Les vivants au prix des morts" est un bon roman noir, intéressant, très ancré dans l'actualité (on y parle des attentats de Bruxelles par exemple) et qui se lit agréablement bien. Malgré quelques réticences, j'ai tout de même lu ce livre en deux jours.



Quelques citations :

"Tout le monde devrait s'amuser à jeter quelques mots, sans trop réfléchir ni avoir peur, sur la page blanche de chaque jour. Comme on ramasse quelques pierres, plates et rondes, le long d'une rivière, pour le plaisir de les lancer dans un miroir plein d'oiseaux, de lumière et de nuages, et les voir rebondir dans une longue phrase de perles d'eau." p.16

"J'aurai aimé tenir mon bol de café, dans le silence de la cuisine, en guettant les troupes de pinçons qui giclent des forêts et envahissent les haies sous leur capuchons gris, observer les premiers couples de verdiers fouettés de jaune, voir s'allumer plus haut la cime des grands chênes blancs." p 45

"J'étais heureux dans ce petit vallon. J'ouvrais ce cahier chaque matin et j'étais ébloui par la liberté que m'offrait la blancheur vierge de chaque page, comme je l'étais dans le silence de tous ces chemins. Libre de marcher, d'écrire, de rêver." p 120

"[La pie] Prédatrice et ouvrière, comme nous les hommes. Nous avons bâti des merveilles, nous les détruisons. C'est là sans doute le mystère du monde. La puissance aveugle et merveilleuse du printemps qui explose partout, sans avoir prononcé le mot "bien" et le mot "mal".p 137

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